AMPLIFICATEUR DIFFERENTIEL A TRANSISTORS BIPOLAIRES NPN Philippe ROUX © 2005 2 1ère PARTIE : PRESENTATION DU MONTAGE L’amplificateur différentiel (figure1) est un dispositif électronique à deux entrées et deux sorties. Il est alimenté par deux sources d’alimentations de tensions opposées : +VCC et –VEE (le plus souvent VCC = VEE). Ceci pour éviter les circuits de polarisation habituels (entre base et masse) et les condensateurs de liaisons dans les bases des transistors. Aussi, ce montage offre la possibilité, sous certaines conditions qui seront développées, d’amplifier la tension continue différentielle d’entrée VED= VE1-VE2, contrairement aux montages fondamentaux habituels. +VCC Entrées Sorties Ampli différentiel VED VE1 VE2 VSD VS2 -VEE VS1 Figure 1 La présence des deux sorties VS1 et VS2 offre à l’utilisateur deux possibilités d’exploitation : • Lorsque la différence VSD des deux sorties VS 1 et VS2 est utilisée, le montage est dit « symétrique ». L’éventuel étage amplificateur suivant comportant alors deux entrées doit être aussi de type différentiel. • Lorsqu’on exploite uniquement la sortieVS1 (ou VS2) le montage est « dissymétrique ». Ce mode de fonctionnement est celui des amplificateurs opérationnels qui comportent deux entées (notées + et –) et une seule sortie VS. Le montage différentiel a pour fonction principale l’amplification de la tension différentielle d’entrée VED. Il est caractérisé par son gain différence Ad défini selon : Ad = VS 1 − VS 2 V = SD VE 1 − VE 2 VED (1) Cependant le montage est aussi sensible à la somme des tensions continues d’entrées : (VE1+VE2). En effet, les entrées VE1 et VE2 peuvent varier tout en conservant une différence constante. On parle alors de « mode commun » caractérisé par le gain de mode commun Ac tel que : Ac = VS 1 + VS 2 VE 1 + VE 2 (2) Calculons à l’aide des relations (1) et (2), l’expression des tensions VS1 et VS2 : 1 (3) ( Ad (VE 1 − VE 2 ) + Ac (VE 1 + VE 2 )) 2 1 (4) VS 2 = − ( Ad (VE 1 − VE 2 ) − Ac (VE 1 + VE 2 )) 2 Les relations (3) et (4) montrent qu’en mode « dissymétrique », les tensions VS1 (ou VS2) seront proportionnelles à la tension différentielle d’entrée VED à condition que le gain de mode commun Ac VS 1 = 3 soit très faible vis-à-vis du gain différence Ad . Aussi, on définit un coefficient de qualité du montage, le facteur de différentiation Fd ou (R)apport de (R)éjection du (M)ode (C)ommun : Ad (5) Ac Un amplificateur différentiel de bonne qualité doit donc posséder un Fd > 80 dB). Fd = R. R. M .C. = La figure 1 ne rend pas compte physiquement du mode commun, aussi on préfère représenter les entrées continues selon la figure 2. VE1 +VCC V − VE 2 1 E1 2 Sorties + + VED VSD + 3 VE1 + VE 2 2 Ampli différentiel 2 VE 2 − VE1 2 VE2 Entrées -VEE VS2 VS1 Figure 2 : Mise en évidence aux entrées du mode différence et du mode commun • Pour analyser le montage en « mode différence », on annule le générateur n°3 et l’on tient compte uniquement des générateurs n° 1 et n°2. On remarque alors que la relation : VED = VE1-VE2 est encore satisfaite. • Pour analyser le montage en « mode commun », on annule les générateurs n°1 et n°2 et l’on tient compte uniquement du générateur n°3. Cette méthode qui sera utilisée par la suite revient en fait à appliquer le théorème de superposition. Elle permettra de mettre en évidence le gain différence et le gain de mode commun des montages proposés. 4 2ème PARTIE : AMPLIFICATEUR DIFFERENTIEL A TRANSISTORS BIPOLAIRES NPN EN MODE CONTINU La figure 3 représente le schéma de base d’un amplificateur différentiel à transistors bipolaires NPN. Ces transistors sont supposés rigoureusement identiques et soumis à la même température soit 300 K. Les résistances de charge RC sont aussi identiques. Ce montage est donc celui d’un circuit intégré qui est le seul capable de satisfaire à ces critères. Les tensions d’entrées VE1 et VE2 sont des tensions continues de valeur évidemment différente. +VCC = +15 V IC1 RC VE1 1 10 kΩ VE1 − VE 2 2 B1 10 kΩ VS1 RC VS2 T2 T1 + + VED VBE2 VBE1 B2 VE 2 − VE1 2 2 VE2 + 3 VE1 + VE 2 2 IC2 R I0 -VEE =-15 V Figure 3 : Amplificateur différentiel à transistors bipolaires NPN identiques. 1 Polarisation du montage La résistance R reliant le point commun d’émetteur à la tension d’alimentation négative assure la polarisation des transistors. Pour obtenir le point de repos des transistors, on relie les bases B1 et B2 à la masse de telle manière que la tension différentielle d’entrée VED soit nulle (figure 4). +VCC = +15 V I C2 repos IC1 repos RC 10 kΩ 10 kΩ RC T2 T1 VBE1 VBE2 R I0 -VEE =-15 V Figure 4 : Etude de la polarisation des transistors 5 VBE repos ) (6). UT Sachant que les transistors sont identiques, on a de plus ISBC1 = ISBC2 (même courant inverse de saturation de la jonction bloquée base-collecteur). Le montage indique : VBE1-VBE2 = 0 soit : VBE1=VBE2. Compte-tenu de la loi (6) les courants de repos de collecteur sont alors égaux. Le courant Io est tel que : Io = IC1 repos + IC2 repos. On a donc : Les transistors T1 et T2 obéissent à la loi : IC repos = I SBC exp( I0 V − VBE 1 R = EE I0 2 Pour un courant I0 de 1 mA, la résistance R de polarisation doit être de 14.4 kΩ. IC 1 repos = IC 2 repos = 2 Analyse du montage en « mode différence » +VCC = +15 V IC1 RC 1 IC2 10 kΩ VE1 − VE 2 2 B1 10 kΩ VS1 RC VS2 T2 + T1 VED VBE2 VBE1 + B2 V − VE1 2 E2 2 R 14.4 kΩ I0 1 mA -VEE =-15 V Figure 5 : excitations du montage en mode différence Selon la méthode d’analyse indiquée en première partie, pour étudier le mode différence, seuls les générateurs continus 1 et 2 excitent le montage. Sachant que VE1 est une tension ayant une valeur différente de celle de VE2, les courants de collecteurs IC1 et IC2 sont alors différents. Cependant leur somme est toujours égale à I0 (on suppose que le gain en courant de T1 et T2 est important). La relation (6) permet d’écrire : V V IC 1 V − VBE 2 IC 2 = I SBC exp( BE 2 ) IC 1 = I SBC exp( BE 1 ) = exp( BE 1 ) soit : UT UT IC 2 UT Sachant que : VED = VBE1-VBE2 et IC1+IC2 = I0 , on obtient finalement les relations : IC 1 = I0 1 + exp(− VED ) UT (7) et IC 2 = I0 1 + exp( VED ) UT (8) L’évolution des courants IC1 et IC2 en fonction de la tension VED est donnée en figure 6. 6 mA 1 IC2 IC1 0.75 0.5 0.25 150 125 100 75 50 25 0 25 50 75 100 125 150 VED (mV) Figure 6 : Graphes des courants de collecteur en fonction de VED. Pour des tensions VE D comprises entre –25 mV et 25 mV, la figure 6 indique que les courants IC1 et IC 2 sont sensiblement proportionnels à VED (pour VED nulle on retrouve les courants IC repos). Recherchons pour le courant IC1, l’expression représentative de cette linéarité. A cet effet, calculons l’expression du coefficient directeur de la relation (7). V exp(− ED ) dIC 1 I dIC 1 I UT = 0 . . Pour VED nulle on obtient : = 0 V dVEd 4.UT dVEd UT ( 1 + exp(− ED )) 2 UT I I0 VED + 0 4.UT 2 L’expression linéaire du courant IC1 s’écrit donc : IC 1 = De même pour le courant IC2 on obtient : IC 2 = − I I0 VED + 0 4.UT 2 (9) (10) La figure 7 montre que les expressions (9) et (10) représentées par des cercles approchent les relations (7) et (8) dans la zone de linéarité (de l’ordre de 25 mV autour de 0 volt). Zone linéaire 0.8 mA mA IC2 IC1 0.6 0.4 0.2 30 20 10 0 10 20 30 VED (mV) Figure 7 : Comparaisons entre les relations (7),(8) et les relations (9) et (10). 7 Recherchons l’expression de la tension différentielle de sortie VSD dans la zone de linéarité Exprimons les tensions VS1 et VS2 : VS1=VCC - RC.IC1 et VS2=VCC - RC.IC2. On en déduit : VS1-VS2 = - RC. (IC1-IC2) En utilisant les relations (9) et (10) on obtient : I0 . RC V 2.UT ED Le graphe correspondant est donné en figure 8 sous la forme de cercles (le trait plein correspond à la courbe de VSD avec les relations (7) et (8)). VSD = VS 1 − VS 2 = − 10 VSD (V) 5 VED (mV) 30 20 10 0 10 20 30 5 10 Figure 8 : Graphe de VSD en fonction de VED dans la zone de linéarité. Dans la zone de linéarité, le gain différence de l’amplificateur différentiel est tel que : ` Ad = − I0 Rc 2UT (11) En introduisant la transconductance par ailleurs identique des deux transistors ( gm = on peut écrire : Ad = − gm Rc soit -200. 3 I crepos UT ), Analyse du montage en « mode commun ». Comme il a été indiqué dans la présentation, pour mettre en évidence le mode commun, on V + VE 2 . réunit les bases des transistors et on leur applique (figure 9) la tension E 1 2 Dans ces conditions, la tension VBE1 de T1 est égale à la tension VBE2 de T2 aussi, les courants de collecteurs IC1 et IC2 sont égaux à I0/2. Recherchons l’expression des tensions VS1 et VS2 : I I VS 1 = VCC − RC 0 VS 2 = VCC − RC 0 2 2 On en déduit : VS 1 + VS 2 = 2VCC − RC I0 Sachant que : I0 = VEE + VE 1 + VE 2 − VBE 2 , il vient : R 8 V + VE 2 RC (VEE + E 1 − VBE ) R 2 VS 1 + VS 2 = 2VCC − +VCC = +15 V IC1 RC IC2 10 kΩ 10 kΩ VS1 B1 RC VS2 T2 T1 + VBE2 VBE1 3 VE1 + VE 2 2 B2 R 14.4 kΩ I0 1 mA -VEE =-15 V Figure 9 : Excitation du montage en mode commun La somme des tensions de sortie est donc proportionnelle à la tension commune d’entrée. Le coefficient de proportionnalité (figure 10 : graphe 1) représente le gain de mode commun : Ac = − Rc 2R (12) soit : 0.347 L’amplificateur présente alors un défaut mis en évidence dans l’introduction. Son coefficient de qualité : Fd = Ac/Ad = 576 soit 55 dB est trop faible. 25 22.5 1 2 VS1+VS2 (V) 20 17.5 15 10 8 6 4 2 0 2 4 6 8 10 VEE2 (V) VE1+V Figure 10 : Graphe du gain de mode commun Ac. Pour palier à ce défaut il faut remplacer la résistance R par un générateur de courant idéal I0 de 1 mA. Ainsi, la somme des tensions de sortie serait indépendante de la tension de mode commun. En effet on aurait alors : VS 1 + VS 2 = 2VCC − RC I0 . Le graphe 2 de la figure 10 représente cette relation qui conduit à Ac nul et Fd infini. 9 3° PARTIE :AMPLIFICATEUR DIFFERENTIEL A TRANSISTORS BIPOLAIRES NPN EN MODE SINUSOIDAL PETITS SIGNAUX Le montage est maintenant excité par deux tensions sinusoïdales : • ve1 = Ve1m sin (ωt) 1 • ve2 = Ve1m sin (ωt) de même fréquence et telles que leur différence d’amplitude soient comprise dans la zone de linéarité. Analyse du montage en mode différence. ve 1 − ve 2 2 v ed = v e 1 − v e 2 + + E B2 B1 ib1 rbe rbe ib2 βib2 βib1 R C1 vs1 ve 2 − ve 1 2 RC C2 vs2 RC Figure 11 : schéma aux petites variations pour le gain différence. Le schéma équivalent aux petites variations relatif au mode différence est donné en figure 11. Calculons l’expression du gain différence Ad. v s2 = −β. RC .ib 2 v ed = rbe ( ib 1 − ib 2 ) v s1 = −β. RC .ib 1 v s1 − v s2 = −β. RC ( ib 1 − ib 2 ) v − v s2 R Ad = s1 = −β C = − gm RC v ed rbe ICrepos I Sachant que : gm = , où ICrepos = 0 , il vient alors : UT 2 Ad = − I0 RC 2UT (13) On obtient naturellement la même expression que celle qui a été établie en mode continu (relation 11). Le gain différence est égal à –200. v Calculons la résistance d’entrée différentielle du montage : Red = ed ib 1 ved = rbe ib1-rbe ib2 On va montrer que les courants ib1 et ib2 dont opposés. En effet : 10 ve 1 − ve 2 ve 2 − ve 1 = rbe ib 1 + R( β + 1)( ib 1 + ib 2 ) = rbe ib 2 + R( β + 1)( ib 1 + ib 2 ) 2 2 La somme des deux équations donne : 0 = ( ib 1 + ib 2 ).( rbe + 2 R( β + 1)) La solution de cette dernière équation est évidemment : ib1+ib2 = 0. La résistance d’entrée différentielle est donc : Red = 2 rbe = 2β UT ICrepos Pour obtenir une résistance d’entrée différentielle importante, il faut choisir des transistors à gain en courant élevé et polariser avec un courant de repos de collecteur faible. 2 Analyse du montage en mode commun. Le schéma équivalent relatif au mode différence est donné en figure 12. Calculons l’expression du gain différence Ac. On remarquera que les transistors ont le même courant de base ib. En effet, les résistances rbe sont égales et la tension vbe est unique. On a encore : v s1 = −β. RC .ib v s2 = −β. RC .ib v s1 + v s2 = −2βRC ib - ve1 + ve 2 2 + B1 ib B2 ib vbe rbe rbe E βib βib C1 vs1 u RC R C2 RC vs2 Figure 12 : schéma aux petites variations pour le gain de mode commun. ve 1 + ve 2 u et l’équation au nœud E donne : 2( β + 1)ib = R 2 En éliminant la tension u entre les deux expressions, il vient : v + ve 2 ib ( rb e + 2 R( β + 1)) = e 1 2 On en déduit le gain de mode commun : D’autre part : u = − rbe ib + Ac = v s1 + v s2 βRC =− ve 1 + ve 2 rbe + 2 R( β + 1) (14) 11 Pour rbe<< 2R.(β+1) et β>>1, les relations 12 et 14 sont identiques. 3 Coefficient de différentiation Fd. Exprimons le coefficient de différentiation du montage : A 2 R( β + 1) Fd = d = 1 + Ac rbe V − VBE 1 U Sachant que : R = EE et rbe = 2β T , I0 I0 Fd ≈ 1 + Il vient : VEE − VBE 1 UT (15) Le facteur de qualité Fd est constant et de valeur (577 soit 55 dB) beaucoup trop faible. Le montage doit être amélioré. 4 Amélioration du montage par l’intermédiaire d’une polarisation utilisant une source de courant continueI0 de 1 mA. La figure 13 représente l’amplificateur différentiel dont la résistance R qui assurait la polarisation des transistors T1 et T2 a été remplacé par une source de courant de résistance interne Ri, utilisant trois transistors identiques, T3, T4 et T5. La résistance R1 de 600Ω fixe le courant de repos de T3 à 1mA. Le gain différence Ad du montage est alors inchangé (voir relation 11). +VCC = +15 V IC1 RC ve1 ve 1 − ve 2 2 10 kΩ v s1 RC v s2 T2 T1 ved + ve1 + ve 2 2 10 kΩ B1 + IC2 + B2 ve 2 − ve 1 2 I0 1mA ve2 1.15 mA T4 T3 R1 12 kΩ R2 T5 600Ω - VEE = -15 V Source de courant Figure 13 : Le montage différentiel muni d’une source de courant continu de 1mA. 12 Que devient le gain de mode commun ? Pour effectuer son calcul, on doit reprendre la figure 12 dans laquelle la résistance R est remplacée par la résistance interne Ri de la source de courant. Cette résistance Ri sedétermine en appliquant aux petites variations, la méthode habituelle de l’ohmmètre entre le collecteur C3 du transistor T3 et la masse. Le schéma correspondant est donné en figure 14. rce3 rbe3 + u i E3 C3 β ib3 ib3 B3 1/gm4 R1 - R2 1/g m5 Req Figure 14 : détermination de la résistance interne Ri de la source de courant. Sachant que la résistance équivalente Req est négligeable devant rbe3, on obtient : Ri = rce 3 ( 1 + β R1 R1 + rbe 3 ) (16) Avec β = 100 et rce3 = 100kΩ, on obtient : Ri = 20 rce3 soit 2MΩ. Dans ces conditions la relation (14) permet de calculer le gain de mode commun chute à la valeur : Ac = -2,5 10-3 et le facteur de différentiation est égal à 80.103 soit 98 dB. L’amplificateur différentiel est alors de très bonne qualité.