REVUE DE PRESSE UNE MOUETTE ET AUTRES CAS D`ESPÈCES.

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REVUE DE PRESSE
UNE MOUETTE ET AUTRES CAS D’ESPÈCES.
Libre réécriture de La Mouette d’Anton Tchekhov par Édith Azam, Liliane Giraudon,
Nathalie Quintane, Annie Zadek / Prologue : Jacob Wren / Epilogue : Angélica Liddell
Mise en scène et scénographie : Hubert Colas
ON A PARLÉ D’UNE MOUETTE et autres cas d’espèces...
• dans la presse écrite française
- Ventilo, Barbara Chossis, 20 avril 2016
- Sortir La Provence, Marie-Eve Barbier, 20 avril 2016
- Zibeline, Gaëlle Cloarec, 23 avril 2016
- La Provence, Marie-Eve Barbier, 25 avril 2016
- La Marseillaise, 25 avril 2016
- La Marseillaise, Philippe Amsellem, 28 avril 2016
- Libération, Anne Diatkine, 29 avril 2016
- La Provence, Marie-Eve Barbier, 29 avril 2016
- Zibeline, Marie-Josée Dho, 21 mai 2016
• sur le web
- journalventilo.fr, Barbara Chossis, 20 avril 2016
- theatredublog.unblog.fr, Philippe du Vignal, 8 mai 2016
• à la radio
- Web-Radio Zibeline, Entretien de Liliane Giraudon réalisé par Alain Paire au sujet de la réécriture
d’une partie de La Mouette d’Anton Tchekhov commandée par Hubert Colas, décembre 2015
- Radio JM, «L’invité d’Elsa», Elsa Chabot, 19 avril 2016
- Radio Grenouille, «Turn the light on», émission animée par Emmanuel Moreira, 22 avril 2016,
rediffusion les 24 et 28 avril
- Radio Grenouille, «Une Mouette ou les fantômes de Tchekhov», Emmanuel Moreira, 25 avril 2016,
rediffusion les 27 et 29 avril
PRESSE RÉGIONALE
Bimensuel régional
7
20 avril 2016
SUR LES PLANCHES
TOUR DE SCÈNE | UNE MOUETTE ET AUTRES CAS D’ESPÈCES PAR DIPHTONG CIE AU THÉÂTRE DU GYMNASE
L’Interview
Hubert Colas (Diphtong Cie)
Dans Une Mouette et autres cas d’espèces, Hubert Colas poursuit son exploration des écritures contemporaines en convoquant
six auteurs pour réécrire la pièce mythique de Tchekhov. Rencontre avec l’auteur et metteur en scène autour de la création.
Qu’est-ce qui fait sens aujourd’hui dans
La Mouette ?
C’est le chemin des artistes, de la
littérature et de l’œuvre en soi. A quel
moment une œuvre résonne-t-elle dans
le monde d’aujourd’hui ? A quel endroit
l’implication de l’artiste fait sens dans
sa vie et en fonction de ce qui se passe
autour de lui ? C’est en ce sens que la
pièce de Tchekhov fait œuvre dans une
contemporanéité car elle est réécrite par
des auteurs d’aujourd’hui. Tchekhov et la
pièce ne parlent pas de maintenant dans
son écriture ; elle nous raconte des choses
de l’humanité : les écrits des auteurs
sur les relations humaines dépassent
toute époque, c’est la structuration de la
modernité finalement qui change, et le
propos de la littérature utilisé ici existe de
tout temps. Or, ce qui m’a le plus intéressé,
c’est la façon dont des auteurs d’aujourd’hui
se saisissent de cette langue, de ce propos
et du débat intergénérationnel qui
existe dans La Mouette. Les oppositions
qui existent entre Treplev et Trigorine
m’intéressent pour interroger ce qui avec
le temps transforme un être humain.
Pourquoi avoir choisi une réécriture
plutôt que le texte original ?
C’est un ensemble de choses qui m’ont
amené à demander à des auteurs de
réécrire La Mouette. D’abord, l’histoire de
ma compagnie et d’avoir dans un premier
temps monté mes propres textes, en tant
qu’auteur-metteur en scène, puis d’avoir
choisi ensuite Gombrowicz qui était une
écriture aux antipodes de ce que je pouvais
écrire moi-même mais qui m’intéressait
au sujet des relations interhumaines : la
façon dont nous interagissons les uns avec
les autres et nous transformons suivant
comment les gens nous pressentent.
Cette dualité de l’existence existe chez
Gombrowicz, et Le Mariage est en réalité
une satire d’Hamlet. Par le chemin de ces
deux pièces, j’en suis arrivé à me dire que si
je montais des pièces non contemporaines,
elles seraient hantées par Hamlet. Et le
travail parallèle que je fais à Montévidéo
ou dans le cadre du festival Actoral m’a
amené à me questionner sur la pièce de
Tchekhov, où se posent les questions de
la littérature, des formes, des générations,
de ce qui pousse un écrivain à écrire. Je
me suis alors demandé ce qui poussait des
acteurs à jouer une langue d’aujourd’hui
et je me suis dit que le plus juste était de
convoquer des écrivains pour donner une
parole de leur époque aux acteurs. Si les
acteurs questionnent la forme théâtrale
ou la forme de la littérature, autant que ça
soit avec des auteurs d’aujourd’hui qui leur
racontent par leurs filtres à eux le monde
et les dualités qu’ils perçoivent.
Comment ces différentes propositions
sont-elles reliées ? Avez-vous trouvé le fil
invisible qui les lie les unes aux autres ?
Le fil est le fantôme de la pièce de
Tchekhov. Nous mettons en éveil le fait
que nous serions plus une bande d’acteurs
qui se saisit d’une pièce mythique et
s’interroge sur pourquoi monter cette
pièce aujourd’hui. Et nous faisons cette
action en direct avec le public. Un des
fils rouges est le statut même de l’artiste
qui décide de travailler un texte et d’en
faire son propre corps et de le révéler au
moment où ça se passe. Les figures que les
acteurs portent qui se retrouvent d’acte
en acte sont composées différemment
par les auteurs. Chacun des auteurs se
saisit d’une forme liée à son écriture pour
trouver l’expression de la littérature, du
théâtre et de l’affectif. Tchekhov, comme
© Sam Taylor-Johnson, Bram Stoker’s Chair VII
Vous faites un parallèle entre Hamlet et
La Mouette, quelles sont d’après vous les
ressemblances entre ces deux pièces ?
Il y a d’abord les références directes
que Tchekhov y met, il en fait même
des citations par moments. Ensuite,
la structuration de La Mouette est
quasiment la même qu’Hamlet sur les
figures principales : Treplev, le jeune
auteur-metteur en scène est la figure
d’Hamlet, Arkadina celle de Gertrude,
Trigorine celle de Claudius et Ophélie se
retrouve elle aussi partagée entre Nina et
Macha. Ce sont les mêmes composantes,
à part que l’enjeu qu’on retrouve ici n’est
pas un enjeu de pouvoir politique mais
de pouvoir littéraire. La dualité se fait à
cet endroit-là et l’équivalence se retrouve
également en termes d’affectif. Chez
Hamlet, il y a aussi des enjeux d’amour, et
il y a dans La Mouette le même dispositif.
On a l’impression que Tchekhov a été
inspiré, qu’Hamlet l’a impressionné au
sens d’une mémoire et qu’il s’y est glissé
en réinventant une autre pièce.
Shakespeare, met en dualité ce qui
gouverne les hommes, l’affect, l’amour, et
son déterminisme de vie.
Comment traitez-vous le rapport avec le
public dans cette pièce ?
Par la forme et ce qui habite beaucoup mon
travail, soit un cadre de représentation
immédiat où l’oralité et l’écriture semblent
s’inventer spécifiquement pour ce qui est en
train de se passer. Essayer de comprendre
comment l’acteur se met en prédisposition
de cet état et se prépare à rencontrer le
public pour qu’une improvisation de la
langue ait lieu au temps présent. Accepter
que la présence du public soit un élément
de la manifestation théâtrale. Il n’y a pas de
théâtre sans public. Il y a un engagement
d’humanité entre l’œuvre présentée et le
public. Il y a quelque chose de l’ordre de
l’inouï d’être au même endroit au même
moment et de partager cette vie que
nous menons. Le théâtre pose un temps
particulier à cette expression de la vie en
communauté. Le théâtre est un paradoxe
en réalité dans nos vies.
Propos recueillis par
Barbara Chossis
Une mouette et autres cas d’espèces par Diphtong Cie :
du 26 au 30/04 au Théâtre du Gymnase (4 rue du
Théâtre Français, 1er).
Rens : 08 2013 2013 / www.lestheatres.net
Pour en (sa)voir plus : www.diphtong.com
Retrouvez l’intégralité de cette interview sur
www.journalventilo.fr
Une mouette et autres cas d’espèces par Diphtong Cie au Théâtre du
Gymnase
Rubrique Sur les planches , le mercredi 20 Avr 2016 dans Ventilo n° 372
L’Interview
Hubert Colas
www.journalventilo.fr
20 avril 2016
Dans Une Mouette et autres cas d’espèces, Hubert Colas poursuit son exploration des
écritures contemporaines en convoquant six auteurs pour réécrire la pièce mythique de
Tchekhov. Rencontre avec l’auteur et metteur en scène autour de la création.
Vous faites un parallèle entre Hamlet et La Mouette, quelles sont les ressemblances
entre ces deux pièces d’après vous ?
Il y a d’abord les références directes que Tchekhov y met, il en fait même des citations par
moments. Ensuite, la structuration de La Mouette est quasiment la même qu’Hamlet sur
les figures principales : Treplev, le jeune auteur-metteur en scène est la figure d’Hamlet,
Arkadina celle de Gertrude, Trigorine celle de Claudius et Ophélie se retrouve elle aussi
partagée entre Nina et Macha. Ce sont les mêmes composantes, à part que l’enjeu qu’on
retrouve ici n’est pas un enjeu de pouvoir politique mais de pouvoir littéraire. La dualité se
fait à cet endroit-là et l’équivalence se retrouve également en termes d’affectif.
Chez Hamlet, il y a aussi des enjeux d’amour, et il y a dans La Mouette le même dispositif.
On a l’impression que Tchekhov a été inspiré, qu’Hamlet l’a impressionné au sens d’une
mémoire et qu’il s’y est glissé en réinventant une autre pièce.
Qu’est-ce qui fait sens aujourd’hui dans La Mouette ?
C’est le chemin des artistes, de la littérature et de l’œuvre en soi. A quel moment une
œuvre résonne-t-elle dans le monde d’aujourd’hui ? A quel endroit l’implication de l’artiste
fait sens dans sa vie et en fonction de ce qui se passe autour de lui ? C’est en ce sens que
la pièce de Tchekhov fait œuvre dans une contemporanéité car elle est réécrite par des
auteurs d’aujourd’hui. Tchekhov et la pièce ne parlent pas de maintenant dans son écriture
; elle nous raconte des choses de l’humanité : les écrits des auteurs sur les relations
humaines dépassent toute époque, c’est la structuration de la modernité finalement qui
change, et le propos de la littérature utilisé ici existe de tout temps. Or, ce qui m’a le plus
intéressé c’est la façon dont des auteurs d’aujourd’hui se saisissent de cette langue, de ce
propos et du débat intergénérationnel qui existe dans La Mouette. Les oppositions qui
existent entre Treplev et Trigorine m’intéressent pour interroger ce qui avec le temps
transforme un être humain.
Pourquoi avoir choisi une réécriture plutôt que le texte original ?
C’est un ensemble de choses qui m’ont amené à demander à des auteurs de réécrire La
Mouette. D’abord, l’histoire de ma compagnie et d’avoir dans un premier monté mes
propres textes, en tant qu’auteur-metteur en scène, puis d’avoir choisi ensuite
Gombrowicz qui était une écriture aux antipodes de ce que je pouvais écrire moi-même
mais qui m’intéressait au sujet des relations interhumaines : la façon dont nous
interagissons les uns avec les autres et nous transformons suivant comment les gens nous
pressentent. Cette dualité de l’existence existe chez Gombrowicz, et Le Mariage est en
réalité une satire d’Hamlet. Par le chemin de ces deux pièces, j’en suis arrivé à me dire que
si je montais des pièces non contemporaines, elles seraient hantées parHamlet. Et le
travail parallèle que je fais à Montévidéo ou dans le cadre du festival Actoral — une
occupation d’écoute des auteurs contemporains — m’ont amené à me questionner sur la
pièce de Tchekhov, où se posent les questions de la littérature, des formes, des
générations, de ce qui pousse un écrivain à écrire. Je me suis alors demandé ce qui
poussait des acteurs à jouer une langue d’aujourd’hui et je me suis dit que le plus juste
était de convoquer des écrivains pour donner une parole de leur époque aux acteurs. Si les
acteurs questionnent la forme théâtrale ou la forme de la littérature, autant que ça soit
avec des auteurs d’aujourd’hui qui leur racontent par leurs filtres à eux le monde et les
dualités qu’ils perçoivent à travers la littérature.
Pourquoi ne pas avoir réécrit vous-même la pièce ?
J’aurais pu, c’est vrai, mais ça s’est fait comme ça. J’ai beaucoup d’activités ces dernières
années avec le fait d’avoir créé un espace pour les écrivains, un festival pour aider à la fois
de jeunes compagnies et servir la nécessité selon moi de faire entendre des formes
contemporaines. Toutes ces choses ont évolué et m’ont fait prendre des chemins un peu
différents. Ce n’est pas que mon écriture ne m’exciterait plus ou serait derrière moi, mais
elle est plus compliquée en ce moment en termes de temps et mon amour pour les
écrivains est tel que je souhaitais partager ça en me disant qu’il n’y avait pas qu’un
écrivain qui pouvait parler de la forme contemporaine, mais que c’était important aussi
pour les acteurs comme pour les spectateurs d’apporter différentes perspectives
d’écriture des auteurs d’aujourd’hui. Tant par rapport à des auteurs qui écrivent pour le
théâtre que pour la poésie ou la littérature. Convoquer des auteurs au courant qu’ils
seraient avec d’autres pour parler de leur écriture, des formes contemporaines et de ce
qu’elles révèlent, m’était extrêmement important. Cette démarche rejoint celle que je
peux avoir avec Montévidéo ou le festival Actoral. C’est comme si ce spectacle mettait en
relief toutes les activités que je mène depuis quelques années.
Qu’est-ce que le contemporain d’après vous ?
Vaste question ! Je n’aurais pas forcément la prétention d’y répondre ! Il y a deux choses.
Il y a une notion de la durée dans les œuvres. Il est très difficile de mesurer ce qui va être
conservé dans les années futures et qui fera sens en termes d’une écriture qui puissent
parler à toutes les époques. Encore faut-il qu’une écriture parle à toutes les époques ou
parfois, une écriture contemporaine doit-elle être un événement ponctuel comme une
performance et qui sème à travers le public et les artistes quelque chose d’une
régénération, de l’ordre du regard comme de la forme. On a besoin d’une certaine façon
des écritures contemporaines et des avant-gardes pour mieux comprendre ce que les
écritures du passé faisaient et comment elles ouvrent au monde d’aujourd’hui. Penser
qu’une écriture est contemporaine est lié autant à sa forme qu’à son contenu. Le contenu
traverse les époques, qu’il s’agisse de pouvoir ou d’amour, ce sont des choses
extrêmement proches des gens et sensibles, et c’est l’humanité d’un auteur qui à travers
sa propre vie et son écriture le dépassent et se traduit par des mots et des sensations.
Ensuite vient la question de l’époque dans laquelle on vit : qu’est-ce que cette perte du
politique, cette mondialisation qui est en train d’étouffer la progression de l’être humain,
l’exigence de la part moins des politiques que des capitalistes de vouloir absolument faire
en sorte que l’on soit embrigadés dans une forme de la commercialisation des rapports
humains qui fait que c’est dans ce relief là que l’on peut questionner une certaine idée de
la modernité. Comment est-il possible de parler aujourd’hui du politique à travers des
œuvres, je ne sais pas, peut-être tentons-nous de questionner cela sans donner réellement
de réponse à travers les auteurs qui ont réécrit La Mouette. Je n’aurais pas envie de
définir ce qu’est la forme contemporaine, elle évolue constamment. Je pense qu’il y a des
artistes qui ont des capacités de traduire ce qu’ils sont et ce qu’il y a autour d’eux avec
une fulgurance incroyable et ceux-là sont des grands artistes.
En tant qu’auteur, quelles questions vous taraudent ?
Je pense que nous sommes à un point charnière. Peut-être que j’aime à le penser parce
que la situation dans laquelle nous sommes est extrêmement difficile. Nous sommes dans
l’un des pays les plus riches du monde et en même temps, on voit bien qu’il y a un malaise
global qui n’est pas simplement le fruit d’aujourd’hui mais aussi du passé, de la
colonisation/décolonisation, de la possibilité d’un pays au pouvoir d’exercer la suprématie
de sa pensée sur les autres. Aujourd’hui, nous payons ça d’une certaine façon. Les retours
du terrorisme sont un des exemples majeurs de ce qui est en train de se passer. Nous
payons par rebond ce que les générations précédentes ont fait et nous avons un mal fou à
régir ça car ce sont les règles du commerce qui, encore une fois, tuent la puissance
humaine, qui font que visiblement, il est impossible aux hommes politiques ou aux nations
de donner une perspective humaine à la nécessité de continuer à vivre. Aujourd’hui, il n’y a
pas de discours là-dessus, il n’y a que des discours économiques. Le président de la
République dit que s’il n’arrive pas à faire baisser le chômage, il ne se présentera pas et en
même temps, on sait que ce que met en place le capital à l’heure actuelle revient à réduire
le nombre de travailleurs au travail pour faire des bénéfices. Nous avons deux chemins
antinomiques qui ne peuvent pas donner une valeur d’humanité aux gens pour mettre des
perspectives dans leur vie. Donc si je pouvais raconter quelque chose et si j’avais la force
ou le talent de le raconter, j’essaierais de comprendre, sans en donner un discours et sans
en faire un théâtre politique, comment les humains vivent aujourd’hui avec le conflit qui les
entoure.
Vous attachez une grande importance aux problématiques d’acteurs, parlez d’écriture
de plateau… Comment s’est déroulé le travail avec eux ?
Nous sommes à dix jours de la première, donc il y a un phénomène de rassemblement de
tout ce qu’on a semé dans ces écritures. Nous questionnons la représentation des
écritures que chaque auteur nous a données. Chaque écriture nécessite des formes de
corps différentes et nous tentons de créer un chemin dans lequel le public va se retrouver
dans ces différentes interprétations de la pièce de Tchekhov. L’écriture de plateau, c’est
questionner le statut de l’acteur, la façon dont il se saisit de ces écritures, les fait siennes
et y trouve l’oralité. Nous sommes encore en travail et il est très difficile pour moi d’y
porter déjà des conclusions. Hier, nous essayions de finaliser l’acte I pour pouvoir
enclencher le deuxième écrit par un autre auteur. L’écriture de plateau se réfère à la
création par l’improvisation sur une thématique au sein d’un collectif. Pour nous, la
question est plutôt de comment passer d’une écriture à une autre. Nous travaillons sur
l’intuition vis-à-vis de ces écritures et l’intimité de ce qu’elles touchent chez chacun des
acteurs pour comprendre la scène.
Comment ces différentes propositions sont-elles reliées ? Avez-vous trouvé le fil
invisible qui les lie les unes aux autres ?
Le fil est le fantôme de la pièce de Tchekhov. Nous mettons en éveil le fait que nous
serions plus une bande d’acteurs qui se saisit d’une pièce mythique et s’interroge sur
pourquoi monter cette pièce aujourd’hui. Et nous faisons cette action en direct avec le
public. Un des fils rouges est le statut même de l’artiste qui décide de travailler un texte
et d’en faire son propre corps, et de le révéler au moment où ça se passe. Le fait qu’il
s’agisse de théâtre dans le théâtre fait que le statut même de l’acteur et de la
représentation est un statut ouvert au public. Les figures que les acteurs portent qui se
retrouvent d’acte en acte sont composées différemment par les auteurs. Chacun des
auteurs se saisit d’une forme liée à son écriture pour trouver l’expression de la littérature,
du théâtre et de l’affectif. Tchekhov, comme Shakespeare, met en dualité ce qui gouverne
les hommes, l’affect, l’amour, et son déterminisme de vie, qu’il soit politique ou la création
de ce qui va épanouir sa vie dans son activité propre, c’est-à-dire une autre forme de
création, et comment cette création rencontre l’amour. C’est la réalité de ce que nous
vivons : qu’est-ce qui prend le pas ? La relation amoureuse ou la création de soi dans
l’univers ? Est-ce que cette création de soi dans l’univers a réellement une importance ?
Qu’est-ce que ce temps éphémère que nous traversons au fil des époques ? En sachant
que nous sommes condamnés, ainsi que la planète.
C’est en effet ce que Sound of Music de Yan Duyvendak (Actoral 2015) martelait
joyeusement…
Ce n’est pas tout à fait la même condamnation, il exprimait une condamnation de ce que
représente la modernité et du mauvais traitement infligé à la Terre, mais que nous la
traitions bien ou mal, elle est de toute manière condamnée car les planètes sont vouées à
disparaître. Il y a un phénomène d’accélération de cette destruction par la puissance noire
de l’homme, représentée par les guerres et la maltraitance, une part de nous qui doit avoir
peur de la mort et la provoque. Au final, ce sont toujours les mêmes questions qui nous
taraudent. Ce qu’on vient voir en tant que spectateur, c’est au-delà du divertissement,
une interrogation sur l’existence.
Y a-t-il eu contamination entre les écritures, après que les auteurs ont lu l’acte
précédent ou suivant celui qu’ils avaient en charge ?
Cela dépend des auteurs. De façon modérée, à quelques expressions près, ça a modifié des
choses chez certains. D’autres propositions sont restées quasiment en l’état tant elles
étaient originales ou particulières. Certaines collent à la structure de la pièce de Tchekhov,
d’autres réinventent complètement un univers.
Vous dites qu’étonnamment, elles privilégient la distance plutôt que l’affect…
C’est ce qui semble en effet. En questionnant l’endroit de leur écriture, l’enjeu de la
littérature s’est imposé sur celui des affects. Encore que le fil rouge tendu par la mémoire
et le fantôme de Tchekhov nous oblige dans l’écriture de plateau à relier les différentes
formes par le fil de l’affect, dont les comportements sont relativement différents à chaque
fois. Mais nous sommes multiples dans nos rapports amoureux, nous ne sommes pas
qu’un, nos échanges varient, quotidiennement si nous nous en donnons la peine.
Cinq écrivaines et un écrivain pour réécrire La Mouette… D’où vous est venue l’idée de
faire appel principalement à des femmes pour traiter d’une pièce qui parle d’hommes ?
Cela n’a pas été une volonté consciente. J’aime tous ces écrivains, j’ai travaillé avec la
plupart d’entre eux dans le cadre d’Actoral et il y a eu comme une évidence. J’ai créé un
texte d’Annie Zadek l’an passé, que nous allons reprendre dans un mois. Dans son œuvre,
elle travaille déjà sur la réécoute des écritures. Avec Liliane Giraudon, nous nous étions
déjà rencontrés autour de La Mouetteet avions alors imaginé de la retraduire. Nathalie
Quintane a été une des marraines d’Actoral et j’aime beaucoup la pertinence légère,
cruelle et poétique de son œuvre, je trouve qu’elle a une pertinence dans la littérature
contemporaine extrêmement forte. Chez Edith Azam, il y a une puissance liée à l’affectif,
au trouble vers l’autre, relief que je trouvais important dans la pièce. Angélica Liddell a une
écriture de théâtre magistrale d’une part et qui résonne par le fait qu’elle s’implique ellemême en tant qu’auteure, actrice et metteure en scène. La préoccupation qui existe dans
la pièce de Tchekhov est d’une certaine façon la sienne. Il ne s’agit pas seulement d’un
conflit sur ce que représente le théâtre, mais aussi sur ce que représente l’écriture et la
nécessité de l’implication de son propre corps dans l’écriture. Quant à Jacob Fren, que j’ai
découvert au Canada, il s’implique dans la littérature et la performance, et j’ai trouvé qu’il
y avait dans un de ses textes quelque chose lié à la famille et à la littérature, quelque
chose d’important et qu’il y avait un chemin d’écoute par rapport à l’œuvre de Tchekhov.
Y a-t-il un regard singulier porté par les cinq auteurs femmes ?
Il y a un regard singulier lié à leur existence. Parlent-ils de leurs propres positions en tant
qu’auteurs à travers l’œuvre de Tchekhov en vivant ce que représentent le temps, le
vieillissement, la perte de la jeunesse dans la figure d’Arkadina, le lien à l’amour et ce que
dévore la nécessité d’être artiste ? Un des auteurs s’est saisi de cette particularité et l’a
traduit à travers son prisme. D’autres se saisissent de la dimension affective de ce que
représentent les interdits. Ce qui se dessine dans cette nouvelle œuvre fantomatique de
Tchekhov, c’est la question de la censure : la pièce est-elle teintée par la censure de
l’époque ? Dans quels champs de la modernité s’est-elle écrite ? Les auteurs saisissent
différents prismes pour traiter ça. Notamment l’idée que toutes ces figures pourraient être
des artistes et la question de l’existence d’une hiérarchie dans le champ artistique : les
artistes ont-ils tous la même présence dans leur art ? Quelle est leur nécessité ? Ils posent
tous des questions sur leur propre imprégnation par rapport à l’œuvre qu’ils sont entrain
d’écrire. Il y a forcément des implications diverses. Le temps et l’âge jouent. De même, un
spectateur analyse ce qu’il voit et écoute en fonction de sa propre vie. Un spectateur de
vingt ans se sentira-t-il plus proche de Nina et Treplev chez Tchekhov, ou verra-t-il à
travers Arkadina ou Trigorine une figure parentale qui lui parlera plus et mettra en relief sa
propre vie ? C’est une interaction permanente et c’est aussi à cet endroit que les auteurs
écrivent.
Il y a aussi une certaine forme de hiérarchie entre le public et les artistes sur scène,
ceux qui regardent et ceux qui montrent. Comment traitez-vous le rapport avec le
public dans cette pièce ?
Par la forme et ce qui habite beaucoup mon travail, soit un cadre de représentation
immédiat où l’oralité et l’écriture semblent s’inventer spécifiquement pour ce qui est en
train de se passer. Essayer de comprendre comment l’acteur se met en prédisposition de
cet état et se prépare à rencontrer le public pour qu’une improvisation de la langue ait lieu
au temps présent. Accepter que la présence du public soit un élément de la manifestation
théâtrale. Il n’y a pas de théâtre sans public. Il y a un engagement d’humanité entre
l’œuvre présentée et le public. Il y a quelque chose de l’ordre de l’inouï d’être au même
endroit au même moment et de partager cette vie que nous menons. Le théâtre pose un
temps particulier à cette expression de la vie en communauté. Le théâtre est un paradoxe
en réalité dans nos vies.
Le théâtre est présent dans la pièce, et vous avez confié l’écriture des passages de
monologues à un des acteurs…
Oui, Florian Pautasso, qui joue Treplev, est acteur, auteur et metteur en scène et présente
son propre texte dans la pièce. Il y a ainsi à l’intérieur du spectacle une réelle mise en
abime de ce que représente la pièce. Par un fruit du hasard, à part pour Florian, il s’avère
que quatre des acteurs sont aussi metteurs en scène.
Vous dites qu’Angélica Liddell éprouvait une forme de rejet de cette « pièce
bourgeoise » comme elle la définit, et que l’épilogue qu’elle a écrit contient une critique
de votre désir de monter cette œuvre. Quelle réflexion son propos vous a-t-il inspirée ?
Je comprends très bien son positionnement d’artiste. Son exigence, son implication
personnelle, la nécessité qu’elle a à mettre en scène sa propre vie sur un plateau, la dualité
corporelle avec la mise en danger que cela suscite pour le spectateur et peut-être pour
elle-même, impose sa création théâtrale comme un état d’urgence, de survie où git un
besoin de ressentir les limites et d’où naît quelque chose d’un surplus de l’existence. Elle
met en opposition à travers son théâtre et d’autres la non nécessité de certains artistes
ou acteurs d’être là. Le théâtre de certains serait un théâtre social, de la représentation
de soi-même dans une conformité bourgeoise à vouloir être admiré, tandis que l’endroit où
elle s’implique est un endroit de vie, de froissement, où ce qu’elle entend des relations
affectives et au temps engage une nécessité. Ce n’est pas un hasard si après ses
représentations, elle est dans l’incapacité de rencontrer qui que ce soit. Elle n’a pas la
nécessité de rencontrer son public ensuite pour qu’on la félicite, son implication à l’art va
bien au-delà de cela. Sa tentative artistique possède cette fracture impérieuse d’ellemême sur le plateau. Quand elle lit La Mouette de Tchekhov, elle y voit une réflexion sur la
représentation d’un théâtre qui peut nous paraître aujourd’hui conventionnel ou bourgeois.
Tchekhov a écrit une satire de la petite bourgeoisie ; or, souvent, quand elle est montée
aujourd’hui, cette satire n’apparaît pas. Pourtant, quand elle le lit, elle se rend compte que
Tchekhov va plus loin et que ce qu’il écrit, c’est son implication fondamentale en tant
qu’être humain dans le théâtre et aussi en tant que docteur. Son chemin de vie entre son
premier métier et son amour de la littérature s’inscrit dans son œuvre. Il s’impliquait
autant qu’il était possible de le faire à son époque. Il était à cette période révolutionnaire
dans sa forme, il a considérablement transformé le théâtre et est l’une des portes de la
modernité théâtrale d’aujourd’hui.
Propos recueillis par Barbara Chossis
Une mouette et autres cas d’espèces par Diphtong Cie : du 26 au 30/04 au Théâtre du Gymnase (4 rue du Théâtre Français, 1 er).
Rens : 08 2013 2013 / www.lestheatres.net
Pour en (sa)voir plus : www.diphtong.com
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Diphtong Cie / Hubert Colas
3, impasse Montévidéo 13006 Marseille // Tél : 04 91 04 68 41 / Fax : 04 91 04 69 79
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