WAUTY JEAN-PHILIPPE. MEDECIN VETERINAIRE AVIAIRE. Rue du parc, 58 ; 7160 Chapelle Lez Herlaimont www.vetoiseaux.be Alimentation des psittacidés : perruches et perroquets. Introduction. Vous venez d'acheter ou bien vous possédez un perroquet, un inséparable ou une perruche depuis de nombreuses années? Félicitation ! Cependant, connaissez-vous les besoins alimentaires réels de votre animal? Il est courant d'entendre que le perroquet peut manger de tout : chips, frites, pommes de terre, pain, etc. Il est d'autant plus tentant de lui en donner que l'animal est demandeur et donc, nous pensons bien faire en lui apportant ce qu'il demande. Il faut comprendre avant tout que le perroquet est une sorte de "grand enfant", quelque soit son âge, et que satisfaire tous ses caprices n'est pas forcément ce qu'il y a de meilleur pour lui. La suite des informations se veut une synthèse sur la meilleure façon de nourrir son psittacidé, que ce soit une perruche, un inséparable, une callopsitte ou encore un perroquet. Il reprend les données régulièrement admises par la communauté scientifique vétérinaire. Une partie de la bibliographie principale qui a servi à la conception de cet article est reprise en fin texte. Régime alimentaire – pas si simple. Il faut garder à l'esprit que plus de 90% des psittacidés détenus (gris du Gabon, amazones, aras, inséparables, perruches ondulées et callopsittes) ont un régime alimentaire essentiellement granivore et fructivore. Dans la nature, il y a une adaptation naturelle du régime suivant les ressources naturelles du milieu de vie soit vers les graines, soit vers les fruits. Un tout petit peu de protéines animales peut entrer dans le régime alimentaire à l'occasion. Certaines espèces sont nectarivores (loris, loriquets) mais leur présence étant plutôt rare, leur régime ne sera pas discuté dans ce texte. A l'inverse des canaris (voir cet article), il est difficile de donner une formule alimentaire sur mesure et reproductible. Les besoins alimentaires tendent à augmenter fortement avec la taille. Un perroquet gris du Gabon mangera plus qu'une perruche ondulée. Cependant, plus les oiseaux sont petits, plus ils ont besoin d'énergie basale (c'est-à-dire d'énergie de base pour subvenir à leurs besoins essentiels comme par exemple le maintien de la chaleur corporelle) ce qui veut dire qu'à poids égal une perruche ondulée mangera plus qu'un perroquet. Les animaux en volières qui ont la possibilité de voler ont des besoins énergétiques jusqu'à 20X supérieurs aux animaux de petites cages. La thermorégulation demande également un énorme apport en énergie, jusqu'à un cinquième de plus pour un animal vivant en cage extérieure par rapport à un animal vivant à l'intérieur. Donc en résumé, l'alimentation que vous amènerez à votre oiseau dépendra principalement: 1) 2) 3) 4) De son espèce. De son cadre de vie – volière ou cage. De la température ambiante. De son stress (présence d'autres oiseaux, par exemple). Les psittacidés mangent en moyenne 60 à 80% de graines pour 20 à 40% de fruits suivant leurs habitudes alimentaires. La nette propension à sélectionner des graines de type oléagineux parmi un ensemble de graines fait que le perroquet déséquilibre spontanément sa ration. Les syndromes de "foie gras" et "d'insuffisance rénale chronique" qui découlent de ce type de déséquilibre ne sont pas rares. L'absorption d'eau pour combler les besoins basaux est de l'ordre de 2,4% du poids corporel. Cette quantité tend normalement à augmenter chez les petites espèces car elles perdent plus d'eau (perruches), leur rapport volume-surface et leur métabolisme étant plus grand. En outre, les petits psittacidés, notamment les perruches callopsittes, ont tendance à augmenter leur prise d'eau par rapport à leurs besoins réels. La raison en est mal connue mais serait plutôt d'ordre social. Il y a une forte variabilité d'un individu à l'autre. Par contre la quantité reste stable pour un même individu. La polydipsie (prise d'eau bien plus importante que la norme) ne peut donc être considérée comme un symptôme de maladie qu’en cas de forte variabilité à la hausse pour un même individu. Autant dire qu'en pratique, c'est impossible à contrôler hormis pour un seul oiseau en cage et suivi depuis très longtemps. Même s'ils décortiquent leurs semences, le gritt est nécessaire pour briser les graines dans l'estomac. Il ne faut pas oublier d'en mettre si le fond de cage n'en contient pas ou si le perroquet n'a pas accès à celui-ci. En pratique. a. Corriger de toute façon le régime alimentaire. Il faut faire prendre conscience que dans la nature, les oiseaux ont rarement accès à des chips, du chocolat ou des frites. Il faut donc se faire violence même quand Coco crie pour avoir sa tartine au chocó ou la dernière chips de la soirée. Dans la même optique, il faut diminuer drastiquement la nourriture mise à disposition de l'oiseau. Régulièrement, les cages sont surchargées d'aliments gras: deux ou trois bâtons de graines et de miel, des gâteaux et deux bols de graines remplis à ras bord. Curieusement, les légumes sont souvent absents. b. Revenir à l'alimentation normale. Comme déjà précisé, pour un perroquet, il est plus difficile de donner une "formule toute faite". Cela dépend principalement de l'espèce et du fournisseur de graines et/ou d'extrudés et des moyens financiers pour l'achat de hauts de gamme, de gammes moyennes et de vrac. C'est dans la diversité du régime alimentaire qu’on trouvera le salut. L'option régulièrement proposée au cabinet est la suivante : peser ou estimer le poids de l'oiseau par rapport aux standards de poids de son espèce (tableau 1). Rechercher le mélange de graines le plus adapté (spécial perroquet, perruche, exotique, etc… : les gammes sont très variées d'un fournisseur à l'autre) proposé dans le commerce. Donner entre 60 et 80% de la ration en besoins journaliers proposée par le fournisseur au dos du paquet. Apporter 20% de fruits et légumes et/ou 20% de croquettes extrudées à base de fruits. Puis exécuter une courbe de poids du sujet et palier à d'éventuels excès ou carences observés au fur et à mesure du temps. On augmentera directement la ration de 10-15% si l'oiseau vit en volière, vit en zone froide ou est soumis à la présence d'autres oiseaux De base, on limitera de toute façon la quantité d'oléagineuses (noix, tournesols, arachides) en l’utilisant seulement à titre de friandises et de récompenses voire "d'enrichissement" dans des activités ludiques développées avec l'animal. Exemple : un perroquet gris du Gabon de 500g vivant seul dans une pièce à température ambiante reçoit en général 40 (à 60 g) de graines "haut de gamme" par jour et de 0 à 20 gr de croquettes "spécial perroquet gris du Gabon". À cela on ajoute à volonté des fruits et légumes. On suit ensuite par courbe de poids si le perroquet ne grossit pas exagérément ou au contraire maigrit dans les premières semaines de l'adaptation alimentaire. c. Le choix de l'alimentation industrielle. Dans la mesure du possible, on essayera, comme pour les chiens et les chats, d'éviter les produits blancs. Certaines firmes sur le marché belge ont développé des gammes spécifiques pour les différents types d'oiseaux de cage. Ces marques du haut du panier contiennent le bon rapport entre les différentes graines, étudié pour le bien être de l'oiseau. Les marques "en vrac" ou de supermarché ont souvent tendance à privilégier les graines oléagineuses, notamment les arachides et les tournesols car les producteurs savent qu'ainsi leurs graines auront la préférence des oiseaux. C'est un jeu dangereux car beaucoup de perroquets deviennent littéralement des toxicomanes de graines de tournesol et délaissent tout autre type de graines. Une très bonne alternative aux graines est l'utilisation d'extrudés comme en canine. Les croquettes contiennent les bons rapports protéique, lipidique, glucidique, vitaminique et empêchent le tri sélectif. Cependant, beaucoup de perroquets non habitués à ce type d'aliments, le délaissent et se laissent mourir de faim jusqu'à ce qu'on revienne avec des graines. Il faut en outre être certain que l'extrudé en question est fabriqué à base d'ingrédients corrects et sélectionnés. Un fournisseur se réclamant comme produit sur base des recommandations de l'Avian Association of Veterinarians (AAV) est une marque sérieuse. d. Le choix des légumes. Les fruits et légumes sont renouvelés quotidiennement. On ne donnera pas à l'oiseau (comme parfois vu dans certaines maisons) les parties moisies que l'on ne veut pas manger! Les fruits colorés sont riches en vitamines mais peuvent provoquer pour certains (oranges, mandarines, etc.) de l'irritation gastrique s'ils sont donnés en trop grande quantité. Dans la nature, les perroquets avec régime alimentaire en fruits très acides mangent du kaolin sur les parois de terre pour palier à ce désagrément. Les avocats et la rhubarbe sont toujours proscrits car très toxiques. Il ne faut pas non plus donner de l’oignon ou apparentés. Pour le reste, la plupart des fruits et légumes sont bien tolérés : pomme, poire, banane, raisin, chicon, laitue, carotte, tomate, pissenlit, etc. Quid du persil ? L’aliment n’est en soit pas un toxique strict chez les perroquets mais on sait qu’il est photo-sensibilisant chez d’autres espèces (canards, autruches) après ingestion de grosses quantités. Un perroquet qui vit la majeure partie du temps à l’intérieur peut donc manger du persil. Pour les animaux vivant en extérieur, le principe de prudence veut qu’on ne leur fournisse pas de cet aliment. e. Le retour d'un perroquet en dérive alimentaire vers une alimentation plus saine. Un perroquet qui est accro aux oléagineuses depuis de nombreuses années développe régulièrement des lésions hépatiques et rénales graves. Les symptômes, hélas, ne sont visibles que lorsque l'animal arrive au dernier stade de l'insuffisance rénale chronique appelée aussi goutte viscérale (suite aux dépôts d'acide urique dans les viscères). Le problème est l'addiction de l'oiseau qui ne veut plus que des graines de tournesols. En premier lieu, il faut pouvoir redonner le choix à l'oiseau d'autres graines, soit arrêter l'alimentation exclusive en tournesol et passer à un mélange graines de santé. Le premier écueil est que l'oiseau va trier les graines et manger toutes les oléagineuses. Il faut donc s'attendre à un sérieux gaspillage. En parallèle, il est bon de porter chaque jour des fruits et légumes différents à l'oiseau pour l'inciter à dévier des graines et se porter sur les végétaux. Il ne faut pas se leurrer. C'est déjà une belle victoire de voir en plus des tournesols, un perroquet qui accepte régulièrement de manger un morceau de pomme et un peu de chicon. On veillera cependant à choisir comme fruits et légumes, des végétaux qui ne sont pas trop riches en énergie (plus de verdure que de fruits riches en sucres). La ration de base étant déjà excessivement riche en graisse, un apport glucidique trop important risque de provoquer de lourds désagréments. Dans un second temps, dès que les fruits et légumes sont admis et si l'état général du perroquet le permet, il faut commencer à restreindre l'apport alimentaire de l'oiseau pour l'inciter, par la faim, une fois qu'il aura trié les tournesols, à manger d'autres graines du mélange. Il va falloir affronter le mécontentement de l'oiseau. Cris, énervement, destruction des jouets ne sont pas rares mais il faudra tenir bon face à son animal chéri. Au bout de 24h à 48h, il conviendra alors de changer le bol de l'oiseau et de recommencer. Durant toute la période, il faudra abondamment fournir au perroquet des végétaux divers et variés pour lui offrir une alternative à la faim. Comme précisé en début d'article, les oiseaux sont facilement adaptables d'un régime à l'autre et une alimentation 50% légumes-fruits 50% graines de tournesol est toujours préférable à une alimentation 100% tournesol-frites-chips. Bibliographie. ANDRE J-P. Guide pratique des maladies des oiseaux de cages et de volières. Ed MED'COM 2005. Partie 2 alimentation des oiseaux. P28-32. GUESDON C. Les psittacidés et les pathologies dues à leur captivité. Thèse ENVA 2010. P95-109. Tableau 1 : Principales espèces et leur poids de forme. (non exhaustif) Perruches ondulées (Melopsittacus undulatus) Perruches calopsittes (Nymphicus hollandicus) Grandes perruches (Psittacula sp et Barnadius sp) Cacatoès (Cacatua sp) Perroquets Ara ararauna (Ara ararauna) Perroquets Ara chloroptères (Ara chloroptera) Perroquets Amazones (amazona sp) Perroquets gris du Gabon (Psittacus erithacus) Inséparables (Agapornis fischeri et Agapornis sp) 30 – 40 g 75- 120 g 100 -250 g (µ = 180 - 200) 200 – 800 g (µ = 500-700) 900 – 1200 g 1000 – 1400 g 200 – 500 g 300 – 550 g 30 – 45 g Source : GUESDON Les psittacidés et les pathologies dues à leur captivité + divers. Copyright Wauty Jean-Philippe (tous droits réservés).