TROUBLES PSYCHOTIQUES AIGUS ET TRANSITOIRES I. INTRODUCTION * Les troubles psychotiques aigus sont à l'origine de tableaux cliniques riches et polymorphes qui constituent une urgence psychiatrique, nécessitant par conséquent des soins en milieu hospitalier. Le terme de bouffée délirante aiguë (Magnan en 1886) désigne un état psychotique d'installation brutale, avec symptomatologie délirante riche et polymorphe, dont l'évolution est rapidement et spontanément résolutive (qqs semaines) avec retour à l'état psychique antérieur. Dans la classification DSM V, on désigne par trouble schizophréniforme, ou trouble psychotique les termes de : Psychose délirante aiguë Schizophrénie aiguë Expérience délirante primaire Selon CIM X : La dénomination de troubles psychotiques aigus et transitoires pour désigner un ensemble de troubles psychotiques caractérisés par la survenue aigue (<2 semaines) ou brutale (< 48 H) de symptômes typiques, parfois liés à des facteurs de stress. II. EPIDEMIOLOGIE Selon l’âge : - Incidence annuelle des premiers épisodes psychotiques : 16.4/100 000/an chez les 18 - 64 ans. - Incidence + importante chez les sujets plus jeunes : 42.6/100 000/an chez les 16 - 35 ans. Selon le sexe : 82.9/100 000/an pour les hommes et 32.2/100 000/an pour les femmes chez les 14-25 ans. (Etude canadienne) Le risque diminue avec l'âge, plus rapidement chez les hommes que chez les femmes, chez qui on observe un second pic de fréquence à 45-50 ans. III. ETIOPATHOGENIE 1. 2. 3. 4. Prédisposition : L’existence d’un terrain spécifique ou favorable est fréquemment incriminée. (Traits de personnalité pathologique ou prédisposition familiale) L'adolescence: c’est une période de changement et de remaniement sur le plan psychique, qui constitue un terrain idéal à l’éclosion de divers troubles psychiques dont les troubles psychotiques aiguës Neurobiologie : Il existerait une altération du fonctionnement dopaminergique dans les épisodes psychotiques aigus sans que l’on sache si l’hyperdopaminergie constatée est une cause, une conséquence ou bien juste un indice de l’épisode clinique. Neuro-imagerie : Des perturbations fonctionnelles frontales et temporales sont souvent observées lors des troubles psychotiques aigus et pourraient se normaliser en partie sous l’effet du TRT. N. BENAMEUR - 2015/2016 1 IV. DIAGNOSTIC POSITIF a) Début 1. Délire b) Phase d'état A/ Clinique 2. Angoisse 3. Troubles de l’humeur 4. Les troubles du Comportement 5. Dépersonnalisation 6. Etat de conscience c) Signes Physiques B/ Paraclinique (en fonction des signes d'appel somatiques) Typiquement brutale "coup de tonnerre dans un ciel serein", Une brève phase prodromique peut être observée (qqs jours) : vague sentiment d'inquiétude inexpliquée ou une légère exaltation de l'humeur. Idées délirantes multiples et polymorphes bouleversent la vie du sujet du jour au lendemain, variant d'un moment à l'autre, dans leurs : Mécanismes (hallucinatoire, interprétatif, intuitif, imaginatif) Thèmes (persécution, mégalomanie, filiation, mystique, religieux, etc.). Ces idées délirantes sont classiquement mal structurées et non systématisées, dénuées de toute cohérence. Fréquente voire constante, svt en relation avec les thèmes du délire. Les oscillations de l'humeur varient entre les deux pôles extrêmes de l'exaltation euphorique et la tristesse pathologique. Elles sont d’intensité variable et sont fluctuantes dans le temps. Ils peuvent aller de la sidération avec fascination à l'état d'agitation psychomotrice clastique et désordonnée. Le délire est le plus souvent mis en acte et il existe alors un potentiel de dangerosité auto ou hétéro agressif qu'il convient d'évaluer. Non pathognomonique, Elle est souvent rapportée, vécue comme une sensation de dédoublement et de transformation corporelle et psychique. La perception de soi prend un caractère bizarre et insolite, entrainant un sentiment de perte de familiarité avec son corps, son passé et ses références habituelles. la déréalisation, très svt associée, est un sentiment de modification et de bizarrerie qui concerne le monde environnant. Globalement conservé et sans signes confusionnels On note cependant une certaine perturbation des facultés d'attention et de concentration du patient. Des troubles instinctuels et neurovégétatifs non spécifiques peuvent être présents : 1. Insomnie : fq et quasi constante, 2. Perte d'appétit entrainant une perte de poids 3. Déshydratation 4. ≈ Hyperthermie 1. Bilan biologique, PL, recherche de toxiques 2. Bilan neuro-radiologique : EEG, TDM ou IRM cérébrale => Rechercher une affection médicale générale ou exposition à une substance toxique => Evaluer l'EG du patient et de rechercher d'éventuelles CI aux TRT psychotropes V. DIAGNOSTIC POSITIF : Critères diagnostics CIM X et DSM V VI. EVOLUTION A. Guérison : fréquemment observée, il y a résolution totale de l'épisode psychotique, avec disparition brutale ou progressive des ∑ psychotiques : Cet épisode peut rester unique dans la vie du sujet. B. Récidive: des récidive d'épisodes psychotiques aigus peuvent êtres observées justifiant une surveillance clinique particulière entre les épisodes, à la recherche de signes psychotiques ou de bipolarité. C. Passage à la chronicité : Le DSM V nécessite une durée > 1 mois pour le Dc + de trouble délirant, alors que la CIM X requiert une durée > 3 mois pour porter le Dc de trouble délirant persistant (DSM V) : Persistance > 1 mois, du délire, hallucinations et la désorganisation du discours => diagnostic de trouble schizophréniforme, et au-delà de 06 mois => schizophrénie. (CIM X) : Persistance > 1 mois des symptômes du trouble psychotique aigu polymorphe ou d'allure schizophrénique => modifier le Dc à celui de schizophrénie. N. BENAMEUR - 2015/2016 2 VII. DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS 1. Troubles mentaux organiques ou symptomatiques d'affection médicales générales 2. Troubles mentaux liés à une substance 3. Confusion mentale ou délirium 4. Trouble dépressif majeur et trouble bipolaire 5. Trouble délirant persistant (paranoïa) 6. Schizophrénie * Ce sont les premiers diagnostics à évoquer devant des symptômes psychotiques (délire et hallucinations) associés à des troubles du comportement. * Il s'agit essentiellement 1. d'atteintes cérébrales : infectieuses, métaboliques, tumorales, épileptiques, 2. dans un contexte post opératoire 3. Maladies de systèmes => Examen clinique minutieux + résultats des explorations biologiques et Rx. Ex : Drogues, alcool, médicaments. => Anamnèse du patient et de son entourage + résultats du bilan toxicologique. Le Dc ≠ peut parfois être difficile à porter, à noter cependant que les caractéristiques sémiologiques du délire oniroïde, pathognomonique de la confusion mentale, permettent souvent de redresser le diagnostic. Rq ! Quoi qu'il en soit, la recherche d'une cause organique est de règle. Les épisodes thymiques de type dépressif ou maniaque peuvent s'accompagner de caractéristiques psychotiques (délire et hallucinations) qui ne sont cependant pas au premier plan du tableau clinique. => Anamnèse à la recherche de l'antériorité des ∑ thymiques, et leur présence pendant une durée suffisante (qqs jours) en dehors de toute symptomatologie psychotique. Le diagnostic différentiel repose sur le critère de durée des troubles qui persistent > 1 mois dans le trouble délirant pour le DSM V, et > 3 mois pour la CIM X. Une schizophrénie en phase active peut laisser penser à un trouble psychotique aigu transitoire si on méconnait les ATCDs psychopathologiques du patient. => Anamnèse : Reconstitution de l'histoire clinique et la durée des troubles avec l'aide de l'entourage du patient permet de redresser le diagnostic. VIII. PRISE EN CHARGE A/ L’hospitalisation : +srs intérêts 1. Elle est de règle en raison du potentiel de dangerosité auto et hétéro agressif souvent présent. 2. Elle offre un cadre sécurisant pour le patient 3. Permet de compléter les explorations nécessaires pour éliminer toute étiologie somatique ou toxique ainsi que d'éventuelles complications du trouble psychotique aigu. 4. Initier le TRT au plus prés du patient, d'apprécier la réponse, de surveiller l'apparition d'éventuels effets secondaires et de moduler les doses en conséquence. B/ Le TRT médicamenteux 1. Antipsychotiques de 2nd génération (neuroleptique atypique) sera prescrit en 1ère intention et en monothérapie (Amisulpride, Rispéridone, Olanzapine, Aripiprazole). Rq ! La présence de symptômes thymiques importants orientera le choix sur un antipsychotique thymorégulateur : l'Aripiprazole ou l'Olanzapine. 2. TRT antipsychotique de 1ère génération (Halopéridol, Loxapine) => si agitation psychomotrice difficilement contrôlable ou de gros troubles du comportement à conséquences potentiellement dommageables. 3. TRT adjuvant anxiolytique : en cas de forte anxiété (Diazépam ou Clorazépate dipotassique, Bromazépam). C/ La PEC après l'hospitalisation est d'un intérêt majeur, elle repose sur : 1. l'information du patient et de sa famille 2. Une psychothérapie de soutien 3. Surveiller l'évolution et la persistance de symptômes résiduels laissant craindre une chronicité des troubles 4. Maintien du TRT antipsychotique à titre préventif pendant au moins une année après la disparition des symptômes, et à doses réduites par rapport à celles utilisées en phase aigue. N. BENAMEUR - 2015/2016 3 IX. ASPECTS MEDICO-LEGAUX A. Hospitalisation sous contrainte : En règle générale, ces patients méconnaissent le caractère pathologique de leur trouble et donc la nécessité de se soigner. L'hospitalisation peut être demandée au juge par la famille, ou par les autorités publiques devant le caractère dangereux de la symptomatologie psychotique. B. Responsabilité civile : Le principe général de la responsabilité civile est que l’auteur d’un dommage causé à autrui doit réparer le préjudice en indemnisant sa victime. Les actes dommageables commis par un patient au décours d’un trouble psychotique aigu engagent sa responsabilité civile individuelle et l’obligent à réparer le dommage causé par sa faute. C. Responsabilité pénale : Etablit par un psychiatre expert auprès des tribunaux, la responsabilité pénale est liée aux capacités de discernement du patient au moment des faits délictuels ou criminels qui lui sont reprochés. Une abolition des capacités de discernement sous l'emprise d'un délire ou d'hallucinations entraine en règle générale l'irresponsabilité pénale du sujet. X. CONCLUSION Les troubles psychotiques aigus et transitoires se caractérisent par une symptomatologie riche et bruyante, en totale rupture avec le fonctionnement antérieur. Un traitement antipsychotique en milieu hospitalier est dans tous les cas indiqué, dans les plus brefs délais, afin de parer au risque de dangerosité. Une surveillance clinique avec traitement préventif des récidives après la sortie est nécessaire afin de prévenir le passage à la chronicité. L'évolution est en règle la guérison en quelques semaines, mais le pronostic reste en grande partie lié au risque de schizophrénie. Référence Pr Nassim Arfi : Troubles psychotiques aigus et transitoires. Hôpital Central de l'Armée. N. BENAMEUR - 2015/2016 4