L`économie chinoise au ralenti?

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É CO NO M I E | C H I NE
L’économie chinoise
au ralenti?
Ces trente dernières années, l’évolution de la croissance chinoise a été assez
spectaculaire. En trois décennies, la Chine est passée du statut de pays
sous-développé à la deuxième place du podium des plus grandes économies
mondiales, juste derrière les États-Unis. Elle est même à la première place si
le produit intérieur brut est exprimé en pouvoir d’achat local. Isabelle Bohets,
spécialiste de la Chine chez Belfius Investment Strategy, nous explique la
situation du pays.
RALENTISSEMENT PROGRESSIF DE LA
CROISSANCE
Pour les non-initiés, la croissance économique chinoise semble chuter drastiquement aujourd’hui. Isabelle Bohets :
« Ces dix dernières années, la croissance
de la Chine a diminué assez progressivement: le taux de croissance annuel (officiel) est passé de plus de 10% à 6,9% en
2015. Mais ce n’est pas vraiment alarmant. Car au plus un pays se développe,
8 3 JUIN 2016 LE VIF EXTRA
Chine est déjà un marché bien plus important que le Japon et les États-Unis ».
« En 2014, la Chine représentait plus
de 30% des exportations de l’Australie,
25 % de la Corée du Sud et 20 % du Japon », poursuit la spécialiste de la
Chine. « Ce sont surtout les exportateurs de matières premières, tels que
l’Indonésie et l’Australie, qui seront fortement touchés si la croissance chinoise
CORBI S I MAG ES
D
au plus les taux de croissance diminuent. L’économie chinoise a déjà atteint une telle ampleur que la croissance annuelle – bien que plus faible –
est toujours importante pour une économie du G20. »
Le ralentissement va-t-il se poursuivre
au cours des prochaines années? Selon
Isabelle Bohets, c’est inévitable. « D’autant que la Chine évolue maintenant
d’une économie soutenue par les exportations et les investissements vers un
modèle axé sur la consommation et les
services. Une évolution tout à fait normale, tant que le ralentissement de la
croissance – comme aujourd’hui – reste
progressif. »
La Chine évolue maintenant d’une économie soutenue par les exportations et les investissements vers un modèle axé sur la consommation et les services.
devait ralentir rapidement. Mais les
pays exportateurs de biens industriels –
comme le Japon, Singapour, la Corée du
Sud, la Malaisie et la Thaïlande – en
souffriraient également. »
Qu’en est-il de l’Inde? Ce géant économique se réveille-t-il? Selon Isabelle Bohets, « l’Inde sera bientôt prête à reprendre le flambeau de la Chine. L’année
« L’Inde sera bientôt prête
à reprendre le flambeau de
la Chine. L’année passée, le
pays a dépassé la Chine en
devenant le pays affichant
la plus forte croissance au
monde. »
«L’économie chinoise a déjà
atteint une telle ampleur
que la croissance annuelle
– bien que plus faible – est
toujours importante pour
une économie du G20. »
QUEL IMPACT POUR L’ASIE ?
Isabelle Bohets : « La croissante impressionnante de la Chine a eu des répercussions positives sur l’ensemble des régions asiatiques, car les exportations des
autres pays asiatiques vers la Chine ont
doublé au cours des cinq dernières années. Pour tout le continent asiatique, la
PG
e notre point de vue, l’économie
chinoise a fait un pas de géant. Devons-nous nous en inquiéter, en
Europe, dans le reste de l’Asie voire
même dans le reste du monde? Isabelle
Bohets : « L’économie chinoise est près
de 25 fois plus grande qu’en 1990 et,
grâce à cette évolution, plus d’un demimilliard de personnes sont sorties d’une
situation de pauvreté extrême. Actuellement, 54% de la population vit dans les
villes, contre seulement 20 % au début
des années 1980. Le fait que le niveau de
vie a progressé se reflète également dans
l’évolution des revenus: ils ont triplé au
cours des dix dernières années. »
Mais la qualité de vie en Chine a-t-elle
progressé dans les mêmes proportions?
« Pas vraiment », indique Isabelle Bohets. « Il suffit de penser à la pollution
de l’air, aux énormes problèmes d’embouteillage, aux grandes disparités de
revenu (les citadins gagnent trois plus
que les habitants de la campagne), à
l’augmentation du nombre de révoltes
ouvrières… »
Isabelle Bohets: « Avec le Premier ministre réformateur
Narendra Modi, l’avenir de l’Inde semble prometteur. »
passée, le pays a dépassé la Chine en devenant le pays affichant la plus forte
croissance au monde. Et avec un président expérimenté à la tête de la banque
centrale et le réformiste Narendra Modi
au pouvoir, l’avenir de l’Inde semble
prometteur. Par ailleurs, le pays n’est
pas confronté aux problèmes démogra-
phiques de la Chine, à savoir une population active fortement vieillissante et
en baisse ».
ET LE RESTE DU MONDE ?
Isabelle Bohets : « Ce sont surtout les
pays africains qui sont particulièrement
vulnérables. Parce que pour certains
d’entre eux, jusqu’à 50 % des exportations partent en direction de la Chine.
Les exportateurs de matières premières
latino-américains aussi, comme le Chili,
sentiront les effets d’un ralentissement
de croissance en Chine. C’est déjà le cas
maintenant au Brésil. »
Mais l’impact sur la zone euro reste
pour l’instant limité. « Seules 6% des exportations européennes sont destinées à
la Chine », estime Isabelle Bohets. « La
grande majorité des échanges ont lieu
entre les pays de la zone euro. Selon la
Banque centrale européenne, un ralentissement de la croissance chinoise de
1 % aurait un impact de 0,1 % à 0,15 %
dans la zone euro sur deux à trois ans.
L’impact sur les Etats-Unis serait du
même ordre. »
COMMENT INVESTIR EN CHINE ?
Comment cette situation se traduitelle dans la gestion de patrimoine chez
Belfius ? Isabelle Bohets : « Dans notre
portefeuille-type d’actions, tous les
pays émergents – y compris la Chine –
représentent ensemble un poids de
10 %. Cela passe par un fonds de placement qui diversifie ses actifs sur l’ensemble de la région asiatique, qui est le
moteur de croissance par excellence
des pays émergents. Dans ce fonds, la
Chine représente 30 à 40% des actifs. »
« Nous n’investissons pas via les
marchés boursiers chinois de Shanghai
et Shenzhen, car ils ne sont pas encore
suffisamment matures et ils s’apparentent plus à un casino qu’à une Bourse,
entre autres par la présence de nombreux petits investisseurs inexpérimentés. »
« Pour investir directement dans
l’économie chinoise, il vaut mieux le
faire via le marché bien développé de
Hongkong », conseille encore Isabelle
Bohets. « C’est là que sont cotées
de nombreuses entreprises actives
en Chine, connues sous le nom de
H-shares et Red Chips. Ces actions
n’ont pas suivi la hausse exagérée des
marchés boursiers locaux et nombreuses sont celles qui présentent une
valorisation intéressante ». A suivre.
« Certainement. » ■
LE VIF EXTRA 3 JUIN 2016 9
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