PRESCRIPTIONS POSTOPÉRATOIRES : PRINCIPES ET PIÈGES Cyrille de Vaumas (1), Yves Auroy (2) (1) Service d’anesthésie, CHIV Lucie et Raymond Aubrac, 40 Allée de la source 94195 Villeneuve Saint Georges (2) Département d’anesthésie et de réanimation, HIA Val de Grâce, 74 boulevard de Port Royal, 75006 Paris INTRODUCTION La réalisation de la prescription postopératoire est une étape importante dans la prise en charge anesthésique des patients. Des prescriptions manquantes ou incomplètes peuvent être responsables d’erreurs médicamenteuses, de complications postopératoires, et de déséquilibres de traitements antérieurs. En période postopératoire, le rôle de l’anesthésiste-réanimateur n’est pas uniforme au sein des unités de soin, alors que sa pratique est la plus réglementée des spécialités médicales. Dans le décret de sécurité [1], il est bien prévu « une surveillance continue après l’intervention » mais les prescriptions postopératoires en tant que telles sont partagées entre les opérateurs et les médecins anesthésistes-réanimateurs selon un mode de fonctionnement qui est souvent dépendant des équipes et des habitudes de travail. Elles devraient faire partie d’une charte de fonctionnement entre les équipes [2]. Le risque, en l’absence de concertation entre les différents opérateurs, est la survenue de complications liées à des omissions (anticoagulants, antibioprophylaxie), de poursuites non justifiées (antibiotiques) ou des posologies non adaptées (antibiothérapie). Le manque de concertation entre les différents intervenants peut expliquer l’implication conjointe des anesthésistes-réanimateurs et des chirurgiens dans certaines affaires judiciaires [3]. Dans la littérature, les erreurs médicamenteuses, qui touchent toutes les étapes de la prescription à l’administration, ont été largement documentées [4, 5]. La morbi-mortalité des erreurs médicamenteuses est importante et leur prévention passe nécessairement par une modification des comportements vis-à-vis de leur survenue [5]. Aucun travail, à notre connaissance, ne s’est spécifiquement intéressé à la morbidité induite par les erreurs médicamenteuses survenant dans la période post-anesthésique. La haute autorité de santé (HAS), faisant suite à l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES), a souhaité construire et développer des indicateurs de qualité pour les établissements de santé ; ainsi, le projet COMPAQH a permis de mettre au point des indicateurs de bonnes pratiques 406 MAPAR 2014 professionnelles : les scores IPAQSS (Indicateurs Pour l’Amélioration de la Qualité et de la Sécurité des Soins). Pour l’anesthésie, a été retenu un indicateur agrégé de la qualité de la tenue du dossier d’anesthésie, le score IPAQSS_DAN, prenant comme base les éléments publiés concernant les évaluations des pratiques professionnelles (EPP) proposées par le Collège Français d’Anesthésie Réanimation (CFAR), dont la trace écrite d’une prescription postopératoire. (Tableau I). Ainsi, depuis 2008, tous les établissements de santé (ES) ont l’obligation de participer au recueil de données permettant l’établissement d’un score global. L’analyse détaillée des données permettant le calcul de l’indicateur IPAQSS_ DAN représente une opportunité pour la spécialité d’anesthésie- réanimation de progresser dans la maîtrise des risques liés à l’anesthésie selon une démarche à laquelle la spécialité est habituée [6]. L’objectif de ce texte est de : • Rapporter les résultats de l’analyse, au cours des quatre dernières campagnes, du critère 12 : « Trace écrite des prescriptions médicamenteuses en phase post-anesthésique (si applicable) » qui portent sur la qualité des prescriptions anesthésiques postopératoires. • De proposer des recommandations concernant la réalisation des prescriptions postopératoires. 1. ANALYSE DES CAMPAGNES IPAQSS Les campagnes de recueil généralisé des indicateurs de qualité ont débuté en 2008. Les recueils d’indicateurs concernant la qualité du dossier d’anesthésie consistaient en des enquêtes rétrospectives portant sur un échantillon aléatoire de séjours. Ces recueils ont concerné l’ensemble des ES ayant des activités de médecine, chirurgie et d’obstétrique à l’exception des hôpitaux locaux, des structures d’hospitalisation à domicile (HAD) et des centres spécialisés de dialyse. Quatre campagnes ont été réalisées en 2008, 2009, 2010 et 2011 qui incluaient des dossiers respectivement de l’année 2007, le 1er semestre 2009, le 1er semestre 2010 et le 1er semestre 2011. Le recueil des données était effectué par le groupe qualité des ES qui pouvaient faire appel à des professionnels de l’anesthésie (cadre de santé, médecin anesthésiste-réanimateur) pour auditer les dossiers. Un document explicatif et des grilles de recueil étaient fournis aux auditeurs. Pour chaque campagne, soixante séjours au minimum ont été analysés dans chaque ES ayant une activité d’anesthésie. Le nombre de dossiers était identique quelles que soient la taille et la catégorie des ES. Parmi les établissements analysés, ceux ayant enregistré moins de 30 dossiers ont été exclus. L’indicateur du dossier d’anesthésie, IPAQSS_DAN, était calculé à partir de 13 critères concernant les différentes phases de l’anesthésie (Tableau I) 407 Risque et qualité Tableau I Nature des critères composant le critère agrégé IPAQSS_DAN N° 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Nature du critère Identification du patient sur toutes les pièces du dossier Identification du médecin anesthésiste sur le document traçant la phase pré-anesthésique (CPAet/ ouVPA) Trace écrite de la viste pré-anesthésique (VPA) Mention du traitement habituel ou de l’absence de traitement dans le document traçant la CPA (ou la VPA) (si applicable) Mention de l’évaluation du risque anesthésique dans le document traçant la CPA (ou la VPA) Mention du type d’anesthésie proposé au patient dans le document traçant la CPA (ou la VPA) Mention de l’évaluation des conditions d’abord des voies aériennes supérieures en phase pré-anesthésique dans le document traçant la CPA (ou la VPA) dont : • Mention du score de Mallampati • et Mention de la distance thyro-mentonière • et Mention de l’évaluation de l’ouverture de bouche • ou Mention d’une conclusion d’IOT difficile Identification de médecin anesthésique sur le document traçant la phase per-anesthésique Mention de la technique d’abord des voies aériennes supérieures en phase per-anesthésique (si applicable) Identification du médecin anesthésique sur le document traçant la phase post-interventionnelle (si applicable) Autorisation de sortie du patient de la SSPI validée par un médecin anesthésique (si applicable) Trace écrite des prescriptions médicamenteuses en phase post-anesthésique (si applicable) Rubrique renseignée (ou barrée) permettant de relever les incidents ou accidents péri-anesthésiques Phases anesthésiques PréPerPost X X X X X X X X X X X X X X X X X X X L’analyse de ce travail porte sur les sous-critères du critère n° 12 : « Trace écrite des prescriptions médicamenteuses en phase post-anesthésique (si applicable) » qui était composé des rubriques suivantes : •DAN 25 : Retrouve-t-on une (ou plusieurs) prescription(s) médicamenteuse(s) en phase postanesthésique •DAN 26 : Si oui, quels éléments retrouve-t-on sur les prescriptions médicamenteuses ? 408 MAPAR 2014 -26-1 Nom et prénom du patient -26-2 Date de prescription -26-3 Signature du médecin anesthésiste -26-4 Nom et prénom du médecin anesthésiste -26-5 Dénomination des médicaments -26-6 Posologie -26-7 Voie d’administration des médicaments La participation des ES était stable au cours des différentes campagnes et leur répartition représentative sur le territoire national. Sur l’ensemble des quatre campagnes, 229852 dossiers ont été retenus pour l’analyse. Une prescription médicamenteuse post-anesthésique était retrouvée pour 66,4 % des dossiers (n = 152670), aucune prescription pour 14,2 % (n = 32508) et pour 19,4 % (n = 44674) des dossiers analysés, l’auditeur avait conclu que le critère « trace écrite des prescriptions médicamenteuses post-anesthésie » était non applicable (Tableau II). Tableau II Répartition des dossiers Dossiers Tous Conformes Retrouvés 152 670 66,4 % 85 818 56,2 % Non retrouvés 32 508 14,1 % Non applicables 44 674 19,4 % TOTAL 229 852 100 % 37,4 % Le nombre de dossiers où les prescriptions étaient présentes était constant entre les 4 campagnes alors que les dossiers sans prescription diminuaient quasiment de moitié (20,3 % en 2007 à 10,7 % en 2011) au profit des dossiers classés comme « non applicables » qui avaient presque doublé (13,2 % en 2007 à 22,4 % en 2011) (Figure 1). Figure 1 : Répartition des dossiers selon la trace d’une prescription médicamenteuse post-anesthésique selon l’année. Risque et qualité 409 Parmi les 152 670 dossiers où la trace d’une prescription post-anesthésique était retrouvée 56,2 % (n = 85 818) étaient conformes car répondaient à l’ensemble des sous-critères DAN 26_. Ainsi, 37,4 % de l’ensemble des dossiers analysés avaient des prescriptions conformes (Tableau II). Mais cette faible proportion de dossiers conformes doublait au cours des 4 campagnes (de 26,8 % de conformité durant la campagne 2008 à 45,6 % en 2011). La Figure 2 reprend la variation des sous-critères. Si la majorité des critères demandés était davantage satisfaite en fonction des campagnes, ceux liés à l’identité du médecin (nom et signature) ainsi que la voie d’administration n’atteignaient pas 90 % des prescriptions post-anesthésiques. Pour plus de 2 000 dossiers analysés, soit la dénomination des médicaments, soit la posologie, soit la voie d’administration soit la combinaison de ces items n’était pas retrouvée. Figure 2 : Variation des pourcentages des sous-critères prescription post-anesthésiques, en fonction des campagnes. (Parmi les dossiers où une prescription était retrouvée). Ces résultats portant sur le dossier d’anesthésie sont retrouvés dans l’analyse de l’indicateur qualité « rédaction des prescriptions médicamenteuses établies durant la période d’hospitalisation », sous critère du chapitre portant sur la « tenue du dossier du patient », et qui retrouve des résultats comparables. Lors de la dernière campagne de 2011, les prescriptions non conformes représentaient 45 % des dossiers analysés, (5 % en raison de l’absence de trace de prescription ; 40 % car les prescriptions ne réunissaient pas les bonnes recommandations de rédaction). Dans ce dernier sous-groupe, pour la moitié des dossiers il était constaté une absence ou une mauvaise identification du prescripteur et pour près d’un dossier sur cinq, la posologie médicamenteuse n’était pas notée. Le faible taux de conformité des prescriptions (identité, voie d’abord) est une des causes fréquemment retrouvée dans la littérature [7]. La répétition et les interruptions des tâches, surtout si elles ne sont pas automatisées, sont sources de lassitude et d’erreurs dans leur accomplissement. Les imprécisions, voire les absences de prescriptions, peuvent aussi résulter de phénomènes cognitifs liés à la division du travail où les différents acteurs pensent qu’une action essentielle a été effectuée par un autre et inversement, alors que cela n’est pas vrai [8]. 410 MAPAR 2014 Ces prescriptions incomplètes ou absentes peuvent aussi faire craindre un possible processus de perte de sens dans la finalité de l’activité médicale. Si les consignes postopératoires ne sont pas clairement notifiées, toute la démarche d’amont sera rendue vaine [8]. Plusieurs axes d’amélioration ont été proposés afin de diminuer la survenue d’erreurs médicamenteuses dont les mauvaises prescriptions sont une cause racine. Elles font intervenir des règles de prescription, l’organisation des soins, l’intervention de l’équipe de pharmacie, des procédures paramédicales [9, 10, 11]. La check-list HAS sécurité du patient au bloc opératoire, dans sa troisième partie, s’inscrit dans cette dynamique en proposant l’item « les prescriptions pour les suites opératoires immédiates sont faites de manière conjointe entre les équipes chirurgicale et anesthésiste ». Sa mise en place depuis 2010 peut d’ailleurs expliquer le taux plus élevé de prescriptions post-anesthésiques retrouvées sans pour autant présager si elles étaient élaborées de façon conjointe ou non sachant, de plus qu’il semble que les chirurgiens ressentaient moins l’utilité de la check-list [12]. L’informatisation du système de prescription permet d’améliorer plusieurs phases de la chaîne des erreurs médicamenteuses, en particulier l’identification du prescripteur, la lisibilité de la molécule, d’alerter devant des interactions dangereuses, mais aussi de proposer des prescriptions standardisées contribuant à diminuer les erreurs d’oubli. Ces données étaient retrouvées dans les dossiers analysés puisque les prescriptions post-anesthésiques étaient significativement plus fréquemment retrouvées dans les ES où l'informatisation était effective (81,6 %) par rapport aux autres ES (64,3 %) ; la qualité de la prescription était meilleure puisque l’identité du prescripteur était plus souvent notée (96,1 % vs 80,5 %), ainsi que la voie d’administration des médicaments (92,0 % vs 78,4 %). La proportion de prescriptions qualifiées de « non applicable » par les auditeurs était deux fois moins importante dans les ES informatisés (11,7 %) que dans les établissements non informatisés (20,5 %). Le type de la procédure était déterminant quant aux types de prescriptions retrouvées. Ainsi, 95 % de la chirurgie orthopédique majeure avait une prescription, 94 % des cholécystectomies et 92 % des cures de hernie. En revanche pour la chirurgie de la main, seulement 75 % des dossiers avaient une prescription, 14 % n’en n’avaient pas et 11 % étaient jugées « non applicables » ; pour la chirurgie de la cataracte, cette proportion était respectivement de 57 %, 21 %, 22 % ; pour les endoscopies digestives la proportion des prescriptions était équilibrée, respectivement, 32 %, 30 %, 38 % et elle était inversée pour les accouchements par voie basse : 10 %, 18 %, 72 %. 2. PRINCIPES ET PIÈGES DES PRESCRIPTIONS POSTOPÉRATOIRES Ce travail montre qu’il existe un potentiel d’amélioration dans la mise en œuvre des prescriptions postopératoires, dont les grands principes de qualité sont succinctement résumés. 2.1.ORGANISATION La réalisation des prescriptions, qu’elles soient informatisées ou manuscrites, répond à des règles précises et, au niveau de chaque établissement de santé, de chaque équipe, tout doit être mis en œuvre pour qu’elles soient respectées. Rappelons que chaque ordonnance doit comporter l’identification du prescripteur (nom, signature, numéro d’identification), la date de prescription ; chaque Risque et qualité 411 médicament doit être identifié (nom du principe actif, dosage) la posologie doit être indiquée ainsi que la durée du traitement) et la voie d’administration. Ce document servira de base de travail aux soignants qui appliqueront la prescription selon les bonnes pratiques récemment formalisées par l’HAS et résumés par la règle des 5 B : Administrer le Bon médicament, à la Bonne dose, sur la Bonne voie, au Bon moment, au Bon patient [13]. Afin de s’adapter au mieux aux différentes spécificités locales et aux différentes organisations, il est recommandé d’établir une charte de fonctionnement entre les équipes amenées à intervenir dans les prescriptions postopératoires [2]. Dans cette charte doivent figurer les rôles respectifs de chaque équipe et la durée de leur implication. L’objectif de ce document est d’éviter la redondance, ou plutôt, l’oubli de prescriptions liées à l’imprécision dans la répartition des tâches sans pour autant tomber dans une procédure rigide qui nuirait à la bonne prise en charge des patients. Il est aussi important que figurent dans ce document des éléments de gravités clinique et / ou biologiques imposant un appel de l’équipe paramédicale vers l’équipe médicale, chirurgicale, voire l’équipe prenant en charge les urgences vitales [14]. Le contenu des prescriptions postopératoires doit répondre à la règle des 5 A : Analgésie - Antiémétiques - Anticoagulant - Antibioprophylaxie - Alimentation / hydratation et prendre en compte les traitements personnels. 2.2.LES TRAITEMENTS ANALGÉSIQUES Les recommandations formalisées d’experts de 2008, ont été mises à jour en 2013 [15]. La prise en charge de l’analgésie postopératoire débute en peropératoire par la prévention de l’hyperalgie postopératoire en limitant la consommation de fortes doses d’opioïdes peropératoire et utilisant des antagonistes des récepteurs NMDA (kétamine), éventuellement en association avec la lidocaïne intraveineuse (en l’absence d’ALR) en cas de chirurgie abdominale. L’utilisation du magnésium n’est pas recommandée dans cette RFE bien que sa place soit discutée [16]. En postopératoire, l’analgésie multimodale est recommandée. Son but est d'obtenir une association additive voire synergique, afin de diminuer les effets secondaires des antalgiques, en particulier ceux de la morphine. Quand elle est indiquée, la morphine doit toujours être utilisée en association avec un antalgique de palier I (paracétamol, nefopam). L'administration orale sous la forme de comprimé à libération immédiate est recommandée dès la reprise de l’alimentation par voie orale. Elle fait relais à une titration par voie intraveineuse réalisée sous surveillance, en SSPI en fonction de l’évaluation des scores de douleur. Des précautions particulières seront portées chez les enfants et les personnes âgées. La connaissance des habitus des patients est importante à recueillir durant la consultation d’anesthésie afin d’adapter au mieux le traitement morphinique. La morphine est l’opiacé de choix en cas d’utilisation d’une analgésie contrôlée par le patient (ACP). La perfusion continue n’améliore pas la qualité de l’analgésie par rapport au mode bolus, mais majore le risque de dépression respiratoire. L’ACP doit être associée à une analgésie multimodale et comporter un traitement prophylactique des nausées–vomissements, en première intention le dropéridol. En l’absence de contre-indication, les anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être associés à la morphine. Une attention particulière sera portée en 412 MAPAR 2014 cas d’insuffisance rénale et de situations à risque d’hypoperfusion rénale, chez les personnes âgées, et du risque hémorragique [15]. En fonction des types de chirurgie, la prise en charge moderne de la douleur postopératoire passe par l’utilisation d’infiltration des cicatrices et d’instillation de la cavité intrapéritonéale (cholécystectomie, chirurgie gynécologique) de la réalisation de TAP block (Tranversus Abdominal Plane Block). Des dispositifs de perfusion continue cicatricielle permettent d’améliorer significativement la douleur postopératoire. Enfin, des techniques d’ALR, dans le cadre du respect des contre-indications, sont recommandées en particulier dans la chirurgie de l’épaule et du membre inférieur [15]. Quelle que soit la stratégie d’analgésie postopératoire choisie, il est important d’en apprécier l’efficacité, lors de sa mise en place mais aussi dans les jours qui suivent. Des scores d’évaluation de la douleur seront utilisés pour apprécier l’efficacité des traitements mis en place et de l’adapter au besoin. En cas d’apparition de douleurs de type neurogène, le score DN4 sera utilisé pour l’objectiver et en évaluer l’intensité. 2.2.1. Antiémétiques Les nausées vomissements postopératoires sont les premières plaintes, après la douleur aiguë [17] Sa prise en charge débute en consultation d’anesthésie par l’évaluation du risque de NVPO. En fonction du risque de survenue, certaines attitudes auront été effectuées : réduction de la durée du jeûne préopératoire, compensation du jeûne peropératoire, réduction de l'emploi du N2O, anesthésie totale intraveineuse et administration peropératoire d’antiémétiques. La stratégie est également multimodale associant au moins deux antiémétiques, dont la dexamethasone. En postopératoire, il est recommandé d’utiliser les AR_5HT3, (ondansétron) en curatif de 1ère intention, voire et le dropéridol en réinjection 6 heures après la première dose, si le patient est hospitalisé. Le bénéfice/risque de ne pas employer de telles stratégies est de s’exposer à des complications des antiémétiques et des surcoûts [18]. 2.2.2.Antibiotiques L’actualisation 2010 de la conférence de consensus sur l’Antibioprophylaxie [19] en chirurgie et médecine interventionnelle rappelle que sa durée de prescription doit être la plus courte possible, l’injection d’une dose unique étant recommandée et la prescription au-delà de 48 heures est interdite. Le risque est de poursuivre la durée du traitement pour des raisons non pertinentes, favorisant l’émergence de mutants résistants. 2.2.3.Anticoagulation L’administration d’anticoagulant ne doit pas être systématique en postopératoire et dépend du risque de survenue d’une maladie thromboembolique veineuse (MTEV) liée à la chirurgie et/ou liée aux patients. En cas de risque élevé lié à la chirurgie, il est recommandé de prévenir la MTEV quels que soient les facteurs liés aux antécédents ou aux comorbidités du patient. Lorsqu’une chirurgie est associée à un risque faible, si le patient présente un ou plusieurs facteurs de risque de MTEV, c’est une stratégie personnalisée qui s’applique [19]. Risque et qualité 413 2.2.4.Alimentation / hydratation Le maintien de la voie veineuse en postopératoire et la poursuite d’une perfusion postopératoire sont régis de façon multifactorielle. Bien que la tendance actuelle soit la déperfusion précoce des patients, notamment en raison de l’augmentation de la prise en charge ambulatoire des patients, il n’existe pas de recommandation concernant de point. Des règles de bon sens peuvent être rappelées : •Quand elle est disponible, la voie orale doit être privilégiée et le maintien d’une perfusion doit être mis en balance entre la nécessité de conserver des traitements ou une hydratation intraveineuse et la dynamique de réhabilitation précoce, que la présence d’une voie veineuse ne favorise pas [20]. •Il n’y pas de délai connu entre l’extubation et la reprise de l’alimentation. Des travaux ont montré que les réflexes laryngés étaient altérés en postopératoire d’une chirurgie mineure, à cause de la présence de la sonde d’intubation mais aussi en rapport aux médicaments de l’anesthésie. Ainsi, il semble raisonnable d’attendre quelques heures après une intubation orotrachéale avant de reprendre, de façon prudente l’alimentation et la boisson. •La quantité de volume perfusé va dépendre des apports oraux possibles. Un volume de 20 à 30 ml.kg-1.j-1 de cristalloïdes est généralement recommandé chez l’adulte. • Les besoins caloriques postopératoires sont évalués à 1,3 fois le métabolisme de base soit 25 à 30 Kcal.kg-1.j-1 [21]. • Chez les patients non dénutris, une assistance nutritionnelle ne sera envisagée que si les apports alimentaires prévisibles sont inférieurs à 60 % des besoins quotidiens au cours des 7 premiers jours postopératoires. Il n’y a pas de place pour l'utilisation des pharmaco-nutriments. Chez les patients dénutris, un support nutritionnel doit rapidement être repris. Pour ces patients, les pharmaco-nutriments peuvent avoir leur place [21]. •Dans le cadre de la chirurgie digestive haute, la reprise du transit du grêle se fait dans les 2 à 3 heures postopératoires. Une nutrition entérale débutée dans les 24 heures permet de réduire la durée de l’iléus postopératoire [22]. En cas d’anastomose digestive haute, la présence d’une jéjunostomie d’alimentation ou une sonde naso-jéjunale permet de débuter une alimentation entérale en aval des anastomoses dans les 12 heures suivant l’intervention [23] avec une montée en charge maximale à la 24ème heure. L’apport calorique et hydroélectrolytique n’étant pas suffisant durant cette montée en charge, un complément intraveineux sera nécessaire. •Dans le cadre de la chirurgie colorectale, une alimentation par voie orale peut être débutée dans les 24 heures postopératoires. Le retrait précoce de la sonde gastrique et une analgésie optimale permettant une mobilisation précoce et la prévention de NVPO, la totalité des apports oraux peut être obtenue en 48 heures [24]. 2.2.5.La reprise des traitements usuels La reprise des traitements antérieurs est une grande source d’erreurs médicamenteuses. Même si ce sujet n’a pas été abordé en tant que tel dans le travail présenté, l’expérience montre que plusieurs types d’erreurs peuvent survenir : •Oubli de prescription : la notion d’un traitement a été oubliée ou n'est pas connue, l’ordonnance est indisponible ou non complète, ou non lisible…. 414 MAPAR 2014 • Erreur de posologie : par non-adaptation de la situation clinique actuelle (AVK, diurétiques). • Introduction de molécules responsables d’incompatibilités avec les traitements antérieurs. Même si la morbidité de ces erreurs n’est pas connue, tout doit être mis en œuvre pour en diminuer la fréquence. Là encore des principes simples doivent être rappelés : •La grande majorité des traitements ne doivent pas être interrompus et il est important de bien le préciser aux patients qui, par souci de bien faire pourraient les interrompre. •Obtenir, dès la consultation d’anesthésie, les ordonnances des traitements antérieurs. Dans ce cadre, la disponibilité de ces derniers à partir d’un fichier informatique unique serait une aide précieuse, en particulier dans le cadre de la prise en charge en urgence des patients. •Les antiagrégants et les anticoagulants doivent être manipulés toujours en pesant le bénéfice / risque du risque hémorragique et du risque thrombotique, en concertation multidisciplinaire, à la lumière des travaux récents [25, 26, 27]. • En postopératoire, si des traitements n’ont pas été reconduits immédiatement en raison du contexte chirurgical (diurétiques, antiagrégants plaquettaires, antihypertenseurs), s’efforcer de mettre en œuvre des dispositions pour qu'ils le soient ultérieurement. Dans ce cadre un relais avec le médecin traitant pourrait être envisagé. •L’informatisation de la procédure de prescription permettrait de diminuer la survenue d’erreur médicamenteuse [28] et apporte une aide dans la détection des incompatibilités entre les molécules. Certains systèmes, reliés aux serveurs de résultats biologiques, pourraient alerter en cas de modification des fonctions rénales ou hépatiques. CONCLUSION Ce travail qui analysait les résultats des scores IAPQSS_DAN des 230000 dossiers des dernières campagnes, a permis de retrouver que dans 66,4 % des dossiers analysés, une prescription post-anesthésique était retrouvée, mais les prescriptions conformes ne représentaient que 37,4 %, car l’identification du prescripteur et la voie d’administration des médicaments n’étaient pas retrouvées. Alors qu’une prescription était justifiée par l’acte anesthésique, dans près d’un dossier sur sept, elle n’était pas retrouvée. Ces résultats fournissent des données objectives à la spécialité permettant d’améliorer cette étape importante de l’acte d’anesthésie contribuant à améliorer la qualité de la prise en charge et diminuer le risque de survenue d’erreurs liées aux manques et imprécisions de prescription. Les prescriptions postopératoires seront au minimum composées des 5 A (Antalgiques, Antiémétiques, Antibiotiques, Anticoagulants, Alimentation/hydratation) et tout doit être mis en œuvre pour que le traitement personnel soit poursuivi le plus rapidement. Risque et qualité 415 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Décret no 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie et modifiant le code de la santé publique (troisième partie: Décrets). 1994;(Journal officiel). [2] Ordre National des Médecins. Recommandations concernant les relations entre anesthésistesréanimateurs et chirurgiens : http://www.conseilnational.medecin.fr/sites/default/files/anesth.pdf. 2001; [3] Rapport d’évaluation. Expérimentation portant sur la déclaration des évènements indésirables graves (EIG) liés aux soins en établissement de santé. Inst Veille Sanit. 4. 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