GROUPE NATIONAL DE GUIDANCE EN MATIERE DE PREVENTION DE L'INFECTION NOSOCOMIALE (GNPIN) Luxembourg, le 22 février 2002 RECOMMANDATIONS NATIONALES POUR LA LUTTE CONTRE LE STAPHYLOCOCCUS AUREUS RÉSISTANT À LA MÉTICILLINE (MRSA) DANS LES HOPITAUX AIGUS A. CONSIDERATIONS GENERALES Staphylococcus aureus est l'un des principaux micro-organismes responsables d'infections acquises au sein de la communauté et surtout il représente l'une des trois premières causes d'infections nosocomiales. L'importance des Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (MRSA) comparée aux Staphylococcus aureus sensibles à la méticilline tient non seulement à leur résistance aux beta-lactamines, mais également à leur résistance à d'autres antibiotiques importants. De plus, depuis 1996, une résistance aux glycopeptides est apparue – chez certains patients colonisés ou infectés par MRSA - suite à une exposition prolongée à un glycopeptide: dès lors l'arsenal thérapeutique est encore plus réduit. L'émergence de ces cas de sensibilité diminuée aux glycopeptides doit constituer une alerte rouge (Pittet, Sax; 1). Un tableau en annexe rappelle les situations dans lesquelles la prescription de glycopeptides doit être évitée (2). 30% à 60% des patients colonisés par le MRSA développent une infection à MRSA, dans les hôpitaux de soins aigus (Droz M. Sax H. Pittet D. (1) et Widmer-Trampuz). Donc la maîtrise des MRSA doit représenter plus que jamais une priorité pour tout professionnel de la santé. Deux aspects importants dans la lutte contre les infections à MRSA acquises à l'hôpital sont - la transmission de MRSA par les mains des professionnels de la santé; la possibilité d'un portage du MRSA durant des mois lors d'une colonisation nasale et/ou cutanée ou d'une infection par le MRSA. Aussi afin de prévenir des transmissions croisées de MRSA, il est indispensable a) d'appliquer un ensemble de mesures décisives: - l'identification précoce des porteurs de MRSA; - leur isolement; - l'éradication du portage nasal et cutané; - l'évaluation de la situation épidémiologique de départ et contrôle de l'évolution; page 1 b) de respecter les précautions "standard" lors des examens/soins à tout patient, entre autres la désinfection des mains: après le retrait des gants, et entre deux patients, et entre deux activités. B. MESURES A PRENDRE DÉPISTAGE des porteurs MRSA Le dépistage est fortement recommandé: lors de toute réadmission d'un patient à antécédent de MRSA; lors de l'admission d'un patient à partir d'un établissement hospitalier de court séjour ou de rééducation ou d'un établissement à longue durée de séjour, du Luxembourg ou de l’étranger; chez des patients qui reçoivent des traitements ambulatoires répétés (p.ex. dialyse chronique, chimiothérapie). En cas de détection d'un patient porteur de MRSA ou infecté par MRSA, on procèdera à des prélèvements chez le/les patient(s) qui ont partagé / partagent sa chambre d'hospitalisation. En cas de situation épidémique de MRSA dans une unité d'hospitalisation il est indiqué de procéder au dépistage systématique chez tout patient hospitalisé dans l'unité, ainsi que chez le personnel de l'unité. Les frottis devraient être faits au niveau du nez et du pharynx; ainsi que de plaies ou ulcérations; ainsi qu'au moins à un endroit tel que le périnée, le pli inguinal, les aisselles. NOTIFICATION la plus précoce possible d'un résultat d'examen par le laboratoire Le laboratoire notifie dès la suspicion d'un résultat positif et confirme ensuite le résultat dès qu'il est certain. Le laboratoire informera simultanément le médecin traitant hospitalier et l'UPI (unité de prévention de l'infection). ISOLEMENT des porteurs et des personnes infectées par MRSA Les porteurs de MRSA et les personnes infectées par MRSA, doivent être isolés. Cependant des patients porteurs / infectés par le MRSA peuvent être mis ensemble dans une chambre d'hospitalisation. ERADICATION DU PORTAGE de MRSA chez les patients Elle est indispensable pour contribuer ainsi à limiter la dissémination des MRSA à partir des réservoirs humains. Elle doit être simultanément naso-pharyngée et cutanée en raison de la fréquence de la contamination cutanée et sera réalisée selon le protocole établi à l'hôpital par le CPIN (comité de prévention de l'infection nosocomiale). page 2 PROTECTION contre la contamination et PRÉVENTION de la transmission à d'autres patients: 1. Toute personne entrant dans la chambre d'un patient en isolement MRSA, respectera les mesures d'isolement. 2. Une désinfection alcoolique des mains est à entreprendre après tout contact avec le patient ou les surfaces et objets de la chambre (sanitaires, lavabo, poignées de porte, interrupteurs, bouton appel-infirmière, table, lit, etc.). Méthode de désinfection des mains la plus rapide, elle est favorisée par l'implantation de suffisamment de distributeurs afin de limiter les déplacements des médecins et soignants. Mise d'une surblouse ou tablier. La surblouse réservée à cette chambre doit rester dans la chambre du patient ou dans le SAS et être changée plusieurs fois par jour. Ou, mieux, elle est à usage unique. Mise de gants (sans poudre). Avant de sortir de la chambre / SAS de la chambre, les gants seront enlevés, la solution alcoolique est appliquée sur les mains, la poignée de la porte est ouverte avec les mains bien enduites avec suffisamment de solution alcoolique, la porte est refermée et on continue à étaler la solution alcoolique sur les mains par frottement des mains jusqu'à la fin de la durée prescrite de désinfection. L'utilisation de masque est recommandée pour le changement de pansement, l'aspiration, ou la kinésithérapie respiratoire. Elle est obligatoire si le patient est porteur au niveau des voies respiratoires hautes et/ou basses. 3. Le linge et les déchets sont collectés et traités selon le protocole établi à l'hôpital par le CPIN. 4. Désinfection quotidienne des objets et surfaces contaminées (le mieux à la fin de la décontamination cutanée, pour éviter la recolonisation du patient) selon le protocole établi par le CPIN. 5. Garder le tensiomètre etc. dans la chambre (et voir sous 4.). Protéger le clavier d'un appareil médical introduit pour une investigation (examen Rx p.ex.) par un film plastique transparent et désinfecter l'appareil après utilisation et avant sortie de la chambre, respectivement du SAS. Ne pas introduire le dossier du patient dans la chambre. 6. Le patient doit être informé du portage MRSA et des mesures entreprises / à entreprendre. Il faut expliquer les raisons et modalités de l'isolement du patient porteur de MRSA aux visiteurs. Ils porteront une surblouse et effectueront une désinfection alcoolique des mains avant la sortie de la chambre. 7. Limiter le plus possible les sorties – du patient isolé – de sa chambre: Le personnel effectuant le transfert et celui effectuant les examens seront informés au préalable de façon adéquate afin que les mesures de précaution puissent être prises (voir dernier alinéa de ce point 7). page 3 Lors de sorties pour un examen médico-technique ne pouvant être réalisé dans la chambre d'hospitalisation, le patient porte un masque naso-pharyngé en cas de portage MRSA au niveau des voies respiratoires hautes et/ou basses; les plaies sont à recouvrir d'un pansement occlusif. Une opération ou une investigation fonctionnelle sur un patient porteur MRSA / infecté par le MRSA sera réalisée en fin de programme opératoire / des investigations. Protection de la table radiologique par un champ; et après l'examen désinfection de la table radiologique, de la table opératoire, du passe-malade, du brancard etc. Le personnel de brancardage et le personnel du bloc opératoire / du service d'explorations fonctionnelles, en contact avec le patient, prend les mêmes précautions que le personnel de l’unité d’hospitalisation. SIGNALISATION dans l'unité d'hospitalisation Pour rappeler de façon évidente les mesures d'isolement à prendre dans la chambre du patient porteur de MRSA, fixer un pictogramme sur la porte de la chambre. LEVÉE de l'isolement du patient porteur MRSA Au plus tôt deux jours après la fin de la décontamination, les prélévements sont effectués, et sont ensuite répétés à au moins 48 heures d’intervalle. S’ils sont tous négatifs, l’isolement pourra être levé. ERADICATION du portage MRSA chez le PERSONNEL Un professionnel de la santé qui a été détecté porteur asymptomatique suivra le même programme de décontamination naso-pharyngée et cutanée que celui exposé pour la décontamination des patients. Le succès de la décontamination sera confirmé par les prélèvements dont question au paragraphe précédent. Il est utile de répéter les prélèvements un mois après la fin du traitement. MESURES LORS DE LA SORTIE D'HÔPITAL DU PATIENT / DU TRANSFERT VERS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT Le portage de MRSA ne saurait être une contre-indication au transfert du patient vers un autre établissement, ni à son retour à domicile. En cas de transfert vers un autre établissement, celui-ci est à informer au préalable qu'il y a ou qu‘il y a eu portage MRSA. L'information doit être réalisée sur deux niveaux: de médecin à médecin notamment dans le cadre du rapport médical; et d'infirmier à infirmier, notamment par l'intermédiaire du rapport de soins. Les renseignements sur le traitement entrepris et les résultats d'analyses récents sont également à fournir. Le personnel ambulancier est à informer au préalable lorsque le patient est encore porteur MRSA, afin qu'il puisse prendre les précautions nécessaires. Le patient est à informer que son portage MRSA ne représente pas de risque pour des personnes saines. Il est recommandé de lui fournir également une feuille d'information, d'autant plus s'il lui est demandé de procéder à une décontamination naso-pharyngée et cutanée à domicile. page 4 Lors de la réadmission d'un patient à portage MRSA connu, l'isoler et procéder aux prélèvements de dépistage. Lors de la réadmission d'un patient à portage / infection MRSA et à décontamination réussie dans les antécédents, procéder aux prélèvements de dépistage avant l'hospitalisation ou bien le jour de l'admission. Pour faciliter cette approche préventive, l'établissement aurait intérêt à organiser un système d'alerte informatisée lié au nom du patient. 1) Droz M. Sax H. Pittet D.: Contrôle et prévention de l'infection dans les établissements de long séjour. Swiss-Noso 1999; 4:25-28 2) Pittet D., Sax H. Alerte rouge: staphylococcus dorés de sensiblité diminuée à la vancomycine. SwissNoso 2000;7:12-16 3) Robert-Koch-Institut: Empfehlung zur Prävention und Kontrolle von Methicillin-resistenten Staphylococcus aureus (MRSA)-Stämmen in Krankenhäusern und anderen medizinischen Einrichtungen. Bundesgesundheitsblatt 42 (1999):954-958 Ont été également consultés les documents/articles suivants: Zastrow K.-D., Kramer A., Bauch B.: Konzept zur Dekontamination von MRSA-Patienten. Hyg Med 2001;9:344-348 Wagenvoort J.H.T.: Sanierung bei MRSA-Kolonisation. Hyg Med 2001;9:356-3357 Deutschsprachiger Arbeitskreis für Krankenhaushygiene: Massnahmen beim Auftreten multiresistenter Erreger. AWMF online Ministère de la Santé et Comité technique national des infections nosocomiales, France. Maîtrise de la diffusion des bactéries multirésistantes aux antibiotiques Maîtrise de la diffusion des bactéries multirésistantes aux antibiotiques. Fiches de recommandations. CClin Paris-Nord 1998 S. Harbarth, D. Pittet: Eindämmung einer langjährigen, spitalweiten Epidemie mit Methicillinresistenten Staphylococcus-aureus-Stämmen: Genfer Erfahrungen. Hyg Med 1997;22(6):306-313 Girard L., S. Meaume: Staphylococcus aureus résistant à la méticilline et escarre. Journal des Plaies et Cicatrisations N° 20 – Décembre 1999 Struelens, Denis: Staphylococcus aureus résistant à la méticilline: vers une réponse coordonnée à un défi persistant. EuroSurveillance. Vol 5 / N°3 (mars 2000) Wagenvoort: Les mesures de contrôle des SARM aux Pays-Bas dans le contexte d'une Europe en extension. EuroSurveillance. Vol 5 / N°3 (mars 2000) Goettsch, Geubbels, Wannet, Hendrix, Wagenvoort, de Neeling: Les SARM dans les hôpitaux de long et moyen séjour aux Pays-Bas de 1989 à 1998: un réservoir en expansion? EuroSurveillance. Vol 5 / N°3 (mars 2000) Le comité de Swiss-Noso: Staphylocoques dorés résistants à la méticilline: situation et enjeux. SwissNoso déc. 1995 CDC: Hospital Infection Control Practices Advisory Committee (HICPAC): Recommendations for Preventing the Spread of Vancomycin Resistance. MMWR Sept. 1995 ,Vol 44, No. RR Kramer A., Hyg Med 2001;12:512-513: MRSA im Pflegeheim Zastrow K-D, Kramer A: Recommendations for Isolation and Antiseptic sanitation of Patients with MRSA Colonization or Infection. Basel: Karger, 2001:250-262 Rampling A, Wiseman S. et al.: Evidence that hospital hygiene is important in the control of methicillinresistant Staphylococcus aureus. Journal of Hospital Infection October 2001:109-116 Devine J. et al.: Is methicillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA) contamination of ward-based computer terminals a surrogate marker for nococomial MRSA transmission and handwashing compliance. Journal of Hospital Infection May 2001:72-75 Lacey S. et al.: The usefulness of masks in preventing transient carriage of epidemic methicillin-resistant Staphylococcus aureus by healthcare workers. Journal of Hospital Infection August 2001:308-311 _______________________________________________________________________________________ Ce document a été préparé par le Docteur Elisabeth Heisbourg, discuté au cours de plusieurs sessions du GNPIN en 2001 et approuvé le 13 février 2002. page 5 ANNEXE Situations dans lesquelles l'emploi de glycopeptides (vancomycine ou teicoplanine) doit être évité (1) 1. En prophylaxie Chirurgicale en dehors de notion anamnestique d'allergie grave aux béta-lactamines ou de haute endémicité institutionnelle pour MRSA. Chez le prématuré. Chez le patient dialysé. Chez le patient neutropénique. Chez le patient porteur d'un cathéter intravasculaire. 2. Comme traitement empirique Chez le patient neutropénique qui ne présente pas de facteur de risque d'infection à Gram positif résistant. Chez le prématuré fébrile. 3. A titre de décontamination du tube digestif 4. Les conditions suivantes sont de mauvaises indications Hémoculture positive (1 seule) pour staphylocoques à coagulase négative en l'absence d'état septique. Patient colonisé par MRSA (sans infection clinique). Premier épisode de colite à Clostridium difficile (la vancomycine doit rester un traitement de seconde intention). Traitement de commodité chez le patient dialysé. Traitement d'infections à bactéries à Gram positif sensibles à d'autres antibiotiques. Adapté des références (MMWR Morb. Mortal. Wkly. Rep. 1995;44:1; MMWR Morb. Mortal. Wkly. Rep. 1997;46:626) et (4) page 6