1 Approfondissement sur les données environnementales dans les études de Points Noirs Environnementaux (PNE) Thématique : Sources Fiche n° 4-6 Lignes Haute Tension et Très Haute Tension Le terme Haute Tension (HT) s’applique à des lignes de transport de l’électricité de tension allant de 50 à 400 kilovolts (kV) alors que le terme de ligne à Très Haute Tension (THT) s’applique à des tensions égales à 400 kV (valeur maximale en France). Dans les champs électromagnétiques à très basse fréquence comme ceux générés par les lignes HT et THT, les champs électriques et magnétiques peut exister sous forme isolée l’un de l’autre, ce qui n’est pas le cas pour des champs électromagnétiques de hautes fréquences. Le courant électrique transporté crée à la fois un champ électrique et un champ magnétique. Contrairement au champ magnétique, le champ électrique est arrêté par les obstacles physiques (matériaux de construction, arbres), et la population générale y est donc très peu exposée. Le champ magnétique, comme celui créé par les lignes HT et THT, se caractérise d’une part par son amplitude magnétique B, qui traduit son intensité, exprimée en tesla ou plutôt en micro tesla (µT) et sa fréquence exprimée en Hertz (Hz). En France, le courant électrique est transporté avec une fréquence de 50 Hz, ce qui est considéré comme une très basse fréquence. Le champ magnétique varie en fonction du transport de courant et donc de la demande en électricité, avec par conséquent des différences entre le jour et la nuit et saisonnières. L’amplitude du champ magnétique varie inversement au carré de l’éloignement de la source : pour une ligne de 400 kV (THT), le champ magnétique est estimé à environ 30 µT à l’aplomb de la ligne, 12 µT à 30 m de la ligne et 1,2 µT à 100 m de la ligne ; pour une HT de 225 kV, les valeurs respectives sont de 20, 3 et 0,3 µT alors que pour une ligne HT de 90 kV, elles sont respectivement de 10, 1 et 0,1 µT. Il s’agit là de valeurs pour les lignes aériennes, les lignes enterrées générant des champs magnétiques décroissant beaucoup plus rapidement avec la distance. Généralement, à plus de 100 m des lignes HT et THT aériennes, l’amplitude du champ magnétique induit ne dépasse pas le bruit de fond général, existant par exemple dans une habitation moderne à l’écart des lignes HT : un four à microondes peut générer un champ électromagnétique de plus de 6 µT au niveau de son utilisateur. L’étude métrologique réalisée à Champlan, près d’Orly, a montré, pour les populations résidant sous les lignes THT, une exposition moyenne comprise entre 0,06 et 2 µT. A. Seuils réglementaires En France, l'Arrêté technique du 17 mai 2001 s'appliquant aux distributions d'énergie électrique y compris aux lignes THT énonce que, « pour les réseaux électriques en courant alternatif, la position des ouvrages par rapport aux lieux normalement accessibles aux tiers doit être telle que le champ électrique résultant en ces lieux n'excède pas 5 kV/m et que le champ magnétique associé n'excède pas 100 µT dans les conditions de fonctionnement en régime de service permanent. Cette valeur limite provient d’une recommandation du Conseil de l’Europe de 1999 établie à partir des réponses biologiques d’une exposition « aiguë » à un champ électromagnétique et visant à prévenir les effets des courants induits dans l’organisme par un champ électromagnétique d’extrêmement basses fréquences ? sur les cellules excitables du système nerveux central au niveau de la tête et du tronc. Il faut noter que d’autres pays européens ont instauré des valeurs beaucoup plus restrictives : 2 - - les Pays-Bas ont adopté une valeur moyenne de 0,4 µT à ne pas dépasser à proximité des nouvelles constructions à usage sensible (logements, écoles, crèches et garderies), la Suisse a limité, à titre de précaution, les expositions dues aux installations fixes à 1 µT (en valeur moyenne sur 24 heures) dans « les lieux à utilisation sensible » tels que les logements, les hôpitaux, les écoles, les bureaux et les aires de jeu, l’Italie a défini à titre de précaution, des « valeurs d’attention » de 10 µT pour les zones où le public demeure plus de 4 heures par jour et, dans ces mêmes zones, des « objectifs de qualité » de 3 µT qui sont à atteindre à moyen terme pour les nouvelles lignes et les nouvelles constructions (valeurs enregistrées pendant 24 heures). Pour les travailleurs, l’Union Européenne a promulgué la Directive 2004/40/CE pour la protection des travailleurs vis-à-vis de l’exposition aux champs électromagnétiques, qui couvre elle aussi toute la gamme des rayonnements non ionisants (de 0 à 300 GHz), et précise les valeurs limites d’exposition dont le respect « garantira que les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques sont protégés de tout effet nocif connu sur la santé ». Pour la fréquence de 50 Hz, la « valeur déclenchant l’action » (à partir de laquelle il faut prendre une ou plusieurs des mesures prévues par la directive) est de 500 µT. Du point de vue des contraintes d’implantation, le Décret n°2004/835 du 19 août 2004 relatif aux servitudes d'utilité publique prévues par l'article 12 bis de la loi du 15 juin 1906 permet au préfet de département d'instituer des servitudes au voisinage de lignes électriques aériennes à très haute tension, dans un périmètre laissé à son appréciation du préfet mais dont la surface maximale est fixée pour les lignes à 400 000 volts à 15 m de part et d’autre de l’emprise au sol des lignes et le rayon maximal du cercle autour des pylônes à 40 m. Ces servitudes concernent l’interdiction de la construction ou l’aménagement de bâtiments d’habitation, d’aires d’accueil des gens du voyage et d’une liste limitative d’établissements recevant du public (structures d’accueil pour personnes âgées, hôtels, établissements scolaires, sanitaires, pénitentiaires ou de plein air). Cependant, ces servitudes sont guidées par des contraintes d'entretien des lignes électriques et des pylônes et non par des préoccupations sanitaires. B. Effets sur la santé Les champs magnétiques (ou électromagnétiques) peuvent produire deux types d’effets sur les organismes vivants : des effets directs sur les organes/tissus/cellules/molécules sensibles, effets qui ne sont pas encore clairement démontrés, et des effets indirects résultant des courants qui pourront être induits par ces champs dans le milieu conducteur qu'est l'organisme vivant. Sur la base de certaines études épidémiologiques rapportant une augmentation significative du risque de leucémie chez l’enfant à partir d’une exposition résidentielle moyennée de 0,2 à 0,4 µT, le CIRC a classé en 2002 le champ magnétique de fréquences 50-60 Hz comme cancérogène possible (catégorie 2B). Des corrélations existeraient également avec l’apparition de la maladie d’Alzheimer. La classification du CIRC ne s’est pas faite sans contestation étant donné qu’aucun mécanisme causal de tels effets n’a pu être démontré par les études chez l’animal. Les études épidémiologiques ayant abouti à ces résultats sont d’ailleurs sujettes à caution eu égard au grand nombre de facteurs de confusion possibles. Ainsi, une étude britannique de 2005 a montré un risque relatif de 1,2 pour le cancer pour des population résidant à plus de 200 m des lignes HT alors qu’à cette distance les niveaux de champ électromagnétique sont inférieurs au bruit de fond. Dans leur ensemble, les études d’exposition à des champs élevés durant la vie entière chez les animaux ont donné des résultats négatifs. Enfin, les symptômes d’hyper-sensibilité électromagnétique n’ont pas de lien causal démontré et pourraient relever d’un « effet nocebo » (voir chapitre psychosociologie). C. Apports des enquêtes d’opinion et travaux de psychosociologie Les lignes HT et THT soufrent parmi les populations d’un ressenti fortement négatif. Des enquêtes basées sur des questionnaires réalisés sur des sites près de la centrale de Flamanville montrent, chez l’homme, outre 3 les gênes liés au bruit et à la vue de la ligne, une augmentation de l’irritabilité, des maux de tête, des troubles du sommeil , des états dépressifs, des nausées, des troubles digestifs, des pertes de mémoire et défauts de concentration ou encore des perturbations visuelles, auditives ou cutanées. D. Indicateur Dans la littérature, le champ électromagnétique est estimé de deux manières : - par sa mesure directe (en µT), soit instantanée, soit intégrée sur une durée donnée (moyenne sur 24 heures en général). Cette mesure peut se faire à l’aide d’appareils fixes, disposés dans les différents lieux de vie, ou portatifs, portés par des volontaires. Cette méthode directe mesure cependant le champ produit par l’ensemble des sources présentes, naturelles ou artificielles (appareil électroménagers, etc.) - indirectement par calcul à partir des caractéristiques de la ligne électrique et de la localisation du récepteur. Dans ce cas on obtient le champ magnétique théorique créé uniquement par la ligne, mais il faut alors reconstituer le budget espace-temps des individus pour avoir une mesure objective de l’exposition E. Indices existants Il n’existe pas d’indice prenant en compte le champ électrique ou le champ électromagnétique local, ni en France ni en Europe. F. Sensibilité à une modification de l’état de l’environnement Si l’on applique, dans le cadre de mesures spécifiques aux PNE, des contraintes supplémentaires sur l’implantation des lignes HT et THT, l’exposition aux champs magnétiques produits par ces lignes en sera directement modifiée. G. Leçons tirées des travaux sur les points noirs environnementaux et recommandations Les études identifiées portant sur la problématique PNE ne font pas mention de lignes HT et THT. Cependant, s’agissant de sources linéaires avec une exposition décroissant en fonction du carré de la distance, il semble qu’un indicateur de type proximité serait tout à fait adapté à cette source. La distance maximale à prendre en compte serait a priori de 100 m, distance au-delà de laquelle, l’amplitude du champ magnétique atteint les valeurs de bruit de fond général. Entre 0 et 100 m, l’indicateur d’exposition devrait être pondéré en fonction du carré de la distance. Si des périmètres intermédiaires sont définis, ils ne devraient pas être équidistants mais prendre compte de croissance exponentielle du champ, par exemple : 030 m et 30-100 m. Bibliographie AFSSET. 2007. Effets sanitaires des champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences. Comité d’Experts Spécialisés (CES) : Agents Physiques, Nouvelles Technologies et Grands Aménagement.170 p. En ligne : http://www.afsset.fr/upload/bibliotheque/421986772256552219388663380233/10_03_11_ED_EBF_Rapport_saisine_ n_2008_006_20100407.pdf Gouhier C. et al. 2009. Enquête citoyenne : « Vivre avec une ligne THT ». Synthèse des résultats. 18 p. En ligne : http://www.next-up.org/pdf/Synthese_Enquete_Vivre_Avec_Une_Ligne_Tht.pdf ICNIRP; 2010. Guideline for Limiting exposure to time-varying electric and magnetic fields. 20 p. En ligne : http://www.icnirp.de/documents/LFgdl.pdf 4 INVS. 2001. Synthèse de l’étude sociologique réalisée à Champlan, en Essonne (91). 8 p. En ligne : http://www.invs.sante.fr/publications/2011/etude_sociologique_champlan/plaquette_etude_sociologique_champlan.pd f Raoul D., Sénateur. 2009. Les lignes à haute et très haute tension : quels impacts sur la santé et l’environnement ? (compte rendu de l’audition publique du 29 janvier 2009. Rapport OPECEST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques). 151 p. En ligne : http://www.senat.fr/rap/r08-307/r08-3071.pdf Salomom D. 2010. Champlan, en Essonne, village pilote. Les inquiétudes sanitaires d’un village d’Ile-de- France soumis à un cumul d’infrastructures et de nuisances. 90 p. En ligne : http://www.invs.sante.fr/publications/2011/etude_sociologique_champlan/rapport_etude_sociologique_champlan.pdf Décret n°2004/835 du 19 août 2004 relatif aux servitudes d'utilité publique prévues par l'article 12 bis de la loi du 15 juin 1906