Et si le siège éjectable avait été inventé en France par un Autrichien

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ÉDITO
Un ordre très bref, pour une action urgente. J’ai lu quelque part que, pendant le briefing, un moniteur canadien
expliquait à son élève : « Si tu entends dans tes écouteurs « Ejecte, Ejecte, Ejecte », seul le premier mot est
vrai. Les deux autres ne sont que des échos. Si tu demandes « Pourquoi ? », tu parleras tout seul car, à ce
moment là, tu seras le seul pilote dans l’avion ! » . Cette phrase ne peut être qu’une plaisanterie. Jamais un
instructeur ne s’éjecterais avant que son élève ne l’ai fait. Mais je l’aime bien quand même, car elle évoque bien
l’urgence et la rapidité d’une éjection. Ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’un pilote abandonne son avion,
surtout qu’il n’ignore pas qu’on lui en demandera des comptes. Lorsqu’il le fait, c’est que la situation est
vraiment devenue catastrophique, que tout ce qui pouvait être tenté l’a été, qu’il a atteint la limite au-delà de
laquelle il sera trop tard. La dernière seconde.
Mais trois secondes plus tard, il se pendra légèrement sous son parachute … Sauvé.
La première éjection, c’était il y a 70 ans (en réalité 71, j’avais d’abord trouvé une mauvaise date), en
Allemagne.
Depuis, plus de 7 400 pilotes lui ont dû la vie, rien que pour les sièges Martin-Baker.
Une longue histoire, pour un objet très complexe et très performant. Je vais vous raconter …
Bonne lecture à tous !
Jacques DESMARETS
Courrier des Lecteurs
Récemment, j’ai raconté Félix Baumgartner à ma fille, puis je lui ai fait lire l’article que je lui avais consacré dans
le numéro 01 d’Aéro Jack.
Alors elle m’a fait remarquer qu’il y manquait une précision intéressante que je lui avais pourtant donnée. Et en
effet, je n’ai appris qu’après la rédaction de cet article, dans un excellent reportage télévisé, que Baumgartner
avait dû faire face à une grande difficulté pour ce saut.
Il portait une combinaison d’astronaute, obligatoire pour survivre à très haute altitude, mais très inconfortable.
Impossible de se toucher, de se gratter, de la retirer seul… et il devait la supporter plusieurs heures. Il s’y est
entraîné au sol, mais il ne la supportait pas. En fait, à l’intérieur, il faisait une forme de claustrophobie, ce qui est
facile à comprendre (pour moi en tout cas). Il a failli abandonner à cause de ça.
Il est retourné plusieurs mois en Autriche, prenant du recul pendant que son équipe continuait les préparatifs.
Et puis, l’envie de réaliser son exploit l’a aidé à reprendre le dessus, et il est revenu aux USA reprendre son
entrainement...
En couverture ce mois-ci :
Ejection depuis un F-16 au niveau du sol
Le Captain Chris Stricklin, de la patrouille Thunderbirds de l’USAF, s’éjecte de son F-16, le 14 septembre 2003, lors d’un meeting à
Mountain Home AFB (Idaho). En sortie d’une boucle vers le bas, il s’aperçoit qu’il est plus bas que prévu et qu’il ne pourra pas
redresser à temps. L’avion paraît en vol horizontal, mais en réalité il est en train de s’enfoncer rapidement. Il écarte sa trajectoire de la
foule et déclenche son éjection. Il vole à 225 kts et n’est plus qu’à environ 50 pieds du sol quand son siège quitte l’avion. Il s’en sortira
presque indemne !
La nouvelle trajectoire de l’avion le dirige vers la tour, où se trouve un très bon photographe, avec un très bon appareil et de très bons
réflexes …
Photo signée SSGT Bennie J. Davis III (photographe de l’USAF), en ligne sur http://www.ejectionsite.com/thunderbird6.htm
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Ejecte !
La première éjection a 71 ans
Son histoire est aussi celle de Martin-Baker
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P. 04
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P. 18
Et si ça avait été inventé en France
Comment ça marche
Cas particuliers
Une éjection en 5 photos
Deux témoignages d’éjections
J.F. Fillastre sur SM B-2 et Linda
Malloney sur EA6-A, la première femme
A l’aide !
Aidez-moi à identifier des avions originaux
L’Archaeopteryx
le planeur à pattes
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Les P’tites News
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Aéroludique
P. 24
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Au départ, je me suis dit :
« Siège éjectable égale
Martin-Baker. On va donc
commencer par la vie de
Sir James Martin et du
Captain Valentine Baker ».
Pas si simple !
D’abord on ne sait pas grand-chose de leurs vies, ensuite l’histoire
du siège éjectable commence bien avant eux.
James Martin naît le 11 septembre 1893
en Irlande du Nord. En 1929, il crée sa
propre entreprise de construction
aéronautique, la Martin's Aircraft Works,
pour fabriquer des pièces d’avion.
Captain Valentine Baker
Martin-Baker MB-1
Martin-Baker MB-2
Martin-Baker MB-3
Valentine Baker est né le 24 août 1888 au
Pays de Galles. En 1914, il s’engage dans la
Royal Navy, où il devient estafette. Cinq
mois plus tard, il est blessé d’une balle qui
se loge dans son cou. Trop proche de la
moelle épinière, elle ne peut être retirée. Il
rejoint alors le Royal Welch Fusiliers puis,
après son mariage, l’école de pilotage où il
est breveté en septembre 1916. Il remporte
ensuite plusieurs victoires avant de devenir
instructeur. Après plusieurs affectations et
promotions, il quitte l’armée en 1921 avec
le grade de Capitaine
Embauché par Vickers, il part d’abord en
Indonésie (alors Indes Néerlandaises) puis
au Chili. Il y assure la démonstration des
avions et la formation des pilotes.
De retour en Grande Bretagne, il ouvre une
école de pilotage qui deviendra fameuse. Il
aura, entre autres, comme élèves le futur
Edouard VIII et Amy Johnson.
C’est à cette époque que les deux hommes
se rencontrent. Ils deviennent amis et, en
1934, Baker rejoint Martin pour former la
Martin-Baker Aircraft Company Ltd, dont
Baker devient le pilote d’essais.
En effet, l’entreprise se lance alors dans la
construction d’avions maison. Ensemble, ils
vont mettre au point quatre prototypes, les
MB1, 2, 3 et 5. En 1935, le MB1 est un
petit biplace de tourisme de 11 m
4 à fabriquer
d’envergure, qui se veut simple
et à entretenir.
Son moteur de 160 ch autorise une vitesse
maximum de 200 km/h. Ses ailes sont
repliables au sol par une personne seule
pour en favoriser le stockage.
Le prototype sera détruit au sol dans un
incendie en 1938.
La même année, Martin-Baker propose à
l’armée le MB2 pour répondre à une
demande pour un chasseur avec moteur
refroidi par air. Cette fois, un moteur
Napier de 800 ch le propulse à 480 km/h. Il
emporte 8 mitrailleuses. Son train est fixe
mais entièrement caréné. Testé par la RAF
en 1939, il n’est pas retenu, malgré sa
simplicité de fabrication et de bonnes
critiques. On lui préfère les Hurricane et
Spitfire…
Les deux constructeurs développent alors le
MB3 dont le premier vol intervient le 31
août 1942. Dérivé du précédent, ses
courbes plus souples rappellent celles du
Spitfire. Son moteur de 2 000 ch et son
train rentrant lui permettent de voler à 670
km/h et de monter à 12 000 m avec ses 6
canons de 20 mm et leurs 1 200 obus qui
peuvent être rechargés au sol en cinq
minutes. Il est, comme les précédents,
conçu pour une fabrication et une
utilisation les plus simples possibles.
Les premiers vols démontrent une
incroyable manœuvrabilité. Mais le 12
septembre, une panne moteur au décollage
provoque le crash de l’appareil et la mort
de Baker.
James Martin est très touché par la mort de
son ami, et on dit que ce décès le poussa à
travailler désormais à fond vers la sécurité
des pilotes.
Martin-Baker MB-5
Le prototype du MB3 détruit, il se lance
dans l’étude du MB4,
MB3 simplement équipé
d’un nouveau moteur.
Mais il abandonne
rapidement ce projet
pour un tout nouvel
avion, le MB5.
La voilure reste
identique, mais le
fuselage est entièrement
nouveau et cette fois, le
moteur est un RollsRoyce Griffon refroidi par eau. Un V-12
de 2 340 ch qui le propulse à 740 km/h par
le biais de deux hélices contrarotatives pour
en diminuer l’effet de couple.
Il fait son premier vol le 23 mai 1944.
Certains pilotes diront qu’il est supérieur au
Spit. Mais il arrive trop tard. La RAF
commence maintenant à étudier les avions à
réaction pour succéder à ses chasseurs, et le
MB5 n’aura pas plus de suite que ses
prédécesseurs.
L’entreprise ne produira plus d’avions.
Pourtant, l’histoire de Martin-Baker n’en
est encore qu’à ses débuts.
Pendant la guerre, la société Martin-Baker
a continué à produire de nombreuses pièces
d’avions, et en particulier la verrière
éjectable des derniers Spitfire qu’elle a
mise au point. La société a acquis une
certaine notoriété dans le domaine de la
sécurité. C’est pourquoi James Martin est
contacté par le Ministère de l’Air pour
étudier un moyen d’assistance aux pilotes
qui essaient de quitter leur avion lorsqu’ils
sont en difficultés. En effet, en janvier 44,
le chef pilote d’essais Davie a du
abandonner le tout nouveau Gloster Meteor
à réaction. Mais lorsqu’il est sorti du
cockpit, il a été choqué par le déplacement
d’air et a perdu connaissance. Il s’est tué
sans avoir tenté d’ouvrir son parachute !
A cette époque, en effet, les pilotes doivent faire face à cette nouvelle difficulté.
Pendant la première guerre mondiale, ils volaient le nez au vent, à des vitesses relativement faibles. Sauter aurait donc pu
être relativement facile, mais le parachute n’est pas encore généralisé, essentiellement pour des raisons de poids. Seuls les
aéronautes en sont équipés, ainsi que les pilotes allemands à partir de 1918. Par contre il va se généraliser entre les deux
guerres.
Au fil de la seconde guerre, la chose va se compliquer. Les pilotes doivent maintenant se débarrasser d’une verrière, pas
forcément facile à ouvrir si l’avion a été touché. Ensuite, volant à plusieurs centaines de km/h, ils doivent affronter un
vent relatif très fort, et des facteurs de charge importants, pour peu que le vol ne soit pas stabilisé, voire que l’avion soit
en vrille. Sans compter les conditions de température et de pression qui peuvent régner à très haute altitude.
A la fin de la guerre, cela devient extrêmement difficile pour les pilotes des meilleurs avions à hélice.
Mais en Allemagne, le problème va être soulevé dès le début de la guerre. En effet, les ingénieurs du Reich travaillent
déjà sur les premiers avions à réaction, dont les vitesses sont impressionnantes. Et leur mise au point difficile entraîne de
nombreuses pertes de contrôle. Même des Nazis ne peuvent pas accepter de perdre systématiquement leurs meilleurs
pilotes.
C’est d’ailleurs dès 1939 qu’en Allemagne, Puis de vrais sièges éjectables seront
Karl Arnold, Oscar Nissen, Rheinhold
installés sur les deux prototypes du Heinkel
Preuschen and Otto Schwarz, au nom de
280 et surtout sur le Heinkel 219, premier
Junkers, ont, les premiers, déposé un brevet avion de série à en bénéficier.
pour un système de siège éjectable
(Reichpatent nr. 711045).
Et le 13 janvier 1942, lors d’un vol d’essai
Mais
c’est
Heinkel
qui,
la
même
année,
va
du He 280 V1 (premier proto), le pilote
Heinkel 176
concrétiser l’idée sur son prototype d’avion d’essai Helmut Schenk largue sa verrière,
Heinkel 280
à moteur fusée Heinkel 176. En fait, c’était actionne le siège et est catapulté hors de
plutôt tout le
son avion par une décharge de gaz
mini-cockpit
comprimés. Il est le premier pilote de
de l’appareil
l’histoire à s’éjecter en situation de crash et
qui devait être
à devoir la vie à cette invention.
éjecté. Mais de Avant lui, Busch, avait été le premier à
toute façon,
s’éjecter en conditions de test.
l’appareil ne
vola jamais
vraiment.
5
Les allemands expérimenteront trois types
de sièges, éjectés par un gaz comprimé,
comme ce fut le cas pour Schenk, par un
ressort, et par une charge explosive.
C’est ce troisième type qui équipait le
chasseur de nuit He-219 « Uhu » (Grand
Duc).
Début 1945, Otto Fries et son opérateur
radar Arthur Staffa sont les premiers à
s’éjecter en situation de combat, leur
« Uhu » ayant été touché au moteur droit
par un Mosquito. Tous les deux survécurent
à la guerre.
Siège d’un He-162 à réaction
On estime que les pilotes allemands
utilisèrent à 60 reprises leurs sièges
éjectables pendant la guerre.
A noter que le
« Grand Duc » est
l’avion héros de la
bande dessinée
éponyme de Yann
et Romain
Hugault, dans
laquelle on voit
justement, et de
façon détaillée,
l’équipage
s’éjecter.
Mais c’est sur le
front russe.
Un excellent
livre !
Otto Fries
Test allemand en 1944 depuis un FW-190
He-219 Grand Duc
Dans le même temps, la firme suédoise SAAB (qui à
cette époque ne fabrique que des avions ; SAAB
signifiant Svenska Aeroplan Aktiebolaget) met
également au point un siège éjectable pour équiper en
1943 son SAAB J21 A. En effet, son hélice propulsive,
à l’arrière du cockpit, rendait impossible la sortie
manuelle. Il sauvera une première vie le 29 juillet 1946.
Il avait d’abord été testé en Janvier 1942 sur un SAAB
B17 modifié.
On voit donc que, quand début 1944, le Ministère de l’Air demande à Martin de réfléchir au moyen d’aider les
pilotes à sauter, le siège éjectable existe déjà. Mais avait-il eu connaissance de ces
travaux ? Martin-Baker se lance néanmoins tout de suite dans cette même
direction de l’éjection de l’ensemble composé par le siège et le pilote. Nous
verrons néanmoins que d’autres systèmes seront mis au point, éjectant soit
l’ensemble du cockpit, soit le pilote avec seulement son dossier.
Aucune recherche n’avait encore été sérieusement menée du côté des alliés sur les effets
des g positifs sur le corps humain. Seuls les g horizontaux supportés lors des catapultages
sur porte-avions avaient été étudiés. Or, pour que l’éjection soit quasi instantanée, il faut
propulser le siège avec une accélération énorme. Jusqu’où peut-on aller ? Martin va donc
commencer par étudier cet aspect du problème. Il fait construire un portique de plus de
cinq mètres de haut, un trépied dont l’un des mâts supporte des rails sur lesquels un siège
va pouvoir monter. Ce siège, propulsé par deux tubes télescopiques contenant une charge
explosive, va d’abord recevoir un mannequin. Puis à partir du 24 janvier 1945, c’est
l’ingénieur Bernard Lynch qui va supporter les différents essais.
6
Sir James Martin
A droite, Bernard "Benny" Lynch
assis dans le Meteor de test
Un Boulton Paul Defiant P 82
Un Meteor F 3
Benny Lynch et James Martin le
24.07.46 ; Benny s’éjectera une
trentaine de fois au cours de sa
carrière !
L’ensemble du siège MartinBaker Mk 1 pesait environ 78 kg,
dont 64 étaient éjectés.
Le parachute était derrière le dos
du pilote, et un kit de survie sous
ses fesses.
Le premier l’expédie à 1m20 de haut. Petit
à petit, la charge explosive est augmentée,
jusqu’à ce que Lynch atteigne 3 mètres.
Mais les efforts subis deviennent
insoutenables. Un journaliste qui avait
souhaité s’y coller se retrouve à l’hôpital
avec un tassement de la colonne vertébrale.
Martin fait l’acquisition d’une vraie
colonne vertébrale pour continuer les tests
et, au final, établit les règles suivantes :
 Le pic d’accélération ne doit pas dépasser
21 g, et ce pic ne doit pas durer plus d’un
dixième de seconde.
 Le taux d’augmentation des g ne doit pas
dépasser 300 g par seconde.
 Pendant l’accélération, la position du
corps doit garantir l’alignement correct
des vertèbres.
Un nouveau portique de 20 mètres est
construit et le siège intègre alors une
poignée au-dessus de la tête pour assurer la
bonne position de la colonne vertébrale.
Parallèlement, les premiers tests en vol
avec mannequins sont effectués à partir de
mai 45 depuis un Defiant renforcé pour
supporter l’effort de propulsion du siège
installé à l’arrière, à la place de la tourelle.
Mais l’avion, qui date de 1937, ne dépasse
pas 500 km/h.
Les essais sur portique ayant validé le
siège, Martin-Baker obtient un Gloster
Meteor F3, plus représentatif des avions
moderne de l’époque. Il est modifié pour
recevoir le siège éjectable derrière le poste
de pilotage, à l’emplacement de la soute à
munition. Le premier essai en vol, réalisé
en juin 46, est un échec, le parachute étant
7
arraché du siège. Heureusement, c’était
encore un essai avec mannequin !
Premier essai en vol sans passager
Un premier parachute, plus petit, est ajouté
pour stabiliser et ralentir le siège avant
l’ouverture du parachute principal.
Après de nouveaux essais concluants, le
premier essai humain en vol est enfin
réalisé le 24 juillet 1946 par Bernard
« Benny » Lynch, à 8 000 pieds et 515
km/h. Mais sur cette première version,
Benny doit, après que sa descente soit
stabilisée, se débrêler, quitter le siège qui
reste accroché au parachute principal, et
commander l’ouverture de son propre
parachute avant de se poser comme une
fleur.
Aussitôt, l’U.S. Navy s’intéresse au produit
et, le second essai d’un siège Martin-Baker
est fait le 1er novembre 1946 à Philadelphie
depuis un Douglas A-26 Invader.
Le concept ayant fait ses preuves, Martin et
Lynch vont améliorer le prototype pour en
faire le siège Mk 1 qui sera installé à partir
de 1947sur les Meteor, Attacker, Wyvern,
Canberra et plus tard sur les Sea Hawk et
Venom.
Le 30 mai 1949, Jo Lancaster est forcé
d’abandonner son Armstrong Whitworth
AW52. Il est le premier pilote sauvé par
son siege Martin Baker.
Sept. 1955, première éjection au
niveau du sol
Doddy Hay avant son éjection en
1961
James Martin félicite Peter
Howard en 1962
Quelques statistiques
de Martin-Baker :
6 éjections réussies ont eu
lieu à vitesse supersonique
L’éjection la plus haute se
fit à 57 000 pieds (17 000
mètres) en 1958, sauvant
les deux membres
d’équipage d’un
bombardier Canberra
Records en nombre
d’éjections par période :
Année : 494 en 1967
Mois : 63 en juin 67
Jour : 11 le 22 nov. 1969
Sur les 70 premières éjections, seules 50
sauvèrent le pilote, qui avait encore trop de
choses à faire lui-même, comme se libérer
du siège et ouvrir son parachute personnel,
alors que les éjections sont souvent
réalisées dans des situations où il n’a plus
tous ses moyens. A partir de 1953, les
avions sont équipés du nouveau siège Mk 2,
qui intègre bon nombre d’automatismes
supplémentaires, comme l’unité
barométrique interdisant l’ouverture du
parachute au-dessus de 10 000 pieds ou la
coupure du harnais du pilote.
En 1954, la version Mk 3 autorise, grâce à
de nouvelles charges explosives et à des
sangles rappelant les jambes du pilote
contre le siège, des éjections à plus hautes
vitesses, mais aussi à faible vitesse (130
kts) et basse altitude (50 pieds). A partir de
cette époque également, la commande
d’éjection automatise également le largage
de la verrière, même si, par défaut, le siège
est capable de la traverser si besoin.
En 1955, J. S. Fifield réalise la première
éjection au niveau du sol, depuis un Meteor
roulant à 145 kts. Six secondes après l’avoir
déclenchée, il se posait doucement sur le
sol. Le mois suivant, il établit un nouveau
record en s’éjectant à 40 000 pieds.
Le 1er juillet 1960, Doddy Hay expérimente
la première éjection sur un siège tourné
vers l’arrière de l’avion, depuis un Valiant
modifié pour l’occasion. Martin essaie en
effet de convaincre la RAF d’installer des
sièges éjectables pour tous les membres
d’équipages de ses bombardiers Vulcan,
Victor et Valiant. Mais malgré le succès de
la démonstration, la RAF ne retiendra
jamais cette option.
En 1961, Martin Baker développe un
nouveau type d’éjection assistée par des
fusées, qui permet enfin l’éjection 0/0 (0
altitude, 0 vitesse). Il est testé depuis un
portique au sol le 1er avril 1961 par Doddy
Hay, puis depuis un avion le 13 mars 1962
par Peter Howard.
En 1965, James Martin célébrait la 1 000°
vie sauvée par ses sièges, en moins de 20
ans !
8
Aujourd’hui, c’est 7 410 pilotes qui lui
doivent la vie dont 670 français. Le dernier
est un pilote des Saudi Air Force qui s’est
éjecté de son Tornado le 11 février dernier.
Depuis 1957, tous les pilotes sauvés sont
intégrés dans le Martin-Baker Tie Club. Ils
reçoivent lors d’une cérémonie (organisée
lors du Salon de l’Aviation du Bourget
pour les Français), un diplôme, une cravate,
un écusson et un pin’s, qui permet de les
identifier en civil comme en uniforme.
Plusieurs Meteor viendront compléter et
remplacer le premier avion, pour filmer les
essais et pour bénéficier des progrès
réalisés en matière de vitesse. Les deux
derniers en date, qui ont rejoint MartinBaker en 1977 et 2001, sont toujours en
service, la société estimant que cet avion
est le meilleur et le plus fiable pour ce
travail. Il faut dire qu’ils ne volent guère
plus de 50 heures par an.
Mais d’autres avions seront également
utilisés, comme le Hawker Hunter dans les
années 60 (uniquement avec des
mannequins), afin de tester les adaptations
des sièges à différents types d’aéronefs.
WL 419
et
WA 638
sont les
deux
Meteor
actuels de
MartinBaker
Concurrence
Deux autres compagnies britanniques
construiront également des sièges
éjectables. ML Aviation, dirigée par le
belge Marcel Lobelle, dont les premières
versions, manuelles, furent installées sur
quelques avions. La firme en cessa la
production après un accident en 1951 ayant
mis le siège en cause.
La Folland Aircraft Company acquis la
licence de production du siège suédois pour
son appareil Gnat Trainer, mais ne souhaita
poursuivre dans ce sens pour ses autres
appareils.
Siège de Saab J21(1945)
Siège de Saab J35 Drakken
(1955)
En Suède, SAAB améliora son premier
siège, surtout lors du développement des
jets J35 Drakken, puis J37 Viggen qui
reçurent des sièges de plus en plus
performants, tout-à-fait comparables aux
Martin-Baker. Toutefois, lors du
développement du JAS39 Gripen,
concurrent du Rafale, qui fit son premier
vol en 88, SAAB préféra opter pour un
siège Martin-Baker Mk10.
Aux États-Unis, on a vu que la Navy s’était
rapprochée de Martin-Baker dès le début de
leurs travaux. Toutefois, à la fin de la
guerre, les américains ayant « récupéré » la
science des allemands dans ce domaine
commencèrent à développer leurs propres
produits. En fait, l’éternelle rivalité entre
Navy et Air Force, ainsi que leurs besoins
réellement différents (la Navy souhaitait
des sièges 0/0 pour pallier aux problèmes
lors des catapultages/appontages, quand
l’Air Force s’intéressait surtout aux
éjections à très haute altitude et très grande
vitesse), amenèrent l’USAF à encourager
plutôt une fabrication « maison » par les
constructeurs américains en collaboration
avec son propre service de Recherche et
Développement.
Coque nue du Tilt Seat, ou
Rotational B Seat, que vous voyez
lors de son test depuis un F106
sur la photo ci-contre.
9
Plusieurs constructeurs (North American,
Douglas, Republic, Lockheed, Grumman,
…) développèrent donc leurs propres
sièges, sur la base des matériels Heinkel,
donc commandés au niveau des accoudoirs
et utilisant un parachute standard, porté par
le pilote (qui était assis dessus), lequel
devait se détacher et s’éloigner seul de son
siège après l’éjection. Mais aucun ne put
réaliser des éjections 0/0, les meilleurs ne
descendant pas en-dessous de 500 ft
d’altitude minimum.
Le plus aboutit fût le Douglas Escapac. La
Navy préféra donc se fournir en avions
équipés de Martin-Baker Mk 5, évolution
du Mk4 correspondant à ses demandes.
L’avènement des Jets supersoniques amena
l’USAF à lancer un nouveau programme de
siège éjectable, qui fût finalement attribué à
Convair en partenariat avec Stanley. Le
résultat fût le Convair B Seat (ou Tilt Seat),
qui fût testé en juin 1961 sur un Convair
F106, à 7 000 mètres et 800 km/h (alors
qu’il était prévu pour des vitesses de Mach
2+). Le déclenchement se faisait en deux
fois, par la poignée située entre les cuisses.
Au premier cran, la verrière était éjectée,
les harnais verrouillés, le bas du siège se
relevait pour remonter les genoux du pilote
au niveau de son torse, et le second cran de
poignée se débloquait. Puis, sur une
nouvelle traction, le siège était élevé audessus du cockpit, puis basculé en position
horizontale, le pilote se retrouvant donc sur
le dos, en position fœtale, au moment où le
canon éjectait réellement le siège au-dessus
de l’avion, cette position devant lui
permettre de supporter le vent relatif
supersonique … qu’il avait quand même
déjà affronté de face avant que le siège ne
bascule ! La suite était automatisée et
adaptée en fonction de l’altitude.
L’ensemble pesait 275 kg.
Il fut installé sur tous les F106 jusqu’en
1959 mais ne donna pas satisfaction en
opérations, plusieurs morts n’ayant pu être
évitées.
dérivé du Mk 7 pour répondre aux
spécificités demandées par Gruman pour
son appareil (la référence reprend les trois
premières lettres de l’avionneur).
Il fut remplacé à partir de 1963 par un siège
plus conventionnel fabriqué par Weber.
Et lorsqu’en 64 l’USAF décida d’adopter le
F4 Phantom II, développé en 1958 pour la
Navy, elle adopta en même temps son siège
Martin-Baker.
Escapac IE1 sur un S-3 Viking en
cours d’entretien
Simulateur pour la formation des
mécanos au maniement du siège
Aces II sur un F-16.
Ensemble siege K-36 DM et
combinaison EEI-15.
Siège SKS-94
Au fil des années, la Navy comme l’USAF
partagèrent leurs clientèles entre MartinBaker et les deux constructeurs américains,
Universal Propulsion qui équipe surtout les
AV-8B Harrier II, et surtout McDonnell
Douglas avec son Advanced Concept
Ejection Seat (ACES II), évolution de
l’Escapac.
En colonne de droite, vous voyez le siège
arrière d’un F-14 Tomcat, autrement dit le
siège sur lequel meurt « Goose » dans
Topgun : un Martin-Baker Mk GRU-7 A,
A la fin de la guerre, les américains ne sont
pas les seuls à récupérer le fruit de la
recherche allemande. Les Soviétiques
testent au sol, dès le 24 juin 1947, un siège
éjectable installé sur un Petlaykov Pe-2,
dessiné par le bureau d’études de Mikoyan.
Il est ensuite installé sur un MiG-9 et testé
en vol, à 764 km/h, le 16 janvier 1948.
Il est rapidement installé sur les MiG-15 et
MiG-17, capable d’éjections à partir de
250 m et jusqu’à 700 km/h.
Après diverses améliorations de cette
première version, Mikoyan développe, en
1962, un nouveau modèle pour les MiG-21
P et PF, portant les seuils à 1 100 km/h et
110 m.
Au début des années 80, le bureau d’études
Mikoyan cessa de développer ses propres
sièges, l’URSS ayant souhaité uniformiser
le système en en confiant les développements à une seule société, Zvezda (Etoile).
Créée en 1952, elle était déjà spécialisée
dans tous les éléments de sécurité
aéronautiques et avait mis au point le E-36.
Après plusieurs mises à niveau, il devient le
K-36 et est intégré dans tous les avions du
bloc de l’est.
10
Ses performances actuelles permettent des
éjections de 0 à 25 000 mètres, et à des
vitesses comprises entre 0 et M 2,5.
Zvezda développe également les
combinaisons de vol des pilotes ; en fait,
c’est même la société qui fabrique celles
des cosmonautes, et son siège éjectable
équipait également la navette Bourane.
Elle a également développé un siège
éjectable pour l’aviation générale, le SKS94, qui équipe par exemple les avions
acrobatique Su-31M, Su-26M3 et Yak52M. Pesant 27 kg, il est efficace de 60 à
400 km/h, et de 7 à 4 000 m.
Su-31M
Elle a enfin mis au point le K-37 pour
l’hélicoptère de combat Kamov Ka-50.
Avant d’éjecter le pilote, il éjecte les pales !
Et si le siège éjectable avait été inventé en France par un Autrichien ?
Info extraite du site municipal d’Issy les Moulineaux
Grande première au-dessus du champ
de manœuvres d'Issy-le-Moulineaux,
le 12 décembre 1912 : un mannequin
du poids d'un homme, équipé d'un
parachute, est éjecté d'un avion en vol
à l'aide d'un petit canon. Cette
invention vient à point nommé après
une année 1911 catastrophique pour
l'aviation française. Sur 500 pilotes
répertoriés, 34 ont trouvé la mort !
Conquérir le ciel, c'est bien mais pas à
n'importe quel prix. Et c'est bien ce
que pense alors ce génial inventeur -
Dans les hangars de la firme Astra. © Agence
Rol.
pas très connu - qu'est le baron
Odkolek von Ujezd, un Viennois,
officier de l'armée austro-hongroise
qui a mis au point en 1893 les
premières mitrailleuses
automatiques. Il s'est installé dans les
hangars de la firme de dirigeables
militaires Astra, à Issy-lesMoulineaux, profitant des
infrastructures en plein essor dans
cette banlieue parisienne depuis que,
le 13 janvier 1908, Henri Farman a
réussi sur un biplan construit par les
frères Voisin à effectuer le premier vol
au monde motorisé maîtrisé.
Il travaille sur son projet en y incluant
le parachute, déjà testé : dessiné par
Léonard de Vinci en 1488, inauguré
par André-Jacques Garnerin au-dessus
du parc Monceau, à Paris, le 22
octobre 1797, expérimenté depuis un
avion le 1er mars 1912 par le capitaine
Albert Berry, au-dessus de SaintLouis, aux États-Unis.
Ce 12 décembre 1912, c'est un succès
total. Mais il faudra attendre encore
trente-cinq ans et l'avion à réaction
pour que l'usage de ce siège éjectable
soit généralisé, sauvant ainsi la vie de
nombreux pilotes.
C'est le 9 juin 1948, en effet, que le
lieutenant Robert Cartier,
parachutiste d'essai de l'armée de l'Air,
réalise la première éjection en vol sur
le territoire français, à Brétigny.
En ce qui concerne l'utilisation du
parachute, c'est en 1935 seulement que
les premiers militaires français seront
équipés et organisés. PCB
Les essais. © Agence Rol.
Entrainement
SECURITE
Les pilotes sont formés à l’utilisation du siège éjectable.
Ils utilisent pour cela un simulateur reproduisant le cockpit
de l’avion (sans la verrière). Ils peuvent déclencher
l’éjection. Leur siège est alors propulsé le long de ses rails
et s’élève d’un petit mètre (selon certain témoignage, il
s’élevait de plusieurs mètres sur le simu de T-33 dans les
années 70). Bien entendu, cette propulsion est moins
brutale que lors d’une éjection réelle ! Il n’y a pas de
charge explosive, sans doute seulement un système à air
comprimé.
A voir au compteur 7 minutes 15 de la vidéo de l’émission
« C’est pas sorcier » visible à l’adresse
http://www.youtube.com/watch?v=5FF0B8jJQkc
Si un jour vous trouvez un siège éjectable dans la nature,
ne touchez à rien.
D’abord parce que certaines des charges explosives qu’il
contient peuvent ne pas avoir été déclenchées, en
fonction du type d’éjection réalisée. Et en touchant, vous
pourriez provoquer leur explosion et mettre votre vie en
danger.
Ensuite parce que l’état des pièces de l’engin peut
permettre à l’enquête d’établir les causes de l’accident, et
donc d’en tirer des conclusions pour améliorer la sécurité
des pilotes. Toute pièce manquante pourrait fausser
l’enquête, et donc nuirait à cette sécurité.
Ce qu’il faut faire : prévenir la police et interdire la zone.
Simulateur Alpha
Jet, à Tours
11
Comment ça marche
Après de nombreux développements et améliorations, un certain nombre de caractéristiques sont devenues communes à la
plupart des sièges installés sur les avions de chasse modernes. Nous allons observer ci-dessous le fonctionnement d’un
siège Martin Baker. Sachez que les avions français sont essentiellement équipés de Mk10 (Alpha Jet, Mirage 2000 et F-1)
et Mk 16 (Rafale). Ce dernier pèse 90 kg.
Désormais, lorsque le pilote tire sur sa poignée d’éjection, il n’a plus rien d’autre à faire avant de se balancer
tranquillement sous son parachute. Toutes les phases de l’éjection se succèdent automatiquement, quelles que soient les
position, vitesse et altitude de l’avion. Les automatismes savent identifier instantanément la situation et s’y adapter pour
permettre au pilote de rejoindre en sol avec le maximum de sécurité.
La poignée est située entre les genoux du pilote. A l’origine, Martin l’avait placée au-dessus de la tête. En la tirant à deux
mains, le pilote se mettait dans une position qui limitait les traumatismes de la colonne vertébrale en assurant son
alignement vertical. En même temps, le pilote se couvrait la tête d’un voile qui le protégeait du vent relatif. Mais dans
cette position, beaucoup de pilotes eurent les bras cassés par ce vent, ce qui leur était fatal en cas de chute au-dessus de
l’eau. De plus, de très forts g positifs pouvaient les empêcher de l’atteindre. La poignée basse fût d’abord ajoutée au siège
en complément, avant de devenir le seul moyen de déclenchement sur les sièges actuels.
La traction de la poignée provoque
d’abord deux choses : la fragilisation
de la verrière au moyen de cordons
d’explosifs situés dans l’épaisseur du
Plexiglas * (bien que le siège soit équipé de brise-verrière qui
la feraient exploser de toute façon), et le rappel des épaules et
membres du pilote de façon à les plaquer contre le siège. Le
harnais s’occupe des épaules, la combinaison des bras, et des
courroies ramènent les pieds.
En même temps, elle déclenche l’allumage de la première
des charges qui vont extraire le siège de l’avion hors du
cockpit en le faisant glisser sur ses rails.
Une partie des gaz émis servira à
déclencher d’autres mises à feu,
comme celles des fusées destinées
à poursuivre l’éjection. En effet,
une charge primaire plus forte
pourrait assurer l’éjection seule,
mais en provoquant des
accélérations insupportables par le
pilote.
C’est pour obtenir une accélération plus progressive que des fusées prennent le relais
pour finir le travail.
Mais d’autres fusées serviront
également à redresser le siège en cas
d’éjection dans une position nonhorizontale, et à gagner plus de hauteur
en cas d’éjection à basse altitude.
Sur cette photo, on distingue clairement les
sangles (grises) qui ramèneront en arrière les
épaules du pilote.
Remarquez également l’angle prononcé du
dossier (30°), qui facilitera l’encaissement des
12 à 20g provoqués par l’éjection.
12
Avant la mise en place des sangles de rappel
des jambes, les pilotes avaient parfois les
jambes cassées par le vent relatif (photo 1952)
Notez sur ces verrières les cordons d’explosif
destinés à les fragiliser au moment de l’éjection.
Les liaisons avec l’avion sont
automatiquement coupées, et le pilote est maintenant fourni en oxygène par une bonbonne
intégrée au siège. Une balise de détresse est automatiquement déclenchée. Des sondes pitot
intégrées au siège en mesurent la vitesse. Un câble fixé au cockpit va, en se tendant, libérer
diverses goupilles qui vont déclencher, en particulier, l’allumage d’une charge qui va
provoquer le déploiement d’un premier parachute. Appelé « drogue » en anglais, celui-ci est destiné à stabiliser le siège
une fois les propulseurs éteints, et à le ralentir.
Alors seulement une nouvelle étape est lancée, qui provoque le déploiement du parachute principal (située dans le
logement en haut du siège, et relié au harnais du pilote). Dès que celui-ci commence, d’autres charges provoquent le
cisaillement des parties du harnais reliant le pilote au siège, en même temps que de puissants ressorts repoussent ce
dernier.
Bien entendu, cette étape ne se déclenche que lorsque les baromètres intégrés au siège ont vérifié que le pilote était
descendu suffisamment bas (réglé entre 16 400 et 19 400 pieds), pour limiter au minimum son séjour dans les conditions
infernales régnant à haute altitude.
En tout, il y a au moins huit charges différentes qui se déclencheront, au moment adéquat en fonction de la situation, au
cours de l’éjection.
Le pilote se retrouve enfin à descendre sous son parachute, à une vitesse
maximum de 7 m/s.
Si l’altitude a permis une séparation immédiate, il s’est écoulé 2,65 secondes
depuis que le pilote a tiré la poignée !
Le paquetage de survie, situé dans l’assise du siège, se retrouve pendu sous lui.
Il contient une trousse de secours d’urgence, une couverture de survie, des
lunettes de soleil, un couteau, une scie filiforme, du fil de laiton et de la drisse,
des allumettes de survie, des sachets d’eau, une poche à eau et des comprimés de
purification, un tube d’onguent, quelques barres alimentaires, une notice de
survie, de la fluorescéine et un canot de sauvetage qui va se gonfler
automatiquement avant d’arriver au niveau de la mer.
La composition exacte n’a rien d’anecdotique : son contenu répond précisément
au risque encouru pendant la mission. Elle doit assurer en priorité la protection
contre l’environnement (froid, chaud, eau…), puis le repérage du pilote, et
ensuite seulement, l’hydratation et la nourriture (« un homme possède les
ressources nécessaires pour survivre au moins quinze jours sans manger »).
Mais ce paquetage est également l’assise par laquelle le siège
va transmettre au pilote les efforts de l’accélération. Toute
déformation irrégulière pourrait provoquer le désalignement
de la colonne vertébrale, et donc de graves blessures. Le
contenu est donc rangé de façon très précise, de sorte que sa
stabilité à l’écrasement soit maximum pendant l’éjection. Lors des missions maritimes, le pilote porte
également un gilet de sauvetage, contenant un miroir, une boussole, des fusées de détresse …
En touchant la surface bien avant le pilote, le paquetage diminue d’un coup le poids porté par le
parachute, et donc réduit la vitesse de descente pour le toucher final.
Le siège lui-même va continuer sa descente sous un autre parachute dont l’ouverture se
déclenche après la séparation.
* : Sur certains appareils, la verrière est éjectée grâce à des boulons explosifs.
13
Quelques cas
particuliers
Quelques avions, dont le F-104
Starfighter, le B-47 et le B-52, ont
été, un temps, équipés de sièges
éjectant vers le bas. Pour le F-104,
c’était pour éviter plus facilement la
haute dérive en T à vitesse
supersonique, et pour les
bombardiers, cela concernait
certains postes d’équipage situés
sur le pont inférieur.
L’idée a rapidement été
abandonnée, car à basse
altitude, le résultat était
plutôt négatif. Sans
compter les g négatifs à
supporter !
Cette très rare photo montre le siège du prototype XF-104
En haut, test d’éjection du bombardier sur un B-47
En bas, les russes ont aussi installé de tels sièges sur le Tu-22.
Les « sièges » russes K-37 (hélicoptère Ka-50) et SKS-94
(aviation générale), dont nous avons parlé plus haut,
arrachent le pilote de l’avion, mais sans emmener le siège.
Hélicoptère Ka-50 Hokum
Test du SKS 94 sur un Su-29
Pour des avions volant très haut et très vite, comme par exemple les bombardiers B-58 Hustler, B-70 Valkyrie et B-1
Lancer ou le chasseur bombardier F-111 Aardvark, les américains ont repris l’idée du français René Leduc : éjecter
carrément le cockpit. On parle alors de capsule éjectable.
Comme les Leduc, les F-111 sont équipés en fait
d’un cockpit qui se détache entièrement de l’avion
avec ses deux occupants, et un morceau de fuselage
pour stabiliser sa descente. Mais le poids de
l’ensemble est jugé prohibitif.
Capsule de F-111 en exposition
Capsule de F-111 au bout de son parachute
A gauche, test d’éjection de la capsule du B-70
Sur la photo de droite, on peut distinguer au-dessus
et en dessous du siège les deux demi coquilles qui
vont se refermer devant le pilote
14
A l’origine, en 1960, le Convair B-58 était équipé de sièges éjectables classiques. Mais à vitesse supersonique et très
haute altitude, les chances de survie de l’équipage étaient extrêmement minces. Convair lança alors l’étude d’une capsule
qui fut mise au point par la société Stanley Aviation Company. Il s’agit d’une capsule individuelle ; chaque membre
d’équipage a la sienne. Elle se ferme comme une coquille, du haut vers le bas, et assure la pressurisation.
Le B-58 fut alors le premier avion à en être vraiment équipé en 1962.
Mais la mise au point de cette capsule nécessitait des tests à vitesse supersonique qui pouvait s’avérer
très dangereux pour son occupant. Après un premier test avec mannequin, il fallut bien prendre le risque
d’envoyer un être vivant dans le second. Le 21 mars 1962, ce ne fut pas un pilote de l’USAF qui se porta
volontaire, mais … une femelle ours prénommée Yogi (comme l’ours du dessin animé de Hanna-Barbera
apparu en 1958). C’est elle que vous voyez sur la photo ci-dessous. Volontaire n’est bien sûr pas le mot exact. Elle fut
d’ailleurs légèrement endormie, et je me demande encore comment ils s’y sont pris pour
l’installer à bord ! Mais elle avait un poids, une stature et une morphologie proche de celle
d’un pilote, et convenait donc parfaitement pour le rôle. Elle fut éjectée à 35 000 pieds et
1 400 km/h, et fut récupérée au sol en parfaite santé huit minutes plus tard. Deux
semaines plus tard, un autre ours, Big John, recommença l’expérience de 45 000 pieds et
à 1 600 km/h avec le même succès.
En fait, la capsule fut qualifiée pour des éjections jusqu’à 70 000 pieds et Mach 2,2.
Comme tous les systèmes d’éjection, elle assurait à son occupant le retour au sol, mais
aussi les moyens de survie nécessaires ensuite ; et elle était en particulier conçue pour
flotter si elle tombait à la mer.
Le B-58 avait trois capsules, une pour chaque membre d’équipage. Celle du pilote était
équipée d’un hublot frontal car, dans certaines situations (dépressurisation par exemple),
l’équipage pouvait déclencher leurs fermetures sans pour autant s’éjecter. Le pilote
pouvait alors continuer à piloter l’avion. Il faudrait donc admettre que les commandes
principales (manche et gaz) restaient accessibles, au moins le temps de ramener l’avion à
un niveau de vol « vivable », ce qui ne ressort pas clairement des photos et dessins ci-dessous.
Yogi et sa capsule
Schéma de la capsule et de son éjection.
Remarquez sur l’avion l’emplacement des
deux autres membres d’équipage, déjà partis
Amusant jeu de mot : En anglais, le mot « Bear » signifie aussi bien « Ours » que « Supporter ».
Pourrait-on supporter une éjection à vitesse supersonique ? L’article dont est extraite cette histoire était titré :
“B-58 Proves Supersonic Ejection To Be Bear-able” ;
« Le B-58 prouve que l’éjection supersonique est supportable » ou « est ours-possible ».
SECURITE
La procédure de sécurité prévoit qu'afin d’éviter le départ intempestif d’un siège au sol, le mécanicien d’avion place les
goupilles de sécurité dès l’arrivée au parking, avant même que le pilote ne sorte de l'avion. Lors du départ, il présente au
pilote les goupilles de sécurité qu’il vient de retirer ; ce dernier les compte pour vérifier qu’elles ont bien toutes été
retirées. Le pilote doit également relier les sangles de rappel à ses jambes et à ses bras. Il n’y a que dans les films qu’on
« saute » à bord de son chasseur !
15
Claude Parotte (le lecteur du mois dernier) nous a envoyé ces superbes
photos prises sur le vif de la perte d’un FA-18 canadien à Lethbridge.
La séquence montre le largage de la verrière, l’éjection du pilote et la chute de l’appareil.
L’avion est en passage bas et lent quand il entame une vrille suite à l’arrêt d’un moteur.
Éjection de la verrière grâce aux fusées d’éjection.
Éjection du pilote. Le moteur gauche montre sa tuyère
d’éjection complètement ouverte ce qui suppose l’arrêt du moteur. La tête du pilote est tirée vers le bas sous l’effet des «
G » subis par l’éjection. Les fusées du siège fonctionnent pendant 2/10 de seconde. C’est suffisant pour éloigner le pilote
de la carlingue… et pour redresser le siège expulsé à l’horizontale au départ !
A un millième de seconde de l’éternité pour ce FA-18.
Le pilote se désolidarise de son siège.
Au moment de l’impact, les flammes jaillissent de la tuyère du moteur gauche. Son dernier chant…
Le siège du pilote survole la boule de feu.
Le siège rejoint le sol. Notez que sur ce type d’appareil, il n’est pas
retenu par un parachute.
Ce qui est sans doute généralement le cas, mais j’ai vu sur une
vidéo un autre siège ouvrir son propre pépin.
Vidéo de ce crash à l’adresse :
http://www.youtube.com/watch?v=ZSzk7lDY1iw
16
Voici un extrait du témoignage d’un pilote qui a du s’éjecter. L’histoire se passe en novembre 64, à bord d’un Super
Mystère B2, lors d’un exercice de tir à Cazaux . Le texte intégral se trouve à l’adresse ci-dessous …
http://www.frenchwings.net/combat/Ejection.pdf
RECIT D’UNE EJECTION LIMITE
par Jean-Francis Fillastre
Le n°3, devant moi, tire, dégage la
cible et je m’aligne à mon tour en
piqué à 400 kts. Face au soleil
couchant et à l’océan, la cible dans le
collimateur, j’appuie sur la détente, en
haut du manche. Aussitôt, une
explosion retentit et secoue l’avion.
Instantanément, volant vers 5 ou
600 ft, je cabre et pousse la manette
des gaz à fond.
Les évènements vont alors se dérouler
très rapidement. Dès la mise en cabré,
« l’arbre de noël » s’allume: panne
hydraulique circuit principal, puis
auxiliaire dans la foulée. Reste le
circuit secours, mais tout s’éteint :
panne électrique totale! Je n’ai même
pas le temps d’analyser, que le
manche se bloque en piqué. Une seule
solution : l’éjection.
Le problème, c’est qu’avec la poussée
maximum du réacteur, l’avion a
accéléré, et quand il part en piqué, la
vitesse est proche de 500 kts ;
l’altitude est de 4 000 ft environ.
L’accélération négative est telle que
j’ai la plus grande difficulté à baisser
mes bras pour saisir les poignées
d’éjection.
En effet, l’avion était équipé d’un
siège éjectable américain, Republic, à
deux commandes placées comme des
accoudoirs repliés au niveau du siège,
qu’il fallait remonter dans un premier
temps, ce qui avait pour but
d’empêcher l’écartement des cuisses
avec le vent relatif. Les «accoudoirs»
ainsi relevés dégageaient leur gâchette.
Il fallait alors en serrer au moins une
pour déclencher la séquence de
l’éjection, et en premier l’éjection de
la verrière qui autorisait la mise à feu
du siège.
Je réussis donc, au prix d’un effort
considérable, à saisir et actionner une
des deux manettes, tout en plaçant mes
pieds sur les étriers. Dans les fractions
de seconde qui ont suivi mon action,
j’ai réalisé qu’avec la vitesse que
j’avais, l’altitude et l’angle de piqué
que j’estimais à 60°, il était impossible
que je m’en sorte.
La séquence étant irréversible, la très
fugace pensée qu’il y avait peut-être
moyen de débloquer le manche, a été
interrompue par le départ de la
verrière. Comme j’étais en G négatifs
importants, ma tête était soumise à un
tel vent qu’elle s’est mise à vibrer
latéralement ! Puis le siège est parti.
Alors là, je ne vous raconte pas le
coup de pied aux fesses! Le siège
partait avec plus de 20 G! Ajoutez à
cela que du fait de la trajectoire de
l’avion, j’étais décollé du siège, ce qui
rajoutait des G supplémentaires.
Mais ce n’est rien à côté du mur d’air
qui m’a frappé à la sortie de l’avion.
Je vous confirme que nous ne sommes
pas faits pour nous promener dans un
fauteuil à 8 ou 900 km/h !
Je me suis mis à tourner rapidement
apercevant un coup le ciel, un coup la
mer. A ce moment là, j’ai pensé que
c’en était fini pour moi ; je n’étais pas
triste, je n’avais pas peur; je me disais:
c’est cela la mort ? Finalement ce
n’est pas si terrible!
Je n’ai pas senti la séparation du siège,
et m’efforçais vainement de saisir la
poignée du parachute, qui du fait de
toutes les contraintes, avait glissé
vraisemblablement derrière mon
épaule.
17
Cette poignée dite «chronobarométrique», comportait deux
positions: 0 et 2 secondes. Sur la
position 2 secondes où j’étais, le
baromètre n’autorisait l’ouverture
automatique du parachute qu’en
dessous de 10 000 pieds, et il y avait
une temporisation de 2 secondes après
la séparation du siège. Vu l’urgence,
j’aurais dû, normalement, positionner
le bouton poussoir sur 0 seconde.
La chute inéluctable s’est soudain,
brutalement arrêtée, sans que j’aie pu
trouver la poignée. A ce moment là, je
me suis remémoré un dessin dans
«Flight Safety», où l’on voit la main
de Dieu sortir d’un nuage pour attraper
le parachute en torche d’un pilote
malchanceux !
J’ai regardé audessus de moi la
corolle du parachute
et dessous, se
rapprochant, l’océan.
Je n’avais plus de
casque, de serre-tête,
ni de masque, et
pourtant, j’avais bien
serré la jugulaire, et
le heaume était
baissé !
Exit, aussi, mon pantalon anti-G.
La descente, parachute ouvert, a dû se
situer autour de 50 mètres! Je n’ai
donc pas eu bien le temps d’apprécier
mon premier saut! Mais alors, quel
bonheur d’être assis dans ce harnais!
Je commence à défaire les boucles des
cuissardes, de la poitrine, et plouf!!!
Au fait, j’ai un gilet! Je tire la poignée
et il se gonfle; plus besoin de nager.
J’ai enfin le temps d’analyser la
situation. Je suis un peu sonné, mais la
fraîcheur de l’eau me fait du bien. Où
est donc passé mon dinghy? Il flotte
près de moi, toujours dans son
paquetage…
Et voici le témoignage de la première femme qui s’est éjectée, au moins la première avec un siège Martin Baker.
Extrait du site de la marque … http://www.martin-baker.com/images/linda-maloney-ejection-story.pdf
LINDA MALONEY
par elle-même
Le 11 février 1991, Linda Maloney est
Navigateur/Opérateur système d’arme
à bord d’un Grumman EA-6A Intruder
(version de guerre électronique de ce
biréacteur datant des années 60) ;sur
ce biplace côte à côte, elle est en léger
retrait à côté du pilote. Elle totalise
alors 394 heures de vol, dont 88 sur ce
type d’appareil, lorsqu’avec un second
appareil ils décollent pour une mission
d’entraînement. Son pilote est le leader
de la mission qui doit durer une bonne
partie de la journée…
Nous décollons de la base de Key West
à bord de notre antique EA-6A, chargé
avec deux bidons largables de 300
gallons et deux pods de simulation
électronique, et nous mettons cap à
l’est pour rejoindre le groupe de
combat pour l’exercice. Nous devons
simuler une attaque électronique et au
missile sur le USS Forestall. C’est un
magnifique matin ensoleillé, et il n’y a
pas un nuage en vue.
Après une heure de vol, j’informe par
radio le porte-avion que nous sommes
prêts pour commencer l’exercice. Il est
12 h 30 lorsque celui-ci prend fin. Nous
commandons à notre ailier de nous
rejoindre et nous mettons le cap sur
Patrick Air Force Base, à environ 200
miles. Le contrôle nous autorise la
montée à 15 000 pieds.
Alors que nous entamons la montée,
l’avion semble instable et le pilote,
préoccupé, modifie ses réglages. J’ai
l’impression que l’appareil bat de la
queue, comme si nous traversions des
jets à haute pression. Je remarque que
l’avertisseur général s’est allumé sur
son écran, ainsi que l’indicateur de
pression hydraulique de secours. Je
contrôle les manos et remarque que
ceux du système hydraulique de vol
sont à zéro. Je sors la PCL (Pocket
Checklist) de l’avion, et je commence
la procédure pour une simple panne
hydraulique. L’avertit le pilote de
sécuriser le pilote automatique. Il réduit
également les gaz puisque nous
sommes alors à 300 kt.
Il appelle notre ailier qui avait
remarqué nos problèmes. Ils décident
que nous allons rejoindre la Naval Air
Station de Cecil Field, pour bénéficier
de ses câbles d’arrêt version Navy,
18
préférables aux barrières version Air
Force de Patrick AFB, ainsi que de
leurs ateliers mieux adaptés.
Le A-6 est équipé de deux systèmes
hydrauliques, plus un système de
secours. Si l’un des systèmes
principaux est en panne, plusieurs
fonctions peuvent ne pas fonctionner,
mais l’avion peut continuer à voler et
se poser avec la crosse d’appontage.
Mon pilote ordonne à son ailier de
rejoindre Patrick AFB pour refueler
comme prévu et de continuer la
mission. J’appelle le contrôle pour
prévenir de nos ennuis et demander une
clearance pour un atterrissage barrière à
Cecil Field. Je discute avec le pilote de
notre plan. Nous devons éliminer
suffisamment de carburant pour alléger
notre avion pour ce type d’atterrissage,
surtout en tenant compte des 3 000
livres de nos pods. Nous projetons une
approche directe, réduisant jusqu’à 180
kts pour sortir les volets avec le
système électrique de secours. Nous
devrons également sortir à 150 kts le
train et la crosse.
Je me souviens d’avoir été très contente
d’être vivante et que le siège ait
fonctionné comme prévu. Je m’inspecte
rapidement inspectée à la recherche
d’une éventuelle blessure. Je saigne au
menton, et je me souviens que la
poignée a heurté mon visage. Mais
mains et poignets sont également
L’indicateur de panne principal
coupés, mais je ne semble souffrir de
s’allume à nouveau, ainsi que celui du rien d’autre. Je ne vis toujours pas mon
gouvernail. Je ne peux pas le croire. Et pilote et espère qu’il est O.K.. Je
les manos de pression hydrauliques
complète la procédure d’éjection IROK
sont maintenant tous à zéro. Presque
(Inflate Life Preserver Unit, Release
aussitôt, l’avion entame un tonneau sur raft, Options, release parachute Koch
la gauche et le nez tombe sous
fittings upon water entry [gonfler le
l’horizon. Le pilote tente aussitôt de
gilet, libérer le radeau, options,
contrer au manche, mais cela ne donne déboucler le harnais du parachute
rien. Il enfonce alors le palonnier à
avant l’entrée dans l’eau]) que j’ai
droite sans plus de résultat.
Alors qu’il atteint 60°
d’inclinaison à gauche et
20° de pente, il annonce
« Je n’ai plus le contrôle.
Éjecte! » Je le regarde,
surprise, et il
répète « Éjecte! » Tout
semble alors aller au ralenti.
Je tire la poignée haute et
mon siège eexplose la
verrière. J’ai le souvenir
d’une formidable explosion
alors que le siège monte le
long de ses rails, et d’une
sensation de confettis jaunes
remplissant le cockpit. Ma
planchette de genou, pleine
de papiers jaunes, est en
train de se répandre. Mon
pilote s’éjecte une seconde
plus tard. Je perds
brièvement conscience, et
apprise à l’entraînement. Je me prépare
quand je reviens à moi, je suis pendue
au contact avec la surface et à monter
sous mon parachute, descendant vers
dans le canot. Je suis rassuré de le voir
l’océan. D’habitude, je porte des
se balancer en-dessous de moi et
lentilles, mais ce jour-là je porte les
commencer à se gonfler
lunettes que je viens d’acheter. La
automatiquement. Bien que nous
visière de mon casque a été arrachée
soyons en février, l’eau en Floride est à
par la force de l’éjection, et mes
environ 10°. Je me souviens que je me
lunettes aussi. Ma vue n’étant que de
suis entraînée à ne pas dégrafer le
20/200, tout ce qui est loin est flou. Je
parachute avant que mes pieds ne
ne vois ni l’avion ni le pilote. Je ne
touchent l’eau. Mais j’ai toujours eu
distingue que l’océan et le ravage au
peur de me retrouvée emmêlée dans le
loin. Plus tard, le pilote me dira qu’il a
parachute et je décide de me détacher
vu l’avion continuer à rouler et plonger
dès que je penserais pouvoir « sauter »
droit dans l’eau, dans un immense
dans l’eau. Ensuite je me hisse
splash, laissant une large marque vert
rapidement dans le canot. Dans ma
brillant à la surface.
hâte, j’oublie de dégrafer mon assise,
qui risque d’abimer le raft et qui en
Alors que nous montons à 15 000 pieds
et ralentissons à 270 kt, nous
continuons calmement les procédures
de secours. Nous sommes conscients
du sérieux de la situation, mais aucun
des deux ne s’attend à ce qui va suivre.
19
plus est lourde. Dieu merci, elle n’a
rien abimé et je peux m’en défaire.
Je m’assieds et examine ma situation,
enlève ma combinaison, allume
quelques fusées, libère de la
fluorescéine qui teinte l’eau en orange.
Je sors ma radio et essaie de l’allumer,
mais elle est H.S., sans doute du fait de
tous les essais lors des prévols.
Un Orion en route vers les Bermudes
s’est détourné pour rechercher les
survivants. Je sais qu’il m’a vue car il
fait un huit en battant des ailes. Je me
sens si rassurée ! Dans l’heure qui suit,
plusieurs hélicoptères arrive. L’un
d’eux se positionne au-dessus de moi et
un sauveteur en descend. Approchant
du radeau, il me demande si ça
va, et quand je lui réponds,
pouce levé, que tout va bien, je
vois sa surprise de constater
que je suis une femme.
Un autre hélico récupère le
pilote, et nous sommes
emmenés vers l’hôpital naval
de Jacksonville.
Aucun de nous deux n’est
sérieusement blessé. Mes
coupures aux mains sont dues
à ma mauvaise habitude de
retirer mes gants en vol. J’en
souffrirais pendant deux
semaines.
J’apprendrai plus tard que je
suis la première femme à s’être
éjectée. D’ordinaire, lorsqu’un
gars s’éjecte avec un siège
Martin-Baker, il reçoit une
cravate. Un commercial de la marque
m’a contacté pour me dire que je
recevrai une épinglette. Quelques mois
plus tard, je serais invitée à un gala à
Washington pour fêter la 6 000) vie
sauvée par la marque.
Je continuerai à voler ensuite sur EA6B Prowler, affectée sur le porte-avions
USS Abraham Lincoln. Je quitterai la
Navy en 2004 après vingt ans de
service.
Aujourd’hui, je suis mariée et mère de
deux enfants, je travaille et j’ai écrit un
livre … grâce à Martin-Baker !
a l aide !
i
Je profite de ce numéro, plus léger pour
cause de congés, pour mettre vos
connaissances à l’épreuve. En effet, j’ai
une belle collection d’images
représentant des avions improbables et
mal connus, et qui mériteraient
certainement que leurs histoires soient
contées, au même titre, par exemple, que
les Flying Pancakes (Vought V-173, cicontre) dont je vous ai parlé il y a
quelques mois.
Mais encore faudrait-il que je connaisse
au moins leur nom. Or, mes images ne
sont pas légendées. Alors je réclame
votre aide pour les identifier.
Si vous avez le moindre élément
d’identification, même incertain,
communiquez-le-moi, et je ferais
l’enquête.
Ce mois-ci, je vous soumets cinq photos, mais je vous en proposerais d’autres régulièrement …
Et d’ailleurs, si vous-même avez des photos à nous faire identifier, n’hésitez-pas !
Merci d’avance de votre collaboration !
Avion n° 1 :
20
Avion n° 2
AVION N° 3
21
AVION N° 4
AVION N° 5
22
23
Archaeopteryx, le planeur de vol libre
« Maman,
les p’tits avions
qui vont dans l’ciel,
ont-ils des jambes ?
- Mais oui mon gros bêta,
s’ils n’en avaient pas,
ils ne marcheraient pas ! »
Vous connaissiez, vous, l’Archae optéryx ?
Moi, non. Pourtant, il paraît qu’après plusieurs années de développement et
de tests, il est commercialisé depuis 2010.
C’est une œuvre de la société suisse d’Ernst Ruppert, Ruppert Composite.
Ce planeur pèse à peine 60 kilos, grâce à l’emploi de matériaux ultra modernes, ultra légers et ultra résistants. Grâce à
eux, l’appareil, qui peut comme tout planeur être remorqué par un avion, un ULM ou être treuillé, peut aussi décoller
sans aide depuis une pente, comme un deltaplane. Accroché dans le cockpit par son harnais, le pilote peut courir sur ses
jambes qui sortent sous le fuselage. Dès que l’avion est en vol, il rentre ses jambes et les pose sur les palonniers.
Accessoirement, il peut aussi être catapulté à l’élastique.
Une fois en vol, c’est un planeur ordinaire, plutôt performant et très maniable, avec une finesse de 28.
Testé par Philippe Bernard, celui-ci avait commenté son vol ainsi :
« C’est la plus confortable, la plus géniale et la plus aboutie de toutes les ailes qui ont été fabriquées jusqu’à présent !
On peut enrouler, donc tourner dans les ascendances, comme on le ferait avec un parapente; dans des petits rayons, tout
près de la pente. Ensuite, on décolle et on atterrit dans les mêmes terrains et les mêmes conditions que les ailes delta.
Finalement on peut penser et gérer son vol comme un pilote de planeur, avec des
très grandes balades de 200 à 300 km par jour. »
L’atterrissage se fait sur un train monotrace, mais peut accessoirement se faire aussi
sur les seules jambes du pilote. C’est dire qu’on peut se poser très court !
Une fois au sol, il se démonte très facilement et se range dans sa remorque.
Bien entendu, l’utilisation de ces matériaux a quand même un défaut : le prix. J’ai lu
dans un article de 2010 qu’il coûtait 100.000 francs. Suisses bien sûr ! Donc 81.000
euros. Quand même !
Allez voir les photos et surtout la magnifique vidéo sur le site du constructeur. Vous
n’en reviendrez pas !
http://ruppert-composite.ch/fr/flugzeug/portrait.html ou http://player.vimeo.com/video/39325401
24
Nouveau :
AIR ULM PARIS
Le Véliplane vous propose désormais une boutique de vente en ligne,
Air ULM Paris, dans laquelle vous trouverez tout le matériel dont le
pilote a besoin. Et chacun sait la compétence de Serge et de Geneviève
Bouchet dans ce domaine !
Retrouvez leurs offres sur leur nouveau site :
http://www.ulmparis.com/
25
Les P’tites News
Le dernier film
d’Almodovar vous
mène en avion
Sorti sur les écrans français le 27 mars, « Les
amants passager » est un conte qui se passe
à bord d’un avion de ligne qui, pour une raison
technique, ne peut pas atterrir. Passagers et
équipage, tous plus hauts en couleurs les uns
que les autres, vont devoir vivre ensemble des
heures qui pourraient bien être les dernières.
Que vont-ils bien pouvoir en faire ?
Sur fond de comédie débridée et morale, tous
les personnages passent le temps en faisant
des aveux sensationnels qui les aident à
oublier l’angoisse du moment.
Les maitres-mots de la bande annonce :
« Vous pensiez avoir peur en avion ? Vous
n’avez encore rien vu ! Pédro Almodovar est
aux commandes. Attachez vos ceintures et
détendez-vous ! »
Project Zéro d’AW :
Faut-il y croire ?
Pour être beau, il est beau ! Ce démonstrateur
d’hélicoptère convertible est présenté à
l’occasion d’Héli Expo par Agusta Westland,
l’un des géants de l’hélicoptère. Donc une
boîte sérieuse.
Et pourtant ?
Entièrement en carbone, et entièrement
électrique : superbe ! Pour le reste, pas si
révolutionnaire que ça.
Et ce n’est qu’un projet, né d’un groupement
de bureaux d’études, dont les caractéristiques
techniques ne sont sans doute pas encore
définitives.
Mais est-ce un projet viable ou un simple coup
de com ?
Pour plus d’infos, je vous renvoie au site
Aérobuzz. Gil Roy vous présente très bien
l’engin, et ses amis de forum vous disent
encore mieux ce que l’on peut en penser !
http://www.aerobuzz.fr/spip.php?article3271
Meeting exceptionnel
pour les 60 ans de la
Patrouille de France
Le 26 mai 2013, la PAF fêtera son 60ème
anniversaire par un meeting gratuit à Salon de
Provence, son aérodrome de résidence.
Pour l’occasion, elle a invité les patrouilles les
plus célèbres d’Europe et même de plus loin.
Seront présents les Red Arrows (GB), les
Frecee Tricolori (Italie), les Aguilas (Espagne),
la Patrouille Suisse (CH), la Marche Verte
(Maroc), les Iskri (Pologne), les Red Devils
(Belgique) et la Kril Oluje (Croatie). La
patrouille Russe Striji et ses MIG 29 n’a pas
encore confirmé sa venue, mais l’Armée de
l’Air et l’ALAT présenteront également leurs
appareils en vol (Rafale et EC 665 Tigre).
Pour l’occasion, la PAF arborera toute l’année
un logo spécial
L’A-350 motorisé
Rafale : après l’Inde,
la Malaisie
La Malaisie serait sur le point de signer une
commande de 18 Rafale. Il est encore en
compétition avec l’Eurofighter, le F-18 et le
Grippen, mais la décision Indienne, non
encore signée, pourrait bien influencer
lourdement le choix Malais.
La Malaisie négocierait actuellement le
montage local de ces appareils.
Le premier A-350 vient d’être équipé de ses
deux réacteurs Rolls Royce Trent XWB.
Chacun de ces bébés pèse plus de huit
tonnes. Ils sont positionnés sous l’appareil au
moyen de lasers, puis l’engin qui les amène
est lui-même soulevé verticalement jusqu’au
contact avec le mât qui va le soutenir. Avant
que toutes les connections (électricité,
hydraulique, carburant, commandes …) soient
établies, ce qui va prendre plus de six heures,
le réacteur est d’abord solidement fixé au
moyen de quelques gros boulons ! Une
attache à l’avant, et une à l’arrière.
Premier vol d’ici trois mois, après quelques
heures d’essais au point fixe.
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Les Hawks des Red Arrows de la RAF
Les F-5 de la Patrouille Suisse
Le jeu des 7 erreurs
Devinettes
Sept différences se sont glissées entre les deux versions de cette photo
exceptionnelle de deux F-16 des Thunderbirds de l’USAF. A vous de
les découvrir ! (Remarquez au passage que ces deux pilotes ne se
voient pas !)
1/ : Quel point commun réunit Alice K.
Moore, Kristin Goodwin, Jenn Jeffords et
Jennifer Wilson (photo ci-dessous) ?
Et qu’est-ce qui différencie cette dernière des
trois autres ?
2/ : Quel est le point commun entre le Hawker
Hunter F-4, le CM-170 Fouga Magister et le
SIAI SF-260 Marchetti (photo ci-dessous)?
Kézakaéro
Que représentent les deux images ci-dessous ?
(Solutions en dernière page).
A-
B27
Les Solutions
Jeu des sept erreurs : Concernant l’avion du haut, la pointe avant est plus longue, le Sidewinder est plus court, la cocarde sous la dérive a reculé,
et sur la dérive il y a une étoile en plus en bas et une étoile à la place de l’Aigle centrale. L’avion du bas a perdu l’antenne dorsale qui se trouvait
juste devant la dérive, et il vole désormais pour la Sunites States Air Force.
Kézakaéro : A : les sondes pitots à la pointe avant d’un Boeing 747, avec leurs ombres portées
B : l’arrière du cockpit d’un bomrdier B-1. Remarquez les trappes des sièges éjectables des deux membres d’équipage arrière.
Devinettes : 1/ Ces trois femmes sont pilotes sur le bombardier furtif B-2. La dernière l’a même piloté en mission de combat en Iraq.
2/ Ce sont les avions sur lesquels a évolué la patrouille militaire belge, les Red Devils (respectivement de 59 à63, de 65 à 77 et de 2011 à ce jour).
Photo du mois dernier
La photo du mois dernier représentait l’aéroport d’Anglet (les angles des lignes jaunes) –
Biarritz - Bayonne (64). A deux pas de la frontière espagnole, au bout d’une plage de 200
km, celle qui longe les Landes, et à la fois en France et au Pays Basque (deux pays en
même temps). Elle était signée Marguerite Despature.
Quatre bonnes réponses seulement ce mois-ci, envoyées par Martine Rangée, JeanRémy Ragaru, Christophe Nommay, et Frédéric Velsch. Nous les félicitons tous !
La photo d’Avril :
Si la tour qui domine ce village fait référence à Rome, elle évoque aussi l’Auvergne par le nom des seigneurs qui y ont régné lors de ses plus belles
heures, dont un célèbre maréchal qui mourut glorieusement mais non sans trembler, si l’on en croit la légende. Avant d’être vendu au Roi pour
payer les dettes de jeu de son seigneur, cette vicomté bénéficiait d’une quasi autonomie et s’étendait sur plusieurs départements. Aujourd’hui, ce
n’est plus qu’un joli petit village de 800 âmes…
Quelle est cette ville ? Réponse par retour de mail, comme d’habitude !
(Photo en ligne sur www.survoldefrance.fr, le nom du photographe avec la solution le mois prochain.)
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