LC0017X Philologie grecque Syntaxe de la phrase

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LC0017X
Philologie grecque
Syntaxe de la phrase complexe
Olga Spevak
Ce cours de philologie grecque fait partie de l’UE LC0017X. Il a deux parties : morphologie et
syntaxe.
Le programme de la partie « syntaxe » des unités d’enseignement LC0017X et LC0021X
consiste en l’étude de la syntaxe de la phrase complexe grecque. Après une introduction à l’analyse
syntaxique et sémantique de la phrase complexe, nous aborderons quelques sujets remarquables
relevant de ce domaine. Plus particulièrement, nous étudierons en détail les propositions
subordonnées suivantes :
1) les relatives et les conditionnelles (LC0017X) ;
2) les complétives (LC0021X).
Bibliographie
Les ouvrages cités ci-dessous sont valables pour l’ensemble du cursus de philologie grecque.
HUMBERT, Jean (19603), Syntaxe grecque, Paris, Klincksieck.
BIZOS, Marcel (19553), Syntaxe grecque, Paris, Vuibert.
DELAUNOIS, Marcel (1988), Essai de syntaxe grecque classique, Bruxelles, Univ. Saint-Louis.
LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
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Philologie grecque
Syntaxe de la phrase complexe
Olga Spevak
0. Exercice
Lisez attentivement le texte ci-dessous. Relevez les subordonnées, déterminez les propositions
régissantes et analysez les verbes correspondants. Quelles sont les fonctions de ces subordonnées ?
φήσουσι γὰρ δὴ σοφὸν εἶναι, εἰ καὶ μή εἰμι, οἱ βουλόμενοι ὑμῖν ὀνειδίζειν. εἰ γοῦν περιεμείνατε
ὀλίγον χρόνον, ἀπὸ τοῦ αὐτομάτου ἂν ὑμῖν τοῦτο ἐγένετο · ὁρᾶτε γὰρ δὴ τὴν ἡλικίαν ὅτι πόρρω
ἤδη ἐστὶ τοῦ βίου θανάτου δὲ ἐγγύς. λέγω δὲ τοῦτο οὐ πρὸς πάντας ὑμᾶς, ἀλλὰ πρὸς τοὺς ἐμοῦ
καταψηφισαμένους θάνατον. λέγω δὲ καὶ τόδε πρὸς τοὺς αὐτοὺς τούτους. ἴσως με οἴεσθε, ὦ ἄνδρες
Ἀθηναῖοι, ἀπορίᾳ λόγων ἑαλωκέναι τοιούτων οἷς ἂν ὑμᾶς ἔπεισα, εἰ ᾤμην δεῖν ἅπαντα ποιεῖν καὶ
λέγειν ὥστε ἀποφυγεῖν τὴν δίκην.
(Platon, Apologie 38c-d)
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I. INTRODUCTION
L’étude de la phrase complexe comprend celle de la coordination qui concerne les propositions
reliées tout en restant sur le même plan syntaxique, et celle de la subordination qui concerne les
propositions mises sous la dépendance d’une proposition régissante.
La grammaire comparée montre que, historiquement, la juxtaposition est la plus simple – et la
plus ancienne – manière d’associer deux idées, par exemple :
νὺξ ἐγένετο: οἱ πολέμιοι ἀπῆλθον. « La nuit tombât. Les ennemis partirent. »
De là, une mise en rapport s’est développée à l’aide de conjonctions de coordination, par
exemple :
νὺξ μὲν ἐγένετο, οἱ δὲ πολέμιοι ἀπῆλθον.
οἱ δὲ πολέμιοι ἀπῆλθον, νὺξ γὰρ ἐγένετο. « Les ennemis partirent car la nuit tombât. »
νὺξ ἐγένετο καὶ οἱ πολέμιοι ἀπῆλθον. « La nuit tombât et les ennemis partirent. »
Lorsqu’un de ces contenus a fini par être perçu comme une explication, définition ou accessoire
de l’autre, il est devenu dépendant ou subordonné à ce second complément. Nous voici en présence
de phrases complexes comportant des subordonnées :
ἐπεὶ (ὅτε) νὺξ ἐγένετο, οἱ πολέμιοι ἀπῆλθον.
« Lorsque la nuit tombât, les ennemis partirent. »
νὺξ ἐγένετο, ὥστε οί πολέμιοι ἀπῆλθον.
« La nuit tombât si bien que les ennemis partirent. »
Le présent cours se concentrera sur les phénomènes de la subordination, et ce, sur des
propositions subordonnées remarquables : les relatives et les conditionnelles.
1. La subordination
Tout d’abord, comparons les phrases complexes suivantes :
(1) οὗτοι ἔλεγον ὅτι Κῦρος μὲν τέθνηκεν.
« Ils ont dit que Cyrus était mort. »
(2) νῦν δὲ φοβούμεθα μὴ ἀμφοτέρων ἅμα ἡμαρτήκαμεν.
« Mais à présent, nous craignons d’avoir manqué à la fois ces deux buts. »
(3) (προσέταξαν) ἀγαγεῖν ἐκ Σαλαμῖνος Λέοντα τὸν Σαλαμίνιον ἵνα ἀποθάνοι.
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« (Les Trente nous ordonnèrent) d’aller chercher Léon à Salamine pour qu’on le mît à
mort. »
(4) ἀδικεῖ Σωκράτης οὓς μὲν ἡ πόλις νομίζει θεοὺς οὐ νομίζων.
« Socrate est coupable parce qu’il ne reconnaît pas les dieux que reconnaît l’État. »
Dans le premier cas, la subordonnée ὅτι... τέθνηκεν fonctionne comme complément du verbe de
déclaration λέγω. Dans le deuxième, la proposition μὴ... ἡμαρτήκαμεν est un complément du verbe
de crainte φοβοῦμαι. La troisième, ἵνα ἀποθάνοι (avec optatif oblique) a une valeur finale. La
quatrième, οὓς... νομίζει est une relative qui complète le substantif θεοὺς (ici, incorporé dans la
relative).
La fonction et le statut de ces subordonnées peuvent être établis ainsi. Chaque subordonnée
répond à une question :
(1) Qu’est-ce qu’ils ont dit ?
(2) Qu’est-ce que nous craignons ?
(3) Pourquoi aller le chercher ?
(4) Quels dieux ?
Les propositions (1) et (2) fonctionnent comme des objets des verbes λέγω et φοβοῦμαι
respectivement, (3) est un complément adverbial, et (4) un complément de nom (épithète). Les
subordonnées peuvent ou ne peuvent pas être omises sans nuire au sens de la phrase :
(1) *οὗτοι ἔλεγον.
(2) * νῦν φοβούμεθα.
(3) (προσέταξαν) ἀγαγεῖν ἐκ Σαλαμῖνος Λέοντα τὸν Σαλαμίνιον.
(4) * ἀδικεῖ Σωκράτης θεοὺς οὐ νομίζων.
Dans les deux premiers cas, la proposition est incomplète : le verbe λέγω est un verbe trivalent
(« dire quelque chose à quelqu’un » et nécessite le deuxième actant – objet direct. Le verbe
φοβοῦμαι est bivalent et sa position du deuxième actant doit être comblée, soit par un nom, soit par
une subordonnée (NB. il peut fonctionner comme monovalent, mais le sens serait différent « nous
sommes craintifs »). En revanche, en (3), la subordonnée n’est pas un complément obligatoire du
verbe ἄγω – c’est un complément adverbial, omissible. La relative en (4) fonctionne comme
épithète de détermination et précise quels dieux.
Les subordonnées se répartissent en trois catégories :
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1° Les subordonnées complétives sont étroitement rattachées à la principale et représentent leur
complément d’objet indispensable. Elles comprennent les propositions introduites par ὅτι, ὡς « ce
fait que », μὴ, les interrogations indirectes et les propositions infinitives.
2° Les propositions circonstancielles (adverbiales) apportent des informations accessoires et ne sont
pas demandées par la valence du verbe. Elles comprennent les finales, consécutives, causales,
concessives, temporelles, conditionnelles et comparatives. Leurs mots introducteurs sont variés : ὅτι
causal, ἵνα et ὅπως finaux, ἐπεί,
ὡς,
ὅτε, ἐπειδάν... temporels, εἰ conditionnel, εἰ καί, καὶ
εἰconcessifs, etc.
3° Les propositions relatives sont généralement rattachées à un antécédent et complètent un nom.
Elles sont introduites par le pronom relatif ὅς simple (défini), ou par le relatif indéfini ὅστις, parmi
d’autres.
2. La coordination
La coordination concerne la liaison des propositions entre elles et aussi la liaison des
constituants.
Parmi les conjonctions de coordination, on énumère les conjonctions :
copulatives : l’enclitique τε, καί, καὶ... καί, οὔτε... οὔτε (μήτε... μήτε) « ni... ni » ;
adversatives : ἀλλά, (μέν...) δέ, ἀτάρ, μέντοι ;
disjonctives : ἤ, ἢ... ἤ, εἴτε... εἴτε ;
explicatives : γάρ ;
conclusives : οὖν, νῦν, τοίνυν.
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I. LES RELATIVES
1. LES RELATIVES EN FRANÇAIS
On considère comme une proposition relative celle qui est introduite par un pronom relatif : qui,
que, dont, où, lequel, quiconque (Grevisse). La relative peut avoir plusieurs fonctions syntaxiques
dans la phrase : sujet, épithète, circonstant, incise. On distinguera la relative sans antécédent de la
relative avec antécédent.

Les relatives sans antécédent
Sans antécédent, la relative a la fonction de sujet :
Qui vivra verra.
Qui trop embrasse mal étreint.

Les relatives avec antécédent
L’antécédent de la relative peut être un pronom ou un nom : dans ce cas, la relative fonctionne
comme une épithète :
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme. (Baudelaire)
Merci de votre adhésion dont je ne doutais pas.
Traditionnellement, on dissocie la relative déterminative ou restrictive : l’objet que nous vîmes,
et la relative non déterminative ou explicative : dont je ne doutais pas. Le premier type apporte une
détermination du nom et est non omissible, alors que l’autre type pourrait être supprimé. En outre,
ce critère est important pour la ponctuation : la relative explicative est séparée par des virgules. On
notera également que hors contexte, il peut être difficile de décider, à quel type nous avons affaire.
Comparons :
Les maisons qui avaient les toits de chaume ont brûlées.
Les maisons, qui avaient les toits de chaume, ont brûlées.
Le sens des relatives est différent : le premier exemple avec une relative interprétée comme
déterminative dit qu’il y avait plusieurs maisons dont une partie a brûlé – seulement celle qui avait
les toits de chaume. Le second exemple offre une explication pourquoi toutes les maisons ont brûlé.
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En conséquence, la suppression de la première relative serait impossible car le village en question
n’a pas perdu les maisons construites avec des méthodes plus modernes :
*Les maisons ont brûlées.
Les maisons ont brûlées.
L’antécédent peut être un adjectif, participe… :
Il se passait de manteau, fier qu’il était de sa poitrine large.
Entre soldats – que nous sommes…
L’antécédent peut être un adverbe de lieu ou de temps :
Ici où vous êtes.
Partout où j’ai voulu dormir.
Maintenant qu’elle était plus malheureuse, il l’abandonnait.
L’antécédent peut également être, soit une partie de phrase, soit la phrase elle même où la
relative est insérée ou qu’elle détermine :
Il fallait pour cela commencer par vider la mare, ce qu’on n’avait pas fait depuis onze ans.
Dans cette catégorie appartiennent les formules comme : que je sache ; qui mieux est.
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2. LES RELATIVES EN GREC
Les relatives en grec sont fortement concurrencées par les constructions comportant l’article qui
permet de substantiver les adjectifs et les participes, en particulier.
σὺν τοῖς θησαυροῖς οἷς ὁ πατὴρ κατέλιπεν « avec les trésors que le père a abandonnés »
= θησαυροῖς τοῖς ὑπὸ τοῦ πατρὸς καταλειφθεῖσι « avec les trésors abandonnés par le père ».
Il y a des langues qui utilisent les articles définis et les démonstratifs pour introduire les
propositions relatives. Par exemple en allemand, le relatif est, dans la plupart des formes, identique
à l’article défini :
Der Mantel, den er trägt, ist zu gross. « Le manteau qu’il porte est trop grand. »
Chez Homère, où l’article a toujours une valeur démonstrative, on a par exemple δῶρα τά et non
pas δῶρα ἅ :
δῶρα τά οἱ ξεῖνος Λακεδαίμονι δῶκε (Hom. Od. 21.13)
« C’était un présent qu’un hôte rencontré en Laconie lui avait fait. »
Une fois les articles définis développés, le pronom relatif en est clairement distingué. Il convient
de rappeler, pour les raisons de clarté, leurs formes. Le tableau suivant n’indique pas le duel :
Cas
Pronom relatif
Article défini
sg.
pl.
sg.
pl.
Nominatif
ὅς, ἥ, ὅ
οἵ, αἵ, ἅ
ὁ,ἡ, τό
οἱ, αἱ, τά
Accusatif
ὅν, ἥν, ὅ
οὕς, ἅς, ἅ
τόν, τήν, τό
τούς, τάς, τά
Génitif
οὗ, ἧς, οὗ
ὧν
τοῦ, τῆς, τοῦ
τῶν
ᾧ, ᾗ, ᾧ
οἷς, αἷς, οἷς
τῷ, τῇ, τῷ
τοῖς, ταῖς, τοῖς
Datif
L’étude de la relative est une matière assez complexe. La grammaire grecque présente des
classements traditionnels que nous suivrons.
2.1. Les mots introducteurs
La relative en grec peut être introduite par un relatif simple ὅς, ἥ, ὅ « qui » ou par un relatif
indéterminé ὅστις, ἥτις, ὅ τι « quiconque », de même que par ὅσ-περ « celui précisément », οἷός
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« tel que », ὅσος « aussi grand », ou par un adverbe relatif οὗ, ὅπου « là (n’importe) où ; statique »,
οἷ, ὅποι « là où ; dynamique », ὅθεν, ὁπόθεν « de là où », etc.
2.2. Le classement des relatives
Les grammaires établissent une distinction entre les relatives déterminatives et les relatives
circonstancielles.

Les relatives déterminatives ajoutent au nom ou au pronom une détermination nécessaire :
περὶ τῶν πραγμάτων γράφω ἃ οὐκ ἂν γένοιτο
optatif potentiel avec ἄν
« J’écris sur des choses qui ne pourraient exister. »

Les relatives circonstancielles expriment des conditions accessoires qui ne sont pas
nécessaires à l’expression de l’antécédent. Les temps et les modes dans une circonstancielle
sont les mêmes que dans une proposition indépendante.
πῶς ἂν περὶ τούτων γράφοιμι ἃ μὴ γένοιτο ;
optatif potentiel sans ἄν
« Comment pourrais-je écrire sur des choses qui n’existeraient pas (= si elles n’existeraient
pas). »
Toutefois, cette répartition n’a rien absolu, par exemple :
νέος δ’ ἀπόλλυται ὅντινα φιλῇ θεός.
« Il meurt jeune celui qui est aimé des Dieux. »
La relative ὅντινα φιλῇ θεός a une valeur circonstancielle car elle implique l’idée de temps et de
condition, mais elle est nécessaire pour le sens.
Quoi qu’il en soit, il y a une distinction syntaxique entre ces deux catégories de relatives, parfois
désignées relatives définies et indéfinies :
ταῦτα ἃ βούλεται πράττει. « Il fait ce qu’il veut. »
ταῦτα ἅτινα βούλεται πράττει. « Il fait tout ce qu’il veut (s’il le veut, il le fait). »
Elle consiste en le choix de temps et de modes : ils sont d’une part, les mêmes que dans les
propositions autonomes, d’autre part, tout particulièrement pour les relatives conditionnelles, les
mêmes que dans les propositions conditionnelles.
ταῦτα ἃ οὐ βούλεται πράττει.
ταῦτα ἅτινα μὴ βούλεται πράττει.
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2.3. Les relatives déterminatives
Les relatives déterminatives sont celles qui excluent toute équivalence, soit avec une
conditionnelle, finale, consécutive, causale. Elles définissent le référent, la détermination équivaut à
celle d’un participe. L’indicatif y est le mode le plus fréquemment employé, la négation est οὐ.
ὁ ἄνθρωπος ὃν εἶδες « l’homme que tu as vu » équivaut à :
ὁ ἄνθρωπος ὁ ὀφθείς ὑπὸ σοῦ « l’homme qui a été vu par toi »
On a, par exemple :
ταῦτ᾽ ἐστὶν ἃ ἐγὼ δέομαι. « C’est ce dont j’ai besoin. »
Ἀριαῖος, ὃν ἡμεῖς ἠθέλομεν βασιλέα καθιστάναι, ἡμᾶς κακῶς ποιεῖν πειρᾶται.
« Ariée, que nous avons voulu élever au trône, tâche de nous nuire. »
ὅθεν οὖν ῥᾷστα μαθήσεσθε περὶ αὐτῶν, ἐντεῦθεν ὑμᾶς καὶ ἐγὼ πρῶτον πειράσομαι
διδάσκειν.
« Je vais d’abord essayer de vous renseigner à partir de la source qui vous permettra
d’apprendre aisément leur cas. » litt. « d’où vous apprendrez... de là j’essaierai de vous
renseigner »
Les relatives déterminatives comportent le plus souvent un indicatif, par exemple, un présent
(δέομαι), un imparfait (ἠθέλομεν), ou un futur (μαθήσεσθε).
Les relatives déterminatives peuvent être modalisées ; dans de tels cas, on emploie, tout comme
dans une proposition indépendante :
optatif + ἄν pour le potentiel du présent-futur
temps passé de l’indicatif + ἄν pour le possible du passé
La syntaxe est différente dans les relatives circonstancielles, voir infra.
Par exemple :
δόρατα ἔχοντες... ὅσα ἀνὴρ ἂν φέροι μόλις.
« ayant de longues piques qu’un homme avait peine à porter »
Ἱπποκράτης γὰρ παρ᾽ ἐμὲ ἀφικόμενος οὐ πείσεται ἅπερ ἂν ἔπαθεν ἄλλῳ τῷ συγγενόμενος
τῶν σοφιστῶν.
« Hippocrate, en venant à moi, n’aura pas les ennuis qu’il aurait en s’attachant à tout autre
sophiste. »
L’optatif présent φέροι accompagné de ἄν exprime la possibilité au présent ; l’indicatif aoriste
ἔπαθεν (πάσχω « subir, avoir ») avec ἄν marque l’irréel du présent.
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Une relative n’exprime pas seulement une constatation ; elle rend aussi l’idée de volonté et de
désir. La volonté peut s’appliquer à autrui (impératif) ou se rapporter au locuteur (subjonctif
délibératif). Le désir s’exprime comme un souhait à l’optatif, par exemple, l’optatif présent κραίνοι
(de κραίνω « accomplir »).
ἀπειλεῖ δείν’, ἃ μὴ κραίνοι τύχη.
« Il profère d’épouvantables menaces que veuille le Destin ne pas réaliser ! »
Cette relative comporte la négation μή parce qu’il s’agit d’une expression de vœu. Elle est
déterminative de par son sens.
En revanche, le subjonctif éventuel avec ἄν de même que l’optatif de subordination secondaire
n’apparaissent pas dans ce type de relatives.

L’attraction modale
Une relative déterminative qui dépend d’une principale contenant un optatif de vœu ou de
possibilité se met à l’optatif sans ἄν. Si la régissante comporte un temps passé de l’indicatif avec
valeur d’irréel du présent ou possible du passé, on emploie l’imparfait ou l’aoriste sans ἄν, par
exemple :
εὖ γὰρ ᾔδεις ὅτι οὐδεὶς ἂν ἦν σοι ὃς ἐκεῖνον τὸν ὅρκον διομοσάμενος ἐμοῦ
κατεμαρτύρησεν.
« Tu savais bien que tu ne trouverais personne pour prêter ce terrible serment avant de
déposer contre moi. »
La relative ὃς... κατεμαρτύρησεν a pour l’antécédent οὐδεὶς dont le prédicat ἂν ἦν σοι contient un
imparfait accompagné de ἄν (expression de l’irréel). Cette dernière proposition représente la
complétive en ὅτι du verbe ᾔδεις, l’indicatif plus-que-parfait de οἶδα. Nous sommes alors dans un
système du passé, et le verbe de la relative, l’indicatif aoriste κατεμαρτύρησεν (de
καταμαρτυρέω « se porter témoin contre quelqu’un ») exprime l’idée de l’irréel, tout comme ἂν ἦν
dans sa principale, sans s’accompagner de ἄν.
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2.4. Les relatives circonstancielles
Les relatives circonstancielles peuvent avoir une valeur conditionnelle, consécutive, finale ou
causale.
2.4.1. Les relatives conditionnelles
La phrase
ἀπόκριναι ὃ ἂν ἐρωτῶ σε.
« Réponds à toutes mes questions »
équivaut logiquement à :
ἐὰν τι σε ἐρωτῶ, ἀπόκριναι.
« Si je te pose une question, réponds-moi. »
Comme dans le cas des conditionnelles, le contenu peut reposer sur une réalité donnée, se fonder
sur une éventualité ou spéculer sur une possibilité.
L’idée d’une condition réelle s’exprime à l’aide d’un indicatif de constatation présent ou
imparfait, ou à l’aide d’un futur (éventuel), c’est-à-dire subjonctif + ἄν. La négation est μή.
ἃ μὴ οἶδα οὐδὲ οἴομαι εἰδέναι.
(=εἴ τινα μὴ οἶδα)
« Ce que je ne sais pas, je ne me figure pas non plus le savoir. »
αὐτὸ μὲν γὰρ τὸ ἀποθνῄσκειν οὐδεὶς φοβεῖται, ὅστις μὴ παντάπασιν ἄνανδρός ἐστιν.
« La mort elle-même, celui-là ne la craint pas qui n’est pas tout à fait lâche. »
καὶ τῶν τε Ἑλλήνων οἳ μὴ ἔτυχον ἐν ταῖς τάξεσιν ὄντες εἰς τὰς τάξεις ἔθεον.
« Ceux des Grecs qui ne se trouvaient pas dans les rangs couraient reprendre leur place. »
Un indicatif présent (parfait-présent) οἶδα exprime la condition réelle, tout comme ἐστιν dans la
deuxième phrase ; son caractère conditionnel est suggéré par l’emploi du pronom indéterminé ὅστις.
L’aoriste ἔτυχον (τυγχάνω « être par hasard »), lié au participe ὄντες exprime une condition réelle
au passé.
L’éventualité générale appartenant au système du présent-futur s’exprime à l’aide du subjonctif
éventuel + ἄν ; au passé, on rencontre l’optatif de possibilité sans ἄν.
τῶν βαρβάρων τινὲς ἱππέων διὰ τοῦ πεδίου ἐλαύνοντες ᾧτινι ἐντυγχάνοιεν Ἕλληνι ἢ δούλῳ
ἢ ἐλευθέρῳ πάντας ἔκτεινον.
« Balayant la plaine, des cavaliers barbares massacraient tous les Grecs qu’ils rencontraient
– esclaves ou hommes libres. »
χάριν σοι εἴσομαι ὅσῳ ἂν πλεονάκις εἰσίῃς.
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« Je te saurai d’autant plus de gré que tu viendras plus souvent auprès de moi. »
La relative ᾧτινι ἐντυγχάνοιεν comporte le relatif indéterminé ὅστις est un optatif présent (de
ἐντυγχάνω « rencontrer ») sans ἄν qui fonctionne comme un optatif de possibilité. La relative ὅσῳ
ἂν... εἰσίῃς est introduite par ὅσος et comporte un subjonctif présent (de εἴσειμι « venir ») avec ἂν –
un subjonctif éventuel.
2.4.2. Les relatives consécutives
Les relatives consécutives contiennent généralement un indicatif et la négation est οὐ ; elles
correspondent ainsi aux emplois de ὥστε, ὡς + infinitif. Cela est surtout le cas lorsque la
proposition principale est négative, explicitement ou non-explicitement (question rhétorique, par
exemple). La négation μή peut être employée lorsque la relative exprime une conséquence
intentionnelle ou attendue.
τίς οὕτω μαίνεται ὅστις οὐ βούλεται σοὶ φίλος εἶναι ;
« Qui est assez fou pour se refuser à être ton ami ? »
ἀνόητον ἐπὶ τοιούτους ἰέναι ὧν κρατήσας μὴ κατασχήσει τις.
« Il est donc insensé d’attaquer (d’aller contre) des gens qu’il sera impossible de maîtriser en
cas de succès. »
Cette dernière relative exprime une conséquence attendue au futur (κατασχήσει est le futur moyen
de κατέχω « maîtriser »).
Les relatives consécutives contiennent typiquement les expressions comme : οὐκ ἔστιν ὅστις
(οὐ), οὐδείς ἐστιν ὅστις (οὐ) « il n’y a personne qui », εἰσὶν οἵ « il y en a qui » :
οὐκ ἔστιν οὐδεὶς ὅστις οὐχ αὑτὸν φιλεῖ.
« Il n’y a personne qui ne s’aime pas lui-même. »
Comme la consécution n’est qu’une possibilité générale de consécution, on rencontre des
équivalents de nature modale :
au présent-futur – optatif + ἄν
potentiel du présent-futur
au passé – indicatif imparfait + ἄν
potentiel du passé
οὐκ ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν καταφρονήσειεν.
« Il n’y a personne qui ne mépriserait ces gens-là. »
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Le futur peut toujours être employé, quel que soit le temps du verbe principal : on exprime alors
la possibilité qu’une conséquence se « développe », qui « doit » se dégager. Or, au futur, l’idée de
finalité – volonté qui « doit » aboutir – est difficile à distinguer la conséquence.
οὔτε πλοῖα ἔστι τὰ ἀπάξοντα οὔτε σῖτος ᾧ θρεψόμεθα μένοντες.
« Il n’y a ni de navires pour nous transporter, ni de vivre pour nous sustenter si nous y
séjournons. »
Cette relative contient un futur τρεψόμεθα de τρέφω « nourrir ». D’une certaine manière, la relative
est en parallèle avec le participe futur ἀπάξοντα (ἀπάγω).
2.4.3. Les relatives finales
Les relatives comportent régulièrement un indicatif futur, aussi après les temps du passé ; la
négation est μή. Dans les relatives finales, on ne rencontre pas le subjonctif de volonté qui ne peut
être accompagné de ἄν. Lorsque le subjonctif apparaît dans une relative, il n’a jamais une valeur
finale, mais délibérative.
Les modes s’emploient comme dans une proposition indépendante. Le futur est employé
exclusivement à l’expression de la finalité. C’est l’idée de destination, teintée de valeur
désidérative, qui peut s’appliquer au présent-futur et au passé.
(Ἐργοκλέης) μάρτυρας πεπόρισται οἳ μαρτυρήσουσιν αὐτῷ
« Il s’est procuré des témoins pour témoigner en sa faveur. »
κρύψω τόδ᾽ ἔγχος τοὐμόν γαίας ὀρύξας ἔνθα μή τις ὄψεται.
« J’y cacherai mon épée dans la terre où personne ne le voie plus. »
Le parfait moyen-passif, πεπόρισται (de πορίζω) figure dans la principale ; la relative comporte un
indicatif futur (de μαρτυρέω).
Dans le second exemple, l’adverbe ἔνθα fonctionne comme un relatif : ὀρύξας (ὀρύσσω) γαίας ἔνθα
« en l’enterrant à cet point de la terre où. » La relative comporte un futur moyen ὄψεται (ὁράω).
NB. L’usage du subjonctif éventuel avec ἄν ou κεν (primaire) auquel répond l’optatif sans ἄν au
système secondaire est attesté chez Homère.
ἄγγελον ἧκαν ὃς ἀγγείλειε γυναικί.
« Ils envoyèrent un messager qui dît à sa femme… »
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
2.4.4. Les relatives causales
Dans les relatives causales, le fait réel s’exprime avec l’indicatif – mode de constatation. La
négation est οὐ).
θαυμαστὸν ποιεῖς, ὃς ἡμῖν οὐδὲν δίδως.
« Tu te conduis de façon étrange, toi qui ne nous donnes rien. »
2.5. Remarques complémentaires
L’attraction
On parle d’attraction lorsque l’antécédent subit l’influence du pronom relatif voisin et reçoit sa
marque casuelle : une telle situation est appelée « attraction inverse ou régressive » :
ἵπποι οἳ ἂν ἄριστοι ὦσιν τούτους ζητεῖτε.
« Cherchez les chevaux qui seraient les meilleurs. »
ἵπποι est au nominatif au lieu d’accusatif ἵππους sous l’influence du relatif qui le suit.
Lorsqu’au contraire, c’est le relatif qui prend la marque casuelle de l’antécédent, l’attraction est
dite progressive :
φοβοίμην ἂν τῷ ἡγεμόνι ᾧ (pour ὃν) δοίη ἕπεσθαι.
« Je craindrais de suivre le guide qu’il nous fournirait. »
Le datif du relatif ᾧ (au lieu de ὃν) est assimilé au datif de l’antécédent τῷ ἡγεμόνι. L’optatif aoriste
δοίη (δίδωμι) exprime la possibilité dans une relative conditionnelle.
ἄξιοι τῆς ἐλευθερίας ἧς (au lieu de ἣν) κέκτησθε
« dignes de la liberté que vous avez conquise »

L’insertion
On peut rencontrer trouve diverses autres attractions, par exemple l’antécédent incorporé dans la
relative :
ἀδικεῖ Σωκράτης, οὓς μὲν ἡ πόλις νομίζει θεοὺς οὐ νομίζων.
« Socrate est coupable parce qu’il ne reconnaît pas les dieux que reconnaît la cité. »
L’antécédent figure dans la relative ; on attendrait : τοὺς θεοὺς οὓς.

L’omission de l’antécédent
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Le pronom démonstratif qui fonctionne comme antécédent d’une relative peut être omis, par
exemple :
ἐγὼ δὲ καὶ ὧν κρατῶ μενοῦμεν παρὰ σοὶ.
« Moi et ceux que je commande, nous resterons auprès de toi. »
La relative ὧν κρατῶ pourrait avoir pour antécédent exprimé οὗτοι (ὧν κρατῶ).
3. Le « relatif de liaison »
Le pronom relatif peut être employé sans valeur de subordination. Dans de tels cas, il a une
simple valeur anaphorique :
οὕτω δὴ ἐς Λεωνίδην ἀνέβαινε ἡ βασιληίη, καὶ διότι πρότερος ἐγεγόνεε Κλεομβρότου... καὶ
δὴ καὶ εἶχε Κλεομένεος θυγατέρα. ὃς τότε ἤιε ἐς Θερμοπύλας...
(Hdt.)
« Ainsi la couronne revenait à Léonidas, et parce qu’il était l’aîné de Cléombrote… et qu’en
outre il avait pour femme la fille de Cléomène. Il partit alors pour les Thermopyles… »
Le pronom ὃς reprend Λεωνίδης. On notera que la proposition qui l’accueille comporte un indicatif
imparfait ἤιε (εἶμι « aller ») qui fait partie de la ligne narrative de même que l’imparfait ἀνέβαινε ;
en revanche, le plus-que-parfait ἐγεγόνεε (γίγνομαι) et l’imparfait εἶχε (ἔχω) n’apportent que des
informations d’arrière plan.
Le relatif de liaison apparaît après la ponctuation forte : point ou point virgule (·).
16
4. Récapitulatif

négation οὐ, μή
La relative déterminative
περὶ τούτου γράφω « j’écris sur »
ὃ οὐκ ἐγένετο « ce qui n’est pas arrivé »
indicatif
ὃ οὐκ ἂν γένοιτο « ce qui ne saurait arriver »
optatif + ἄν potentiel
ὃ οὐκ ἂν ἐγίγνετο « ce qui n’arriverait pas »
indicatif imparfait (irréel) + ἄν
ὃ οὐκ ἂν ἐγένετο « ce qui ne serait pas arrivé »
indicatif aoriste (irréel) + ἄν
ὃ μὴ γένοιτο « puisse-t-il ne pas arriver »
optatif de souhait
négation οὐ, μή
La relative circonstancielle
Causale
indicatif, négation οὐ
Consécutive
indicatif, négation οὐ
futur
Conditionnelle
fait réel
indicatif, négation μή
potentiel
optatif
sans ἄν
irréel
imparfait ou aoriste
sans ἄν
LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
II. LES CONDITIONNELLES
1. Introduction
Les conditionnelles appartiennent aux subordonnées circonstancielles. En effet, une
conditionnelle n’est pas nécessitée par la valence du verbe mais a une valeur adverbiale.
La phrase complexe comportant une conditionnelle est constituée d’une protase (πρότασις de
προτείνω « je tends devant ») et d’une apodose (ἀπόδοσις de ἀποδίδωμι « je fais découler ») ; la
protase est la proposition conditionnelle, l’apodose est la régissante.
S’il pleut, je ne sors pas.
protase
apodose
La condition est une notion sémantique et appartient au groupe de relations causales (au sens
large du terme) : la causalité, la concession et la finalité. Comparons :
S’il pleut, je ne sors pas.
Bien qu’il pleuve, je sors.
Je ne sors pas parce qu’il pleut.
Je ne sors pas pour ne pas marcher sous la pluie.
Tous ces exemples reposent sur l’implication matérielle si p, q : un antécédent (p) entraîne
(implique) normalement un subséquent (q). En effet, un après-midi pluvieux n’est pas le meilleur
moment pour faire une promenade.
à lire seulement
La logique stoïcienne qui distinguait les jugements simples et les jugements non simples
(Diogène Laërce 7.69 sq.) est à l’origine de la théorie de la phrase complexe. Les jugements ou
propositions simples (ἀξιώματα ἁπλᾶ) peuvent être négatives, dénégatives, privatives, affirmatives,
définies et indéfinies. Par exemple :
Il ne fait pas de jour.
proposition négative
Personne ne marche.
proposition dénégative
Dion marche.
proposition affirmative
Cet homme est asocial. proposition privative
Celui-ci marche.
proposition définie
Quelqu’un marche.
proposition indéfinie
Les jugements ou propositions non simples (ἀξιώματα οὐχ ἁπλᾶ) sont les suivants :
Il fait jour et il fait clair.
jugement couplé (proposition conjonctive)
Ou il fait jour, ou il fait clair.
jugement disjoint (proposition disjonctive)
S’il fait jour, il fait clair.
jugement connecté (proposition conditionnelle)
Puisqu’il fait jour, il fait clair. jugement subconnecté (prop. subconditionnelle)
Parce qu’il fait jour, il fait clair. jugement causal
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
Il fait plus jour qu’il ne fait nuit. jugement comparatif
Outre la terminologie innovatrice, sur laquelle je ne m’attarderai pas ici, on notera les
distinctions qui permet de relever le rôle des conjonctions (si, puisque, et, ou...), appelés
connecteurs logiques ou, dans la terminologie grammaticale moderne, conjonctions de
subordination et de coordination. Les distinctions proposées par les philologues stoïciens seront
retenues et élaborées par les grammairiens modernes.
Il convient de mentionner aussi que les arguments (logos) constitués de prémisses (lemma)
servent comme des procédés de raisonnement et de démonstration :
S’il fait jour, il fait clair ; mais il fait jour ; donc il fait clair.
εἰ ἡμέρα ἐστί, φῶς ἐστι. ἡμέρα δέ ἐστι· φῶς ἄρα ἐστί.
L’implication recouvre la proposition conditionnelle (Sextus Empiricus, Contre les professeurs
11.8 sq.) ; elle représente pour les Stoïciens la forme logique de toute définition. Par exemple,
L’homme est un animal rationnel mortel
représente l’affirmation de
Si quelque chose est un homme, alors cette chose est rationnelle et mortelle.
En d’autres termes, un contenu p entraîne logiquement un contenu q, dans notre cas, être homme (p)
entraîne être rationnel et mortel (q).
Dans le système conditionnel, la vérité de la protase entraîne la vérité de l’apodose : s’il est vrai
qu’il pleut, il est vrai que je ne sors pas. Selon les différents types d’emplois caractérisés par le
mode des verbes, diverses valeurs sémantiques viennent s’ajouter à cette signification
fondamentale. Traditionnellement, les grammaires parlent des conditions « réelle », « potentielle »
et « irréelle ».
Les conditionnelles en grec sont introduites par εἰ, εἰ ἄν > ἐάν (ἄν, ἤν). À l’origine, il s’agissait
de deux propositions autonomes :
ἀλλ’ εἴ μοί τι πίθοιο, τό κεν πολὺ κέρδιον εἴη. (Hom.)
« Si tu voulais m’en croire, ce serait bien mieux. »
Littéralement : Dans ces conditions tu pourrais m’en croire : ce serait beaucoup mieux. Chez
Homère, la particule modale κεν est un équivalent de ἄν.
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
2. Le classement des conditionnelles
2.1. La conditionnelle « réelle »
εἰ ταῦτα ποιεῖς, καλῶς ποιεῖς. « Si tu fais cela, tu le fais bien. »
εἰ ταῦτα ἐποίησας, καλῶς ἐποίησας. « Si tu l’as fait, tu l’as fait bien. »
On appelle condition « réelle » la condition qui est considérée comme remplie dans la réalité
« s’il est vrai que ». Souvent, l’apodose atteste les mêmes temps que la protase. Dans ce type de
conditionnelles, l’indicatif présent, passé ou futur se rencontre.
εἰ δὲ θεὸν ἀνήρ τις ἔλπεταί τι λαθέμεν1 ἔρδων, ἁμαρτάνει. (Pindare)
« S’il est vrai qu’un homme espère voir ses actes échapper à la divinité, il se trompe. »
εἴ τέ τι ἄλλο ἐγένετο ἐπικίνδυνον τοῖς Ἕλλησι, πάντων μετέσχομεν.
« Et si un autre danger est arrivé aux Grecs, nous y avons participé. »
Le premier exemple montre des indicatifs présents dans la protase (ἔλπεται) et dans l’apodose
(ἁμαρτάνει), le second, des indicatifs aoristes (ἐγένετο et μετέσχομεν de μετέχω).
Dans l’exemple suivant, le futur θανοῦμαι dans la protase exprime que la réalisation du procès
est certaine. En revanche, l’éventualité exprimée par ἐάν + subjonctif (voir ci-dessous) exprime
l’éventualité d’un fait unique déterminé dans le futur, parfois avec nuance de menace ou
d’avertissement.
εἰ δὲ τοῦ χρόνου πρόσθεν θανοῦμαι, κέρδος αὔτ’ ἐγὼ λέγω.
« Si je meurs avant l’heure, j’affirme que c’est tout profit pour moi. »
2.2. L’éventualité
À la différence du latin, le grec a des moyens syntaxiques spécifiques pour exprimer
l’éventualité. La protase suppose, soit un cas particulier appartenant à l’avenir, soit un fait général
dont la réalisation fait l’objet d’une attente. Dans ce type de conditionnelles, on emploie le mode
éventuel dans la protase. Le locuteur utilise l’éventualité lorsqu’il cherche à anticiper un résultat
futur par opposition à une situation présente. L’éventualité a une charge d’emphase et a quelque
chose d’imagé et d’imposant. Dans les grammaires traditionnelles anglaises, ce type de futur est
appelé « more vivid future » (« plus vif, frappant ») par opposition au futur « normal » qui est « less
vivid » (« moins vif, frappant »).
ἐὰν ταῦτα ποιῇς (ποιήσῃς), καλῶς ποιήσεις. « Si tu fais cela, tu le feras bien.
Protase : εἰ subjonctif + ἄν Apodose : futur ou présent
1
λαθέμεν est un infinitif aoriste – épique de λανθάνω « cacher » pour λαθεῖν.
20
LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
Dans l’apodose, le futur signifie que la réalisation est proche, le présent que la réalisation est
immédiate.
(οὐκ ἔχω ἔγωγε πῶς εἴπω.) ἐὰν ζητῇς καλῶς, εὑρήσεις.
« (Je ne sais quelle réponse te faire.) Si tu la cherches bien, tu la trouveras.
ἄν τις ἀναιρῇ τοὺς θεσμοὺς οὐκ ἐπιτρέψω.
« Si quelqu’un veut renverser les lois, je ne le laisserai pas faire. »
ἐὰν δὲ ἁλῷς ἔτι τοῦτο πράττων, ἀποθανῇ.
« Et si tu es encore pris à agir ainsi, tu mourras. »
Dans les protases, on a des subjonctifs présents (ζητῇς, ἀναιρῇ) et aoriste (ἁλῷς de ἁλίσκομαι
« prendre »), dans les apodoses, des indicatifs futurs.
2.3. La conditionnelle « potentielle »
À la différence de la conditionnelle « réelle », la protase a un caractère fictif et peut,
éventuellement, être fausse. Le fait est considéré comme possible, purement imaginable. La
possibilité s’exprime à l’optatif qu’elle soit actuelle, future ou rétrospective.
εἰ ταῦτα ποιοίης (ποιήσειας), καλῶς ἂν ποιοίης (ποιήσειας).
« Si (jamais) tu faisais cela, tu le ferais bien. »
Protase : εἰ + optatif
Apodose : optatif + ἄν
οὐκ ἂν γένοιντο πόλεις εἰ ὀλίγοι δίκης μετέχοιεν.
« Il n’y aurait pas de cités, si un petit nombre d’hommes seulement avait part à la justice. »
οὐδὲ γὰρ ζῴη γ’ ἄν τις, εἰ μὴ τρέφοιτο.
« On ne vivrait pas, si l’on ne se nourrissait pas. »
2.4. La conditionnelle « irréelle »
La conditionnelle « irréelle » exprime que le contenu de la protase n’est pas réalisé : la protase –
et conséquemment aussi l’apodose – est fausse. On emploie l’imparfait, soi-disant irréel du présent,
ou l’aoriste – irréel du passé :
Présent ou passé :
εἰ ταῦτα ἐποίεις, καλῶς ἂν ἐποίεις. « Si tu faisais cela, tu le ferais bien.
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
Passé :
εἰ ταῦτα ἐποίησας, καλῶς ἂν ἐποίησας. « Si tu avais fait cela, tu l’aurais fait bien. »
Apodose : temps passé + ἄν
Protase : temps passé
οὗτοι, εἰ ἦσαν ἄνδρες ἀγαθοί, ὡς σὺ φῄς, οὐκ ἄν ποτε ταῦτα ἔπασχον.
« Ces gens-là, s’ils pouvaient être gens de bien, comme tu le dis, ils ne pouvaient pas alors
subir ces disgrâces. »
La protase contient un indicatif imparfait, ἦσαν, tout comme l’apodose, ἔπασχον ἄν.
En grec, l’irréel du présent n’existe pas indépendamment du passé ; l’imparfait peut avoir une
référence au présent ou au passé. En conséquence, les imparfaits εἴχομεν et ἦμεν, par exemple,
peuvent être rendus, selon le contexte, par un imparfait ou un plus-que-parfait en français :
(φῶς) εἰ μὴ εἴχομεν, ὅμοιοι τοῖς τυφλοῖς ἂν ἦμεν
« Si nous n’avions pas la lumière, nous ressemblerions aux aveugles. »
« Si nous n’avions pas eu la lumière, nous aurions ressemblé aux aveugle. »
C’est le contexte qui permet de trancher. Dans notre cas, il s’agit d’une référence au présent car
Xénophon dit juste avant, en situant la discussion au présent (δεόμεθα) :
ἀλλ’ οἶσθά γ’, ἔφη, ὅτι πρῶτον μὲν φωτὸς δεόμεθα, ὃ ἡμῖν οἱ θεοὶ παρέχουσι ;
« Mais, dit-il, tu sais certainement que notre premier besoin est la lumière que les dieux nous
fournissent ? »
De même :
(καὶ νῦν ἐστι Πέρσαις καὶ τὸ πτύειν καὶ τὸ ἀπομύττεσθαι...) ταῦτα δὲ οὐκ ἂν ἐδύναντο
ποιεῖν, εἰ μὴ καὶ διαίτῃ μετρίᾳ ἐχρῶντο.
« (Aujourd’hui encore, il est malséant pour les Perses de cracher, de se moucher...) Or, ils ne
pourraient pas s’en abstenir s’ils ne pratiquaient pas un régime sobre. »
Les indicatifs des imparfaits, ἐδύναντο et ἐχρῶντο, font référence au présent ; dans le contexte
immédiatement précédent, Xenophon parle des habitudes des Perses (NB. l’adverbe νῦν).
En revanche,
εἰ μὲν πρόσθεν ἠπιστάμην, οὐδ᾽ ἂν συνηκολούθησά σοι.
« Si je l’avais su d’avance, je ne t’aurais pas accompagné. »
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
L’imparfait ἠπιστάμην fait référence au passé ; cette interprétation est soutenue par l’adverbe
πρόσθεν. Cette phrase complexe représente un système mixte : la protase comporte un imparfait,
l’apodose, un aoriste : συνηκολούθησα (συνακολουθέω « accompagner »).
De manière générale, l’imparfait exprime un procès passé duratif. Dans l’exemple suivant, il
s’agit d’une vérité générale expérimentée dans le passée qui se prolonge dans le présent (cf. νῦν) :
εἰ μὲν γὰρ εἷς ἦν ὁ Ἔρως, καλῶς ἂν εἶχε, νῦν δὲ οὐ γάρ ἐστιν εἷς.
« Si l’Amour était unique, ce serait bien ; mais en réalité n’est pas unique. »
En revanche, l’aoriste marque un fait unique, épisodique, limité dans le temps. Cette propriété lui
permet d’exprimer la non-réalisation d’un procès à un moment passé.
(ἀκούω ὡς) οὐκ ἂν ἐποίησεν Ἀγασίας ταῦτα, εἰ μὴ ἐγὼ αὐτὸν ἐκέλευσα.
« (J’entends dire que) Agasias n’aurait pas agi comme il l’a fait, si je ne lui en avais donné
l’ordre. »
Les aoristes ἐποίησεν et ἐκέλευσα concernent des procès ponctuels dans le passé.
Considérons également :
εἰ ἐγὼ πάλαι ἐπεχείρησα πράττειν τὰ πολιτικὰ πράγματα, πάλαι ἂν ἀπολώλη.
« Si je m’étais mêlé, il y a longtemps, des affaires politiques, je serais mort depuis
longtemps. »
Cet exemple contient un aoriste ἐπεχείρησα (de ἐπιχειρέω « pratiquer ») dans la protase, et un plusque-parfait, ἀπολώλη (de ἀπόλλυμι « périr »), dans l’apodose. C’est un système mixte : il n’est pas
nécessaire d’avoir toujours les mêmes temps dans la protase et dans l’apodose.
2.5. Les conditionnelles concessives
Les subordonnants εἰ καί « même si » (etsi) et καί εἰ « si même » (etiamsi) introduisent les
conditionnelles concessives ont la même syntaxe que εἰ ; la négation est μή.
Par exemple, Oedipe dit à Tirésias :
πόλιν μέν, εἰ καὶ μὴ βλέπεις, φρονεῖς δ᾽ ὅμως οἵᾳ νόσῳ σύνεστιν.
« Bien que tu n’y voies pas la cité, tu sais pourtant de quel mal cette ville est accablée. »
La concession est une implication inversée : le fait de voir quelque chose implique habituellement
qu’on finit par savoir, et inversement, le fait de ne pas voir implique qu’on ignore. Or dans le cas de
la concession, Tirésias ne voit pas et pourtant, il sait.
De même :
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
Μηδικὰ, εἰ καὶ δι’ ὄχλου μᾶλλον ἔσται, ἀνάγκη λέγειν.
« Même si cela doit être ennuyeux, il faut parler des guerres médiques. »
τοῦ δ’ ἐγὼ ἀντίος εἶμι καὶ εἰ πυρὶ χεῖρας ἔοικεν
« J’irai, moi, au-devant de lui, ses mains fussent-elles pareilles au feu. »
2.6. Remarques complémentaires

« Sinon, autrement » s’exprime par εἰ δέ μή sans verbe :
δεῖ πειρᾶσθαι ὅπως σῳζώμεθα · εἰ δὲ μή, ἀλλὰ καλῶς γε ἀποθνῄσκωμεν.
« Il faut s’efforcer de se sauver, sinon, de mourir noblement. »

εἰ, εἴπερ, εἰ δὲ μή peuvent signifier « s’il est vrai que », « étant donné que », ou même
« puisque » :
εἰ γὰρ θρήνων ἄξια πεπόνθασιν, ἀλλ’ ἐπαίνων μεγάλων πεποιήκασιν.
« Si leur sort mérite des pleurs, leurs exploits du moins sont dignes de grands éloges. »

la particule ἄν
La particule ἄν, pour résumer ses emplois, est utilisée de deux manières divergentes : (a) dans
une subordonnée – dans une protase après εἰ, dans une relative, une temporelle ou une finale, où
elle accompagne un subjonctif et se lie au mot subordonnant (ἐάν, ὅταν, ὡς ἄν) ; (b) dans une
apodose de système hypothétique ou dans une proposition indépendante où elle accompagne un
optatif ou un temps secondaire. Son interprétation pose un certain nombre de problèmes.
Cependant, dans le premier cas, il semble s’agir d’un emploi temporel concernant un événement
qui se produira bientôt ou peut-être ; dans le second cas, la particule a une valeur logique, non
temporelle, et relie la proposition dans laquelle elle se trouve à une protase. Elle exprime alors un
enchaînement dans la pensée.
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
Corrigé de l’exercice (p. 2)
Lisez attentivement le texte ci-dessous. Relevez les subordonnées, déterminez les propositions
régissantes et analysez les verbes correspondants. Quelles sont les fonctions de ces subordonnées ?
φήσουσι γὰρ δὴ σοφὸν εἶναι, εἰ καὶ μή εἰμι, οἱ βουλόμενοι ὑμῖν ὀνειδίζειν. εἰ γοῦν περιεμείνατε
ὀλίγον χρόνον, ἀπὸ τοῦ αὐτομάτου ἂν ὑμῖν τοῦτο ἐγένετο · ὁρᾶτε γὰρ δὴ τὴν ἡλικίαν ὅτι πόρρω
ἤδη ἐστὶ τοῦ βίου θανάτου δὲ ἐγγύς. λέγω δὲ τοῦτο οὐ πρὸς πάντας ὑμᾶς, ἀλλὰ πρὸς τοὺς ἐμοῦ
καταψηφισαμένους θάνατον. λέγω δὲ καὶ τόδε πρὸς τοὺς αὐτοὺς τούτους. ἴσως με οἴεσθε, ὦ ἄνδρες
Ἀθηναῖοι, ἀπορίᾳ λόγων ἑαλωκέναι τοιούτων οἷς ἂν ὑμᾶς ἔπεισα, εἰ ᾤμην δεῖν ἅπαντα ποιεῖν καὶ
λέγειν ὥστε ἀποφυγεῖν τὴν δίκην.
(Platon, Apologie 38c-d)
« Ils m’appelleront sage, quoique je ne le sois point. Ceux qui veulent vous faire des reproches.
Mais si vous aviez attendu encore un peu de temps, la chose serait venue d’elle-même ; car voyez
mon âge ; je suis déjà bien avancé dans la vie, et tout près de la mort. Je ne dis pas cela pour vous
tous, mais seulement pour ceux qui m’ont condamné à mort ; c’est à ceux-là que je veux m’adresser
encore. Peut-être pensez-vous que si j’avais cru devoir tout faire et tout dire pour me sauver, je n'y
serais point parvenu, faute de savoir trouver des paroles capables de persuader ? Non, ce ne, sont
pas les paroles qui m’ont manqué, Athéniens, mais l’impudence. »
Dans un premier temps, nous relevons :
(1) φήσουσι γὰρ δὴ σοφὸν εἶναι, εἰ καὶ μή εἰμι, οἱ βουλόμενοι ὑμῖν ὀνειδίζειν.
« Ils m’appelleront sage, quoique je ne le sois point. Ceux qui veulent vous faire des reproches. »
Une proposition complétive infinitive (σοφὸν εἶναι) dépendant du verbe de déclaration
φήσουσι à l’indicatif futur ; son sujet n’est pas exprimé mais (με « moi ») est sous-entendu,
l’attribut (σοφὸν) à l’accusatif.
Une proposition introduite par εἰ καὶ, locution composé de εἰ et de καὶ, dont la valeur est concessive
(« même si »), avec un verbe à l’indicatif présent (εἰμι).
On notera que l’infinitif ὀνειδίζειν complète le participe substantivé οἱ βουλόμενοι et ne représente
pas une subordonnée.
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
(2) εἰ γοῦν περιεμείνατε ὀλίγον χρόνον, ἀπὸ τοῦ αὐτομάτου ἂν ὑμῖν τοῦτο ἐγένετο·
« Mais si vous aviez attendu encore un peu de temps, la chose serait venue d’elle-même. »
Une conditionnelle introduite par ei) dont le verbe, περιεμείνατε, est à l’indicatif aoriste (περιεμένω
« attendre ») ; sa régissante comporte un verbe à l’indicatif aoriste (ἐγένετο) accompagné de ἂν.
(3) ὁρᾶτε γὰρ δὴ τὴν ἡλικίαν ὅτι πόρρω ἤδη ἐστὶ τοῦ βίου θανάτου δὲ ἐγγύς.
« Car voyez mon âge ; je suis déjà bien avancé dans la vie, et tout près de la mort. »
Une complétive introduite par ὅτι dont le verbe est à l’indicatif présent (ἐστὶ). Elle dépend du verbe
ὁρᾶτε, à l’indicatif (ou impératif) présent. Le sujet de la subordonnée est donné par anticipation
dans la régissante (τὴν ἡλικίαν) et décliné à l’accusatif (construction du verbe ὁράω).
(4) λέγω δὲ τοῦτο οὐ πρὸς πάντας ὑμᾶς, ἀλλὰ πρὸς τοὺς ἐμοῦ καταψηφισαμένους θάνατον. λέγω δὲ
καὶ τόδε πρὸς τοὺς αὐτοὺς τούτους.
« Je ne dis pas cela pour vous tous, mais seulement pour ceux qui m’ont condamné à mort. C’est à
ceux-là que je veux m’adresser encore. »
Ces phrases n’appellent pas à des remarques particulières concernant notre propos. »
(5) ἴσως με οἴεσθε, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, ἀπορίᾳ λόγων ἑαλωκέναι τοιούτων οἷς ἂν ὑμᾶς ἔπεισα, εἰ
ᾤμην δεῖν ἅπαντα ποιεῖν καὶ λέγειν ὥστε ἀποφυγεῖν τὴν δίκην.
« Peut-être pensez-vous, Athéniens, que si j’avais cru devoir tout faire et tout dire pour me sauver,
je n’y serais point parvenu, faute de savoir trouver des paroles capables de persuader?
Non, ce ne, sont pas les paroles qui m’ont manqué, Athéniens, mais l’impudence. »
Cette phrase, assez complexe, comporte plusieurs éléments.
En premier lieu, une complétive dépendante du verbe οἴεσθε à l’indicatif présent, complétive
infinitive (με... ἑαλωκέναι) constituée d’un pronom personnel et d’un infinitif parfait (ἁλίσκομαι
« être saisi »).
En deuxième lieu, une relative οἷς ἂν ὑμᾶς ἔπεισα, introduite par le pronom relatif simple décliné
au datif pluriel (οἷς) et comportant un verbe à l’indicative aoriste (ἔπεισα) accompagné de ἂν. La
relative sert de régissante pour la conditionnelle introduite par ei) dont le verbe ᾤμην est à
l’indicatif imparfait.
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
En troisième lieu, la « cascade de complétives » : le verbe ᾤμην « je pensais » nécessite une
complémentation : cette fonction est remplie par l’infinitive δεῖν (« il faut », verbe impersonnel) ; ce
dernier régit une autre infinitive (ποιεῖν καὶ λέγειν) dont l’objet à l’accusatif (ἅπαντα).
Et, en dernier lieu, une consécutive introduite par ὥστε dont dépend l’infinitif aoriste ἀποφυγεῖν ;
le sujet est sous-entendu et général, τὴν δίκην est le complément de l’infinitif.
La traduction moins libre serait : « Peut-être pensez-vous, Athéniens, que je suis saisi par un
manque de (tels) mots avec lesquels je pourrais vous convaincre si je pensais qu’il faut tout faire et
tout dire, de sorte qu’on échappe à la justice. »
Les subordonnées relevées peuvent être regroupées dans trois catégories.
1° Les subordonnées complétives
Les complétives fonctionnent un complément obligatoire des verbes variés. Le plus souvent, leur
fonction est celle de complément d’objet direct : on comparera la fonction de nos complétives
relevées avec celle des pronoms τοῦτο et τόδε en (4), dépendant du verbe λέγω La supression
éventuelle de ce complément rendrait la phrase incomplète.
Parmi les complétives, on distingue les conjontionnelles, les infinitives, les participiales et les
interrogations indirectes.
Dans le passage de Platon, nous avons relevé plusieurs infinitives – sofo\n ei]nai dépendant de
φήσουσι en (1), με... ἑαλωκέναι dépendant de οἴεσθε en (5), δεῖν dépendant de ᾤμην (5). Ces
infinitives fonctionnent comme un complément d’objet direct. L’infinitive
ποιεῖν καὶ
λέγειν complétant δεῖν en (5), fonctionne comme sujet syntaxique de ce verbe impersonnel (‘qu’estce qu’il faut ?’).
Nous avons également relevé une occurrence d’une conjonctionnelle : ὅτι... ἐστὶ dépendant de
ὁρᾶτε, avec un sujet anticipé dans la régissante.
2° Les subordonnées relatives
Les relatives sont des propositions introduites par un pronom ou adverbe relatif (simple ou
composé) qui a une valeur subordonnante et anaphorique. Les relatives peuvent revêtir des valeurs
et fonctions variées.
L’extrait de Platon offre en une occurrence : οἷς ἂν ὑμᾶς ἔπεισα en (5). La relative a pour mot
introducteur le relatif simple au datif pluriel (οἷς) et est postposée à son antécédent λόγων τοιούτων.
Il s’agit d’une relative épithète. Le verbe de la relative, l’aoriste ἔπεισα accompagné de ἂν a une
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LC0017X Syntaxe de la phrase complexe
valeur irréelle au présent. On sait que le grec emploie les temps de manière absolue, sans les
« concorder », et que l’aoriste marque un procès accompli et ponctuel.
3° Les subordonnées circonstancielles
Les subordonnées circonstancielles expriment des circonstances variées du procès principal qu’il
s’agisse de son cadre (temps, condition, concession...) ou de son explication ou motif (cause, but...).
Ces circonstances sont d’ordre secondaire et les subordonnées circonstancielles sont, de ce fait,
omissibles.
Les circonstancielles peuvent être introduites, d’une part, par des mots spécifiques (ἐπεί,
« quand », εἰ « si », ἵνα « afin que ») qui marquent le rapport donné explicitement, d’autre part, par
des subordonnants qui marquent la subordination sans expliciter le rapport entre le contenu de la
subordonnée et celui de la principale (ὡς « que »…).
Nous avons relevé deux subordonnées conditionnelles introduites par εἰ : en (2), la protase
comportant l’indicatif aoriste περιεμείνατε, l’apodose l’indicatif aoriste ἐγένετο, forment une phrase
conditionnelle dite réelle. En (5), la phrase conditionnelle (mise sous une dépendance, comme on
l’a vu plus haut) comporte, l’indicatif aoriste ἔπεισα accompagné de ἄν dans l’apodose, la protase
étant constitué de l’indicatif imparfait ᾤμην (NB. ἄν ne s’utilise pas dans la protase). Il s’agit d’une
phrase conditionnelle irréelle au présent dont la protase et l’apodose sont fausses (« je ne vous ai
pas convaincus », « je ne le pense pas »).
La subordonnée concessive que nous avons relevée en (1) est étroitement attachée aux
conditionnelles : nous pourrions parler d’une concessive conditionnelle. En effet, le mot
introducteur est constitué de εἰ renforcé par καὶ (« même si ») ; ici, il s’agit d’un procès réel,
exprimé à l’indicatif présent (εἰμι) mais en général, les concessives conditionnelles présentent
l’emploi des modes et des temps semblable aux conditionnelles. On notera également la négation
μή, utilisée des phrases conditionnelles.
La dernière proposition circonstancielle est la subordonnée consécutive introduite par ὥστε ;
elle comporte un infinitif aoriste (ἀποφυγεῖν). Dans les consécutives, on emploie, un infinitif pour
exprimer que la conséquence est possible ou voulue (tel est le cas ici), ou un indicatif, lorsqu’il
s’agit d’une conséquence réelle.
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EXEMPLE D’UN SUJET D’EXAMEN
LC0017X Syntaxe
Étudiez les relatives et les conditionnelles du passage.
οὗτοι ἔλεγον ὅτι Κῦρος μὲν τέθνηκεν, Ἀριαῖος δὲ πεφευγὼς ἐν τῷ σταθμῷ εἴη μετὰ τῶν ἄλλων
βαρβάρων ὅθεν τῇ προτεραίᾳ ὡρμῶντο, καὶ λέγει ὅτι ταύτην μὲν τὴν ἡμέραν περιμένοιεν αὐτούς, εἰ
μέλλοιεν ἥκειν, τῇ δὲ ἄλλῃ ἀπιέναι φαίη ἐπὶ Ἰωνίας, ὅθενπερ ἦλθε...
Κλέαρχος δὲ τάδε εἶπεν: ἀλλ᾽ ὤφελε μὲν Κῦρος ζῆν: ἐπεὶ δὲ τετελεύτηκεν, ἀπαγγέλλετε Ἀριαίῳ ὅτι
ἡμεῖς νικῶμέν τε βασιλέα καί, ὡς ὁρᾶτε, οὐδεὶς ἔτι ἡμῖν μάχεται, καί, εἰ μὴ ὑμεῖς ἤλθετε,
ἐπορευόμεθα ἂν ἐπὶ βασιλέα. ἐπαγγελλόμεθα δὲ Ἀριαίῳ, ἐὰν ἐνθάδε ἔλθῃ, εἰς τὸν θρόνον τὸν
βασίλειον καθιεῖν αὐτόν.
(Xénophon, Anabase 2, 1, 3-4)
« Ils (= les stratèges) disaient que Cyrus était mort et qu’Ariée, après avoir pris la fuite, se trouvait
avec le reste des barbares à l’étape d’où la veille ils étaient partis : celui-ci leur faisait dire qu’il les
attendait toute la journée avec ses troupes, s’ils voulaient bien venir le rejoindre ; le lendemain, il
reprendrait, ajoutait-il le chemin de l’Ionie, d’où il était venu…
Cléarque dit alors : « Plût aux dieux que Cyrus fût encore en vie ! Mais puisqu’il n’est plus,
annoncez à Ariée que nous, nous avons vaincu le Roi, et que, comme vous le voyez, personne ne
nous résiste plus. Si vous n’étiez pas venus, nous serions en train de marcher contre lui. Nous
faisons savoir à Ariée que, s’il vient ici, nous l’installerons sur le trône royal. »
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