POINT DE VUE 13 ZOOM sur le RÔLE DE LA CHINE EN AFRIQUE L’action de la Chine en Afrique va du soutien à la lutte anticoloniale aux pires formes d’exploitation. Texte: Eddie Cottle, responsable de la campagne de l’Internationale des tra­ vailleurs du bâtiment et du bois (IBB) Le nouveau quartier général de l’Union africaine, construit par une main-d’œuvre chinoise, domine Addis Abeba, la capitale éthiopienne. Un symbole du rôle grandis­ sant de la Chine en Afrique. Les liens entre la Chine et l’Afrique sont profonds. La Chine a en effet grandement soutenu la lutte anticoloniale et a été le premier pays à encourager la mise en place de nouveaux Etats africains. Prise d’indépendance La Chine, dont l’économie connaît une croissance rapide, fournit des ressources énergétiques fiables. L’Afrique revêt donc une importance stratégique pour la Chine. En juillet 2012, le président Hu Jintao a garanti un crédit de 20 milliards de dollars pour les investissements et les infrastructures dans les pays africains. La Chine ne soumet ses crédits à aucu­ ne condition. Cela provoque des inquié­ tudes, notamment quant à l’éventuelle fin de la dépendance des pays africains, no­ tamment vis-à-vis des crédits de la Banque mondiale et du FMI – et donc vis-à-vis de l’Europe et des Etats-Unis. Principal partenaire commercial Entre-temps, plus de 2000 entreprises publiques chinoises se sont établies en Afrique. En 2011, les échanges commer­ ciaux entre la Chine et les pays africains représentent 166 milliards de dollars et font de la Chine le principal partenaire commercial du continent africain. Il s’agit là d’un pas de géant puisqu’en 1999, ces échanges représentaient moins de deux milliards de dollars. Combinés à des in­ vestissements massifs, ils ont directe­ ment contribué à l’essor économique sans précédent de l’Afrique. Les entreprises chinoises publiques et privées s’imposent dans les secteurs de la construction et de l’infrastructure, aux dépens des entreprises européennes et sud-africaines. Il n’est pas rare que les offres des entreprises chinoises soient inférieures de 75% à celles des entrepri­ ses occidentales. Les ingénieur-e-s chinois perçoivent 130 dollars par mois, soit un sixième des salaires versés à leurs homologues angolais employés par des entreprises de construction euro­ péennes. En 2009, la part de marché des entreprises chinoises dans le secteur de la construction africain était supérieure de 36,6% à celle de la France, de l’Italie et des Etats-Unis réunis. Un tableau très contrasté L’aspect positif de l'engagement écono­ mique de la Chine en Afrique se voit op­ poser une grande critique: la Chine se comporterait comme une puissance co­ loniale. L’absence de normes de travail, notamment, est critiquée: contrats écrits inexistants, prestations sociales et sa­ laires inférieurs au minimum légal. Mal­gré les difficultés, les syndicats afri­ cains du bâtiment ont réussi à négocier des conventions collectives et à recruter des employé-e-s sur les chantiers de multinationales chinoises. Ainsi, début 2013, le syndicat ghanéen du secteur du bâtiment a conclu huit conventions col­ lectives avec différentes entreprises chi­ noises; l'année précédente, en Ouganda, le syndicat idoine a recruté 200 femmes et 1600 hommes dans des filiales chinoises. La situation n’est pas identique dans tous les pays: en Tanza­ nie, les en­ treprises chinoises portent atteinte à la liberté d’organisation et au droit du travail, alors qu’en Namibie et en Zambie, les syndicats peuvent recruter des membres et conclure des conven­ tions collectives. Dans ces deux pays, les activités syndicales sont soutenues par Solidar Suisse. Les syndicats africains du secteur du bâtiment ont, avec un certain succès, re­ cruté des employé-e-s et entamé des négociations avec les entreprises de construction chinoises. Il reste cepen­ dant beaucoup à faire afin que toutes les entreprises chinoises respectent les droits syndicaux et du travail. www.bwint.org