Médicaments biologiques ratio coûts-bénéfices, mais refusent de payer les coûts élevés qui en résultent, pour amortir les investissements dans ces recherches. D’autre part, on conteste la valeur des études cliniques parce qu’elles sont généralement effectuées par rapport à un placebo, qu’elles sont limitées dans le temps et surtout, qu’elles impliquent un nombre très restreint de patients car une faible partie de la population souffre de ces pathologies. De nouveaux défis pour les promoteurs de régimes privés par Johanne Brosseau et Pauline Ruel E n raison de leurs coûts très élevés et de leur mode d’administration, même s’ils traitent un nombre limité de patients, les médicaments biologiques confrontent les régimes privés d’assurance médicaments à de nouveaux défis. Cet article n’a pas la prétention d’identifier de façon exhaustive tous les enjeux et solutions liés aux biomédicaments, mais de fournir un minimum d’information aux promoteurs de régimes privés inquiets de leur venue. La démonstration de la rentabilité et de l’efficacité d’un biomédicament n’est pas évidente. D’une part, les gouvernements exigent des études exhaustives qui démontrent le www.revueavantages.ca Biomédicaments génériques Contrairement aux médicaments chimiques, les médicaments biologiques présentent une structure moléculaire complexe qui n’est pas facile à produire. La version générique d’un biomédicament peut donc être de même composition qualitative et quantitative au niveau de la substance active, mais présenter des différences quant à la matière première ou aux procédés de fabrication. C’est pourquoi un manufacturier générique devra produire des données précliniques et cliniques supplémentaires, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Les médicaments biogénériques peuvent réduire les coûts, mais pas à un niveau comparable à celui des médicaments non biologiques. AVANTAGES septembre 2007 15 Médicaments biologiques Qu’est-ce qu’un médicament biologique ou biomédicament ? Du fait qu’ils sont composés de grandes molécules, la plupart des médicaments biologiques doivent être administrés par injection. En général, les régimes privés couvrent le coût du médicament, mais excluent les frais d’administration. À moins de gérer un montant maximum admissible, calculé sur la base du prix coûtant de l’ingrédient, ou de recevoir une preuve d’achat qui sépare ces deux composantes, il est difficile de contrôler l’exclusion des frais d’administration prévus au contrat. Les médicaments biologiques ou biomédicaments sont issus de techniques qui utilisent de la matière vivante (tissus, cellules, protéines) pour concevoir ou produire des substances actives. Ainsi, des organismes vivants ou leurs composants cellulaires sont utilisés pour produire de l’insuline humaine, de l’hormone de croissance, des facteurs antihémophiliques, des anticorps et des interférons, lesquels sont des protéines produites par les cellules du système immunitaire pour défendre l’organisme contre les virus, bactéries, parasites et cellules tumorales et traiter des maladies virales comme l’hépatite, le virus des papillomes et le VIH ou le cancer. Couvrir ou ne pas couvrir? Voilà la question Un nombre croissant de biomédicaments injectables et de nouveaux médicaments oraux, notamment dans le traitement du cancer, ne sont pas remboursés par les régimes publics. Toutefois, certains changements législatifs adoptés récemment au Québec (loi 130) et anticipés en Ontario, permettent que ces médicaments soient administrés dans un établissement public. Ceci évite les coûts faramineux d’administration à l’étranger et réduit la grogne populaire, en permettant aux patients assurés par des régimes privés d’avoir accès à ces médicaments. Cette approche ne contrevient pas à la Loi sur la santé, puisqu’il s’agit de services non assurés, mais l’assurance privée pourrait devoir en assumer les coûts et les contrats devront s’adapter à cette nouvelle réalité. De plus, cette pratique soulève des questions fondamentales : Comment les régimes privés peuvent-ils justifier le remboursement de médicaments que les experts provinciaux et fédéraux ont recommandé de ne pas ajouter au formulaire provincial ? Les capacités financières de l'État ne permettent pas de rembourser tous les médicaments, mais les capacités des régimes privés sont-elles illimitées ? Les patients dont les régimes privés paient aux hôpitaux des revenus pour des services d'infusion et d'injection seront-ils favorisés, au détriment d'autres services assurés par le régime public ? Comment contrôler que les médicaments soient utilisés uniquement pour les indications approuvées par Santé Canada et conformément aux lignes directrices de traitement élaborées par les experts médicaux ? n La liste des médicaments faisant l’objet d’une préautorisation et la qualité de cette gestion sont variables entre assureurs, et parfois chez un même assureur, en fonction du système d’administration sur lequel est géré le contrat d’assurance. De plus, le but premier est d’administrer les exclusions au contrat et non de gérer une utilisation optimale, notamment en s’assurant que : l Un médicament plus dispendieux, de deuxième ou de troisième intention, est uniquement lorsque les médicaments moins coûteux ont échoué ou ne sont pas indiqués. l La période de traitement est contrôlée et qu’une évaluation périodique des résultats est effectuée pour éviter la poursuite de traitements dispendieux mais inefficaces. l Le médicament est prescrit aux patients dont le profil correspond à celui des participants aux études Parmi les biomédicaments les plus utilisés, on retrouve les anticorps monoclonaux (SIDA, hépatites), les insulines recombinantes dans le traitement du diabète, les facteurs de coagulation (hémophilie), les vaccins et les immunomodulateurs, dont les indications multiples incluent diverses formes d’arthrite et la maladie de Crohn. • • Les biomédicaments sont concentrés dans des classes pharmacologiques servant principalement à traiter des maladies chroniques. Par conséquent, les manufacturiers ont intérêt à explorer toutes les potentialités d’une classe, avant de prospecter d’autres classes inconnues. Ceci explique pourquoi la multiplication des indications (par exemple, efficace dans plusieurs cancers) pour un même biomédicament fait croître les coûts, au même titre que l’augmentation du nombre de biomédicaments offerts sur le marché. • www.revueavantages.ca cliniques et à un stade d’évolution de la maladie qui en justifie l’utilisation. n AVANTAGES Le risque de rembourser des médicaments prescrits pour des indications non officielles au Canada est réel et croissant. l Les médecins prescrivent des médicaments dispendieux septembre 2007 17 Médicaments biologiques pour des indications non approuvées, notamment sur la base du fait que cette pratique est généralisée ou rapportée dans la littérature, en prenant pour acquis que les assurés se feront rembourser inconditionnellement par les régimes privés. l Quand un médicament est disponible légalement sur le marché canadien, les patients assurés par des régimes privés peuvent se faire prescrire ce médicament pour une indication non approuvée, dans le cadre d’études cliniques visant justement à obtenir l’approbation de nouvelles indications. On sait que les patients des régimes publics se verront systématiquement refuser le remboursement de ces médicaments, en raison d’une gestion plus rigoureuse des indications non approuvées. • Comment concilier la nécessité de restreindre le remboursement aux indications officielles et le désir de réaliser les économies substantielles résultant de l'utilisation de certains médicaments pour des indications non officielles ? n Par exemple, Avastin approuvé au Canada dans le traitement du cancer colorectal peut être utilisé à la place de Lucentis, approuvé dans le traitement de la dégénérescence maculaire. À cause de leur mécanisme d’action similaire, les ophtalmologistes ont pensé utiliser l’Avastin dans le traitement de la dégénérescence maculaire, même si cette indication n’est pas approuvée. Le manufacturier de Lucentis justifie les coûts beaucoup plus élevés en invoquant les sommes investies dans la recherche clinique pour obtenir son approbation dans le traitement de la dégénérescence maculaire. Comment s'assurer qu'on identifie les patients dont les caractéristiques permettent de prévoir une réponse positive au traitement, comme dans le cas du Herceptin contre le cancer du sein ? • Des contrôles additionnels doivent être implantés par les régimes privés, pour limiter les augmentations de coûts : n Vérifier que le patient est ambulatoire et n'est pas hospitalisé. n Contrôler le montant réclamé par le pharmacien ou l'hôpital : les assurés des régimes publics bénéficient d'ententes qui prévoient que seul le coût de l'ingrédient sera facturé, c’est-à-dire exempt d'honoraires et de marge de profit. n Contrôler les frais d'administration des médicaments aux patients. Il s'agit d'un défi pour les assureurs et d'une occasion d'affaires pour certaines firmes spécialisées dans l'administration de ce type de médicaments, qu'on appelle communément « specialty pharmacy » aux États-Unis. Ces fournisseurs peuvent réduire les coûts en négociant des rabais basés sur leur volume d'achat des médicaments injectables et proposer des prix concurrentiels pour l'administration de ces médicaments. Toutefois, en raison du risque de conflit d'intérêts, il faut www.revueavantages.ca instaurer des mécanismes de contrôle par des autorités compétentes et indépendantes, afin d'éviter le prolongement de traitements coûteux et inefficaces. Dans le but de faciliter l'accès à un médicament, de contrôler les coûts et de garantir une utilisation appropriée, les manufacturiers concluent des ententes avec ces fournisseurs. Toutefois, au Québec, les professionnels de la santé n'aiment pas se faire imposer un fournisseur et c'est une réalité avec laquelle assureurs et manufacturiers doivent composer, notamment en respectant le libre choix du lieu d'administration, mais en imposant un montant maximum admissible. Attentes des assurés et mission du régime d’assurance Au Québec, il ne faut pas perdre de vue que nonobstant le contrat d’assurance, le patient peut toujours se prévaloir de la mesure du patient d’exception pour obtenir un remboursement. Voilà une autre raison de bien établir le cadre de décision et de définir clairement le rôle de l’assureur afin qu’il gère ces cas rigoureusement, selon les critères établis par le gouvernement. La majorité des assurés des régimes privés croient que tous les médicaments seront remboursés, surtout si les coûts sont très élevés et que leur survie en dépend. Certaines organisations peuvent témoigner de l’acharnement de certains employés et de leur famille, de l’intervention de leur ombudsman et du déchirement entraînés par le refus de rembourser des médicaments qui coûtent 100 000 $ pour prolonger la vie de quelques mois, au mieux dans 40 % des cas. Ces situations forcent les administrateurs à reconsidérer la mission du régime qu’ils ont adoptée et communiquée à leurs membres, de façon à créer des attentes réalistes et à maintenir la viabilité financière à long terme du régime. L’époque où tous les médicaments prescrits étaient remboursés semble révolue. À juste titre, les administrateurs de régimes estiment ne pas avoir la compétence pour gérer la liste des médicaments admissibles et ne veulent pas être directement et même indirectement impliqués dans la gestion de cas. C’est pourquoi un nombre croissant d’entre eux veulent transiger avec des assureurs qui se sont dotés de comités thérapeutiques crédibles et compétents, capables d’assumer, à l’intérieur des paramètres définis par le promoteur de régime, la lourde responsabilité de gérer la couverture médicaments (évaluation, définition, évolution), d’administrer les cas et d’en assumer pleinement les conséquences. La première étape dans la recherche de solutions est d’identifier et de comprendre la nature du problème. Nous espérons avoir contribué à cette démarche en suscitant une réflexion au sein des organisations et en provoquant des discussions entre les promoteurs de régimes et leurs conseillers et assureurs, avant d’être confrontés à de difficiles réalités… s AVANTAGES Johanne Brosseau est conseillère principale chez Groupe-conseil Aon à Montréal. Pauline Ruel M. Sc. est conseillère pharmaceutique pour le Groupe-conseil Aon. septembre 2007 19