HIGHLIGHTS 2003 Forum Med Suisse No 1/2 7 janvier 2004 22 La chirurgie maxillo-faciale dans le cyberspace – Davantage de sécurité pour le médecin et le patient? Robert Sader, Hans-Florian Zeilhofer Correspondance: PD Dr méd., Dr méd. dent. Robert Sader Universitätsklinik für Wiederherstellende Chirurgie Abteilung für Kiefer- und Gesichtschirurgie Kantonsspital Spitalstrasse 21 CH-4031 Basel [email protected] Figure 1. Patient en préopératoire: malformation très nette avec protubérance de la mandibule et rétroposition de la mâchoire. Résultat esthétique et fonctionnel après planification de l’opération en 3D (publication avec consentement du patient). Figure 2. Planification de l’opération en 3D d’une ostéotomie de transposition de la mâchoire avec simulation des tissus mous postopératoires. Les progrès énormes dans la technologie des ordinateurs et réseaux rapides ont fait que les interactions du chirurgien grâce à l’ordinateur dans le cyberspace ne sont plus de la science fiction, mais une branche de la recherche qu’il s’agit de prendre au sérieux. En chirurgie maxillo-faciale, les structures de la communication et de l’information issues de la collaboration entre médecine, technologie d’information (TI) et ingénierie sont très souvent exploitées, et les méthodes de la robotique, développées à l’origine pour la production industrielle et l’astronautique, sont appliquées directement au patient déjà, pour toutes sortes de problèmes. Les patients présentant de graves problèmes osseux suite à un accident, ou des malformations congénitales, peuvent être réhabilités grâce à des méthodes de haute technologie. Les chirurgiens ont développé au cours du temps toute une série d’outils pour préciser le diagnostic des malpositions complexes, pour les étudier, planifier les corrections nécessaires et les réaliser ensuite en salle d’opération. L’amélioration future des possibilités de planification, surtout assistées par ordinateur, est une tâche complexe, interdisciplinaire, à laquelle travaillent aujourd’hui non seulement des ingénieurs et des techniciens, mais aussi et surtout des informaticiens, mathématiciens et physiciens, avec des médecins. La réalisation la meilleure possible d’une planification de traitement en salle d’opération du futur reste naturellement fonction de l’habileté du chirurgien. Dans la planification de transpositions osseuses compliquées, des techniques modernes, spécifiques de l’imagerie, de la modélisation en 3D, de la visualisation graphique sur ordinateur et de la mathématique numérique ouvrent constamment de nouvelles perspectives. Le médecin a ainsi pour la première fois la sécurité de pouvoir planifier ses interventions en trois dimensions «dans la réalité». Grâce à cette planification exacte, il est en outre possible pour la première fois également de reproduire le résultat d’une performance chirurgicale et de le contrôler. C’est un nouvel aspect important de qualité et de sécurité, car jusqu’à maintenant, l’habileté du chirurgien était pratiquement incontrôlable. C’est pour cette raison qu’à l’avenir, l’habileté des médecins (chirurgiens) devra être régulièrement transférée, et le résultat de cet enseignement devra être contrôlé objectivement, sous l’angle de l’assurance de qualité moderne. Ce contrôle de qualité indispensable ne peut être réalisé que si on utilise des systèmes assistés par ordinateur, qui simulent de la manière la plus réaliste possible une intervention chirurgicale, et la rendent donc reproductible. En recourant à des méthodes de réalité virtuelle, le chirurgien (mais aussi le patient!) entre dans un cyberspace permettant de tenir compte de critères de planification spectaculaires – et le plus impressionnant en chirurgie maxillo-faciale est bien la localisation et la forme du tissu mou, qui en plus de l’os détermine notablement la physionomie. Un chirur- HIGHLIGHTS 2003 Figure 3. Scénario «judicieux»: consultation au cabinet avec le spécialiste en clinique, les résultats incertains de la radiologie peuvent être discutés, le patient est inspecté par vidéoconférence. Figure 4. Travail en coopération: planification en 3D de l’opération avec vidéoconférence traversant plusieurs centaines de kilomètres et plusieurs frontières. La médecine devient mondialisée. gien a ainsi pour la première fois la possibilité de juger une transposition osseuse en fonction non seulement de la symétrie et de la réhabilitation fonctionnelle, mais aussi de la juxtaposition des tissus mous qui en résultera (figure 1 et 2). L’esthétique du visage, très importante pour le patient également, peut ainsi intervenir dans la planification. Toutes les étapes de travail se trouvent maintenant si simplifiées qu’un médecin habitué à l’ordinateur peut les utiliser. En plus de la réalité des résultats, ce système offre encore une autre amélioration, en permettant la coopération entre chirurgien, patient et experts en planification, à des kilomètres de distance les uns des autres. Des techniques de coopération en réalité virtuelle sont utilisées, qui ne peuvent cependant être mises à profit avec succès et de manière judicieuse qu’avec des réseaux à grande vitesse très performants (en Suisse par ex. SWITCH – Swiss Education and Research Network). De tels scénarios télémédicaux sont assistés par vidéoconférence, au cours de laquelle les partenaires communiquent en se voyant. Car la vidéoconférence n’est pas qu’une communication nécessaire, elle aussi «judicieuse»: au téléphone nous nous entendons seulement, et ici nous nous voyons avec nos yeux, et les êtres humains communiquent d’abord avec leurs yeux (figure 3). Forum Med Suisse No 1/2 7 janvier 2004 23 Avec les perfectionnements de ce système, la croissance osseuse doit également intervenir dans la planification, avec simulation des mimiques les plus importantes («sourire esthétique»). Même si nous n’en sommes qu’au début de la planification 3D assistée par ordinateur en chirurgie maxillo-faciale, ses premiers résultats sont déjà très prometteurs et révolutionnaires. C’est le patient qui est au centre de tout ce développement, et c’est le point capital. Il peut pour la première fois voir avant l’opération ce qui va lui arriver. Le résultat de l’acte chirurgical peut être visualisé et le patient a pour la première fois la possibilité d’avoir une influence sur «son» résultat, ce qui représente sans aucun doute un pas de géant pour le patient. Le patient et le médecin peuvent discuter ensemble, sur pied d’égalité, de différents types de résultat opératoire («comment veux-je/puisje sourire après?»). Ils fixent ensemble les objectifs esthétiques et fonctionnels à atteindre. La prestation «Chirurgie» se trouve en face d’un tout nouveau défi, et le patient a une sécurité encore jamais atteinte. Pour le domaine en expansion énorme de la médecine esthétique, cela sera une percée, car le patient informé veut savoir ce qui l’attend avant d’être prêt à dépenser beaucoup d’argent. Il est maintenant possible de répondre à la question posée en introduction: les techniques modernes de (cyber)chirurgie assistée par ordinateur – utilisées à bon escient – signifient sécurité non seulement pour le médecin, mais aussi et surtout pour le patient. La base est constituée par des simulations computérisées modernes et des structures de communication performantes à large échelle. Elles peuvent être considérées comme des conditions pour un réseau horizontal et vertical efficace de tous les partenaires interdisciplinaires impliqués de la médecine, des mathématiques, de l’informatique, de la physique, etc., de même qu’entre les différents médecins intervenants, en clinique et au cabinet, et les patients. La technologie en réseau permet pour la première fois de créer des réseaux de compétences transrégionaux en médecine. Et si une prestation est réalisée grâce à cette technologie, comme dans le cas présent la planification d’une opération (figure 4), elle peut également être effectuée et proposée n’importe où, dans le monde entier, grâce à la technologie en réseau. La mondialisation a commencé pour la chirurgie du futur également. (Traduction Dr Georges-André Berger)