La Chine et le monde depuis 1949

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Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
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La Chine et le monde depuis 1949
Formation continue APHG Picardie
jeudi 27 novembre 2014
Par Paul Stouder [1]
Conférence donnée par Paul Stouder, IA-IPR honoraire de l’Académie de Versailles, le jeudi 17 avril 2014
dans le cadre des 48es Journées de formation continue organisées par l’APHG à Laon. Cette conférence a
été enregistrée et déposée sur la Web TV APHG YouTube.
Le diaporama projeté par Paul Stouder a été mis en ligne sur le site de l’APHG Picardie. Il peut être
enrichi par l’article sur « la Chine et le monde du 4 mai 1919 à nos jours » rédigé par Paul Stouder et
publié dans le numéro 425 de la revue Historiens & Géographes.
Le 1er octobre 1949, Mao Zedong, secrétaire général du Parti Communiste Chinois (PCC) et chef de l’Etat, proclame la
République populaire de Chine. Le PCC vient de remporter la Seconde guerre civile contre le Guomindang. Les
protagonistes sont les dirigeants du PCC comme Mao ou Zhou Enlai. Ces derniers sont entourés par des membres des
partis du Centre qui se sont rapprochés du PCC pour former la Conférence consultative politique du peuple chinois,
une sorte d’« Assemblée nationale provisoire ». Le 21 septembre 1949, Mao déclarait alors qu’il venait d’être intronisé
chef de l’Etat : « désormais notre nation ne sera plus humiliée, nous nous sommes relevés ». La signification de cette
journée du 1er octobre 1949 est le retour de la Chine à l’indépendance nationale. En effet, depuis le milieu du XIXe
siècle, la Chine était devenue une semi colonie avec un gouvernement soumis aux puissances occidentales et au
Japon. Le 1er octobre 1949 clôt donc un cycle d’humiliations nationales, de guerres civiles et d’occupations étrangères.
Cette journée ouvre aussi des perspectives déjà entrevues le 4 mai 1919. La portée historique du 1er octobre 1949 est
d’inscrire l’Histoire de la Chine dans la modernité annoncée par les Réformateurs en 1919 : la reconnaissance des
droits de l’homme, la reconnaissance du rôle de la jeunesse, l’émancipation des femmes, l’appropriation et la diffusion
de la science moderne, l’utilisation de la langue populaire en littérature. Tous ces principes inspirés de l’Occident sont
désormais portés par le PCC. La problématique de la modernisation concerne la création d’un nouveau régime, le
choix d’un mode de développement économique et les nouveaux rapports au monde.
A partir de 1981, nous avons une coupure dans notre connaissance de la Chine. Avant cette date, celle-ci est
essentiellement le résultat de la lecture de la propagande officielle. Citons Les origines de la Révolution chinoise de
Lucien Bianco ou les travaux de Jean Chesneaux et de Jacques Guillermaz. 1981 est la grande césure dans l’Histoire
de la Chine en raison d’une résolution prise par le PCC sur quelques questions de l’Histoire du pays. Concrètement,
des archives sont ouvertes (directives, rapports, compte rendus de réunions…). Beaucoup de biographies ont
également été publiées. Cela s’explique par la volonté des successeurs de Mao de montrer qu’ils sont aussi des
vainqueurs de 1949 et qu’ils sont légitimes pour assumer le pouvoir. Enfin, plusieurs enquêtes orales sont
actuellement conduites en Chine comme celles de Jiang Jisheng menée de 1999 à 2010, publiée dans un ouvrage
intitulé Stèles et qui porte sur la Grande famine en Chine (1958-1961).
I/ La Chine de Mao du Bloc communiste au Tiers monde (1949-1976)
En 1949, la Chine retrouve sa configuration d’Etat-continent et récupère plusieurs territoires comme la Mandchourie,
le Turkestan chinois et le Tibet. Cette Chine est continentale et tourne le dos à la mer. La 7e flotte américaine protège
l’île de Taïwan. Pour Mao, la comparaison internationale est omniprésente. Il déclare en 1949, « la Russie
d’aujourd’hui, c’est la Chine de demain », et ajoute en 1962 que « le socialisme doit nous permettre de réaliser en
quelques décennies seulement ce que les sociétés capitalistes ont réussi en matière de développement en un siècle ».
A/ La période soviétique de 1950 à 1958
Le ralliement de la Chine nouvelle au système soviétique n’était pas évident. En témoigne la révolution conduite qui
s’était appuyée sur les campagnes. Staline se méfie de Mao. Mais l’union avec l’URSS s’impose car elle possède
l’expérience de l’organisation étatique dans le contexte de la Guerre froide. En décembre 1949, Mao se rend à Moscou
pour signer avec l’URSS une alliance défensive et de coopération économique. Cette alliance fonctionne
immédiatement. En 1950, les Chinois interviennent lorsque la guerre de Corée éclate. Dès 1949, le PCC va structurer
l’ensemble de la société. Il n’y a ni anarchie, ni flottement en 1949. Immédiatement, toutes les structures
administratives sont doublées par le PCC.
Des organisations de masse (jeunesse, femmes, syndicat…) constituent des relais pour le parti. Le « centralisme
démocratique » désigne la prise de décisions par l‘échelon supérieur. Le Comité permanent du Bureau politique (BP)
constitué de plusieurs membres prend des décisions à l’unanimité. Mao lance des mouvements de masse pour
influencer le BP. Ainsi, il rencontre les secrétaires provinciaux, convoque des conférences, effectue des tournées dans
le pays… Les élections sont formelles et entérinent les candidats désignés par le parti. L’assemblée populaire siège
quelques jours par an et enregistre les décisions du BP. A la suite du ralliement avec l’URSS, le PCC organise une
économie socialiste. La réforme agraire est généralisée en 1950. Environ 50 millions d’hectares sont redistribuées à
environ 150 millions de paysans. En 1952, des coopératives sont créées sur le modèle des Kolkhozes soviétiques. Les
paysans livrent leur production à l’Etat selon un prix fixé par l’Etat. La planification industrielle démarre en 1955. Vers
1956/1957, la Chine populaire ressemble à une grande démocratie populaire d’Europe centre-orientale. Du point de
vue politique, la Chine participe à la conférence de Genève en 1954. L’année suivante, à Bandung, Zhou Enlai apparaît
comme un leader du Tiers monde avec Nerhu et Soekarno. En 1956, la Chine condamne la déstalinisation lancée par
Khrouchtchev et soutient la répression en Hongrie. Des difficultés intérieures surgissent. Par exemple, la production
agricole augmente faiblement (1,5% par an) alors que la population chinoise augmente rapidement (602 millions
d’habitants en 1953 contre 463 projetés par l’ONU).
B/ 1958-1963 Le « Grand Bond en avant » et la rupture avec l’URSS
Le « Grand bond en avant » est lancé par le 8e congrès du PCC. De grands travaux sont lancés. Par exemple, Mao et
Pen Zhen participent à la construction du réservoir des tombeaux des Ming au nord de Pékin en mai 1958. La
collectivisation de l’agriculture est poussée à son paroxysme. Une expropriation totale des biens est faite, y compris
des ustensiles de cuisine. D’immenses fermes collectives rassemblent de 20 à 30 000 personnes. Les communes
populaires concentrent toutes les activités productives et sont orientées en direction des objectifs de l’Etat. Celui-ci
exige des livraisons de céréales et impose la production d’acier dans de hauts-fourneaux ruraux. Ces derniers
absorbent de grandes quantités de main d’œuvre, de temps et de matières premières. La commune populaire incarne
le début du communisme et fournit à tous et gratuitement les repas, le logement, l’éducation, la santé… La vie des
masses tend à être militarisée. La vie familiale est anéantie par le recours à des cantines. Les communes populaires
fondent un système totalitaire. Le résultat est catastrophique. La fourniture gratuite de repas est un gaspillage
énorme. En décembre 1958, la récolte annuelle est consommée et la famine apparaît. Dans Stèles, des cas de
cannibalisme sont rapportés. On estime que les famines sont à l’origine de 36 millions de morts et d’un déficit de 20
millions de naissances entre 1958 et 1961. L’économie est désorganisée.
Les causes de cette catastrophe sont multiples. Des directives aveugles sont prises par les dirigeants. Mao
recommande ainsi aux paysans « de planter serré et de labourer profond ». Le régime est très centralisé conduit à
une surenchère locale, c’est « le vent du communisme ». Parfois, toute la récolte est livrée, y compris les graines de
l’année suivante. Les dirigeants du centre sont conscients de cette situation. Mao convoque une conférence à Lushan
en juin 1959 où il fait preuve d’autocritique. Peng Dehuai parle d’éloignement du peuple par les cadres du parti. Il est
évincé. La rectification commence en 1961. Les communes populaires sont partiellement démantelées, les cantines
sont fermées, de petites libertés sont développées (lopins de terre individuels pour les paysans…). En 1964, une
campagne d’éducation socialiste est lancée. Le Petit livre rouge commence à circuler à l’initiative de Lin Biao. Au plan
international, le « Grand Bond en avant » précipite la rupture avec l’URSS. Au-delà de la déstalinisation, les
divergences sont aussi stratégiques. La politique de coexistence pacifique menée par Khrouchtchev est condamnée
par le PCC. En 1959, l’URSS prend ses distances avec le « Grand Bond en avant » jugé aventureux. Le partenariat
stratégique est rompu. L’URSS refuse de transmettre à la Chine les secrets nucléaires. Les techniciens soviétiques se
retirent de Chine. En 1962, l’URSS soutient l’Inde contre la Chine… La rupture entre l’URSS et la Chine est consommée
en 1963 dans la lettre en 25 points.
C/ La Chine se tourne vers le Tiers monde
Mao lance un mouvement appelé la Révolution culturelle (référence au mouvement du 4 mai 1919) en réaction aux
dirigeants réalistes qui essayent de remettre la Chine en marche après le « Grand Bond en avant ».
Dirigeants « réalistes »
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LIU Shaoqi (Président de la République)
DENG Xiaoping (SG du Parti communiste)
ZHOU Enlai (premier ministre)
Groupe de la Révolution culturelle
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(MAO)
CHEN Boda (secrétaire de Mao)
CHIANG Qing (épouse de Mao)
LIN Biao (héritier désigné par Mao)
La Révolution culturelle est lancée par une résolution en 16 points. Des équipes de travail sont envoyées pour
entendre des groupes qui mettent en accusation tous ceux qui détiennent une autorité. Par exemple, Li Fanwu,
Gouverneur de Harbin, est accusé d’appartenir à la Bande noire pour avoir collaboré avec l’URSS et de s’être coiffé
comme Mao. Il est humilié par les Gardes rouges en septembre 1966. Dans un contexte de forte agitation, Lin Biao
demande à l’armée de rétablir l’ordre et les Gardes rouges sont envoyés dans les campagnes pour se faire rééduquer
par les paysans. Au total, 18 millions de jeunes instruits ont été envoyés dans les campagnes pour instruire les
paysans, dont 4 millions de Gardes rouges de la première vague, c’est à dire des agitateurs, puis pour s’instruire (Les
universités ont été fermées pendant 10 ans). Balzac et la petite tailleuse chinoise est un livre écrit en 2000 par Dai
Sijie adapté au cinéma en 2002 qui raconte l’histoire de deux jeunes instruits envoyés à la campagne qui trouvent des
livres de littérature française. Parmi ces jeunes envoyés à la campagne figure Xi Jinping, Président de la République
Populaire de Chine depuis 2013. La Révolution culturelle est longue dans un contexte instable.
Les luttes internes se poursuivent. L’héritier de Mao, Lin Biao, s’enfuit et son avion s’écrase en Mongolie intérieure en
1971. La Bande des Quatre (Chiang Qing et 3 dirigeants de Shanghai) veut poursuivre la Révolution culturelle tandis
que Deng Xiaoping et Zhou Enlai souhaitent réorganiser le pays. L’année 1976 est une année d’épreuve avec la mort
de Zhou Enlai, un gigantesque séisme (242 000 morts) et la mort de Mao le 9 septembre 1976. A l’échelle
internationale, la Chine apparaît isolée après la rupture avec l’URSS. Les tensions vont jusqu’à un affrontement armé
sur un affluent du fleuve Amour. La 7e flotte américaine est toujours présente dans le détroit de Formose. Les rapports
avec l’Inde sont très mauvais. Toutefois elle développe ses relations avec le Tiers monde. Elle soutient activement les
mouvements de décolonisation et aide de nouveaux Etats comme la construction d’une ligne de chemin de fer entre
la Tanzanie et la Zambie pour évacuer le minerai de cuivre. Cette politique porte ses fruits. En 1971, la Chine entre à
l’ONU et obtient un siège permanent au Conseil de sécurité avec droit de veto en lieu et place de Taïwan. En 1972,
Mao reçoit Nixon et normalise ses relations avec le monde à un moment où la menace soviétique est considérée
comme sérieuse, surtout depuis l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie en 1968. Les
dirigeants chinois utilisent alors l’expression de « social impérialisme soviétique » pour désigner leur ancien allié. Les
années 1976 à 1978 apparaissent comme une période transition.
II/ Le grand rattrapage depuis 1979
Ce titre fait référence à l’ouvrage de l’américain Kenneth Pomeranz paru en 2000 et intitulé La grande divergence.
L’auteur montre que la Chine a fait jeu égal avec l’Europe à l’Epoque moderne. La production chinoise en particulier
est équivalente à la production européenne. En témoignent les importations de porcelaine chinoise. La grande
divergence commence au XIXe siècle lorsque le pays est occupé, humilié et dominé. La Chine prend alors du retard.
Depuis la fin des années 1970, nous assistons donc à un rattrapage.
A/ L’économie au poste de commandement
Après la mort de Mao et de Zhu Enlai s’ouvre une période de transition. Hua Guofeng (1921-2008) succède à Mao et
se rapproche de Deng Xiao Ping (1904-1997) et du maréchal Ye Jianying. Les trois décident l’arrestation de la Bande
des Quatre (5 octobre). Deng Xiao Ping prône la collégialité et montre le risque de dictature avec Hua Guofeng. C’est
sur cette ligne qu’il parvient à prendre le pouvoir (secrétaire général du parti et président de la commission militaire
du parti, en effet les héros de la Longue Marche sont avant tout des militaires) à celui désigné par Mao pour lui
succéder. Il prend le pouvoir en décembre 1978 dans un pays qui reste sous-développé.
Il annonce la mise en œuvre des 4 modernisations annoncées par Zhu Enlai en 1975 : agriculture, industrie, sciences
et technologie, défense nationale. L’économie est désormais au poste de commandement. Le premier temps de la
modernisation passe par un desserrement du contrôle administratif sur l’économie. Les terres sont décollectivisées.
Chaque paysan peut désormais les exploiter librement même si elles restent la propriété de l’Etat. Le résultat est
l’augmentation et la diversification de la production. Des zones économiques spéciales (ZES) sont créées. Elles
fonctionnent sur le modèle des zones franches des nouveaux pays industrialisés asiatiques (les petits dragons). Elles
accueillent des investissements étrangers et sont le lieu de transferts de technologie grâce à des avantages
comparatifs, c’est à dire qu’elles disposent de tarifs fiscaux et douaniers avantageux, de faibles coût d’installation,
d’une main d’œuvre nombreuse, peu coûteuse et docile. En quelques années, la Chine devient « l’atelier du monde ».
Mais le mouvement de 1989 pour la démocratie interrompt ce processus. Dès 1986, plusieurs manifestations
revendiquent des libertés politiques, notamment dans les universités à nouveau ouvertes depuis 1979. Ces
manifestations sont condamnées par les anciens du parti comme Deng Xiao Ping qui en profite pour renvoyer le
secrétaire général Hu Jiaobang jugé trop faible. Lors du décès de ce dernier en avril 1989, des manifestations éclatent,
perdurent et prennent de l’ampleur. Elles touchent toutes les catégories sociales. Cela dure 6 semaines de la mi-avril
1989 au début du mois de juin. Deng Xiao Ping, président de la commission militaire et du parti fait intervenir l’armée.
Les leaders étudiants sont arrêtés, leurs partisans sont sanctionnés. Le bilan de la répression n’est pas connu. S’ouvre
alors une période incertaine quant à la modernisation et à l’avenir du pays, c’est pourquoi les nouvelles réformes
n’arrivent qu’en 1992.
La 2e vague de la modernisation passe par l’instauration l’économie de marché socialiste. Deng Xiao Ping lance une
économie fondée sur la petite propriété, la liberté économique. L’emploi à vie disparaît, des sociétés par actions et
mixtes sont autorisées. De grands groupes chinois commencent à se constituer. Depuis le début des années 1990, la
Chine connaît une série de mutations profondes et rapides : environ 10% de croissance annuelle (prévision 2014 à
7,4%), découverte de la société de consommation par plusieurs centaines de millions de personnes à l’image de cette
photographie représentant des touristes chinois allant visiter les tombeaux des Ming.
La Chine retrouve sa place en Asie. Par ailleurs, les dirigeants mettent en avant une idéologie nationaliste de
substitution. Le sentiment de fierté national est flatté par l’organisation des Jeux olympiques à Pékin ouverts le 8-8-8
(8 août 2008), l’organisation de l’exposition universelle de Shanghai en 2010, le retour de Confucius… Les valeurs
chinoises traditionnelles sont promues et apportent une réponse sur les droits de l’homme aux Occidentaux. En effet,
Confucius est un humaniste qui a vécu vers 500 avant JC alors que les droits de l’homme datent d’il y a 200 an !.
Néanmoins, le modèle chinois a ses limites. La société demeure très inégalitaire. Plusieurs ouvrages mettent en avant
cet aspect comme Poussière et sueur de LiuXinwu, Soleil levant de Chi Li. Le déficit démocratique fait également
l’objet d’ouvrages. L’opposition légale n’est pas possible, d’où l’existence de dissidents. Liu Xiaobo (interné depuis
2009 pour 11 ans) critique le régime chinois dans La philosophie du porc en montrant que les dirigeants se contentent
de nourrir la population et de répondre aux besoins primaires de la population sans se soucier des libertés. Les
impacts environnementaux sont importants. Le roman policier Les courants fourbes du lac Tai aborde le déversement
sauvage d’effluents par les usines. S’ajoute la question des nationalités minoritaires avec la colonisation Han au Tibet
(émeutes en 1989 et en 2008) et au Xinjiang. Une littérature de cicatrices relate les événements de la Révolution
culturelle, voire de toute l’Histoire de la Chine. Mo Yan, prix Nobel de littérature en 2012, relate dans La dure loi du
karma l’histoire d’un propriétaire foncier qui meurt lors de la réforme agraire et se réincarne à chaque grande étape
de l’Histoire de la Chine.
Quelle est la nature de ce système chinois ? Selon le sinologue Jean-Philippe Béja qui a publié les œuvres de Liu
Xiaobo, le parti communiste conserve le monopole du discours, y compris sur l’Histoire. Les archives s’ouvrent, mais
tout n’est pas publié. La censure s’exerce sur certaines productions jugées excessives. Une certaine liberté existe
dans de petits cercles. La population demeure contrôlée. La société civile n’a pas d’existence reconnue. Jean-Philippe
Béja utilise l’expression de « système post-totalitaire ». Le PCC ne représente plus seulement mes paysans et les
ouvriers, mais les forces dynamiques capitalistes, celles du savoir et le peuple. La composition du comité central et
son fonctionnement s’apparente à une oligarchie. Les grands groupes chinois se sont constitués dans la sphère
d’influence des dirigeants politiques.
B/ La Chine dans la mondialisation
Depuis 2010, la Chine est devenue la deuxième économie mondiale : production de charbon, de zinc, d’acier,
d’aluminium, de riz, de blé, de coton, d’automobiles… Tout cela est considérable, mais le revenu annuel par habitant
demeure modeste (RNB de 5 680 dollars par habitant, 101e rang mondial pour l’IDH). Ce développement concerne le
littoral, mais également l’intérieur des terres comme la ville de Chong Qing.
La Chine s’impose à l’économie mondiale par la masse de son commerce extérieur, en témoigne le nouveau port de
Shanghai. La Chine a une balance commerciale très favorable et engrange les excédents commerciaux dont elle place
une grande partie des bénéfices dans les fonds de pension américains. L’économie chinoise est désormais
parfaitement intégrée à l’économie mondiale. Elle est entrée à l’OMC en 2001, devenue une destination privilégiée
pour les investissements directs extérieurs mondiaux (IDE) et appartient à de nombreuses organisations. La Chine
recherche des matières premières, d’où la création de grands groupes et la multiplication des investissements dans
les pays du Sud. Dans le cas du pétrole, le gouvernement a encouragé la création de SINOPEC (China Petroleum and
Chemical Corporation) qui est par exemple présente au Venezuela, en Angola et au Soudan. Les Chinois proposent des
prêts à faible taux d’intérêts, des aides aux petits agriculteurs au Gabon et construisent des lignes de chemin de fer,
des ports et des oléoducs en Afrique et en Asie centrale. Au Soudan, lors de la séparation du Sud où se situe la
majeure partie des réserves pétrolières, les Chinois ont construit un nouveau port et un oléoduc sur la côte du Kenya
afin de faciliter l’exportation des hydrocarbures. Jakob Zuma, Président de l’Afrique du Sud, a déclaré en juillet 2012 à
Pékin lors du 5e forum Chine-Afrique : « L’engagement de la Chine pour le développement de l’Afrique a surtout
consisté à s’approvisionner en matière première ». Les pays d’Afrique ont accordé 20 millions d’hectares à des
étrangers dont 13 millions pour les Chinois.
C/ La Chine est-elle une puissance mondiale ?
La Chine partait de très loin avec de mauvaises relations avec ses voisins (URSS, Inde…) ainsi que la présence de
l’armée américaine en mer de Chine. La Chine s’est employée à consolider ses frontières avec la rétrocession de
Hong-Kong en 1997 qui conserve son système politique, son administration, ses lois… c’est à dire son autonomie
jusque 2047. Macao est revenue à la Chine en 1999. Taiwan a refusé cette solution. Les différents avec l’Inde
demeurent (Arunachal Pradesh et Aksai Chin). La Chine maintient son appui diplomatique à la Corée du Nord. Elle a
adhéré en 2001 au groupe de Shanghai (OCS Organisation de coopération de Shanghai, Russie, Chine et 4 républiques
d’Asie centrale : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan). Il s’agit d’un partenariat économique
(exportations des hydrocarbures) et politique (lutte contre le terrorisme et les mouvements séparatistes). La Chine
développe son influence sur la région du grand Mékong et l’ASEAN. Pour les territoires maritimes, la Chine, à
l’exception du début de la dynastie Ming fin XIV e-début XVe siècle, est un Etat continental. Depuis 1945, l’océan
Pacifique est une mer américaine avec des bases militaires présentes sur deux lignes, une première allant de la Corée
du Sud à la Malaisie en passant par les Philippines et une seconde appuyée sur Les îles Marshall, Guam et les îles
Mariannes du Nord. Les mouvements chinois sont donc contraints. Une série d’ilots sont l’objet de contestations : îles
Paracels au large du Vietnam (avec une implantation militaire depuis 1974), îles Spratley (îles coralliennes non
habitées dont la ZEE –zone économique exclusive- représente 440 000 km2 avec des richesses en pétrole et gaz),
atoll de Scarborough, îles Senkaku (gisements de pétrole)… Dans l’Océan indien, les Chinois ont constitué une série
de points d’appuis qui forment le « Collier de perles ». La Chine est-elle véritablement une puissance ? Du point de
vue géostratégique, la Chine défend la vision d’un monde multipolaire avec un partenariat privilégié avec les EtatsUnis. L’armée chinoise demeure modeste, mais elle se modernise. Une place prépondérante est accordée aux forces
navales et aériennes. Elle s’est dotée d’un porte-avion d’occasion acheté à l’Ukraine. Les Chinois fabriquent des
avions furtifs J20. Tout cela suscite l’inquiétude des pays voisins.
La Chine n’est pas une puissance globale et reste attachée à une logique de rayonnement régional, surtout le proche
Pacifique et l’océan indien. Elle n’a pas vocation à être gendarme du monde. C’est une grande puissance économique
qui joue un rôle mondial, y compris à l’ONU, mais elle suit son propre chemin. Thierry Sanjuan souligne que « les
mutations chinoises ne peuvent être simplement interprétées en terme de modernisation encore moins
d’occidentalisation ou d’ajustement au modèle issu de la globalisation ». La Chine ne se banalise pas, en particulier en
ce qui concerne la démocratisation. Il n’y a pas de relation mécanique entre le développement économique et
démocratie.
© Paul Stouder - avril 2014
Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG)
Notes prises par Christian Laude, professeur d’Histoire et de Géographie au lycée Charles de Gaulle à Compiègne,
Président APHG Picardie.
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La conférence sur la web TV APHG-YouTube, ici :
Illustration en une : Rizières du Yunnan, voyage de l’APHG Île de France en Chine, juillet 2009 (Photo Vincent
Bonneval).
Notes
[1] Inspecteur d’Académie - Inspecteur pédagogique régional honoraire de l’Académie de Versailles
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