La Chauve

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j o h a n s t ra u s s f i l s
Dossier pédagogique
L e s j e u n e s a u c œ u r d u G ra n d T h é â t re
Programme pédagogique réalisé grâce au soutien de la Banque Pictet & Cie
et du Département de l’instruction publique du Canton de Genève
d i re c t i o n g é n é ra l e j e a n - m a r i e b l a n c h a rd
fondation subventionnée par la ville de genève
b o u l e v a rd d u t h é â t re 1 1 c h 1 2 1 1 g e n è v e 1 1
t+41 22 418 30 00 f+41 22 418 30 01
w w w. g e n e v e o p e ra . c h
g ra n d t h é â t re d e g e n è v e o p é ra
La Chauve-Souris
Die Fledermaus
Opérette en trois actes
Musique de Johann Strauss fils
Livret en allemand de Karl Haffner et Richard Genée d’après Le Réveillon d’Henri
Meilhac & Ludovic Halévy
Version originale en allemand
Créé au Theater an der Wien (Vienne) le 5 avril 1874
L’action se passe à Vienne à l’époque de François-Joseph 1er chez un couple de
riches bourgeois. Chacun – le mari, l’épouse et la femme de chambre – s’apprêtent
à se rendre à l’insu des autres, à une grande fête chez un jeune prince fortuné et
désoeuvré.
Cette soirée sera sans doute très réussie puisqu’un souper fastueux attend les
invités qui s’étourdiront ensuite de danses et de champagne. Mais le clou de la fête
sera sans doute un petit divertissement étrangement intitulé « Vengeance d’une
chauve-souris » mis au point par un des convives pour amuser le prince.
Mais qui est la chauve-souris ? Nous le saurons à l’issue du spectacle lorsque tous
les personnages bien éméchés se retrouveront au petit matin, dans la prison où
l’un d’entre d’eux doit passer quelques jours après avoir molesté un gendarme.
Les Jeunes au cœur du Grand Théâtre
Programme pédagogique du Grand Théâtre de Genève
Dossier réalisé par Kathereen Abhervé
Octobre 2008
1
Sommaire
Introduction
3
Production du Grand Théâtre
5
I. Ce que chacun doit savoir avant d’assister au spectacle
7
L’argument de La Chauve-Souris en musique
7
Galerie de portraits :Les personnages de La Chauve-Souris
9
Présentation de la production du Grand Théâtre
14
II. Pour les plus curieux
Qui est Johann Strauss fils
15
Sa vie
Son œuvre
15
17
La Chauve-Souris ou les tribulations d'un livret
19
La Chauve-Souris est une opérette
21
La Chauve-Souris, un pot-pourri de danses viennoises
23
Vienne à l’époque de La Chauve-Souris
25
La chauve-souris, cet étrange animal
27
Annexes
29
Texte allemand/français extrait du livret
31
Questionnaires élèves/enseignants
43
2
Introduction
Ce dossier pédagogique est destiné aux enseignants qui participent au parcours
pédagogique proposé autour de l’opérette La Chauve-Souris de Johann Strauss fils,
dans le cadre du programme « Les jeunes au cœur du Grand Théâtre ».
Son contenu s’adresse aux classes primaires, à celles du cycle d’orientation et du
post-obligatoire. Il est conçu afin que chaque élève, quelque soit son âge et son
niveau de connaissances puisse en tirer le meilleur profit.
Ce dossier est divisé en deux parties : la première intitulée « Ce que chacun doit
savoir avant d’assister au spectacle », présente les aspects essentiels de l’œuvre
que tous les élèves doivent IMPERATIVEMENT connaître en amont du parcours
pédagogique et du spectacle.
L’argument de La Chauve-Souris
Les personnages
Les extraits musicaux
Une bonne connaissance de ces trois points garantira un maximum de profit et de
plaisir pour les élèves venant au Grand Théâtre pour assister à la répétition générale
de La Chauve-Souris.
La seconde partie intitulée « Pour les plus curieux », en abordant la biographie du
compositeur et le contexte historique et culturel dans lequel l’œuvre a été composée,
permet d’aller plus loin dans la découverte de l’œuvre.
Nous recommandons aux enseignants de sélectionner ou adapter le contenu de ce
dossier selon leurs besoins. Les élèves peuvent utiliser eux-mêmes le dossier
pédagogique consultable en ligne, en cliquant sur le titre de l’œuvre désirée :
http://www.geneveopera.ch/dossier pédagogique.php
De plus nous remercions les enseignants de bien vouloir remettre à chacun de leurs
élèves, le questionnaire ci-après, élaboré à leur intention et de nous les renvoyer
remplis accompagnés du leur, à l’issue de a répétition générale. Cela nous permettra
d’évaluer l’intérêt et la pertinence de nos propositions et de savoir si, grâce à ce
programme, les jeunes ont éprouvé du plaisir à entrer dans le monde de la danse et
de la musique classique.
Nous pourrons également nous déplacer dans les classes afin de renforcer votre
travail préparatoire et de répondre aux questions de vos élèves.
Nous vous remercions pour votre collaboration et vous souhaitons, à vos classes et
à vous-même, un parcours pédagogique inoubliable au cœur du Grand Théâtre.
Les responsables du programme pédagogique
« Les jeunes au cœur du Grand Théâtre »
Kathereen Abhervé
[email protected]
022 418 31 72
Christopher Park
[email protected]
022 418 31 88
3
4
La Chauve-Souris
De Johann Strauss fils
Direction musicale :
Mise en scène et Lumières :
Décors :
Costumes :
Etudes musicales :
Chefs de chant::
Thomas Rösner
Stephen Lawless
Benoit Dugardyn
Ingeborg Bernerth
Assistant à la mise en scène :
Régisseur de production :
Chef de plateau:
Régisseur :
Stagiaire à la régie :
Top lumières :
Top surtitres :
Sam Wass
Jean-Pierre Dequaire
Olivier Loup
Rhadia Habbes
Susanna Campo
Anne-Laure teroni
Gabriel von Eisenstein :
Rosalinde :
Franck :
Le prince Orlofsky :
Alfred :
Docteur Falke :
Docteur Blind :
Adèle:
Ida :
Frosch :
Johannes Martin Kränzle
Stella Doufexis
Joseph Wagner
Theresa Kronthaler
Pavol Breslik
Claudio Otelli
Stuart Patterson
Jane Archibald
Solenn’ Lavanant-Linke
Uwe Schoenbeck
Réginald Le Reun / Todd Camburn
Orchestre de la Suisse Romande
Chœurs du Grand Théâtre, direction : Ching-Lien Wu
Production du Grand Théâtre de Genève
Grand Théâtre de Genève,
Répétition générale mercredi 10 décembre, à 19h30
vendredi 12, samedi 13 décembre 2008 à 20h00
lundi 15, mardi 16, mercredi 17, vendredi 19 décembre 2008 à 20h00
dimanche 21 décembre 2008 à 16h30
lundi 22, vendredi 26, samedi 27 décembre à 20h00
mardi 30, mercredi 31 décembre à 20h00
5
6
I. Ce que chacun doit savoir avant d’assister au spectacle
1. Argument de La Chauve-Souris en 26 extraits musicaux
Premier acte
Nous sommes à Vienne dans les années 1875, dans le salon de Gabriel von
Eisenstein. On entend une sérénade venir du dehors (piste 3). Adèle, la femme de
chambre de la maison supplie sa patronne Rosalinde, de la laisser aller au bal du
Prince Orlofsky (piste 4). Elle sanglote et évoque une tante malade, tandis que
Rosalinde semble ne pas être indifférente à la voix qu’elle entend lui chanter la
sérénade (5). Mais la maîtresse de maison doit se ressaisir car son époux arrive en
se disputant avec Blind, le notaire qui a mal défendu sa cause alors qu’il était
condamné à plusieurs jours de prison pour avoir molesté un gendarme.
Survient le Docteur Falke qui convainc sans trop de peine Eisenstein à
l’accompagner au bal du Prince Orlofsky au lieu d’aller dormir en prison (piste 6).
D’accord pourvu que sa femme n’en sache rien. Parfumé, vêtu de velours et de soie,
Eisenstein s’élance vers « la prison » en compagnie de son ami tandis que sa femme
feignant la tristesse (piste 7), se réjouit de la venue d’Alfred, le rossignol qui l’a
charmée au début de la scène. Mais aussitôt entré, le jeune soupirant s’installe
aussitôt à la place du mari, met sa robe de chambre et boit son vin (piste 8). Frank,
le directeur de la prison se présente pour prendre livraison de son prisonnier avant
de se rendre à la fête du Prince. C’est Alfred qui fait les frais du quiproquo et qui va
se retrouver derrière les barreaux à la place du mari (piste 9). Il en profite pour
embrasser très tendrement Rosalinde qui ne se fait pas prier (piste 10).
Deuxième acte
Les invités du Prince Orlofsky se divertissent en attendant sa venue. Adèle retrouve
sa sœur Ida très étonnée de sa présence en ce lieu. Arrive le jeune Prince (pistes
12 et 13) auquel le docteur Falke, le maître de cérémonie de la soirée promet un
grand divertissement : une comédie intitulée « Vengeance d’une chauve-souris » à
laquelle participeront à leur insu de nombreux convives, dont Adèle alias « Olga »
(pistes 14). Le héros en sera le « Marquis Renard » qui n’est autre qu’Eisenstein.
Mais la comédie ne peut commencer sans Rosalinde, elle aussi invitée, qui paraît
masquée. Cette mystérieuse « comtesse » hongroise reconnaît aussitôt sa femme
de chambre vêtue de l’une de ses robes (piste 15) que son propre mari est en train
de courtiser en lui faisant le « coup de la montre ». Eisenstein entreprend aussitôt de
séduire cette belle « comtesse » qui, cachant sa colère, accepte tout de même de
jouer le jeu pour mieux confondre son mari volage. Elle réussit à lui subtiliser sa
montre-piège-à-cœur, preuve irréfutable de son délit.
Un groupe de joyeux fêtards doutant des origines hongroises de la comtesse
réclament qu’elle se démasque. Elle leur répond par une czardas éblouissante (piste
16). Quoique ravie l’assistance réclame à Falke la plaisanterie promise. Eisenstein
se souvient alors du tour qu’il lui avait joué en l’abandonnant ivre mort sous les
arbres du Prado, un soir de réveillon, en costume de chauve-souris, obligeant
l’infortuné à traverser la ville dans cet accoutrement sous les quolibets (piste 17).
Rires de l’assemblée qui ensuite est invitée à souper. Le champagne coule à flots
(pistes 18 et 19), mais l’horloge sonne pour Eisenstein qui doit regagner sa geôle et
7
pour Frank, le directeur de la prison surnommé le « Chevalier Chagrin ». Les voilà
partis bras dessus bras dessous en ignorant tout de l’autre.
Grand intermède de valses et de polkas (pistes 20 et 21)
Troisième acte
Nous sommes dans la prison où va se jouer le dénouement.
Frosch, le gardien est ivre mort (piste 22). Frank ne vaut guère mieux et s’endort à
son bureau (piste 23) lorsque Ida arrive accompagnée de sa soeur Adèle qui sollicite
l’aide du « Chevalier » pour devenir artiste (piste 24). Survient le « Marquis Renard »
qui n’est autre qu’Eisenstein. Ce qui ne manque pas de déstabiliser Frank qui à la
grande surprise d’Eisenstein, n’est pas non plus « Chevalier ». Le pauvre directeur
n’en croit pas ses yeux, puisqu’il se souvient avoir lui-mêmearrêté la veille au soir,
Eisenstein chez lui alors qu’il soupait avec sa femme à laquelle il a d’ailleurs fait de
bien tendres adieux !
L’affaire se corse et Eisenstein n’a plus du tout envie de rire. Arrive alors une dame
voilée qui n’est autre que Rosalinde venue conjurer Alfred de fuir pour ne pas risquer
de rencontrer son mari. Entre temps Eisenstein emprunte perruque, lunettes et
dossier au Docteur Blind appelé par Alfred-Eisenstein pour le défendre. Pour se
faire, le faux « avocat » demande à Alfred et à Rosalinde de lui conter les détails de
la soirée de la veille. Fou de rage, il se fait reconnaître et démasque l’infidèle et le
suborneur. Mais Rosalinde à son tour l’accuse de l’avoir trompée sans vergogne et
sort la fameuse montre. Eisenstein est confondu, mais il refuse d’achever la peine de
prison commencée par Alfred (piste 25). Les masques tombent et tous les
personnages assistent au dénouement de la farce entièrement montée par Falke
enfin vengé. Il ne reste plus qu’à chanter les vertus du champagne qui pousse
parfois à certains égarements, mais finit toujours par ramener la joie et la bonne
humeur (piste 26).
8
Galerie de portraits
Les personnages principaux :
Gabriel von Eisenstein - le « Marquis Renard »
(ténor)
C’est un bourgeois de son temps qui ne saurait
confondre mariage et plaisir. Il est marié, mais ne se
gêne pas pour mentir à sa femme afin d’aller en
toute tranquillité la tromper dans une fête où ne sont
en principe pas invitées les épouses, mais des
femmes dites « légères » (piste 6). Les bourgeois
de la fin du XIXe siècle n’ont guère de scrupules,
mais ont toutefois le souci de la respectabilité, des
apparences et du confort familial.
Eisenstein est quelqu’un d’assez coléreux qui a la
main leste (il s’est battu avec un gendarme, il est
ensuite prêt à assommer Alfred). Mais il est surtout
très naïf et sera le « dindon » de la farce mise sur
pied par son ami Falke. De plus il pensait tromper
son épouse avec un « joujou extra » (une petite
montre), mais c’est lui qui sera berné et ridiculisé.
Nous savons par son ami Falke qu’il est jeune. Il est
sans doute assez séduisant. Le compositeur lui a
par conséquent attribué une voix de ténor et écrit
des airs permettant de mettre en valeur ses qualités
vocales (piste 15).
Rosalinde, épouse d’Eisenstein - la
« Comtesse » hongroise (soprano)
Elle est jeune et jolie et semble elle aussi avoir
terriblement envie de tromper son mari avec
l’homme qu’elle a jadis aimé (piste 5) mais en bonne
bourgeoise qu’elle est, elle essaie de sauver les
apparences.
Elle n’a cependant rien du stéréotype de la
bourgeoise triste et casanière, c’est au contraire une
jeune femme joyeuse et pétillante, au franc parlé qui
ne laisse pas sa part d’amusement. Elle accepte de
jouer la « comtesse hongroise » et se prête fort bien
à ce jeu-là (piste 16).
Le compositeur l’a doté d’une voix de soprano très
haute et très agile qui prend toutes ses couleurs
dans la czardas (piste 10). Elle a la même tessiture
que sa femme de chambre avec laquelle elle rivalise
vocalement dans de très beaux duos (piste 4)
9
Adèle, femme de chambre chez les Eisenstein « Olga » (soprano)
C’est le personnage typique de la servante, jeune,
insolente (particulièrement avec ses patrons),
ingénue au franc parler (pistes 5 et 24). Elle est
prête à tout pour sortir de son statut de servante.
Elle veut devenir actrice comme la plupart des
jeunes filles de condition modeste de la fin XIXe
siècle. Le théâtre étant à cette époque, le moyen le
plus rapide de se faire remarquer de riches
amateurs, d’autant qu’Adèle est belle, séduisante et
fière de sa personne (piste 14).
Le compositeur lui a prêté une voix de soprano,
dans une tessiture identique à celle de Rosalinde,
prouvant sa jeunesse (piste 4).
Prince Alexandre Orlofsky (mezzo-soprano)
C’est un jeune prince russe de dix huit ans très
riche, désœuvré et blasé (pistes 12 et 13) qui ne sait
pas comment dépenser son argent. Il le « jette »
d’ailleurs vraiment par les fenêtres, ce qui était de
bon ton à la fin du XIXe siècle. Cette caricature de
l’aristocrate qui impose ses désirs et ses lois a sans
doute été inspirée à Strauss, par un des aristocrates
qu’il a croisés lors de l’une de ses tournées en
Russie.
Le compositeur lui a attribué une voix de mezzosoprano qui est une voix féminine assez grave
capable de monter dans l’aigu, afin de caractériser
la grande jeunesse du Prince et son androgynie. Les
rôles de travesti renforcent en général l’ambiguïté
des personnages. Les étranges sauts d’intervalles
illustrent certainement les problèmes de mue d’un
adolescent de cet âge.
Ce rôle a également été tenu par des ténors voire une basse contrefaisant sa voix,
comme sur la piste 12.
10
Docteur Falke, ami d’Eisenstein et notaire - « La
Chauve-Souris » (baryton)
C’est un notable comme son ami Eisenstein avec
lequel il a souvent partagé fêtes et beuveries (piste
7). Malgré cette franche amitié qui les unit, il n’a pas
oublié la blague que lui a faite Eisenstein, un soir de
réveillon, alors qu’il était déguisé en chauve-souris.
Il vient de trouer un moyen de se venger de cette
mauvaise plaisanterie en manigançant une mise en
scène qui permettra de confondre son ami, tout en
amusant le Prince dont il est « l’intendant de menus
plaisirs ».
Il possède une voix de baryton. Cette tessiture
assez grave désigne en principe un personnage
d’un certain âge et caractérise, dans le cas précis,
un personnage un peu démoniaque, sorte de
Méphistophélès qui invite à enfreindre les
conventions comme l’utilisation du tutoiement (piste
19). Falke est un manipulateur qui s’amuse à
confondre les autres (en masquant les uns et en
modifiant l’identité des autres). Son déguisement de
chauve-souris (que l’on ne verra jamais) convient
parfaitement à ses intentions de vengeance.
Alfred, professeur de chant du prince (ténor)
Comme dans tout vaudeville, il y a l’amant de la
femme. Alfred va tenir le rôle de l’amant de
Rosalinde. Il ne se cachera pas dans l’armoire mais
sera enfermé volontairement en prison.
Il est jeune et fringant mais ne semble pas avoir
inventé la poudre. C’est un esprit léger et joyeux qui
aime chanter (piste 3). Drôle de destin pour ce
rossignol qui ne chante qu’au tout début de
l’ouvrage, disparaît derrière les barreaux durant tout
le spectacle pour ne réapparaître qu’à la fin, .
C’est un rôle comique dont le jeu réside dans
l’outrance et l’usurpation du rôle du mari de sa
maîtresse, une situation bien connue du théâtre de
l’époque (piste 5).
11
Les personnages secondaires :
Frank, le directeur de la prison - le « Chevalier Chagrin »
(baryton)
C’est un personnage secondaire assez bougon (piste 9)
affublé d’un nom d’emprunt symbolisant bien sa profession. Sa
présence induit systématiquement des situations cocasses
(l’arrestation d’Alfred, le retour à la prison en compagnie de
son prisonnier, quiproquo dans la prison avec son prisonnier et
avec Adèle qui le prend pour un chevalier).
Il est directeur de prison le jour et fêtard la nuit (piste 23).
Drôle de contraste. N’oublions pas qu’à cette époque, l’activité
essentielle et vitale des bourgeois est le divertissement.
Sa voix de baryton correspondant à sa position sociale et sans
doute à son âge. On suppose que c’est un monsieur d’âge
mûr.
Docteur Blind, avocat d’Eisenstein (ténor)
Il est bègue, ce qui n’est pas recommandé pour un avocat.
C’est un peu le souffre-douleur d’Eisenstein. Il apparaît dans
deux scènes (scène 6, Acte 1 et scène 9, Acte 3).
Au début de l’opérette, il se fait insulter par Eisenstein qui le
traite ensuite de « paperassier véreux » ou « misérable
ramasseur de circonstances atténuantes » et qui à la fin de
l’ouvrage, lui vole ses vêtements pour s’en travestir.
Il a une voix de ténor assez banale.
Ida, soeur d’Adèle
(mezzo-soprano)
N’apparaît qu’épisodiquement et permet de donner la réplique
à sa sœur. Elle possède une voix de mezzo-soprano, c’est-àdire plus grave que celle de sa sœur, ce qui permet de penser
qu’il s’agit de sa sœur aînée.
Frosch, le gardien de prison (rôle parlé)
C’est un rôle parlé comme on en trouve dans certains opéras
et opérettes. Cette particularité est réservée la plupart du
temps à des personnages comiques nécessitant l’emploi
d’un comédien (piste 22) qui très souvent improvise sur
l’actualité.
Il est arrivé que certains acteurs monologuent jusqu’à une
demi-heure, amusant autant le public que les chanteurs qui
attendent dans les coulisses.
12
Autres personnages :
1. Le champagne
Le champagne que chacun
chante à sa façon revient
comme un leitmotiv (pistes 18,
et 23). le champagne est le roi
de tous les vins. Il est cause de
tous les ennuis, mais il donne
aussi la vérité. Il fera l'objet du
mot de la fin (piste 26).
Le champagne est
omniprésent dès l’ouverture
jouée par l’orchestre avec le
rideau de scène baissé
représentant une étiquette de
bouteille de champagne dont la
marque est Die Fledermaus.
1. Les danses : Les valses, les polkas, galops et csardas
(pistes 1, 20 et 21)
13
La production du Grand Théâtre
La production du Grand Théâtre signée par le metteur en scène Stephen Lawless
provient du Festival de Glyndebourne.
Elle propose un décor unique Art déco
placé sur une très grande tournette. Les
transformations à vue apportent une
profondeur particulière à certaines
scènes. Pour la scène du bal, un grand
escalier central à double volée permet
aux personnages de faire des entrées
très remarquées comme l’arrivée de la
Comtesse hongroise.
Benoit Dugardyn a placé l’action dans un
décor Art déco aux lignes épurées. De
grandes grilles de fer forgé aux dessins
géométriques apportent légèreté et
élégance. Au premier acte, la lumière
entre dans l’appartement d’Eiseinstein
par de grandes baies vitrées. Elle se fait
plus chaude et cuivrée au second acte
pour éclairer la fête chez le Prince
Orlofsky. Au sol, un parquet en chevron
alternant bois clair et bois foncé. Au
troisième acte, Benoit Dugardyn a
imaginé pour la scène de la prison, une
lumière bleutée éclairant un escalier
placé côté jardin.
Les costumes dessinés par Ingeborg Berneth :
Point de crinoline pour les dames, mais des robes longues, aux étoffes souples
enrichis de motifs Art déco. Cheveux courts et chapeaux.
14
II. Pour les plus curieux
Johann Strauss II (1825-1899)
Sa vie
Johann Strauss II également appelé Johann Strauss fils
ou Johann Strauss Junior est né à Vienne le 25 octobre
1825.
Il meurt le 3 juin 1899 à Vienne où il est inhumé en grande
pompe.
Johann Strauss II est le fils de Johann Strauss I, plus
communément appelé Johann Strauss père ou le « roi de la
valse ». Johann Strauss II fera mieux que son père dans ce
domaine et donnera à la valse une dimension internationale.
Ses deux frères cadets, Josef et Eduard sont également
compositeurs, mais il est le plus célèbre des trois.
Il composa 160 valses dont le célèbre Beau Danube bleu ou
La Valse de l’Empereur, des polkas, 16 opérettes dont la plus connue est La
Chauve-souris et un opéra, Ritter Pasman (Le cavalier Pasman).
Il est très tôt saisi par le virus de la musique et compose sa première valse dès l’âge
de 6 ans. Mais son père ne l’entend pas de cette oreille et s’oppose à ce que son fils
fasse de la musique et à fortiori devienne musicien. La légende raconte même qu’un
jour qu’il entendit son fils jouer du violon, il lui confisqua l’instrument que son épouse
remplaça aussitôt à l’insu de son époux. C’est grâce à sa
mère que Johann a pu étudier en cachette le violon (avec
Franz Ammon, le premier violon de l’orchestre de son père !),
le piano, l’harmonie et le contrepoint.
Il commence très jeune à composer de la musique religieuse,
puis se consacre rapidement à la direction d’orchestre et à la
composition de valses et de polkas, faisant ainsi directement
concurrence à son père, le dépassant même assez
rapidement dans ce domaine. Il n’a pas vingt ans lorsqu’il
débute dans la banlieue viennoise – son père lui refusant
l’accès à toutes les salles de Vienne – à la tête des 24
musiciens de l’orchestre qu’il vient de monter. Au
programme, des valses de son père et quelques-unes de ses compositions qui
seront bissées 19 fois par un public en liesse. Quelques méchantes langues diront :
« Adieu Strauss père ! Bonjour Strauss fils ! »
Pour l’anecdote, on peut rappeler que pendant la Révolution de 1848, le père
monarchiste fut du côté de la répression alors que ses fils se tenaient sur les
barricades aux côtés des libéraux.
Johann Strauss II devient chef de la musique municipale de Vienne, tandis que son
père prend la direction des bals de la Cour d’Autriche au Palais de Schönbrunn. Mais
les deux hommes finiront par se réconcilier et à la mort de son père, Johann Strauss
fils forme un orchestre de haut vol avec les meilleurs éléments des deux précédents.
Il succède à son père comme directeur de la musique de bal de la Cour.
15
Commencent alors de nombreuses tournées en Europe, en Russie, puis aux EtatsUnis lui permettant de faire connaître ses œuvres qui remportent partout un immense
succès. Après son mariage en 1862, avec la cantatrice Henriette Treffz (Jetty), il
abandonne la direction d’orchestre pour se consacrer à la composition et passe la
baguette à ses frères cadets Josef (1827-1870) puis à Eduard (1835-1916) euxmêmes compositeurs de valses et de polkas mais moins inspirés que leur frère aîné.
A la mort de Johann, Eduard reprend l’orchestre familial. Plusieurs descendants des
frères Strauss ont d’ailleurs perpétué la tradition familiale au XXe siècle.
Johann Strauss fils écrira de nombreuses valses dont certaines deviendront très
célèbres comme Le Beau Danube bleu qui remporte un véritable triomphe, puis se
lance dans la composition d’opérettes. Jetty Treffz sera durant 16 ans une formidable
source d’inspiration et une conseillère irremplaçable. A sa mort il fera un second
mariage malheureux, divorcera et se remariera avec une jeune veuve de 37 ans sa
cadette Adèle Deutsch qui sera une compagne précieuse.
Le 22 mai 1899, alors qu’il dirige l’ouverture de La Chauve-Souris, il prend froid et
meurt trois semaines plus tard, laissant inachevée sa dernière opérette Cinderella.
16
Son œuvre
Dès 1864, il compose de grandes valses symphoniques comme Le Beau Danube
bleu, Histoires de la forêt viennoise, Aimer, boire et chanter et La Valse de
l’empereur. Ces grandes valses sont de véritable pièces symphoniques, sans doute
plus faciles à écouter qu’à danser. « Il arrivait souvent, écrivait Alexandre Dumas
père, que ma cavalière et moi-même, dansant sur la musique magique de Strauss,
devions nous arrêter pour mieux suivre le déroulement de ce rêve inspiré. Il nous
semblait presque sacrilège de permettre à de telles mélodies de servir à un plaisir
physique ». Pendant que les valses de Johann Strauss fils font tournoyer les
Viennois, les opérettes de Jacques Offenbach font un véritable tabac à Vienne.
Encouragé par ce succès, incité par Offenbach lui-même, par son épouse Jetty Treffz
et Steiner, le directeur du théâtre An der Wien, Strauss aborde le théâtre, d’abord
sans grand succès, puis grâce à de bons livrets, il compose des opérettes qui
triomphent sur toutes les scènes du monde, comme La Chauve-Souris en 1874, Une
Nuit à Venise en 1883 et Le baron tzigane en 1885.
La musique de Johann fils est beaucoup plus originale que celle de son père. Ses
valses comme Le Beau Danube bleu et Histoires de la Forêt viennoise, sont des
chefs-d’œuvre incontestables qui figurent toujours au répertoire des plus grands
orchestres, notamment l’Orchestre Philharmonique de Vienne lors du fameux
Concert de Nouvel An.
Bien que considérée comme de la
musique classique légère, l’œuvre de
Johann Strauss fils, est appréciée des
grands compositeurs de son temps. Il est
l’ami de Brahms et de Franz Liszt pour
lequel il a dirigé son opéra Mazeppa. Il
impose Wagner à Vienne en dirigeant
des extraits de Tristan et Isolde, partition
jugée injouable par les musiciens de
l’Opéra de Vienne. Wagner dont il a subi
l’influence, disait de Strauss qu’il était
« l’esprit le plus musical de toute
l’Europe ». Il dirigea même à la mort de
son père, le Requiem de Mozart qui à
cette époque était tombé dans l’oubli. Le
grand chef d’orchestre, Hans von Bülow
(le premier mari de Cosima Wagner),
connu pour son exigence, disait de lui :
« Strauss est un de mes rares confrères
pour qui j’ai une admiration sans
réserves. Il y a toujours quelque chose à
apprendre de lui. » Même l'avant-garde ne reniera pas son héritage : Berg,
Schoenberg ou Webern transcriront ses valses pour quatuor à cordes.
Lors d’une tournée américaine, il lui arriva même de diriger Le Beau Danube bleu, à
la tête de 2 000 musiciens et 20 0000 chanteurs, aidés de 100 adjoints, devant 100
000 spectateurs.
L’apogée de Johann Strauss fils correspond à celle de la capitale de l'Empire Austrohongrois qui rayonne sur la vie culturelle de l’Europe du XIXe siècle.
17
18
La Chauve-Souris ou les tribulations d’un livret
La Chauve-Souris, Die Fledermaus est l’une des opérettes les plus célèbres de
Johann Strauss fils qui fut créée avec un certain succès – contrairement à la légende
– dans la capitale autrichienne, au Theater an der Wien, le 5 avril 1874. Quelques
mois plus tard elle remportait un véritable triomphe à Berlin, Budapest, puis New
York. Elle est considérée aujourd’hui comme le sommet de l’opérette viennoise.
Les tribulations du livret de cette opérette, un peu rocambolesques, aideront toutefois
à comprendre les étapes de construction auxquelles sont soumis la plupart des
ouvrages lyriques.
A l’origine il y a une pièce de théâtre autrichienne Das
Gefängnis (La prison) de Roderich Benedix (1851) qui
inspira aux auteurs parisiens Ludovic Halévy et Henri
Meilhac (les librettistes attitrés de Jacques Offenbach)
une comédie intitulée Le Réveillon. Il y était question
du désir de la vengeance d’un notaire contraint par son
ami de traverser la ville au petit matin dans son
costume de carnaval. Il s’agissait alors d’un oiseau
bleu au bec jaune. La pièce remporta à sa création en
1872, un grand succès à Paris et retourna à Vienne
pour y être traduite par Karl Haffner. Mais la sauce ne
prit pas. Finalement c’est le compositeur, chef
d’orchestre et librettiste allemand Richard Genée qui
remet à plat toute l’histoire, conservant les
personnages de Haffner auquel il rajoute un
personnage vengeur (Docteur Falke), transposant le
bal du réveillon en souper princier et transformant
l’oiseau bleu en… chauve-souris, déguisement très en
vogue à cette époque en Allemagne.
Johann Strauss qui n’avait jusqu’alors composé que
deux opérettes mineures, fut séduit par le livret. Il lui
fallut à peine 42 jours pour accoucher de ce chefd’œuvre (entre fin août et début octobre 1873). La
création remporta un succès respectable, certains lui
reprochant d’être un pot-pourri de motifs de valses et
de polkas. Le spectacle tiendra tout de même l’affiche
pendant près de trois mois. La période n’était peut-être
pas vraiment à l’euphorie générale du fait du krach boursier qui un an avant avait
ruiné de nombreux Viennois.
Le véritable triomphe viendra de l’étranger. L’œuvre est créée avec succès trois ans
plus tard à Paris (octobre 1877) mais cette fois-ci dans une version française (La
Tzigane) revue et corrigée par Alfred Delacour et Victor Wilder, les deux librettistes
Meilhac et Halévy ayant interdit l’utilisation de leur livret. Mais l’aventure ne s’arrête
pas là puisqu’en 1904, la capitale française redécouvre La Chauve-Souris avec un
nouveau livret de Paul Ferrier, proche de l’intrigue viennoise. En 1933, nouveau coup
du sort : le livret est réécrit et le compositeur Erich Korngold remet La Chauve-Souris
au goût du jour en la « jazzéfiant » ! On lui rajoute bientôt des pages orchestrales
non prévues par Johann Strauss. Il est aussi d’usage de manipuler les dialogues
parlés – fort nombreux – pour les adapter à l’actualité. Le rôle parlé de Frosch, le
19
gardien de prison est souvent incarné par de grands comédiens qui se permettent
d’ailleurs de savoureuses improvisations.
Ainsi La Chauve-Souris par sa musique légère et élégante, à la fois parodique et
sentimentale, pathétique et comique, a conquis tous les continents et séduit tous les
publics. Elle fait maintenant partie du répertoire des plus grandes maisons d’opéra
qui la programme en principe à la période des fêtes de fin d’année. Les plus grands
chefs d’orchestre l’ont dirigée, les meilleures chanteurs l’ont interprétée et
enregistrée, de nombreux metteurs en scène s’y intéressent également. Certains
réalisant des scénographie parfois assez contestées comme celle de Hans
Neuenfels (Festival de Salzbourg, 2001).
20
La Chauve-souris est une opérette
Le mot « opérette » est d’origine autrichienne. Il apparaît à Vienne dès 1730 et
désigne des œuvres comico-parodiques ou féeriques qui pouvaient être chantées en
allemand ou en italien. En 1877, l’Empereur François-Joseph 1er fonde la
« Nationaloperette » pour y faire représenter ce type d’ouvrages que l’on considérait
plutôt à l’époque comme des « singspiel », qui désignaient une forme d’opéracomique accompagné de dialogues parlés en allemand.
Mais qu’est-ce qu’une opérette ?
C’est un petit opéra, pour la différencier du grand l’opéra (Meyerbeer, Verdi,
Puccini, Donizetti, Wagner, etc).
L’opérette est une forme d’opéra léger où les dialogues parlés remplaçant les
récitatifs, alternent avec des parties chantées qui
peuvent être virtuoses, et des parties dansées.
Le style d’écriture d’une opérette doit être léger
et vif, en vu d’offrir un divertissement basé sur
des situations comiques résultant de quiproquos,
d’échange ou d’usurpation d’identités,
d’inversion de rôles et de positions sociales, etc.
A la différence de l’opéra comique qui, au XIXe
siècle, traite des thèmes sérieux entrecoupés de
scènes parlées, l’opérette traite des sujets futiles
et gais.
L’opérette peut offrir des moments pathétiques
ou sentimentaux s'équilibrant avec des passages
comiques, gais sans aller jusqu'à la bouffonnerie,
ou parodiques, son principe fondamental étant la
légèreté. La Chauve-souris rentre parfaitement
dans ce schéma d’autant que sa composition
germée sur un terreau de crise sociale et
politique des années 1870, a aussitôt trouvé un
public réceptif, fuyant la réalité en se
divertissant.
L’opérette française et l’opérette viennoise
La première opérette française intitulée Le Chalet fut créée en 1834 par Adolphe
Adam qui a dû toutefois s’esquiver devant le génie prolifique de Jacques Offenbach
créateur d’une centaine d’opérettes dont certaines sont devenues extrêmement
célèbres comme La Belle Hélène, La Périchole ou Orphée aux enfers. Compositeur
allemand émigré en France, il a imposé l’opérette française, comme Lully,
compositeur italien émigré en France, deux siècles plus tôt, avait imposé la tragédie
lyrique. Offenbach devint le maître du genre grâce au choix des sujets souvent
satiriques, à la musique légère et pétillante, riche en mélodies et en rythmes. Il a eut
une influence considérable sur certains compositeurs français et par delà les
frontières, sur les compositeurs autrichiens Franz von Suppé et Johann Strauss (fils).
Das Pensionat de Suppé créé à Vienne en avril 1860 peut être considéré comme la
21
première opérette viennoise. Cinq ans plus tard Die Schöne Galathée incluant valses
et galops prépare le terrain à Johann Strauss fils qui s’essaie plusieurs fois sans
grand succès à l’opérette avant de composer son chef d’œuvre. La Chauve-Souris
est à l’origine de l’épanouissement de l’opérette viennoise. Il ne s'agit pas ici de
satire à la Offenbach, mais de révélateur de la nature humaine dévoilée avec la
naturelle gaieté viennoise. Les personnages inspirés de la mythologie comme on en
rencontre chez Offenbach sont remplacés dans La Chauve-Souris par des hommes
ordinaires en tenue de soirée de notre époque. Ce genre a également séduit certains
compositeurs hongrois comme Emmerich Kálmán
et Franz Lehár (La Veuve Joyeuse, Le pays du
Sourire), des Anglais comme Gilbert et Sullivan
(Princess Ida, Le Mikado). C’est d’ailleurs en
Angleterre qu’un genre musical nouveau naîtra à
la toute fin du XIXe siècle, directement inspiré de
l’opérette : la comédie musicale qui abandonnera
l’aspect lyrique pour des chansons à succès.
Malgré quelques belles réussites du début du XXe
siècle, comme Princesse Czardas de
P. Abraham, Sissi de Kreisler ou la célèbre
Auberge du Cheval Blanc de Benatzky, la
première guerre mondiale sera fatale à l’opérette
viennoise. L’opérette française aura quant à elle
encore de beaux jours avec des compositeurs
comme Francis Lopez ou Emmanuel Rosenthal.
Comme Offenbach symbolise un Second Empire
dansant sur une poudrière et virevoltant vers sa
fin prochaine, l’opérette viennoise reste
indissociable d’un Empire austro-hongrois achevant sa décomposition dans un flot
de champagne et un bouquet de valses. L’opérette reste encore aujourd’hui partagée
entre ces deux formes : la parisienne proche du French cancan et la viennoise
attachée à la valse.
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La Chauve-Souris, un pot-pourri de danses viennoises
1. La valse
A l’époque de sa création, certaines critiques considérèrent La Chauve-souris
comme un pot-pourri de valses viennoises. Le mot est sans doute un peu fort, mais
La Chauve-Souris reste toutefois un éternel hymne à la valse.
La valse, cette étonnante danse à trois
temps
Les origines de la valse sont assez
contestées. Quoique les Allemands, les
Autrichiens et les Français en revendiquent
chacun la paternité, la valse issue de
danses populaires ou de cour, résulte
d’une évolution naturelle de la culture
européenne.
Si l’on se réfère à l’étymologie du français
« valse », on note une origine germanique
du substantif provenant de l’allemand
Waltzer. Le verbe « valser » vient de walser (Gd Robert de la langue française, 1992)
La valse se reconnaît par son rythme à trois temps (3/4). Elle peut être lente (écrite à
la noire). Le plus souvent elle est rapide (écrite à la blanche pointée) et donne à
suivre ce rythme ternaire avec un premier temps fort et appuyé suivi de deux temps
plus faibles et plus légers = 1 – 2 – 3 pas.
Le premier temps est plus déplacé que les deux autres, qui sont piétinés, mais tous
ont la même durée.
- Pour les hommes : (1 2 3) Gauche-droite-gauche – (1 2 3) Droite-gauche-droite
- Pour les femmes : (1 2 3) Droite-gauche-droite – ( 1 2 3) Gauche-droite-gauche
La valse viennoise est une valse rapide (entre 110 et 180 battements par minute).
Elle peut être plus lente (entre 60 et 80 battements par minute).
Il existe d’autres formes de valses.
- La valse lente et anglaise à deux temps, la valse musette apparue en France à
la fin du XIXe siècle, puis la java plus rapide que la valse classique, la valse
tango apparue en Argentine qui se danse sur trois temps.
- Il existe aussi des valses plus complexes (valses à 5, 8 ou 11 temps)
La valse se danse en principe en position rapprochée. A l’époque de Johann Strauss
père et fils, les partenaires étaient plus distants l’un de l’autre qu’aujourd’hui. Ce qui
n’empêchait pas les jeunes gens de bonnes famille de flirter – mais à distance
réglementaire –, au nez et à la barbe de leurs parents. Certains conservateurs
n’appréciaient guère cette danse la jugeant inconvenante puisqu’elle permettait la
fusion des corps dans des mouvements vertigineux et provoquait une délicieuse et
dangereuse griserie… Elle fut d’ailleurs interdite par l’Eglise pendant longtemps.
La valse viennoise est arrivée en France vers 1780 (La reine Marie-Antoinette était
autrichienne) et prit tout son essor après la Révolution française (valse considérée
comme révolutionnaire par rapport au menuet représentant l’ancien régime). La
valse s’est vraiment imposée après le congrès de Vienne (1815), qui retraçait les
frontières de l’Europe occupée quelques années plus tôt par Napoléon. Elle éclipsa
alors toutes les autres danses jusqu’à la première guerre mondiale.
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On comprend aisément que durant ces années difficiles, les Viennois aient eut envie
de s’amuser afin d’oublier les privations. La valse orchestrée par Johann Strauss
père prit alors possession de Vienne et de ses habitants pour toujours, ce qui eut par
ailleurs l’effet de calmer les esprits. De tout temps, les politiciens ont toujours préféré
voir valser leur peuple que de les voir réfléchir. Après l’échec de la Révolution de
1848, c’est le fils qui a repris le flambeau pour faire valser les Viennois.
De nos jours, si la vogue des bals s’est un peu perdue en Europe au détriment des
clubs ou des « boîtes », Vienne a jalousement conservé cette tradition. On recense à
Vienne, à la période du Carnaval c’est-à-dire du 31 décembre au mercredi des
Cendres – on peut tout de même danser de novembre à juin – jusqu’à 400 bals,
dont 170 considérés comme majeurs avec en tête le célèbre bal de l’Opéra. C’est le
bal le plus élégant et le plus médiatisé qui permet aux jeunes filles de la bourgeoisie
« les débutantes » de faire leur première apparition officielle dans la bonne société.
Chaque corps de métier propose également son propre bal. On estime que la
majorité des 1 600 000 de Viennois participent à l’un ou plusieurs d’entre eux chaque
saison. Une trentaine d’écoles de danses viennoises dont la plus célèbre, l’école
Elmayer, apprennent chaque année à valser aux jeunes gens et jeunes filles. Les
touristes sont également les bienvenus.
2. La polka
Le mot « polka » vient du tchèque « pulka » qui signifie moitié ou demi, décrivant le
pas chassé (demi-pas) servant de base à la danse. C’est une danse paysanne
originaire de Bohème (aujourd’hui République tchèque). Elle se développe à Prague
dès les années 1835-40 et se répand dans toute l’Europe, gagnant toutes les
couches de la population, des milieux bourgeois aux plus populaires.
La polka est une danse très rapide à deux temps
(2/4, 852 battements par minute).
Johann Strauss père en a composées. Mais
Johann Strauss fils reste le maître incontesté de
la polka de la fin du XIXe siècle avec plus de 150
compositions. Johann Strauss fils en intègre à
ses opérettes, Jacques Offenbach à ses opérasbouffes. De nombreux compositeurs, comme
Georges Bizet, Rossini, Martinu ou Chostakovitch
s’y essayèrent. Smetana et Dvorak apporteront à la polka une dimension
« nationale ».
3. Le galop
Vient de galopade. Cette danse fut introduite en 1820 à Paris par la Duchesse de
Berry. Comme la valse, le galop combine une glissade et un pas chassé en alternant
les pieds. C'est une danse rapide à 2 temps (2/4)
4. La Csardas est la danse hongroise la plus connue. C'est une danse où le
couple se déplace de gauche à droite, soit ensemble, soit du même pied sur un petit
cercle. Il existe plusieurs figures : les déplacements latéraux, les ouvertures et
séparations du couple qui permettent aux garçons d'exécuter des solos.
24
Vienne à l’époque de La Chauve-Souris
Chronique d’une fin annoncée
1874. A cette époque Vienne est la capitale d’un empire immense qui commence à
se déliter mais qui tient encore bon. Le grand empire austro-hongrois sur lequel
règne fermement depuis 1848, l’empereur François-Joseph 1er, a toutefois perdu
les territoires italiens de Lombardie et de Venise. L’armée autrichienne a été battue
par la Prusse à Sadowa en 1966. A l’intérieur ce n’est guère mieux avec les
Hongrois, les Tchèques et les Slaves du sud qui réclament des concessions à leur
nationalisme naissant.
Depuis 1867, les libéraux appelés à
gouverner officiellement la monarchie, se
consacrent presque exclusivement à
l’expansion économique. L’exposition
universelle de 1873, organisée à
l’occasion du vingt-cinquième
anniversaire de l’accession au trône de
François-Joseph, devait tenter de
montrer au monde la puissance
économique d’un pays qui n’est plus ce
qu’il était. Pour se faire, on a construit à
tout va, on a investi, spéculé tant et plus pour accueillir les sept millions de touristes
espérés et la plupart des souverains de l’Europe. L’exposition ouvre le 1er mai 1873
marquée par des grèves et endeuillée par une épidémie de choléra qui ravage la
ville. Une semaine plus tard, la bourse de Vienne s’effondre entraînant de
nombreuses faillites. Des milliers de petits épargnants se suicident. Le « krach
financier » du vendredi noir a des effets désastreux sur la plupart des établissements
financiers de l’Europe. L’histoire se répète malheureusement et ce qui à l’époque
déstabilisa l’Europe, peut-être plus que ne l’a fait un siècle plus tard, le krach
boursier de Wall Street, a pris aujourd’hui des proportions planétaires dont on n’a pas
encore vraiment mesuré toutes les conséquences.
La bataille des anciens et des
modernes
Depuis la révolution réprimée de 1848,
Vienne est une ville extrêmement
dynamique, en pleine expansion,
cosmopolite dont la population dépasse
le million d’habitants. La dynastie des
Rothschild a fondé en 1855 le
Creditanstalt de Vienne, grande banque
qui attire les capitaux ce qui permet l’essor des affaires. La bourgeoisie triomphe et
se lance dans la rénovation complète de la cité. Les anciennes fortifications tombent
pour laisser place à un immense boulevard ceinturant la ville, le Ring sur lequel
industriels et négociants édifient entre 1869 et 1888, résidences et bâtiments officiels
dont l’architecture s’inspire des siècles passés. Au style « historisme » va bientôt
s’imposer le « Jugendstil » ou Art nouveau qui se dote d’un temple architectural, le
pavillon de la Sécession conçu par Joseph Maria Olbrich.
25
Tourmentée par le
pressentiment de son
déclin, cette ville où se
multiplient les tensions
liées à cette période prérévolutionnaire, à
l’hétérogénéité ethnique,
aux contradictions
multinationales, sociales
et idéologiques, devient un
lieu de conflit de l’ancien
et du moderne, ce qui
stimule la créativité mais
inquiète la bourgeoisie
conservatrice. Double
visage d’une ville où l’antisémitisme gagnait la petite bourgeoisie désemparée devant
la modernisation et celui fiévreux d’une Vienne des cafés littéraires, des milieux
artistiques et scientifiques, politiques aussi, où se préparaient l’avènement du siècle
nouveau qui serait celui du progrès, de la révolution esthétique et intellectuelle et
celui de la paix…
On peut dire que le XXe siècle est né à Vienne à partir des années 1870. Durant ces
fameuses « années des fondateurs », Vienne est passée de la société ancienne à la
société moderne.
Les novateurs se dressent contre l’académisme et la lourdeur de l’art ancien, en
peinture, en musique, en architecture.
La Rot onde, symbole de l’ex position univ erselle de 1873
26
La chauve-souris, cet étrange animal
La chauve-souris
est un mammifère,
le seul à avoir colonisé les airs. Elle possède à
cet effet de grandes ailes membraneuses mais
son corps recouvert de fourrure, ressemble à
celui d’une souris. Son envergure peut varier
selon les espèces européennes de 24cm à 35
cm.
La chauve-souris fait partie des mammifères
microchiroptères dont la plupart sont insectivores
ou se nourissent de petites proies comme les
grenouilles. Les autres sont nectarivores. Le
genre vampire que l’on trouve en Amérique du
Sud, se nourrit de sang. D’où peut-être cette
légende qui entoure les chauve-souris depuis si
longtemps.
Après avoir été chassées – on les a clouées sur
les portes des granges, jusqu’au milieu de XXe
siècle – les chauve-souris sont aujourd’hui
protégées. Il est interdit sous peine de sanction de les détruire, de les collectionner,
de les transporter même mortes, de les capturer. L’ennemi numéro un de la chauvesouris reste cependant l’homme qui détruit les biotopes intéressants pour elle. De
plus l’utilisation d’insecticides, atteignent directement la chaîne alimentaire, puisque
la chauve-souris est un insectivore...
A la fois mythique et mystérieuse, la chauve-souris qui est un animal nocturne, a
depuis la haute antiquité, suscité la peur et le dégoût, enflammé l’imagination par
méconnaissance de cet animal totalement inoffensif. La chauve-souris avec ses ailes
sombres et ses cris stridents (ultra-sons),
est la plupart du temps apparentée au
diable ou au méchant.
La chauve-souris a inspiré le monde du
cinéma fantastique (Dracula ou Batman)
et la bande dessinée. Les fêtes
costumées comme Halloween leur
réservent une belle place avec masques
et capes noirs illustrant des personnages
inquiétants et mystérieux.
L’opérette La Chauve-souris raconte la
vengeance du Docteur Falke, qui était,
au moment de sa mésaventure, déguisé en chauve-souris (ce costume peut laisser
supposer l’esprit vengeur du personnage).
Par contre en Chine, la chauve-souris a eu plus de chance parce le caractère chinois
« fu » bonheur est un homonyme de « fu » chauve-souris. Le motif de la chauvesouris a donc été utilisé pour illustrer le bonheur.
27
28
ANNEXES
CD d’accompagnement : liste du contenu
Pistes
Intitulé
1
Ouverture
2
Adèle
Das schreibt meine schwest er Ida
3
Alfred
Täubc hen, das entflattert ist
4
Adèle/Rosalinde
Ach, ich darf nicht hin zu dir !
5
Ros alinde/Alf red
Die arme Tante. Aber was soll ich machen ?
6
F et E
Zum Teufel mit deiner Leimsiederei
7
R et E
O Gott, wir rührt mich dies !
8
Alfred
Trinke, Liebchen, trink e schnell
9
Frank
Folgen Sie nun schnell
10
Final
Mein Herr, genug der Zärtlichkeit
11
Ouverture
Ein Souper heut uns winkt
12
Orlofsky
Ich lade gern mir Gäste ein
13
Orlofsky
Ich lade gern mir Gäste ein
14
Adèle
Sehr komisch, Herr Marquis, sind Sie !
15
Duo R et E
Belieben zu scherzen !
16
Ros alinde(Csardas)
O Land, wo so glücklich ich war !
17
Eis enstein
Bravo ! Bravissimo !
18
Champagne
Im Feuerstrom der Reben
19
Falke
Folgt meinem Beispiel : das Glas zur Hand
20
Ballet
21
Polka
22
Alfred/Froch
Täubc hen, das entflattert ist
23
Frank ivre
So, da wär’n wir ja zu Hause im Vogelhaus
24
Adèle
Wenn Sie das gesehn
25
La dis pute
Da Sie alles wissen nun
26
Finale
Rosalinde, verzeih deinem treuen Gabriel
29
25 extraits de La Chauve-souris utilisés sont tirés de l’enregistrement dirigé en 1976
par Carlos Kleiber à la tête du Bayerischer Staatsopernchor et Bayerisches
Staatsorchester.
Avec : Hermann Prey (Gabriel von Eisenstein), Julia Varady (Rosalinde), Lucia Popp
(Adele), Iwan Rebroff (Prinz Orlofsky), René Kollo (Alfred), Bernd Weikl (Dr. Falke),
Benno Kusche (Frank), Evi List (Ida)
1 extrait (piste 13) est tiré de l’enregistrement dirigé par Nikolaus Harnoncourt à la
tête du Concertgebouw Orchestra, Amsterdam, du Nederlandse Opera Chorus.
Avec : Marjana Lipovsek (Prinz Orlofsky)
30
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