TH 721 - MAI-JUIN 2010 prescription et le plan de soins informatisé et adopte le logiciel CROSSWAY en remplacement de l’application MEDIS qui ne gérait que le recueil réglementaire (PMSI : programme de médicalisation des systèmes d’information) et la bureautique. Dans l’attente du DMP, il décide en 2008 d’automatiser la diffusion de courriers (avis d’hospitalisation, passage aux urgences, courriers de sortie…) de l’hôpital vers les boîtes aux lettres sécurisées des praticiens de ville. Pour ce faire, il recourt à la messagerie sécurisée de TSA, car elle est « opérationnelle, simple et gratuite pour les médecins de ville », avec l’utilisation de la solution ANTARES d’ENOVACOM. La transmission via messagerie sécurisée TSA apporte une simplification par rapport aux problématiques lourdes à gérer dans le DMP : il n’est pas nécessaire de disposer d’un identifiant de santé national ou régional, et la gestion des habilitations et du consentement est facilitée du fait de communications point à point et non vers un entrepôt de données. Après les phases de mise au point technique et d’expérimentation avec quelques services pilotes, la généralisation de ces envois à l’intérieur de l’établissement est en cours (extension à d’autres services de soins, mais aussi pour l’envoi des comptes rendus d’examens externes par exemple). Le dispositif sera naturellement amené à être revu avec la montée en charge du DMP ou la mise en place d’un portail extranet. Toutefois, il aura permis de mettre en lumière les difficultés auxquelles de telles démarches peuvent se heurter, notamment celle de décider qui est habilité à déclencher la transmission électronique. Si tous les acteurs s’accordent à dire qu’une validation médicale est nécessaire avant cet envoi, le passage d’une validation manuscrite à une validation électronique n’est pas une opération si simple qu’il peut y paraître. Dans un circuit papier par exemple, la secré- Hôpital, patient, système d’information Saint-Paul-lès-Dax 4% Saint-Julien-en-Born 4% Saint-Jean-de-Luz 4% Pardies 4% OloronSainte-Marie 4% Villeneuve-de-Marsan 4% Tartas Bayonne 4% 4% Biarritz 8% Bizanos 4% Capbreton 4% Coarraze 4% Dax 4% Morlaas 4% Gelos 4% Montfort-enChalosse 4% Mont-de-Marsan 27 % Hendaye 4% Lembeye 4% Graphique 1 – [titre ?] Répartition des professionnels de santé libéraux par commune taire médicale édite les documents et les soumet au médecin. Celui-ci peut les signer s’ils sont corrects ou au contraire les annoter ou dicter directement les corrections à la secrétaire. Dans un circuit électronique, le médecin dispose d’un tableau de bord listant les documents en attente de validation. Il peut les visualiser un à un tout comme il le faisait avec la pile de courriers papier et valider ceux qui sont corrects d’un simple clic. Pour ceux qui sont erronés, selon l’ampleur des corrections et la maîtrise du traitement de texte par le médecin, la démarche peut être plus compliquée qu’avec le circuit papier (appel de la secrétaire qui doit quitter son poste, impression du document erroné pour y porter des annotations…). Des solutions au cas par cas sont à rechercher en tenant compte du rôle clef de la secrétaire médicale dans l’élaboration des courriers en lui permettant de participer à la dynamique d’échange tout en veillant à garantir la qualité des informations transmises. Une approche du système d’information de territoire JOSEPH BERTHIAU, responsable du département conseil et techniques avancées, Syndicat interhospitalier de Bretagne, Rennes (35) D epuis la création des agences régionales de l’hospitalisation, l’activité de soins est en constante réorganisation, via les schémas régionaux d’organisation sanitaire et les contrats d’objectifs et de moyens. La loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) 7 apporte un cadre juridique à cette mutation, dont l’organisation en territoires de santé et en communautés hospitalières de territoires constitue l’une des principales orientations. Les systèmes d’information hospitaliers doivent évo- Dossier Dossier 8 Hôpital, patient, système d’information luer pour permettre et faciliter la mise en place de ces nouvelles organisations mutualisées. Deux axes au moins sont à considérer dans ces évolutions : la continuité des soins au patient à l’intérieur du territoire de santé, et la mutualisation de plateaux ou ressources techniques : laboratoire, imagerie, pharmacie… Continuité des soins au patient Il s’agit de mettre en place un système d’information qui suive le patient dans son parcours médical ou trajectoire de soins, à l’intérieur du territoire de santé ou d’une communauté hospitalière. L’exemple suivant et Schéma 1 - Continuité des soins au patient tout au long de son parcours Lettre d'hospitalisation Compte rendu d'hospitalisation Médecine, chirurgie, obstétrique Médecin traitant Résultats d'examens Prescription de soins Ordonnance de sortie Compte rendu d'hospitalisation Compte rendu d'hospitalisation Résultats d'examens Ordonnance de sortie Synthèse infirmière Prescription de soins Synthèse infirmière Soins infirmiers à domicile Soins de suite et de réadaptation Schéma 2 - Mutualisation du système d’information médico-techniques ( ?) Service médico-technique mutualisé Demandes et prescriptions Résultats Facturation Consultation dossier patient TH 721 - MAI-JUIN 2010 le schéma 1 illustrent cette trajectoire : • le patient est adressé à l’hôpital par son médecin traitant qui adresse à l’établissement son courrier de demande d’hospitalisation ; • il est ensuite pris en charge dans une unité MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) de l’hôpital général. À la fin du séjour, il peut être orienté vers un établissement de convalescence SSR (soins de suite et de réadaptation). L’établissement MCO transmet alors à l’établissement SSR et au médecin traitant les documents médicaux nécessaires à la continuité de sa prise en charge ; • en fin de séjour SSR, le patient rentre à son domicile et le relais est transmis au médecin traitant pour la partie médicale et à une unité de soins infirmiers à domicile (Siad). Ces professionnels reçoivent les documents qui permettront sa prise en charge. Le système d’information de territoire a pour objet la communication de ces données médicales pour une qualité optimale des soins, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges et sous réserve du consentement des patients. Mutualisation des plateaux techniques Deux modes de mutualisation peuvent être envisagés pour les plateaux techniques : • prestations d’un des établissements au bénéfice des autres, si la réglementation le permet ; • externalisation dans une structure tierce (groupement de coopération sanitaire par exemple), préexistante ou créée spécifiquement (Schéma 2). Quel que soit ce mode de mutualisation, les flux d’informations à destination, en provenance ou à l’intérieur du système médico-technique sont modifiés : • les demandes, prescriptions, résultats d’examens ou de dispensation proviennent de, ou sont à ventiler vers plusieurs entités ; • l’accès aux dossiers médicaux des patients en lecture, voire en mise à jour, doit être possible depuis une structure prestataire désormais extérieure ; • l’empreinte administrative et comptable du système d’information médico-technique est différente pour fournir les éléments justificatifs d’activité (tickets d’unités d’œuvre) en vue de la facturation des prestations. Certains plateaux techniques peuvent avoir à gérer des patients en propre, consultants externes clients du laboratoire ou de la pharmacie (rétrocessions), d’où la nécessité d’une gestion des patients et de la relation avec l’assurance maladie. Certains systèmes médico-techniques, spécifiquement TH 721 - MAI-JUIN 2010 hospitaliers, doivent donc être adaptés pour intégrer ces contraintes introduites par l’externalisation de la prestation. Démarche La mise en place d’un système d’information de territoire ou de communauté suppose que les structures participantes aient préalablement informatisé leur dossier médical. Elle requiert une volonté politique forte, partagée par tous les acteurs, responsables opérationnels, directions des structures, tutelles, avec en particulier un accord sur la prise en charge financière de l’outil commun, en investissement et en fonctionnement. Les aspects de responsabilités transversales doivent être clarifiés, en particulier dans les domaines de l’identito-vigilance, de la gestion du référentiel commun (dont les habilitations), de la responsabilité de l’information médicale « de territoire », de la gestion d’une infrastructure technique commune et des responsabilités médico-légales et administratives. La qualité de la démarche de préparation sera déterminante pour le succès du projet. La phase initiale sera faite de contacts entre les acteurs de l’ensemble du « territoire » concerné (structures de santé et médecine de ville, le cas échéant) pour une bonne appropriation et une détermination aussi précise que possible du périmètre de la mutualisation et des modes de coopération à mettre en place. La justesse de l’identification des cas d’usage donc des flux d’information « métier » entre les structures est essentielle. Une cartographie de ces flux et de l’optimisation des processus de soins doit étayer ces travaux. Approche de solution Il apparaît aujourd’hui illusoire d’envisager la fusion pure et simple des systèmes informatiques hospitaliers et des logiciels actuels de cabinets dans une seule base de données des patients du territoire : les entités juridiques, donc les activités et les ressources, restent administrativement séparées, des différences importantes subsistent entre le financement de l’activité libérale et celui du service public. L’offre logicielle n’existe pas. L’approche « interopérabilité » constitue donc une première étape, probablement durable, avant l’émergence de ces systèmes qui fusionneront les systèmes d’information hospitaliers, les logiciels de cabinet et le dossier médical du patient (DMP). Le socle minimal de cette interopérabilité est constitué par : • un référentiel partagé du territoire pour l’identifi- Hôpital, patient, système d’information cation des patients et des professionnels de santé. Pour les patients, il est basé sur une charte commune d’identification des patients (cellule d’identito-vigilance) et un identifiant commun des patients (l’identifiant national de santé, INS), éventuellement complété par un service de rapprochement des identités ; pour les professionnels, il sera constitué d’un annuaire partagé des professionnels et des structures exerçant dans le territoire ; • une infrastructure d’échanges ou de partage composée d’une messagerie sécurisée (par exemple : la messagerie régionale sécurisée quand elle existe), le moment venu du DMP (usages à préciser) et d’un réseau sécurisé de télécommunications. En fonction des usages professionnels, ce socle minimal pourra s’enrichir de services complémentaires qui contribueront à une meilleure prise en charge du patient, par exemple : • un portail commun de territoire, fédérateur des accès au système d’information du territoire, y compris pour la médecine de ville. Ce portail peut garantir l’authentification des acteurs, grâce à la carte de professionnel de santé (CPS) et à l’annuaire. Il peut également donner une vision commune de la trajectoire (historique), voire du dossier du patient. Il peut être vital de savoir, lors de son admission aux urgences, que le patient possède un dossier médical à la clinique voisine ; • un service de documents médicaux partagés permettant un travail médical collaboratif ; • un intranet collaboratif pour le partage des protocoles ou de la documentation ; • etc. Évolution des systèmes d’information hospitaliers Pour accompagner et « supporter » cette nouvelle organisation des soins, les systèmes d’information hospitaliers devront évoluer selon les axes suivants : • s’ouvrir sur les acteurs externes et la sécurisation : aptitude à l’échange du logiciel de dossier médical, possibilité d’accès au dossier par des prestataires médico-techniques externes, signature électronique des documents échangés ou partagés, réseau sécurisé de territoire… ; • prendre en compte les référentiels communs : identification des patients (INS), annuaire des professionnels, format des documents échangés, nomenclatures… ; • privilégier les standards : identités patients (IHE 9 Dossier Dossier 10 Hôpital, patient, système d’information - Integrating the Healthcare Enterprise), identification des professionnels (recommandations du Groupement pour la modernisation du SIH [GMSIH] sur les annuaires d’établissements de santé, le répertoire partagé des professionnels de santé [RPPS]), échange et partage de documents (cadre d’interopérabilité de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé [Asip]) ; • adapter les systèmes d’information des plateaux techniques (multi-entités « clientes », demandes, prescriptions, résultats provenant de ou à ventiler vers plusieurs entités, gestion économique et financière, plan comptable, calcul d’unités d’œuvre spécifiques, gestion « administrative » des patients). Accompagnement du projet de système d’information de territoire En raison du caractère supra hospitalier de ces projets, leur gouvernance pourra être sensible. C’est pourquoi le recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage paraît indispensable pour cadrer le projet, cartographier le nouveau système d’information, conduire ou coordonner les études sur la sécurité et les réseaux, TH 721 - MAI-JUIN 2010 organiser le projet de mise en place et accompagner la conduite du changement lors du déploiement. En l’état de l’art, la solution fera généralement appel à plusieurs composants logiciels qu’il convient d’intégrer, sous la direction d’une maîtrise d’œuvre. L’exploitation de cette plateforme d’interopérabilité ainsi constituée pourra être infogérée par un prestataire ou par un des établissements, sous réserve d’une définition claire des ressources et responsabilités associées. La qualité de cet accompagnement du projet en sera un des facteurs clés de succès. ÂIl convient de préciser que l’approche développée ici résulte de réflexions qui attendent d’être concrétisées par des réalisations effectives. Elle est cependant confortée par l’expérience des plateformes régionales de santé dont elle partage certains outils. Au regard d’un projet médical commun, elle peut sembler modeste dans son niveau d’intégration. Mais elle tente de répondre avec réalisme aux besoins d’accompagnement et d’évaluation des premières expériences de coopération médicale de territoire.