LES PERITONITES POST-OPERATOIRES CHEZ LE SUJET AGE

Médecine du Maghreb 2000 n°81
RESUME
Les auteurs rap p o rtent 16 cas de péritonites post-opé-
rat o i r es (PPO) après ch i ru r gie dige s t i ve, chez les
patients âgés de plus de 60ans. C’est une étude rétros-
pective colligée dans le service de réanimation sur une
période de 10 ans. Le but est de déterminer les facteurs
pronostiques qui déterminent la mortalité. L’âge moyen
est de 68 ans avec un sex - r atio :1/2. L’ a n a lyse sémio-
logique montre que les signes cliniques sont nombreux
et peu spécifiques. Les défaillances viscérales sont
d’apparition précoce, dominées par l’insuffisance réna-
l e. La mortalité globale est de 68,6 %. L’ â ge, les tare s
associées, le retard de ré-interventions et le nombre de
d é faillances mu l t i - v i s c é r ales sont les principaux fa c -
teurs qui influencent d’une manière significative la mor-
talité. Pour les auteurs, l’amélioration du pronostic pas-
se par un ra c c o u rcissement du délai opérat o i re ava n t
l’apparition des défaillances viscérales.
p é ritonite a été véri fiée à la rep rise ch i ru rgi c a l e . Les
patients, au stade terminal d’une pathologie maligne, pour
lesquels un geste palliatif a été appliqué sont exclus.
RESULTATS
Il s’agissait de 11 hommes pour 6 femmes dont l’âge
m oyen était de 68 ans (extrême65-86). Douze pat i e n t s
étaient porteurs d’une ou de plusieurs tares (tableau 1). La
maladie initiale était maligne dans 67 % des cas.
Tableau 1 : La mortalité en fonction des antécédents
L’ a n a lyse sémiologique a montré que les signes cl i n i q u e s
étaient nombreux et peu spécifiques (tableau2).
Tableau 2 : La symptomatologie clinique
Les signes digestifs étaient marqués par un syndrome dou-
l o u reux abdominal quasi constant. En effet, la douleur
LES PERITONITES POST-OPERATOIRES
CHEZ LE SUJET AGE
R. HSSAIDA*, M. DAALI**, R. SEDDIKI*, M. ZOUBIR*, K. ELGUELAA*, M. BOUGHALEM*
* Service d’anesthésie-réanimation Hôpital Militaire Marrakech
** Service de chirurgie générale Hôpital Militaire Marrakech
INTRODUCTION
Les sujets âgés de plus de 60 ans représentent 20 % du
collectif admis dans les services hospitaliers (5). Pa ra l l è -
lement le progrès en matière de soins a permis d’intervenir
sur des malades de plus en plus âgés. Cette évolution expli-
que limpact suscité par la prise en ch a r ge médicale de
cette population. Pa rmi les gestes effectués chez le sujet
âgé, la chirurgie digestive représente le quart des interven-
tions (4). Le but de notre étude a été de déterminer les
facteurs pronostiques des péritonites post-opératoires chez
cette population.
METHODE ET PATIENTS
Cette étude rétro s p e c t ive a porté sur 16 malades âgés de
60 ans ou plus, qui ont présenté une PPO généralisée après
chirurgie digestive. Tous nos malades ont été réopérés et la
Tares Nb de
patients Nb de
décès %
Cardiovasculaire 7 6 85,7
Bronchopneumopathie 4 2 50
Obésité 2 1
Corticoïdes 1 1
Symptomatologie Nb de
malades %
Fièvre 11 68,7
Tachycardie 8 50
Douleur 12 75
Défense 4 25
Météorisme 2 12,5
Stase 6 31,25
Ileus 2 12,5
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abdominale a été retrouvée dans 75 % des cas. C’était une
douleur généralement d’ap p a rition bru t a l e, spontanée ou
p rovo q u é e. La stase ga s t r ique (aspiration supéri e u r e à
1500 ml) a été observée chez 31,25 % des malades. Une
d é fense localisée de la paroi abdominale a été re t ro u v é e
dans 25 % des cas. L’ileus a été rapporté chez deux mala-
des. Les signes patents de péritonite tels un écoulement
purulent ou une contracture abdominale n’ont pas été rap-
portés.
La fièvre, soit une température supérieure à 38,50 C° a été
retrouvée chez 11 patients (68,7 %), elle apparaissait dans
les 5 premiers jours postopératoires. La moitié des malades
a présenté une tachycardie non liée à la température et en
absence de défaillance mody n a m i q u e. L’ i n s u ffi s a n c e
rénale a été notée dans 75 % des cas. Elle était relativement
précoce, survenant dans les premiers jours. Tous les mala-
des ont présenté au moins une défaillance viscérale au
moment du diag n o s t i c. Les diff é rentes faillances sont
détaillées dans le tableau 3.
Tableau 3 : Les défaillances viscérales
Le nombre de défaillances cumulées par patient est repré-
senté dans le tableau 4.
Tableau 4 : Nombre de défaillances par malade
L’ hy p e r- l e u c o cytose (supéri e u re à 12000) a é observ é e
dans 63,7 % des cas. Cinq patients ont présenté une acido-
se métabolique associée à l’insuffisance rénale.
Les hémocultures ont été réalisées chez 12 patients. Dans
la moitié des cas, les germes ont été identifiés.
L’ é ch o graphie a contri b au diagnostic des PPO dans
70 % des cas, par la mise en évidence d’un épanchement
p é ritonéal ou des collections. L’ o p a c i fi c a tion dige s t ive a
été réalisée chez deux patients, où elle a montré une fuite
extra-digestive du produit de contraste.
Tous les malades de la série ont été réopérés. Cinq patients
(31,2 %) en moins de 24H, cinq autres au cours des
2 premiers jours, enfin six patients à partir du 3ème jour.
Les décès pris en compte étaient liés directement à la PPO
dans un délai d’un mois. Les morts tardives dues à l’évo-
lution nat u r elle d’une pat h o l ogie maligne n’ont pas été
incluses dans l’étude. La mortalité globale dans notre série
était de 68,7 %.
L’ existence d’une tare a été re t r ouvée chez 12 malades,
dans ce groupe, la mortalité était de 75 %. Elle s’élevait à
85,7 % chez les patients présentant une maladie cardio-vas-
c u l a i re. Dans cette ri e, la présence de plus de 2 tare s
faisait passer la mortalité à 100 %.
Tous les malades ont été évalués selon la cl a s s i fi c at i o n
ASA, mais ce facteur ne modifiait pas d’une façon signifi-
cative la mortalité.
L’incidence des défaillances viscérales sur la mortalité était
évidente. La mortalité qui était de 25 % en présence d’une
seule défaillance passait à 62,5 % pour 2 défaillances et à
100 % pour plus de 3 défaillances viscérales.
Le retard de ré-intervention avait un impact significatif sur
le pro n o s t i c. Ainsi la mortalité qui était de 50 % pour les
patients opérés dans un délai de 24H passait à 75 % quand la
ré-intérvention était effectuée après 48 H. Les reprises tardi-
ves au-delà de 72H ont eu une évolution fatale (tableau 5).
Tableau 5 : La mortalité en fonction du délai de reprise
R. HSSAIDA, M. DAALI, R. SEDDIKI, M. ZOUBIR,
K. ELGUELAA, M. BOUGHALEM
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Symptomatologie Nb de
malades %Mortalité
%
Défaillance rénale 12 10 83,3
Défaillance
respiratoire 6 4 66,6
Défaillance hépatique 7 7 100
Défaillance
hémodynamique 3 3 100
Défaillance
neurologique 6350
Nb de facteurs Nb de cas Décès %
1 4 25
2 8 62,5
3 4 100 Délai Nb de cas Mortalité %
24 H 5 20
48 H 5 80
72 H 6 100
Médecine du Maghreb 2000 n°81
Les lap a rotomies itérat ives et rap p ro chées interve n a i e n t
également dans le pronostic. Le taux de mortalité qui était
de 50 % pour une seule laparotomie passait 75 % pour plus
de 2 ré-interventions (tableau 6).
Tableau 6 : La mortalité en fonction
du nombre de laparotomies
DISCUSSION
Les infections ritonéales post-opérat o i res chez le sujet
âgé sont gravissimes entraînant une mortalité élevée (6).
L’involution progressive des diverses fonctions physiologi-
ques et l’association fréquentes de pathologies intercurren-
tes sont responsables de la fragilité de cette population.
La présentation clinique est poly m o rphe à l’ori gine d’un
retard de diagnostic. Les signes cliniques spécifiques d’une
péritonite sont absents ou tardifs (8). En effet pour KUNIN
(5) e
t pour notre part, le tableau clinique dominant a été le
s y n d rome douloureux abdominal. Pour cet auteur, la dou-
leur spontanée a été retrouvée dans 95 % des cas. La fièvre
est un signe assez fréquent en postopérat o i r e et dont les
causes extra-digestives sont nombreuses. Toutefois, la sur-
ve n ue d’une fi è v re au décours d’une ch i ru r gie dige s t ive
impose la re ch e r che systématique d’un foyer intra - ab d o -
minal (8). A l’opposé, labsence de la fi è v re ne doit pas
éliminer le diagnostic d’une infection intra - p é ri t o n é a l e.
Dans la série de KUNIN, 60 % des malades étaient apyré-
tiques (5). Par contre, pour LEVY (6), les PPO chez le sujet
âgé ne sont pas asthéniques, elles ont une expression clini-
que identique à celle de la population jeune. Ainsi sur 89
cas de PPO chez les sujets âgés, cet auteur trouve que cha-
que signe est présent chez le vieillard avec la même
fréquence que chez le sujet jeune. Par ailleurs, la sympto-
matologie peut se résumer à une défaillance viscérale iso-
lée ou des signes trompeurs (troubles neuropsychiques) (9).
L’hyper-leucocytose est fréquente en postopératoire. Nous
l’avons noté chez 68 % de nos patients. les autres anoma-
lies biologiques ne permettent pas d’orienter le diagnostic
avant le stade de défaillances viscérales(9).
La mortalité globale des PPO est très variable d’une série à
l’autre. Elle est de l’ordre de 30à 40 % (8). Les PPO chez
le sujet âgé sont caractérisées par la survenue précoce des
défaillances viscérales et par une mortalité élevée (1). Les
facteurs déterminant la mortalité sont liés au terrain et à la
pathologie.
L’âge à lui seul a une influence significative sur le pronos-
tic (7, 10). Ainsi LEVY a rapporté une progression linéaire
de la mortalité avec l’âge. Les mêmes déductions sont rap-
p o rtées par MONTRAVERS (8, 9). En effet, l’âge inter-
vient dans la quasi-totalité des scores de gravité (7).
C ependant pour certains auteurs, l’âge influence d’autant
moins le pronostic que la pathologie est plus lourde (7).
L’âge n’est pas le seul facteur de pronostic. Il est indispen-
s a ble de pre n d r e en compte l’état antérieur du pat i e n t .
Ainsi dans notre étude et celle de LEVY ; les antécédents
c a rd i o - va s c u l a i res ont une incidence signifi c at ive sur la
mortalité. Pour KUNIN, la calcification ASA, le sexe, les
antécédents cardiovasculaire, rénal ou biliaire sont corrélés
à une mortalité élevée (1, 3, 4).
Indépendamment du terrain, la mortalité varie selon le type
de la péritonite. Ainsi la gravité de la péritonite biliaire est
reconnue à tout âge. Elle s’accompagne d’une mortalité de
44,70 % (5).
Les lap a rotomies réalisées en urgence ont une incidence
s i g n i fi c at ive sur la mortalité. Ainsi pour LEVY lors q u e
l’intervention est effectuée en urgence, la mortalité est de
48 % contre 36 % lorsque l’intervention causale est effec-
tuée à froid (6). L’urgence détermine un risque de mortalité
2,5 supérieur à celui observé en cas de ch i ru rgie élective
(2). Dernièrement REISS a déterminé 6 catégories prédicti-
ves de mortalité à savoir, l’âge, l’intervention à froid ou en
u rge n c e, la cl a s s i fi c ation des systèmes vitaux, l’étiologi e
maligne et la constatation per opératoire (5,11).
La sémiologie clinique des PPO est non spécifique. Cette
atypie de la clinique est responsable d’un retard de reprise
chirurgicale (5). En effet il existe une relation directe entre
le lai opérat o i re et la mortalité (6). Nous avons éga l e -
ment fait la même constatation. La survenue de défaillance
viscérale est précoce chez le sujet âgé, dont l’impact sur le
LES PERITONITES… 21
Nombre Mortalité %
1 50
2 74
3 100
Médecine du Maghreb 2000 n°81
22 R. HSSAIDA, M. DAALI, R. SEDDIKI, M. ZOUBIR,
K. ELGUELAA, M. BOUGHALEM
pronostic est soulevé par de nombreux auteurs. Ainsi l’ap-
p a rition de la pre m i è re défaillance fait passer la mort a l i t é
de 43 à 88,5 % (6).
Cette incidence des défaillances viscérales paraît clairement
dans notre travail. En effet, l’apparition d’une seconde défail-
lance fait doubler la mortalité. Pour LEVY, il est nécessaire
pour améliorer le pro n o s t i c, de décider la ré-interve n t i o n
avant l’apparition du premier facteur de gravité (6).
CONCLUSION
L’âge n’est pas le seul facteur qui influence le pronostic. Il
faut également prendre en considération l’état antérieur du
p atient, la gravité de la maladie initiale et le délai opéra -
toire. L’amélioration du pronostic passe nécessairement par
une optimisation de l’état clinique et une reprise chirurgi-
cale précoce.
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