Propriétés mécaniques des cellules et tissus - ENS-phys

publicité
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
Compte-rendu du séminaire de la FIP du 9 décembre 2008
Propriétés mécaniques des cellules et tissus
Jean-François Joanny
Institut Curie
Introduction
I. Cytosquelette Actine-Myosine et systèmes actifs
1. Présentation du cytosquelette
2. Expériences
3. Structure d'un gel acto-myosinique
4. Systèmes actifs
II.
Théorie hydrodynamiques des gels actifs
1. Théorie hydrodynamique
2. Contrainte mécanique
III.
Anneaux contractiles
1. Pinçage d'anneau dans des oeufs de Xénope (étudié par Mandato,
Bement)
2.Théorie des gels actifs appliquée aux anneaux contractiles
3. Formation d'un anneau pendant la mitose
Conclusion
Questions de la salle
1
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
Introduction
Le monde cellulaire est un univers très dynamique. Les cellules se divisent, se déplacent,
échangent des informations entre elles… Toutes ces fonctions indispensables à la vie cellulaire
nécessitent de l’énergie. La source d’énergie des cellules est l’ATP, une petite molécule comportant
trois phosphates. Ce sont les liaisons chimiques entre les phosphates qui, lorsqu’elles se rompent,
fournissent l’énergie aux cellules. La cellule peut alors utiliser cette énergie chimique et la
transformer en énergie mécanique grâce aux moteurs moléculaires.
Jean-François Joanny, chercheur à l'institut Curie, a présenté une approche quantitative et
physique du fonctionnement des moteurs moléculaires en modélisant le cytosquelette comme un
système hydrodynamique qui ne serait pas à l'équilibre thermodynamique (dit système actif).
Par manque de temps, seule la partie sur le comportement actif des cellules a été exposée.
Molcule d'ATP
2
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
I. Cytosquelette Actine-Myosine et systèmes actifs
1. Présentation du cytosquelette
Le cytosquelette d'une cellule est l'ensemble organisé des polymères biologiques qui lui
confèrent l'essentiel de ses propriétés mécaniques. La référence terminologique au « squelette » des
vertébrés est cependant trompeuse puisque :
– toutes les composantes du cytosquelette sont renouvelées par polymérisation en
permanence.
– Le cytosquelette est à l'origine de la plupart des forces exercées par la cellule pour se
déplacer et se nourrir, ce en quoi il s'apparente plutôt à un ensemble de « muscles ».
– enfin, les propriétés mécaniques du cytosquelette sont très variables suivant les composantes
et les situations considérées.
Le cytosquelette des eucaryotes est constitué de polymères biologies protéiques, que l'on
nomme fibres au vu de leur grande taille à l'échelle cellulaire. Ces polymères sont classés en trois
catégories : les filaments d'actine (que l'on retrouve également dans les fibres musculaires) d'un
diamètre de 5 à 9 nm, les filaments intermédiaires d'un diamètre de 10 nm et les microtubules d'un
diamètre de 25 nm. Les polymères sont organisés en réseaux, faisceaux ou câbles suivant les rôles
qu'ils remplissent. Ce haut niveau d'organisation est rendu possible par la présence de centaines de
protéines auxiliaires (protéines de pontage, de branchement, protéines capuchon et
dépolymérisantes, d'ancrages).
Durant le séminaire, il n'a été question que des filaments d'actine et des moteurs
moléculaires constitués de myosine.
Eléments du cytosquelette
(Bleu : noyaux, Vert : microtubules, Rouge : actine)
3
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
2. Expériences
Avant de rentrer dans les détails de la constitution des filaments d'actine et des moteurs
moléculaires, voici les résultats de deux expériences qui mettent en lumière le lien entre ces derniers
et les propriétés mécaniques d'une cellule.
Première expérience :
On place dans un tube capillaire d'un diamètre de 400 nm et accéléré 180 fois un gel d'
actine-myosine. A t = 0 s, on libère de l'ATP, ce qui revient à libérer de l'énergie dans le
système.
On observe alors le ménisque se creuser. En effet, les moteurs moléculaires créent une
tension dès la libération de l'énergie, tension qui amène à une contraction plus forte du
gel.
Connaissant la courbure du ménisque et les tensions superficielles de surface, on peut
alors calculer la pression et les contraintes subies par le système, qui sont de l'ordre de
1000 Pa.
(Expérience de G. Koenderink et D. Cuvelier)
Gel dans le capillaire
Deuxième expérience :
On empêche une cellule (fibroplaste T3) de s'accrocher à une
surface, des ions calcium sont présents dans le milieu
extérieur.
On observe alors des oscillations stables (elles ne cessent
qu'au bout de plusieurs heures). La période de ces oscillations
est extrêmement bien définie (de l'ordre de 30s), même si une
dérive est observée au bout d'un temps long.
Fibroplaste T3
Il est intéressant d'observer les réponses de ce système lors de l'injection de différentes
drogues. Ainsi, si une drogue qui détruit l'actine est libérée dans le milieu, les oscillations cessent,
de même si on libère une drogue qui détruit les moteurs moléculaires.
4
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
La présence du calcium dans le milieu extérieur est importante. La membrane de la cellule
possède des canaux, par lesquels le calcium va pénétrer, les oscillations ne commencent que suite à
cette pénétration et si la concentration en calcium est supérieure à un certain seuil. Ainsi, une fois
les canaux bouchés, les oscillations cessent.
Ainsi, les oscillations dépendent des propiétés
contractiles de l'actine et de la concentation en
calcium (via un seuil).
La période des oscillations d'environ 30s
dépend de l'activité de la myosine (ie les
moteurs moléculaires).
Oscillations du rayon
Les oscillations s' interprètent comme une instabilité mécanique de la couche corticale de la
cellule (là où l'actine est localisée).
(Expérience de P. Pullarkat)
On a réussi à modéliser ces phénomènes de façon satisfaisantes.
3. Structure d'un gel acto-myosinique
•
Les Filaments d'actine
Les filaments sont polaires, du fait de l'asymétrie du monomère d'actine et de leur
assemblage en hélice, et sont l'objet de « treadmilling » (tapis roulant en français), ie une des
extrémités (dite (+)) peut polymériser beaucoup plus vite que l'autre (dite (-)), il en résulte un
déplacement d'équilibre vers la polymérisation du côté (+) et vers la dépolymérisation du côté (-).
Ces deux déplacements d'équilibre concomitants font que la chaîne croît en permanence du côté (+)
et décroît du côté (-).
5
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
Phénomène de treadmilling
Un gel se forme suite à l'accrochage des filaments entre eux par le biais de protéines. Le gel
ainsi obtenu est un milieu élastique, caractérisé par une constante d'Young de 100 Pa, semblable à
celle de la jelly anglaise. Le diamètre d'un tel gel est en moyenne de 100 nm.
•
Les moteurs moléculaires
La cellule peut utiliser cette énergie chimique et la transformer en énergie mécanique grâce
aux moteurs moléculaires. Il existe trois grandes familles de protéines capables de produire du
mouvement ou une force au sein de la cellule : les myosines, les kinésines et les dynéines.
Les myosines sont capables d’exercer une force ou de se déplacer le long des microfilaments
d’actine1. Elles se détachent de l’actine, récupèrent de l’énergie chimique (ATP) qu’elles
convertissent en énergie mécanique grâce à une série de réarrangements internes (changements
conformationnels). Cela leur permet ensuite de s’attacher de nouveau et de produire une force sur le
filament d’actine. L’association des microfilaments d’actine et des myosines forme en quelque sorte
les « muscles » de la cellule.
Ces moteurs moléculaires participent à diverses fonctions cellulaires essentielles, telles que
le trafic intracellulaire, la locomotion cellulaire, la mise en place et le maintien dynamique de
nombreuses structures de la cellule, la division cellulaire, l’adhérence des cellules et la signalisation
cellulaire.
6
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
On dénombre dans la famille des myosines pas moins de 17
moteurs moléculaires distincts qui se déplacent le long des filaments.
Toutes les myosines sont constituées d’une tête, qui contient le domaine
moteur, d’un cou comprenant des domaines de régulation et enfin d’une
queue, région très variable d’une classe à l’autre, qui contient des
motifs structuraux dont l’interaction spécifique avec d’autres protéines
permet la localisation d’une classe de myosine sur un compartiment
cellulaire particulier.
Myosine
Les moteurs moléculaires marchent sur le filament d'actine toujours dans le sens de
l'extrémité (+), ce qui permet d'exclure un modèle de marche au hasard.
Comme les moteurs se décrochent puis se raccrochent, on travaille avec des agrégats de
moteurs (en microfilaments), ce qui permet d'en avoir toujours un d'accroché.
7
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
Trouver un modèle microscopique pour le moteur est un sujet de recherche actuelle qui
implique notamment le domaine de la physique des polymères. L'idée du travail de J-F. Joanny est
d'étudier le comportement du système à grande échelle et sur des temps longs pour raisonner en
continu et pouvoir utiliser les symétries du problèmes.
4. Systèmes actifs
Les gels actifs, par le fait qu'ils sont fluides, polaires et consommateurs d'énergie, se
rapprochent de modèles hydrodynamiques. On peut citer quelques autres exemples de tels systèmes
actifs :
– la turbulence bactérienne (étudiée par Kessler et Goldstein)
Une bactérie peut être considérée comme fluide car elle est animée de mouvements
intérieurs. Elle est bien polaire, le mouvement s'effectuant toujours dans la même direction.
Finalement la bactérie consomme du dioxygène. Il s'agit bien d'un système actif.
Quand on calcule le nombre de Reynolds de cet écoulement, on trouve R ~10-7, ce qui
caractérise un écoulement non turbulent.
On s'attend à une très grande fluctuation de la densité qui serait due à l'activité du système.
– Les matériaux granulaires vibrants (étudiés par Narayan et al.)
– Les colloïdes et nématiques actifs (étudiés par Ramaswamy et al.)
Cette approche peut s'appliquer aux comportements collectifs d'animaux (étudiés par Vicsek, Toner,
Chaté, Carere) :
– Dans les bancs de poissons, chaque poisson ressentant la vitesse du voisin.
– Dans les rassemblements d'oiseaux, on peut observer la propagation d'ondes.
De façon générale, on observe une propagation d'ondes dans tous ces systèmes actifs. Cette
généralité du comportement de ces systèmes trouve son origine dans le partage de seulement
quelques propriétés (fluide, polaire, actif).
8
Manon Michel
L3 de physique
II.
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
Théorie hydrodynamique des gels actifs
1. Théorie hydrodynamique
On modélise tout le système, constitué d'eau, des filaments d'actine et des moteurs
moléculaires, par un gel fluide et incompressible. Les relations entre les flux et les forces sont prises
comme linéaire. Finalement, on se base seulement sur les symétries du problème pour le
caractériser. Les symétries du système sont :
– la symétrie polaire (direction des filaments) : vecteur p, tenseur qαβ = pαpβ - 1/3p²δαβ
– la symétrie nématique : l'ordre est paramétré par le tenseur qαβ
– la symétrie par renversement du temps (on considère les composantes élastique et
dissipative du problème indépendamment)
– les effets actifs (les moteurs, décrits en terme de consommation d'ATP)
– les « forces » actives (énergie que l'on doit injecter dans le système pour l'hydrolise d'une
molécule d'ATP) : Δμ = μATP – μADP – μPi
2. Contrainte mécanique
Les propriétés de ce système hydrodynamique donne un encadrement de son temps
caractéristique : tiquide<< τ << tsolidel.
On obtient alors des équations de contraintes, en utilisant le modèle le plus simple pour ce
type de transition, celui de Maxwell, qui met en valeur un couplage entre la contrainte et la
polarisation :
La contrainte active σ est caractérisée par le couplage entre myosine et filaments d'actine,
qui donne une différence normale de contrainte. Le coefficient d'activité ζ est négatif (contractile).
En conclusion, il faut noter l'importance de l'effet des moteurs et de l'effet de l'orientation,
qui va donner une contrainte de rappel antisymétrique.
9
Manon Michel
L3 de physique
III.
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
Anneaux contractiles
Quand une cellule subit une mitose, la division est la conséquence du pinçage d'un anneau.
On peut alors se poser la question de sa formation puis de son pinçage, via l'étude de contraction du
gel.
1. Pinçage d'anneau dans des oeufs de Xénope (étudié par Mandato,
Bement)
Le xénope est un organisme modèle car l'oeuf, d'un diamètre de 10 mm, peut être facilement
étudié.
Sous la membrane de l'oeuf, se trouve une couche d'actine avec des moteurs
moléculaires. A l'aide d'un laser très localisé, on procède à une photoablation
dans la couche d'actine (la tache noire sur l'image de droite).
Au lieu d'observer l'agrandissement rapide du trou (comme dans le cas d'une bulle de savon
par exemple), le trou se referme.
Ce phénomène s'explique par le fait que la compétition entre les moteurs moléculaires
proches du trou (qui tendent à le refermer) et ceux plus éloignés (qui tendent à l'agrandir) est
remportée par les premiers car la photoablation cause une augmentation de la concentration des
moteurs moléculaires au voisinage du trou. Ainsi, il apparaît un gradient de contrainte qui va
engendrer un écoulement d'actine vers le trou, afin de réobtenir l'équilibre mécanique (somme des
forces nulle).
La contraction se fait lentement, à une vitesse de 0,04 μm/s, la vitesse maximum atteinte à
l'extérieure des bords du trou étant de 0,12 μm/s.
Sur cette image, on peut voir l'orientation des filaments
d'actine et donc la direction des vitesses : orthoradiale loin du trou
et radiale dans la bordure. L'orientation des filaments est due à
l'écoulement d'actine, provoqué par le gradient d'activité des
moteurs moléculaires, et donc de contrainte. L'ordre nématique a
changé de signes entre les deux régions.
10
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
2. Théorie des gels actifs appliquée aux anneaux contractiles (G. Salbreux)
Les équations qui décrivent ce phénomène sont les suivantes :
Dans la première équation, Q rend compte de l'ordre nématique : négatif si le filament est
orthoradiale, positif si le filament est radiale.
Dans la deuxième équation, l'orientation des filaments est couplée au champ de vitesse.
Il faut que la réponse de la cellule en production de moteurs moléculaires dans la bordure du
trou soit assez importante pour que le trou se referme. Un seuil critique d'activité a ainsi été mis en
évidence :
On peut alors calculer l'orientation, la contrainte et la vitesse. On observe ainsi un
changement d'orientation en fonction de la concentration en moteurs moléculaires :
Il convient de remarquer que le problème est grandement simplifié par la géométrie plane et
cylindrique.
11
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
3. Formation d'un anneau pendant la mitose
Pendant la mitose, la cellule se divise en deux répliques identiques à la cellule mère. Nous
nous intéressons ici à l'anneau contractile, qui, en se pinçant, va diviser la cellule en deux.
Mitose
12
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
On marque l'actine pour mesurer son orientation en fonction de la couleur observée au
moment où un fourreau de clivage est apparu :
Stade fourreau d'une cellule en mitose
(Y. Wang et al)
On observe une concentration plus forte des moteurs moléculaires à l'équateur de la cellule,
ce qui va créer un gradient de contrainte. L'écoulement se faisant alors du pôle vers l'équateur, il va
orienter les filaments d'actine.
En utilisant la théorie des gels actifs, on obtient ces profils de gauche à droite et de haut en
bas, d'activité, de variation relative du rayon, d'ordre nématique et de vitesse :
13
Manon Michel
L3 de physique
Rapport du séminaire
du 9 décembre 2008
On observe bien un pic d'activité qui donne un pincement à l'équateur (un fourreau).
Cependant, la théorie ne s'accorde pas complètement avec l'expérience, car le stade fourreau serait
théoriquement un état d'équilibre (cf profil des vitesses) entre les effets de tensions superficiels et
les contraintes dues aux moteurs moléculaires, alors qu'en réalité la cellule se divise. De plus cette
théorie n'a gardé que des termes linéaires. En pratique, la cellule réagit dans sa réponse en moteurs
moléculaires de façon non linéaire.
Un cas intéressant de mitose (étudié par S. Grill) est celui de l'embryon du C. Elegans car on
sait prévoir toutes les divisions et positions de chaque cellule. Ainsi, pour la première division,
l'oeuf est polaire du fait de l'entrée du spermatozoïde d'un certain côté, ce qui va causer une
diminution de la concentration en moteurs moléculaires. Ce gradient d'activité et donc de
contraintes va causer le déplacement de l'anneau.
Conclusion
L'intérêt de tels travaux est de pouvoir décrire avec des arguments purement mécaniques des
phénomènes qui étaient alors perçues comme biologiques. La prochaine étape serait de caractériser
de la même manière l'activité des moteurs moléculaires pour pouvoir tout décrire avec les équations
de la mécanique.
Questions de la salle
Qu'est-ce qu'un liquide nématique ?
L'état nématique est un état de la matière intermédiaire entre les phases solide cristalline et
liquide. Les molécules, de forme allongée, sont réparties sans ordre de position (comme dans un
liquide) mais en demeurant en moyenne parallèles les unes aux autres, c'est-à-dire avec un ordre
d'orientation à longue portée (comme dans un cristal). On peut manipuler un tel milieu avec un
champ électrique (milieu biréfringent). Les cristaux liquides dans les montres numériques sont en
phase nématique.
Pourquoi la concentration en myosine change lors de coupure ou de mitose ?
Dans les cas de blessures, des microtubules attirent les moteurs moléculaires dans cette
région. On pense qu'ils sont également impliqués dans la mitose.
14
Téléchargement