l`addiction à l`alcool chez les personnes âgées

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IDENTIFIER
LE PROBLÈME :
UN PREMIER PAS
La prise en charge à domicile est
compliquée dans ce type de situation...
C’est le plus souvent le témoignage de
l’entourage qui nous met la puce à
l’oreille : états psychologiques étranges
ou perturbés, bouteilles vides égarées
(à plusieurs reprises). Une fois l’alerte
donnée, il faut faire face au déni. On
peut essayer de couper les vivres, mais
surtout il est indispensable de dialoguer
afin de convaincre le patient de réduire
ou d’arrêter sa consommation. En fait,
ces situations sont souvent choquantes
pour le personnel à domicile, qui doit
s’adapter avec patience face à un
malade qui refuse la réalité voire les
soins.
JEAN-MARC GRYNBLAT
GÉRIATRE - VILLENEUVE-LA-GARENNE
Comment peut-on déceler
une situation de dépendance
à l’alcool chez la personne
âgée ? Quels peuvent être les
signaux d’alerte ?
N
ous sommes confrontés
à
différents profils de
patients, les 60-70 ans,
bien identifiés, isolés,
avec une vie émaillée d’accidents,
de fractures, de décompensations
hépatiques, voire d’un syndrôme de
korsakoff (démence alcoolique).
Mais aussi les plus vieux, qui ont
commencé tard, au-delà de 80 ans :
souvent le tableau clinique est moins
évident ; la consommation excessive
... plus l’alcoolisme est
ancien plus la survie du
patient est moindre.
n’est pas avouée et le tableau est celui
d’une chute, ou de chutes à répétition,
de malaises d’allure cardiaque ou
convulsifs sans cause identifiée et des
épisodes de confusion mentale ou de
désorientation transitoire.
Pour le professionnel de santé, il est
difficile d’imaginer qu’un octogénaire
a augmenté sa consommation… Une
chose est sûre, plus l’alcoolisme est
ancien plus la survie du patient est
moindre.
Comment allier, selon vous,
la prise en charge médicale à
la prise en charge à domicile
dans ce type de situation ?
Poursuivons
la discussion
ensemble.
En cas d’accident, il ne faut pas hésiter
à contacter le médecin traitant qui sera
amené à hospitaliser la personne.
Là encore, il faut prévenir les équipes
hospitalières du problème, afin qu’une
consultation d’alcoologie puisse être
enclenchée, en espérant un suivi en
ambulatoire. Rien n’est jamais simple
dans de telles circonstances. Mais
identifier le problème est déjà un
premier pas.
[email protected]
UNE ÉPIDÉMIE SILENCIEUSE
FRANCIS EZELIN
MÉDECIN GÉNÉRALISTE - GUADELOUPE
L’addiction à l’alcool passe
souvent inaperçue chez
les personnes âgées pour
quelle(s) raison(s) selon vous ?
E
n effet, on parle même d’une
épidémie silencieuse (Engeller).
D’une part, l’addiction à
l’alcool se dissimule souvent
chez le sujet âgé derrière des tableaux
cliniques trompeurs, pour lesquels l’âge
est considéré à tort comme un facteur
déterminant.
Ces addictions sont souvent non
reconnues, non traitées et leur
découverte est en général tardive,
au stade des complications, avec un
retentissement plus grave que pour le
sujet plus jeune.
Impliquer les aidants familiaux est une
obligation pour qu’ils s’investissent dans
la prise en charge. Non seulement dans
la gestion des urgences, mais aussi
pour convaincre ou réduire de force
la consommation. Pas facile là encore,
car toute cette stratégie est épuisante
même pour des malades âgés de plus
de 80 ans. Outre les consultations en
addictologie, il ne faut pas hésiter à
hospitaliser la personne afin que la
situation s’améliore rapidement sans
forcément présenter de syndrôme de
sevrage après 80 ans.
Le déni est souvent
renforcé chez
le sujet âgé
D’autre part, le déni est souvent
renforcé chez le sujet âgé. Il existe
aussi une tendance à banaliser ces
conduites d’alcoolisation, de la part de
l’entourage.
Le Président Fondateur de
Senior Compagnie
15 rue Buffon
75005 Paris
[email protected]
L’ADDICTION À L’ALCOOL
CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES
ÉDITO
Est-il important d’impliquer
les aidants familiaux et
professionnels dans
cette démarche ?
Nicolas Hurtiger
Envoyez-nous
vos réactions :
Chez la personne dépendante,
y-a-t’il beaucoup de sevrages
qui s’avèrent impossible ou
qui conduisent finalement à
une rechute ?
La rechute et le déni sont le lot quotidien
des gens confrontés à l’alcoolisme
chronique.
Ces
situations
sont
épuisantes, par le nombre d’accidents,
de troubles du comportement, mais
aussi en raison du rejet d’une grande
part de la société, parfois même des
Hôpitaux qui font tout pour renvoyer
leurs patients à domicile, estimant
peut être à tort qu’ils n’ont rien à faire
dans leurs services. Alors à tous, bon
courage.
Senior
Compagnie
offre
des
prestations d’aide à domicile pour
personnes dépendantes. Les assistants de vie Senior Compagnie sont
qualifiés et formés et offrent une
approche personnalisée à réelle
dimension sociale et conviviale.
WWW.SENIOR-COMPAGNIE.FR
Quels sont les risques que
peut générer une dépendance
à l’alcool chez le sujet âgé ?
Il y a les atteintes somatiques, les
pathologies psychiatriques, les troubles
cognitifs !
Ces complications sont potentiellement
plus sévères compte tenu de leur
fragilité psychologique et de la
pathologie, associée généralement
avec les risques importants d’interaction
médicamenteuse.
Certaines situations peuvent alerter :
accidents domestiques (type chutes),
signes de dénutrition, troubles du
sommeil, crises comitiales.
Quelles actions sont prises et
mises en place lorsque vous
diagnostiquez une personne
âgée alcoolique ?
L’importance d’un diagnostic précoce
est nécessaire, d’autant plus que les
personnes âgées peuvent bénéficier
de la plupart des thérapeutiques
préconisés chez les plus jeunes,
avec une approche globale à la fois
médicale et psychologique.
De quels accompagnements
bénéficie la personne âgée
en situation de sevrage ?
Elle bénéficie d’un suivi pluridisciplinaire, fait par les équipes
du CSAPA (médecin, infirmier,
psychologue, assistante sociale…) avec
des groupes de parole, des rencontres,
des sorties. On associe une prise en
charge sociale et gouvernementale.
Depuis peu a été créée, comme
pour les adolescents, une consultation
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PARTAGER POUR MIEUX VIEILLIR
LETTRE D’INFORMATION
A l’occasion de l’édition de cette 8ème
lettre d’information, nous avons choisi
de nous intéresser à un enjeu de
santé publique : l’addiction à l’alcool
des personnes âgées.
Ancré dans la société, l’alcool fait
partie intégrante de la culture, il est
le plus souvent assimilé au mode de
consommation alimentaire comme
le verre de vin pendant le repas.
Cependant,
la
consommation
d’alcool chez le sujet âgé est un
véritable fléau qui passe encore
inaperçu malgré ses conséquences
dévastatrices…
Quels sont les facteurs qui
déclenchent l’addiction à l’alcool ?
Comment déceler une addiction le
plus souvent cachée et y faire face ?
Quel comportement adopter afin de
ne pas engendrer un repliement sur
soi ? Comment agir et accompagner
au mieux la personne jusqu’à son
sevrage ? Voici les questions que
nous nous sommes posées.
Nous remercions chacune des
personnes ayant participé à la
réalisation de cette lettre d’information.
L’émergence de nouvelles idées et du
partage de bonnes pratiques, en
faveur du bien vieillir, sont des valeurs
qui nous sont chères et pour lesquelles
nous avons choisi de nous engager
au travers de l’initiative Partager Pour
Mieux Vieillir.
Bonne lecture.
NICOLAS HURTIGER
Fondateur et Président
[email protected]
1
spécifique senior du CSAPA de
Basse-Terre, elle est conduite par
un
gériatre-addictologue.
Cette
consultation comprend : une évaluation
standardisée avec tests (équilibre et
chute, dépression, nutrition, mémoire)
à la recherche des troubles cognitifs.
Ces tests débouchent sur des ateliers
individuels.
Chez les personnes de 65-75 ans, 65 % des hommes et 33 % des femmes
consomment quotidiennement des boissons alcoolisées : 2,6 verres pour les hommes
vs 1,5 pour les femmes.(1)
Il n’y a pas d’âge pour commencer à avoir des problèmes avec l’alcool. Chez les
aînés, un tiers des personnes dépendantes de l’alcool ont souffert de cette difficulté
après l’âge de la retraite.(2)
Comment peut-on agir
collectivement afin de
prévenir ce fléau ?
Actuellement, nous insistons sur la
prévention, en formant et sensibilisant
les auxiliaires de vie, les infirmiers,
les aides-soignants, les médecins et
en pratiquant des conférences-débats,
des présentations de films au niveau
du CCAS et clubs du troisième âge,
sans oublier la lutte contre l’isolement
et la solitude qui sont à l’origine des
consommations souvent tardives après
60 ans.
« Que l’alcool puisse être à l’origine
des difficultés d’une personne âgée doit
être une hypothèse systématiquement
envisagée »
Citation de Sylvie GADEYNE, Université
de Bruxelles.
A LA RECHERCHE
D’UNE SOLUTION
ENSEMBLE
ADJARATOU KONE
ASSISTANTE DE VIE
SENIOR COMPAGNIE
NEUILLY-SUR-SEINE
Avez-vous déjà réalisé des
prestations au domicile
d’un bénéficiaire souffrant
d’addiction à l’alcool ?
O
ui, je m’occupe actuellement d’une dame qui est
souffrante d’une addiction à l’alcool.
Quel comportement avez-vous
adopté ? Avez-vous essayé
d’en parler avec votre
bénéficiaire ?
J’essaie d’en parler avec elle en évitant
d’être trop insistante ou intrusive mais
elle a tendance à devenir agressive
lorsque j’aborde le sujet. Je me suis
rendue compte avec le temps qu’il
ne s’agissait pas que de moi. Un jour
une autre professionnelle a essayé de
fait que la dépression soit fortement
sous-estimée car dans l’idée générale
la dépression va avec le vieillissement
et elle n’est pas traitée. L’alcool devient
donc une solution comme un traitement.
La consommation à moindre risque (3) :
• 3 verres standards /j pour un homme
• 2 verres standards /j pour une femme
• 4 verres standards par occasion
• 1 jour sans alcool par semaine
Pour les personnes âgées…
Pas plus de 1 à 2 verres par jour et
jamais plus de 3 verres par occasion.
lui en parler mais la bénéficiaire s’est
contrariée et l’a mise à la porte !
ALCOOL SYNONYME
DE TRAITEMENT
Avez-vous signalé cette
problématique à votre
directeur ? à sa famille ?
Je n’ai pas eu besoin de signaler cette
problématique étant donné que la
situation de la bénéficiaire est aussi
bien connue par mon directeur que
par la famille. Nous sommes tous au
courant de son addiction cependant je
tiens informée ma direction à chaque
fois que j’interviens chez elle.
Des actions ont-elles été mises
en place afin de solutionner
cette addiction ?
Le problème que l’on rencontre
aujourd’hui c’est que cette dame a ses
contacts et ce sont eux qui lui fournissent
ses bouteilles d’alcool. Face à cela il
est très compliqué d’agir d’autant plus
qu’elle fait en sorte de se faire livrer dès
qu’elle est seule !
Nous connaissons tous la complexité
de la situation mais je pense qu’on
devrait essayer de trouver une solution
ensemble avec la famille et tous les
intervenants…
Sources : (1) INPES - (2) ANPA - (3) OMS
CAROLINE BACLET-ROUSSEL
PSYCHOLOGUE CLINICIENNE
SPÉCIALISÉE EN NEUROPSYCHOLOGIE
PARIS
Quels sont les principaux
facteurs qui peuvent
déclencher une addiction
à l’alcool chez les
personnes âgées ?
L es facteurs sont nombreux et
dépendent de l’histoire de vie de la
personne. Si par le passé le sujet a
déjà présenté une addiction à l’alcool,
en vieillissant il aura plus de risques de
développer un nouveau comportement
d’addiction.
Le vieillissement est une source
d’angoisse pour bon nombre de
personnes et l’alcool peut très vite
devenir une solution d’apaisement.
Dans ce type de situation, relativement
fréquente, l’alcool est utilisé comme
une sorte d’anxiolytique.
Dans le cas des personnes âgées
déprimées, certaines vont avoir une
tendance à utiliser l’alcool comme un
traitement naturel, comme bon nombre
de personnes, qu’elles soient âgées ou
non. Cependant le problème vient du
Comment est prise en charge
une personne âgée souffrant
d’alcoolisme ?
Quelles sont les particularités
de la personne âgée atteinte
de troubles cognitifs en
situation d’addiction
à l’alcool ?
La prise en charge d’une personne
âgée est la même que celle d’un un
sujet plus jeune. Les personnes se
rendent tout d’abord à une consultation
en addictologie qui peut déboucher
soit une hospitalisation et une cure
de sevrage, soit des traitements
médicamenteux et un suivi avec un
alcoologue et un psychologue.
La prise en charge en alcoologie
d’une personne âgée atteinte de
troubles cognitifs est une situation
particulière et
complexe dans la
mesure où les troubles vont constituer
un obstacle à la compréhension et à
la participation de la personne. Pour
pouvoir arrêter de boire de l’alcool de
façon déraisonnable, il faut avoir des
capacités de raisonnement efficiente,
la possibilité de s’empêcher de faire
quelque chose que l’on a envie ou
l’habitude de faire, comprendre quel
est l’intérêt d’arrêter de boire et se
projeter dans le futur afin de se rendre
compte du gain que l’on va pouvoir
en retirer… Or une personne âgée
atteinte de troubles cognitifs ne peut
prendre la mesure de cette addiction
et cela constitue une grande difficulté à
la prise en charge et remet en question
la possibilité de sevrage. Dans ce type
de situation il faut d’adresser à des
personnes spécialisées aussi bien des
problématiques du grand âge que de
l’addictologie.
PARTAGER POUR MIEUX VIEILLIR
En tant qu’aidant que faire ?
Tout d’abord, il faut rappeler qu’il
est bien difficile de faire face à cette
addiction et de savoir comment
accompagner son parent ; cela peut
devenir très lourd, particulièrement
pénible. Pour autant il ne faut pas
perdre de vue que la personne qui
boit exprime un malaise à travers
ce comportement, une détresse
psychologique. Il faut, dans la mesure
du possible, rapidement faire intervenir
des professionnels au risque de
s’épuiser dans des attitudes inefficaces
voire contre-productives.
Face à de telles situations, il faut
que les aidants et les personnes
aidées se dirigent vers des services
d’addictologie en sachant que les
convaincre de cette démarche est
souvent compliqué. Dans ces situations,
la clé est souvent le médecin traitant :
les personnes âgées ont en général
une relation de confiance avec leur
médecin généraliste qui pourra pointer
le problème et proposer une solution.
NE PAS ÊTRE
DANS LE JUGEMENT
BRIGITTE ROBERT
PSYCHOLOGUE EHPAD - NANTERRE
Quels sont les principaux
facteurs qui peuvent
déclencher une addiction
à l’alcool chez les personnes
âgées ?
L
es facteurs sont très variés. Cela
peut être du à une rupture quel
qu’elle soit, un deuil difficile à
effectuer que ce soit la perte
d’un proche, la maladie, l’éloignement familial... Tous ces facteurs peuvent déclencher une consommation
régulière d’alcool, souvent chez une
personne âgée qui avait l’habitude de
prendre un petit verre, et aboutir à une
LETTRE D’INFORMATION
addiction. Cela survient souvent dans
un contexte contra-dépressif et s’installe
d’une façon lente avec parfois une
banalisation du geste.
Selon vous, quel est le
comportement à adopter en
tant qu’aidant (familial ou
professionnel) face à une telle
situation ?
L’attitude à adopter comme aidant
c’est avant tout de ne pas juger
le comportement ni faciliter la
consommation, et essayer d’en parler
avec la personne. Si le dialogue n’est
pas possible, il faut trouver à l’extérieur
des appuis (relais professionnels, centre
de soin spécialisés...) pour réfléchir à
la situation.
Les personnes âgées sontelles souvent en situation
de déni ? Comment agir
face à cette réaction ?
Le déni des alcoolisations peut
survenir chez elles dont l’addiction est
ancienne, ils banalisent et minimisent
les prises d’alcool. La meilleure attitude
est de ne pas chercher à ce qu’elles
reconnaissent leur addiction, ce qu’elles
ne peuvent pas faire. Il s’agit d’explorer
avec l’entourage et la personne âgée
ce qui pourrait rompre l’isolement, le
repli sur soi et l’animer...Il ne faut pas
perdre de vue que ce qui est visé
quand on prend soin d’une personne
âgée, c’est de maintenir une certaine
qualité de vie.
Lors d’un suivi pour une
addiction à l’alcool, un
suivi psychologique est-il
indispensable ?
La prise en charge de l’addiction à
l’alcool est souvent pluri-professionnelle,
mais des médiations thérapeutiques ou
groupales existent également.
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