LiCCo : Evolution des habitats benthiques de la baie des Veys entre

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LiCCo : Evolution des habitats benthiques de la baie des Veys entre
2002 et 2012, fonctionnalités associées et perspectives liées à
l’élévation du niveau de la mer.
Pascal Hacquebart, Yann Joncourt, Florent Maufay, Alexandra Roton,
Emilie Thibaud, Olivier Timsit.
La cartographie des habitats benthiques (sédiment et assemblage d’espèces) constitue une fin en soi mais permet également de spatialiser un cadre général de connaissance de la structure de l’écosystème étudié.
La connaissance de la nature du sédiment et de la diversité des invertébrés associés permet de formuler des questions essentielles quant au fonctionnement de l’écosystème et la dynamique des interactions qui le
caractérisent.
Certains de ces habitats sont particuliers et en raison de leur rareté à une échelle géographique variable, ou de leur fragilité, peuvent être protégés. Parmi ceux-ci figurent les herbiers de zostère naine (Zostera (Zosterella)
noltei). L’ensemble de ces habitats est utilisé par des animaux pour effectuer différentes phases de leur cycle de vie.
Les habitats benthiques constituent le support de la biodiversité et des fonctionnalités associées (repos, alimentation et reproduction), en interaction directe ou indirecte avec les activités socio-économique locales
(conchyliculture, tourisme, pêche à pied).
Les écosystèmes étudiés par le GEMEL-N pour le programme LiCCo sont estuariens ou côtiers (figure 1), à l’interface entre les domaines marin et continental. Ils représentent des écotones, zones de transition, de gradient
entre ces deux types de milieu différents. Les espèces et habitats se répartissent en fonction de ces gradients sur les côtes et dans les estuaires, formant ainsi des écosystèmes uniques dont la structure évolue au rythme
des changements du littoral.
La connaissance de l’évolution de la nature du substrat est donc indispensable à l’étude de l’évolution de la biodiversité et des fonctionnalités associées. Pour la prendre en compte, le programme LiCCo a intégré l’étude de
la topographie du substrat via l’acquisition par laser aéroporté (LIDAR). Ces données permettent d’une part de mieux décrire les habitats d’un point de vue physique et, d’autre part, de développer des scénarios d’élévation
du niveau de la mer à partir des hypothèses formulées par le GIECC. Ces scenarii permettent de quantifier les surfaces vulnérables à l’élévation du niveau de la mer.
Figure 1 : carte de localisation des sites étudiés par le GEMEL-N pour LiCCo.
La connaissance des habitats concernés nous permet de préciser quels sont les habitats exposés à cette élévation en fonction de différents scenarii.
L’ensemble de ces données nouvelles permet de réfléchir à l’avenir des fonctionnalités et activités socio-économiques associées à ces habitats.
Cette connaissance du milieu, de sa vulnérabilité et de ses tendances évolutives permet donc d’envisager l’évolution du littoral à une échelle pertinente en intégrant plusieurs sites ateliers, représentatifs de la diversité du
littoral bas-normand. Préciser la connaissance de ces interactions permettra donc d’anticiper les conflits d’usage du littoral et une gestion plus efficace des écosystèmes littoraux, au-delà de la « simple » conservation du
patrimoine naturel connu. Cette affiche présente la démarche mise en place par le GEMEL-N pour LiCCo et appliquée au cas de la baie des Veys.
La cartographie des habitats benthiques de la baie des Veys a été réalisée en utilisant des méthodes comparables pour les programmes BRANCH et LiCCo. Il en résulte une série de 3 cartes illustrant l’évolution de la répartition
de ces habitats à la l’échelle de 10 ans (2002 à 2012, figure 2). Ces cartes sont issues de l’interprétation de photographies aériennes croisée avec des campagnes d’acquisition de données in situ. L’évolution des surfaces de
chaque habitat défini selon la typologie européenne EUNIS est ainsi quantifiée objectivement.
Cette série de cartes met notamment en évidence :
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la présence relictuelle de l’habitat laisse de mer
le développement généralisé des prés-salés qui gagnent du terrain sur l’estran
le développement des habitats de sable envasé associés aux structures
conchylicoles sur le flanc est de l’estuaire
la divagation marquée des chenaux
Figure 3: herbier de zostère naine (source :
GEMEL-N)
la réduction des habitats dont le substrat est le plus envasé
l’apparition des herbiers de zostère naine (Zostera (Zosterella) noltei, figure 3)
l’absence de banquettes de Lanice (Lanice conchilega) , très répandues avant la mise en place du suivi (figure 4)
Figure 4 : banquette de
Lanice (source : GEMELN
Figure 2: évolution des habitats benthiques en baie des Veys entre 2002 et 2012.
L’utilisation des données précises sur la topographie du substrat croisées avec les données d’hauteur d’eau a permis de préciser
la proportion d’estran émergée en fonction du temps.
La répartition de cette surface a également pu être cartographiée et les habitats correspondant identifiés.
Ainsi il est possible de savoir quelle surface est émergée à n’importe quel moment et de la relier aux habitats benthiques concernés.
Cette information est particulièrement intéressante pour connaître les surfaces accessibles aux oiseaux limicoles côtiers
hivernant, à marée basse pour leur alimentation (figure 6), à marée haute pour leur repos.
Le temps d’accès aux herbiers de Zostère naine à marée basse pour les Bernaches cravant (Branta bernicla)
peut être calculé (figure 7).
Cette démarche permet donc de quantifier les fonctions assurées
par les habitats benthiques (temps et surface).
Figure 5 : hauteur d’eau en fonction du temps en baie des Veys, illustration des habitats submergés pour
trois conditions de marée différentes (marée haute de morte eau, marée basse de morte-eau et marée
haute de vive-eau.
Figure 6 : limicoles côtiers en alimentation
à marée basse (source : Caillot et
Hacquebart, 2012)
Figure 7 : bernache cravant en alimentation à
marée basse (source : dreamstine.com)
L’application de scenarii d’élévation du niveau de la mer aux résultats précédemment présentés (figure 8) permet d’appréhender l’évolution des surfaces des habitats benthiques et le temps d’émersion associé en fonction du
temps. Ainsi l’évolution des surfaces et la répartition des habitats dans un estuaire peuvent être envisagées. L’évolution des fonctionnalités assurées par ces habitats peut également être abordée. Le temps d’émersion des
habitats benthiques réduit fortement avec l’élévation du niveau de la mer et les cartographies permettent de spatialiser cette réduction et de cibler les habitats de l’estran les plus exposés à la submersion.
La comparaison des résultats avec les autres sites a montré que la baie des Veys, malgré sa surface supérieure à celle des autres,
présente une diversité d’habitats inférieure mais une richesse en espèces remarquable. Les prés-salés s’y développent encore
rapidement et des herbiers de zostère naine se sont constitués. Cet habitat est particulièrement sensible et rare. Une algue rouge a
également pu proliférer très récemment, Gracilaria vermiculophylla, sans faire l’objet d’une cartographie. Les zones les plus
envasées voient leur surface réduire au profit des bancs de sable plus ou moins envasé. La succession d’habitats particuliers dans le
temps montre que la réponse écologique à l’évolution de l’environnement physique dans le contexte du changement global est
complexe et encore difficile à appréhender.
En plus d’illustrer l’évolution des habitats connus, la cartographie réalisée par le GEMEL-N pour LiCCo constitue donc le socle de
l’étude des fonctionnalités de l’écosystème estuarien étudié.
La relation des parcs conchylicoles avec les habitats a été étudiée et montre une évolution des habitats associés aux parcs
(disparition des Lanices au profit des sables fins envasés colonisés par les crustacés amphipodes et les annélides polychètes.
Les surfaces et la nature des habitats associés à certaines activités des oiseaux ont pu être cartographiées ainsi que leurs
évolutions en considérant différentes scenarii d’élévation du niveau de la mer.
La perte d’habitats de l’estran pourrait inciter à créer de nouvelles surfaces intertidales de repli, par exemple en ouvrant certains
polders à la mer. Le GEMEL-N a également cartographié les habitats phytosociologiques littoraux associés au trait de côte (Figure
11), fournissant ainsi des éléments supplémentaires pertinents pour envisager des mesures de gestion du site.
Figure 8 : hauteur d’eau en fonction du temps pour le mois de janvier 2012 en baie des Veys et en
considérant une élévation du niveau de la mer de 1 m et illustration des habitats submergés en
conditions de marée haute de morte-eau.
Figure 11 : Cartographie des habitats phytosociologiques littoraux en baie des Veys.
La démarche présentée ici est nouvelle et a également été testée pour envisager l’évolution des surfaces d’estran disponibles pour
la nidification du Gravelot à collier interrompu (Charadrius alexandrinus), espèce protégée.
Le travail pluridisciplinaire en réseau, croisé avec les données LIDAR et les photos aériennes, nous a permis de mettre au point un
outil.
Cet outil d’aide à la décision permet de suivre les habitats et leurs fonctionnalités, afin d’en appréhender les évolutions, ici dans la
perspective du changement global.
Figure 9 : l’algue rouge Gracilaria
vermicullophyllis nouvellement installée
en baie des Veys (Source : GEMEL-N).
Figure 10 : reproduction du Gravelot à collier
interrompu (Charadrius alexandrinus) sur
l’estran (Source : worldbirdinfo.net).
Poster réalisé le 11/09/2014 © GEMEL-N, projet LiCCo.
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