BS21-11Boucher-Gerar..

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Résumés des conférences
Troubles du langage
Le langage chez la personne autiste,
caractéristiques et causes
résumé de la conférence de Jill Boucher1
L
’auteur débute son propos par des définitions qui
marquent la distinction entre communication, langage et parole. Les gens communiquent lorsqu’ils
interagissent socialement, en utilisant des signaux verbaux et non verbaux. La connaissance des règles d’utilisation du langage se nomme la pragmatique. Le langage
suppose l’acquisition d’un vocabulaire (sémantique) et
d’une grammaire (morphologie et syntaxe).
Chez la personne avec autisme, on observe une atteinte
systématique des domaines de la communication et de
la pragmatique ; le langage est altéré de façon variable :
il existe un continuum qui va de l’absence de langage
à un langage élaboré. En résumé, l’auteur affirme qu’il
existe une hétérogénéité linguistique caractéristique entre les individus. Par la suite, elle s’intéresse au trouble
du langage chez la personne verbale avec autisme de bas
niveau (V-ABN) : ce trouble, qui est spécifique à l’acquisition du langage en lui-même, est dit « amodal » car il
touche de manière égale le langage parlé, écrit et signé ;
la compréhension se trouve plus atteinte que l’expression
et la sémantique est particulièrement altérée. Le discours
de la personne présentant de l’autisme peut être ponctué
d’énoncés écholaliques (immédiats ou différés), de néologismes, de formules idiosyncrasiques et d’erreurs dans
l’utilisation des pronoms.
Partant de ces observations, l’auteur s’interroge sur trois
points : (i) pourquoi les difficultés langagières varientelles au sein du groupe des enfants avec autisme de bas
niveau ? (ii) Pourquoi la compétence langagière covariet-elle avec le QI chez ces mêmes enfants ? (iii) Existet-il une cause commune aux troubles du langage et des
apprentissages ?
Pour répondre à ces questions, l’auteur formule trois hypothèses.
1) Le déficit en théorie de l’esprit aurait certainement un
rôle dans le trouble du langage, sans pouvoir expliquer à lui seul ce trouble.
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2) La capacité déficitaire pour symboliser serait aussi,
en partie, responsable du retard dans l’acquisition du
langage.
3) Une comorbidité avec un trouble spécifique du langage pourrait aggraver les difficultés verbales chez
l’enfant V-ABN.
Pour conclure son propos sur les théories causales,
l’auteur précise qu’aucune de ces hypothèses n’offre
une explication suffisante du trouble du langage chez la
personne V-ABN et ouvre sur une autre hypothèse qui
s’appuie sur les notions de mémoire déclarative et de
mémoire procédurale. La mémoire déclarative se compose de la mémoire épisodique (événements vécus) et de
la mémoire sémantique (information factuelle). L’accès
au contenu de la mémoire déclarative se fait de manière explicite. La connaissance procédurale concerne les
comportements moteurs, les traitements automatiques
de l’information, et son contenu n’est pas explicitement
accessible. L’hypothèse développée par Jill Boucher suppose un déficit de la mémoire déclarative. Elle se base sur
le modèle d’acquisition du langage formulé par Ullman
(2001). L’acquisition du vocabulaire (les mots et leur signification) serait dépendante de la mémoire déclarative,
alors que l’acquisition de la grammaire dépendrait de la
mémoire procédurale. Selon Boucher et al. (2008), on observe une altération spécifique de la mémoire déclarative
chez l’enfant V-ABN (mémoires épisodique et sémantique altérées), alors que la mémoire procédurale est intacte. Cette altération est mise en évidence par des épreuves
sur les connaissances générales (subtest « Information »
de Weschler) et sur le vocabulaire.
Partant de ces constats, la personne V-ABN pourrait acquérir une connaissance implicite de la grammaire et de
la phonologie (mémoire procédurale), ainsi qu’une connaissance catégorielle implicite du monde ; en revanche,
du fait du déficit de la mémoire déclarative, elle aurait
des difficultés à associer cette connaissance catégorielle
Orthophoniste et psychologue, Université de Warwick, Royaume Uni
le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008
Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0)
Résumés des conférences
implicite du monde avec un mot entendu ou vu, ce qui
entraînerait inévitablement une altération de la sémantique. L’auteur rapporte alors une série de données largement consistantes avec cette hypothèse.
Pour compléter son propos, l’auteur fournit les données
d’une étude récente sur l’altération de la reconnaissance
et ses liens avec la connaissance explicite lexico-sémantique : la corrélation existe chez les personnes V-ABN
alors qu’on ne l’observe pas dans les groupes de comparaison (enfants normaux et avec déficience intellectuelle). Cette altération de la reconnaissance apporte une
preuve supplémentaire du déficit en mémoire sémantique
chez les personnes V-ABN. En revanche, l’altération de
cette reconnaissance n’est pas observée chez les personnes avec déficience intellectuelle sans autisme. L’auteur
suggère donc que la théorie de l’esprit et la mémoire déclarative sont toutes deux utilisées lors de l’acquisition
normale de la sémantique, ce qui est de nature à expliquer la forte altération de la sémantique chez les personnes V-ABN. Les personnes ayant une déficience intellectuelle auraient elles aussi une mémoire défectueuse,
mais ce déficit serait compensé par leur théorie de l’esprit
relativement préservée. Elles seraient donc en mesure de
construire la compétence sémantique.
L’auteur conclut son propos en rappelant que le profil
linguistique caractéristique des personnes verbales avec
autisme de bas niveau (V-ABN) serait donc explicable
par une combinaison de deux facteurs : une altération de
la théorie de l’esprit et une altération de la mémoire déclarative (épisodique et sémantique). La faiblesse du QI
pourrait aussi s’expliquer par l’altération de la mémoire
déclarative ce qui conduirait à ce que langage et QI covarient.
Bibliographie
Boucher J., Mayes A., Bigham S. (2008, sous presse). Memory,
language and intellectual ability in low-functioning autism. In
J. Boucher, D.M. Bowler (Eds), Memory in autism. Cambridge:
Cambridge University Press.
Ullman, M.T. (2001). The declarative/procedural model of
lexicon and grammar, Journal of Psycholinguistic Research,
30, 37-69.
Troubles du langage : aspects cliniques
résumé de la conférence du Dr Christophe-Loïc Gérard1
Quelques constats de départ
Face à la plainte des parents autour des problèmes de langage de leurs enfants, il existe une
approche clinique qui ne fait pas toujours référence aux classifications. Il en découle une difficulté à raisonner avec des confusions notamment entre troubles du langage et trouble de la
communication.
L’approche nosographique telle que la présente
le DSM-IV entretient des confusions entre trouble du langage et trouble de la communication.
La spécificité des troubles du langage semble
disparaître. La position athéorique du DSM
manque de modèles fonctionnels permettant
l’analyse des troubles du langage.
● Les troubles de la communication
chez l’enfant avec autisme comprennent :
▪ un retard dans la construction des outils
de communication et une inadéquation de
l’utilisation de ces outils (troubles du langage),
▪ une restriction des fonctions de communication (trouble de la communication).
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On peut proposer :
a) un modèle inclusif :
Trouble spécifique
du langage
Trouble
de la
communication
Trouble envahissant
du développement
Retard mental
b)un modèle non inclusif qui envisage l’influence de la communication sur le langage et inversement.
Médecin de rééducation, Hôpital Robert Debré, Paris
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L’approche clinique
Elle propose soit une orientation vers une consultation pour troubles spécifiques du langage, soit une orientation vers un Centre de
Ressources Autisme ; ces deux lieux d’intervention possibles n’ont
pas de référence commune.
La clinique des troubles du langage
chez l’enfant avec autisme
Dans une perspective étiologique, on peut trouver des profils similaires mais l’héritabilité n’est pas la même entre dysphasie et autisme.
Dans une perspective remédiative, la question se pose de savoir s’il
faut traiter les troubles du langage ou les troubles de la communication.
Qu’en est-il de l’enfant non verbal ?
La communication est stimulée mais sans modèles. Il faut mettre en
place un programme d’éducation différencié qui nécessite l’évaluation de :
la compréhension,
la théorie de l’esprit,
les aspects sensori moteurs,
les fonctions exécutives,
les compétences,
les graduelles de suppléance.
La clinique des troubles spécifiques du langage
Il existe des modèles de classification mais pas de modèle fonctionnel.
Il est nécessaire de dépasser une pratique des modèles linguistiques :
Plainte  symptômes Syndrome  Expérience éducative  Evaluation
Remédiation spécifique
Dyspraxie verbale
Central auditory
processing disorder
Social Communication Severe expressive
disorder
disorder
Dans le cadre du syndrome autistique, l’objectif est de permettre une
approche au-delà de la compensation, mais il existe des contraintes
conceptuelles.
Les capacités d’intentionnalité telles que la médiation, la planification, la conscience de soi, la décentration, les états mentaux et les capacités de symbolisation telles que la représentation, l’iconicité sont
des problématiques qui peuvent être abordés chez tous les enfants.
Actuellement l’intervenant souligne qu’il n’existe pas de formes mixtes : autisme et syndrome dysphasie, mais des formes intermédiaires entre difficultés sociales, troubles de la pragmatique sans tous les
comportements autistiques et les troubles réceptifs (psycho-acoustique, mnésique, intentionnel).
Conclusion
La neuropsychologie de l’enfant veut trouver une logique fonctionnelle entre langage et communication afin d’améliorer les principes
de rééducation et de proposer des programmes éducatifs dans une approche transactionnelle.
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