Cas clinique Un psoriasis pustuleux compliqué d`une

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Cas clinique
Un psoriasis pustuleux compliqué
d’une amylose systémique
A pustular psoriasis complicated
by systemic amyloidosis
Y. Sekkach, A. El Khattabi, J. Fatihi, M. Elqatni, N. Elomri, F. Mekouar, M. Badaoui,
S. Hammi, T. Amezyane, A. Abouzahir, D. Ghafir
Psoriasis • Psoriasis pustuleux
• Syndrome néphrotique •
Amylose AA
Psoriasis • Pustular psoriasis •
Nephrotic syndrome • Amylosis
AA
(Service de médecine interne B, hôpital militaire d’instruction Mohammed-V, Rabat, Maroc)
L
e psoriasis pustuleux (PP) généralisé décrit par Von Zumbusch est une forme
peu fréquente mais grave de psoriasis fréquemment associée à des signes
généraux. Son retentissement extracutané suggère le caractère systémique
de cette affection redoutable, assez souvent mortelle. Les atteintes rhumatismales, observées dans 20 % des cas, sont les plus fréquentes. Quelques cas
d’atteinte rénale ont été plus rarement rapportés. Le PP peut aussi être localisé,
sans que l’on sache si c’est une forme de transition vers un PP généralisé.
Nous rapportons ici le cas d’un patient atteint de PP localisé qui présente,
concomitamment à une nouvelle poussée de PP, de multiples atteintes extracutanées révélant une amylose systémique d’installation rapide.
Observation
Un patient âgé de 38 ans, sans antécédents notables, est suivi depuis une dizaine
d’années en dermatologie pour un psoriasis. Il est adressé pour une polyarthrite
chronique bilatérale et symétrique, n’épargnant aucune articulation périphérique,
sans atteinte axiale, associée à une altération rapide de l’état général contemporaine
d’une nouvelle poussée de psoriasis. À l’examen clinique, le patient est grabataire,
fébrile à 38 °C. Il existe des lésions cutanées érythrodermiques, surmontées d’une
éruption pustuleuse, intéressant les extrémités des membres inférieurs et nettement
marquées au niveau des régions plantaires (figure 1). L’examen ostéoarticulaire met
en évidence des synovites des métacarpophalangiennes, des interphalangiennes
proximales et distales et des chevilles, avec un flessum des genoux à 30 °. Il n’y a
pas d’anomalie cardio-respiratoire, neurologique, digestive ou spléno-ganglionnaire.
Les radiographies standard ne comportent pas d’anomalies, notamment pas de
sacro-iliite. Il n’y a ni hyperostose ni ostéite à la scintigraphie osseuse. Le bilan
biologique note un syndrome inflammatoire important, avec une vitesse de sédi­
mentation (VS) à 120 mm (1re heure), une protéine C réactive (PCR) à 60 ­mg/­l et une
anémie inflammatoire. La fonction rénale est conservée (créatinine à 12 ­mg/­l). Il n’y
a pas d’hypoprotidémie, d’hypo­albuminémie, de protéinurie au dosage pondéral ou
de perturbations du bilan hépatique. Les explorations infectieuses (hémocultures,
ECBU, radiographies des poumons et des sinus) sont négatives. L’examen bactério­
logique du contenu des pustules cutanées confirme leur caractère amicrobien. Les
bilans immunologique (latex, Waaler-Rose, anticorps antinucléaires, anti-CCP) et
sérologique (VDRL, TPHA, hépatites virales B et C et VIH) sont négatifs. La biopsie
cutanée est en faveur d’un psoriasis, sans vascularite.
Le patient est traité par bolus de corticoïdes (1 g × 3 j) et méthotrexate (20 mg/sem.),
interrompu pour cause de toxicité hépatique, puis par azathioprine (100 ­mg/­j) et
colchicine 1 ­mg/­j. L’évolution est marquée par une légère amélioration articulaire,
mais aussi par la persistance des lésions pustuleuses psoriasiformes, sans améliora­
tion du syndrome inflammatoire (VS à 80 mm, CRP à 45 ­mg/­l). Quatre semaines plus
tard, le patient est réhospitalisé pour une nouvelle poussée cutanée et articulaire,
avec une polysynovite invalidante des deux poignets. À l’admission, le patient est en
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Légendes
Figure 1. Psoriasis pustuleux en regard des
plantes des pieds.
Figure 2. Lésions psoriasiformes en regard
des extrémités des mains.
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très mauvais état général, avec une impotence fonctionnelle totale et des œdèmes
importants des membres inférieurs. Les lésions psoriasiformes touchent secondai­
rement les extrémités dorsales des deux mains (figure 2, p. 41).
Dès les premiers examens biologiques sont constatés un syndrome néphrotique
impur avec une protéinurie massive (> 7 g/­24 h), une hypoalbuminémie (19 ­g/­l), une
hypoprotidémie (< 40 ­g/­l) et une insuffisance rénale aiguë d’évolution rapide (moins
d’une semaine), qui a nécessité une épuration extrarénale (EER). Des biopsies cuta­
nées (zones non concernées par le psoriasis), synoviales (poignet droit) et des glandes
salivaires accessoires confirment le diagnostic d’une amylose AA. La ponction-biopsie
rénale est récusée en raison d’une défaillance hémostatique (taux de prothrombine
à 35 %). Le diagnostic d’une amylose AA systémique (cutanée, articulaire et rénale)
compliquant un psoriasis pustuleux est retenu. Malgré des bolus de méthylpredni­
solone, de cyclophosphamide et d’azathioprine, l’évolution se complique, en moins
d’une semaine, d’une dégradation rapide de la fonction rénale malgré l’EER et d’un
décès dans un tableau de défaillance multiviscérale inéluctable.
Discussion
Le PP généralisé peut se compliquer de manifestations ostéoarticulaires, hépatiques,
pulmonaires et oculaires. Ces dernières sont expliquées par une infiltration neuro­
philique massive et transitoire des tissus extracutanés. Au cours du PP, les mani­
festations ostéoarticulaires sont dominées par les polyarthralgies. D’authentiques
monoarthrites ou oligoarthrites asymétriques peuvent également s’observer (1, 2). La
ponction articulaire ramène un liquide synovial de type exsudatif, aseptique et riche
en polynucléaires neutrophiles.
La rareté de l’amylose AA au cours du psoriasis s’oppose à sa relative fréquence dans
la polyarthrite rhumatoïde (3). Dans les quelques observations rapportées dans la
littérature, 85 % des cas se caractérisent par une atteinte articulaire, ce qui suggère
que l’arthropathie pourrait être en cause dans l’apparition de l’amylose (4).
Le premier cas d’amylose AA associée à un psoriasis fut décrit par R. Moise et al.
en 1965 (5). Chez les 40 cas rapportés depuis, le délai entre l’atteinte cutanée et la
découverte de l’amylose était en moyenne de 18 ans, tandis que le délai moyen entre
l’apparition des premières localisations articulaires et le diagnostic d’amylose variait
de 2 à 20 ans (6). L’observation décrite est particulière du fait du développement d’une
atteinte systémique rapidement après l’aggravation des manifestations cutanées et
de la survenue rapprochée des premiers symptômes articulaires. L’étendue et le type
de l’atteinte cutanée sont très variables dans les amyloses associées à un psoriasis.
En 1979, R.M. Mackie et J. Burton ont décrit un patient avec un PP généralisé (sans
atteinte articulaire) compliqué d’une amylose sévère, induisant le décès du patient
dans les deux années qui ont suivi le diagnostic (7). Une autre observation a été
publiée ultérieurement (8).
Les traitements de l’amylose AA reposent sur le contrôle des syndromes inflam­
matoires mais il y a peu de littérature décrivant des études randomisées. L’effet
des anti-TNFα a transformé l’évolution clinique de ces affections inflammatoires
­chroniques (9). Dans une série ayant inclus 25 patients avec une amylose AA rénale
traités par anti-TNF (22 cas traités par infliximab et 3 par étanercept) avec un suivi
sur 70 ± 44 semaines, il a été constaté une réduction significative de la protéinurie,
avec une stabilisation de la fonction rénale chez la presque totalité des patients (3). La
survie après le diagnostic d’amylose a été de 141 mois chez 95 % de ces patients, dont
12 % sont décédés dans un tableau de défaillance multiviscérale (3).
Le pronostic reste sombre, puisque plus de 50 % des patients décèdent quelques
mois après le diagnostic de l’amylose (10). Dans une étude rétrospective portant sur
992 patients ayant un psoriasis, dont 39 % avaient une arthropathie, le décès était lié
à différentes complications, dont l’amylose AA.
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Conclusion
Les manifestations systémiques du PP peuvent être sévères. Elles ne devraient pas
contre-indiquer ou retarder le recours aux thérapies ciblées, qui permettent de traiter
à la fois la peau et les symptômes extradermatologiques, qui ont parfois un pronostic
redoutable, en particulier en cas d’amylose AA.
II
Références bibliographiques
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cutanées du psoriasis pustuleux généralisé. Rev Med Interne 2010;31:e16-8.
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Dermatol Venereol 1991;118:97-105.
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