Philosophie du processus créatif

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ESADTPM
Philosophie de l’art
3e année
Philosophie du
processus créatif
Florian Gaité / [email protected]
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
•  La poïesis des grecs, premier modèle de processus créatif
= poïesis n’est pas le privilège de l’art, car l’artisan et la
nature sont tout aussi « poètes », ce qui les distingue =
l’inspiration divine
•  Le souffle créatif
pneuma en grec et anima en latin : « souffle » et
« âme »
•  L’artiste inspiré : passif et aliéné
Artiste est tributaire d’une puissance extérieure
Aliéné : devenu étranger (alien : l’autre, l’étranger) =
devenir étranger à soi et étrange pour les autres.
L’inspiration: mythe ou réalité?
Nicolas Poussin,
L'Inspiration du poète, vers
1629–1630
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
¡  L’inspiration divine: Ion de Platon (533d à 534e)
[533d] Il existe, en effet, chez toi une faculté de bien parler de Homère, qui n'est pas un art, au
sens où je le disais à l'instant, mais une puissance divine qui te meut et qui ressemble à celle de
la pierre nommée par Euripide Pierre Magnétique et par d'autres pierre d'Héraclée. Cette pierre
non seulement attire les anneaux de fer eux-mêmes, mais encore leur communique la force, si
bien qu'ils ont la même puissance que la pierre, celle d'attirer d'autres anneaux [533e] ; en sorte
que parfois des anneaux de fer en très longue chaîne sont suspendus les uns aux autres ; mais
leur force à tous dépend de cette pierre.
• 
Socrate est en dialogue avec un rhapsode. Couronné de succès, Ion ne doute pas de sa
supériorité mais Socrate va l’obliger à reconnaître l’inanité de son pouvoir = Dialogue de
jeunesse, Platon prepare sa théorie de l’art (de la poésie) mais n’en est pas pas à l’exclusion
des poètes de la cité que l’on retrouvera dans la République.
• 
il s’agit pour lui de le discréditer, de lui enlever tout mérite : ce n’est pas un savoir, un travail
acharné ou un talent particulier qui fait de lui un bon rhapsode, mais le bon vouloir des Dieux
• 
la pierre d’Héraclès : c’est l’aimant auquel on prête à l’époque un pouvoir magique, celui de
pouvoir attirer les anneaux de métal et de les magnétiser pour qu’ils puissent à leur tour attirer
d’autres métaux. En d’autres termes, la métaphore signifie que Ion est un homme magique
qui non seulement est irrésistiblement attiré par les dieux, connecté à eux, mais qui encore
attire les foules comme par magie, suscite l’attrait des hommes.
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
¡  L’inspiration divine: Ion de Platon (533d à 534e)
[533e] Ainsi la Muse crée-t-elle des inspirés et, par l'intermédiaire de ces inspirés, une foule
d'enthousiastes se rattachent à elle. Car tous les poètes épiques disent tous leurs beaux poèmes
non en vertu d'un art, mais parce qu'ils sont inspirés et possédés, et il en est de même pour les
bons poètes lyriques.
•  Muses: instruments des dieux, médiatrices. Platon décrit leur action comme
une possession. Le poète est habité par une puissance étrangère et
supérieure. Pour Platon, cette forme d’aliénation est convenable,
respectable, car elle transcende l’homme, même si elle prend des allures de
délire.
•  Poètes épiques et poètes lyriques : les uns racontent histoires, les autres la
plainte amoureuse
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
¡  L’inspiration divine: Ion de Platon (533d à 534e)
Tels les corybantes [534a] dansent lorsqu'ils n'ont plus leur raison, tels les poètes lyriques
lorsqu'ils n'ont plus leur raison, créent ces belles mélodies ; mais lorsqu'ils se sont embarqués
dans l'harmonie et la cadence, ils se déchaînent et sont possédés. Telles les bacchantes puisent
aux fleuves le miel et le lait quand elles sont possédées, mais ne le peuvent plus quand elles ont
leur raison ; tels les poètes lyriques, dont l'âme fait ce qu'ils nous disent eux-mêmes.
•  Corybantes, bacchantes (ménades): divinités dansantes, serviteurs des dieux
•  « Théia dynamis » en grec: le mouvement des dieux
« enthousiasme » : en grec, avoir Dieu en soi (enthousiasme de la Pythie)
Cf. Ménon (99c) : « C’est surtout des hommes politiques que nous pouvons dire qu’ils sont divins
et inspirés, puisque c’est grâce au souffle du dieu qui les possède qu’ils obtiennent tant et de si
grands succès en parlant, sans rien savoir des choses dont ils parlent ».
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
¡  L’inspiration divine: Ion de Platon (533d à 534e)
Car ils nous disent, n'est ce pas, les poètes, qu'à des fontaines de miel dans les jardins et les vergers des Muses,
[534b] ils cueillent leurs mélodies pour nous les apporter, semblables aux abeilles, ailés comme elles ; ils ont
raison, car le poète est chose ailée, légère, et sainte, et il est incapable de créer avant d'être inspiré et transporté
et avant que son esprit ait cessé de lui appartenir ; tant qu'il ne possède pas cette inspiration, tout homme est
incapable d'être poète et de chanter.
•  Métaphore de l’abeille et du miel : C’est une image devenue célèbre.
L’abeille est l’image même d’un animal léger, vif, qui avance de manière
irrationnelle, parfaitement instinctive, sans réfléchir, mais c’est également
celle qui travaille longuement, patiemment, qui se consacre entièrement à sa
tâche.
•  Fureur (« être fou ») et daïmon socratique: = la dépossession n’est pas
honteuse, c’est une « manie » délire poétique, comparable au pouvoir de
divination de la Pythie. Elle est valorisée comme le « démon
philosophique »
Cf. : « les plus grands biens nous arrivent par un délire inspiré des dieux. C'est dans le délire que la
prophétesse de Delphes et les prêtresses [244b] de Dodone ont rendu aux citoyens et aux États de la
Grèce mille importants services (…) Mais ce qui mérite d'être remarqué, c'est que parmi les anciens ceux
qui ont fait les mots n'ont point regardé le délire (μανία) comme honteux et déshonorant. [244c] En
effet, ils ne l'auraient point confondu sous une même dénomination avec le plus beau des arts, celui de
prévoir l'avenir, qui dans l'origine fut appelé μανική. C'est parce qu'ils regardaient le délire comme
quelque chose de beau et de grand, du moins lorsqu'il est envoyé des dieux, qu'ils en donnèrent le
nom à cet art » (Phèdre, 244)
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
¡  L’inspiration divine: Ion de Platon (533d à 534e)
Ainsi donc, comme ils ne composent pas en vertu d'un art, quand ils disent beaucoup de belles choses sur les
sujets qu'ils traitent, comme toi sur Homère [534c], mais en vertu d'un don divin, chacun n'est capable de bien
composer que dans le genre vers lequel la Muse l'a poussé, l'un dans les dithyrambes, l'autre dans les éloges,
l'autre dans les hyporchèmes, l'autre dans la poésie épique , l'autre dans les ïambes ; dans les autres genres,
chacun ne vaut rien. Ils parlent en effet, non en vertu d'un art, mais d'une puissance divine ; car s'ils étaient
capables de bien parler en vertu d'un art, ne fût-ce que sur un sujet, ils le feraient sur tous les autres à la fois. •  « don divin » : cadeau, échange à sens unique
•  l’argument de la spécialisation. La ou les muses n’inspirent qu’un seul type
d’art
•  Classification:
Dithyrambes : poème accompagné d’une danse récité en l’honneur de
Dionysos
Hyporchèmes : chant choral dédié à Apollon (avec pantomime)
Eloges : éloges chantés sur un personnage historique ou mythologique
(panégyrie)
Poésie épique : récit d’un épisode mythologique ou historique
Iambes : poésie dans sa forme hellénique classique
L’inspiration: mythe ou réalité?
¡  Introduction
¡  L’inspiration divine: Ion de Platon (533d à 534e)
Et le but de la divinité, en enlevant la raison à ces chanteurs et à ces prophètes divins et en se servant d'eux
comme des serviteurs [534d], c'est que nous, les auditeurs, nous sachions bien que ce ne sont pas eux les auteurs
d'œuvres si belles, eux qui sont privés de raison, mais que c'est la divinité elle-même leur auteur, et que par leur
organe, elle se fait entendre à nous. La meilleure preuve pour notre raisonnement, c'est Tynnichos de Chalcis qui
n'a jamais fait un poème digne d'être cité, mais qui composa le péan chanté par tous, le plus beau presque de
tous les chants, une vraie trouvaille des Muses, comme il le dit lui-même. [534e] Cet exemple surtout me semble
avoir servi à la divinité, pour nous montrer dans nous laisser le doute, que les beaux poèmes n'ont pas un
caractère humain et ne sont pas l'œuvre des hommes mais qu'ils ont un caractère divin et qu'ils sont l'œuvre des
dieux et que les poètes ne sont que les interprètes des dieux, quand ils sont possédés quelque soit la divinité qui
possède chacun d'eux.
•  « serviteurs » : art est une activité humble dont on ne peut tirer gloire
personnelle, le maître rhapsode acclamé (Ion)
•  « l’interprète des dieux » : c’est un médiateur en Dieu et les hommes.
•  Tynnichos de Chalcis n’a écrit qu’un seul poème dans sa vie, mais c’est
une œuvre parfaite. Exemple de l’hyperspécialisation de l’artiste inspiré.
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