4. Autres mammifères aquatiques • Les exotiques introduits : - le rat musqué, - le ragondin, - le raton laveur Lafontaine, Lionel Loutre & autres mammifères aquatiques de Bretagne [Texte imprimé] / Lionel Lafontaine,... ; avec la collaboration de professeur Bryony Coles,... et Didier Montfort, Thierry Lodé... [et al.] ; dessins et illustrations, P. Hamon, A. Jean, S. Montfort... [et al.] ; Mèze : Biotope, 2005 (05-Gap : Louis-Jean impr.) - 1 vol. (160 p.-[8] p. de pl.) : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 24 cm. - (Les cahiers naturalistes de Bretagne, ISSN 1624-1398 ). Autre forme de titre : Loutre et autres mammifères aquatiques de Bretagne. -Bibliogr. p. 153-157. Webliogr. p. 157. Glossaire. - DLE-20050609-28282. - 599.176 0944 (21) . - ISBN 2-914817-10Loutre commune -- France -- Bretagne (France) Mammifères aquatiques -- France -- Bretagne (France) BN 39985779 05-42456 ✍ contacter l’auteur : [email protected] 4.3. Les exotiques introduits : le rat musqué, le ragondin, le raton laveur A l’exception du vison d’Amérique, indéfectiblement lié au vison d’Europe et au putois (sous-chapitre précédent), seront traités ici les mammifères aquatiques exotiques, ou allochtones, introduits volontairement ou non par l’homme, en France. Il s’agit de deux Rongeurs originaires du continent américain, le rat musqué et le ragondin, et du raton laveur, un carnivore exotique récemment apparu en Bretagne, et qui a fait l’objet d’une première synthèse régionale dans la revue Penn ar Bed. 4.3.1. Le ragondin et le rat musqué Ragondin Ragondin Rat musqué Ragondin Castor Loutre Nageant dans l'eau, le ragondin peut être confondu avec le castor ou la loutre, qui sont aussi corpulents que lui, voire davantage, ou enfin le rat musqué ; mais ce dernier est beaucoup plus petit. Les crottes de ragondin, très caractéristiques, sont oblongues et crénelées. (Photos E. Barbelette, C. Guihard et L. Lafontaine). 122 4. Autres mammifères aquatiques • Le ragondin (Myocastor coypus) C’est un gros Rongeur originaire d’Amérique du Sud (aire géographique : de l’Uruguay, sud Brésil, Bolivie jusqu’au sud du Chili), introduit en France pour la première fois en 1882 pour sa fourrure ; les élevages se sont réellement développés à partir de 1930. Dans l’entre deux guerres, certains élevages ont périclité et les animaux ont été relâchés dans le milieu naturel ; mais on oublie aussi qu’à cette période, parfois, notamment dans le centre de la France, des ragondins ont pu être volontairement relâchés sur des étangs (de chasse ou de pisciculture) pour faucarder la végétation palustre (joncs, phragmites...). Il s’agissait donc alors d’introductions volontaires à finalité de gestion écologique. Cette espèce a colonisé rapidement les zones humides et tous les milieux aquatiques. Sa capacité de reproduction est élevée : jusqu’à 3 portées par an, en moyenne 5 à 6 petits par portée, sevrés à deux mois. Le ragondin creuse des terriers dans les berges des canaux et des rivières, dans les digues d’étangs. Son activité est surtout nocturne. Il circule soit dans l’eau, soit sur les rives, en empruntant régulièrement le même chemin (coulées). Le ragondin se nourrit des plantes présentes sur son domaine vital (quelques centaines de mètres). Il s’éloigne assez peu du milieu aquatique pour rechercher sa nourriture ; mais il peut occasionner des dommages sur les cultures proches des cours d’eau et des marais : céréales, cultures fourragères, légumes, fleurs, etc. Les tiges peuvent être sectionnées jusqu’à une hauteur de 50 cm et sont mangées sur place. Le ragondin consomme jusqu’à 40 % de son poids par jour. Des écorces et racines d’arbres peuvent également être consommées en hiver. Morlaix Élorn Penzé Queffleut Jarlot Douron Le ragondin et le rat musqué sont des espèces qui ont colonisé progressivement, d’est en ouest, la plupart des bassins versants des quatre départements bretons. Le ragondin, dernier arrivé en Bretagne, n’a pas encore colonisé tout le département du Finistère : Yar Guic Brest Mignonne Aulne Hyères Auln e can alisé e 2000 2001 2002 Steir Goyen Quimper Odet Ellé 2003 Jet Quimperlé Aven Scorff Colonisation progressive du département du Finistère (échelle communale) par le ragondin, entre 2000 et 2003. Les bassins versants principaux sont indiqués en surimpression. (infographie L. Lafontaine, d’après FEREDEC-Bretagne, comm. pers.). 123 Risques sanitaires : Le ragondin contracte des maladies (parasitaire, virale, bactérienne), dont certaines sont transmissibles à l’homme et aux animaux : • pour le bétail : le ragondin peut héberger la forme adulte de la douve du foie, parasite des bovins. En cas de lutte contre cette maladie, il faut mesurer l’état d’infestation des ragondins par le parasite pour apprécier le risque d’un réservoir secondaire. • pour la santé humaine : deux maladies bactériennes sont possibles : la tularémie, la douve du foie pouvant entraîner une zoonose (transmissible à l’homme) : la fasciolose et la leptospirose transmises soit par morsure, soit par les eaux souillées. Il existe plusieurs formes de leptospirose, qui sont plus ou moins dangereuses ; une forme est mortelle pour l’homme. Une enquête menée en 2000 sur 26 départements français a montré que près de la moitié des ragondins analysés (et la majorité des rats musqués) étaient positifs vis-à-vis des leptospires, mais le taux de rats (rat noir et surmulot) touchés est similaire. Toutefois, une étude complémentaire sur des effectifs limités a montré que seuls 3 à 4% des ragondins étaient porteurs de souches virulentes, contre plus d’un tiers des rats noirs et surmulots. Et en matière de risque de transmission de la leptospirose à l’homme, il ne faut pas non plus négliger le rôle des micromammifères terrestres (campagnols, mulot), voire aussi le hérisson (AndréFontaine et Michel, 2004)... En France, le ragondin n’a pas beaucoup de prédateurs naturels, sauf quand les loutres sont encore en effectifs suffisants ; dans ce cas, de jeunes ragondins peuvent faire l’objet d’une prédation spécifique, mais non systématique ; les jeunes peuvent également être la proie des chiens, busards des roseaux, hérons, renards. Moyens de lutte : • Le tir : le ragondin, classé comme gibier (arrêté ministériel du 26 juin 1987) susceptible d’être classé juridiquement nuisible par les Préfets (arrêté du 30 septembre 1988), est chassable en période légale d’ouverture de la chasse. Des battues peuvent également être organisées. Malgré des tableaux de chasse élevés en nombre d’individus, l’impact d’un tel procédé sur la régulation des populations demeure faible et des “accidents d’identification” sont possibles, • Le piégeage : technique individuelle, plus ou moins sélective selon le type de piège. Peuvent être utilisés : le piège à mâchoires, le bidon ou piège à palettes qui est disposé à fleur d’eau (l’animal se noie), la nasse. Ces trois méthodes insuffisamment sélectives, ne sont pas recommandables. Seule méthode véritablement sélective vis-à-vis des espèces protégées, le piège-cage que l’on dispose sur les coulées, permet de capturer les animaux vivants et de relâcher les espèces non visées. Il apparaît indispensable, pour des questions d’efficacité et de sécurité, que les personnes qui réalisent des piégeages aient suivi une session de formation dispensée par un organisme habilité à cet effet (en général : Fédération départementale des chasseurs). A plusieurs reprises chaque année en Bretagne, des loutres sont capturées accidentellement durant des opérations de piégeage de ragondins. Du fait de la rapide expansion du ragondin sur l’ouest breton, et de ce fait de la multiplication des opérations de piégeage, il faut rappeler d’une part le contexte légal (qui oblige au relâcher des espèces protégées), et souligner le risque induit de vulnérabilité pour ces espèces. Il est utile de Dans le Morbihan, loutres signaler quand de tels “accidents” de capture se produisent. capturées dans des pièges à ragondins. (photo DR). 124 Photo : L. Lafontaine 4. Autres mammifères aquatiques • La lutte chimique : depuis plusieurs années, ce moyen de lutte est proscrit sur les quatre départements bretons, du fait des incidences sur les autres espèces (cf. infra). Dans tous les cas, les campagnes ne peuvent être menées sans autorisation préfectorale ; elles s’effectuent dans le cadre des fédérations départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures, sous le contrôle du service de la protection des végétaux. La méthode consiste à déposer des morceaux de carottes fraîches, enrobés d’un anticoagulant, la bromadiolone, sur des radeaux. La majorité des animaux intoxiqués meurt dans les 6 à 7 jours après ingestion. La récupération des cadavres est obligatoire, de par la loi ; mais, en réalité, les animaux le plus souvent vont mourir dans leurs terriers et ne sont pas récupérés. La lutte chimique à base d’anticoagulants pose le problème du devenir des produits dans l’environnement, et des risques de contamination secondaire des carnivores sauvages comme cela a déjà été démontré. En conséquence, vis-à-vis des espèces protégées (mammifères aquatiques : loutre, castor, vison d’Europe, ou autres espèces), il est absolument indispensable, notamment dans le cadre d’opérations intégrées à l’échelle des bassins versants (CRE, lutte intégrée contre le ragondin ou le rat musqué) de remplacer les campagnes d’éradication conventionnelles (tir et pièges non sélectifs, lutte chimique par anticoagulants) par des techniques alternatives plus sélectives et moins dangereuses, comme les cagespièges (Collectif, 1999). Une circulaire ministérielle (MCB/cff3 du 1er août 1995) recommande aux services chargés de la mise en œuvre des campagnes d’éradication contre les ragondins ou les rats musqués, de prendre l’attache de spécialistes pour définir les modalités de lutte et les précautions à prendre pour éviter la destruction de castors. Le bilan des actions menées ces dernières années confirme que l’efficacité de la lutte contre le ragondin dépend fortement des conditions du milieu et de la saison. Le coût des méthodes de lutte peut aller jusqu’à plus de 100.000 euros/an, pour un département comme le Maine et Loire par exemple (Micol, 1990). Le rapport avec l’estimation chiffrée des dégâts (destruction d’ouvrage hydraulique, perte de culture, colmatage des fonds, etc.) serait important à établir, mais semble rarement réalisé. • Le rat musqué (Ondatra zibethicus) Originaire d’Amérique du Nord, le rat musqué a été introduit en Europe au début du XXe siècle pour sa fourrure. Des animaux se sont échappés des élevages et ont rapidement colonisé les milieux aquatiques. A l’instar du castor, le rat musqué peut édifier des huttes, mais seulement avec hélophytes (joncs,...). (photos E. Barbelette et L. Lafontaine) 125 Il creuse dans les berges des terriers d’environ 20 cm de diamètre ; l’entrée est généralement immergée ; en zone de marécage, il peut édifier des huttes avec des joncs, des roseaux. Les terriers profonds peuvent endommager les berges et les digues. Son activité est nocturne. La gestation dure un mois ; les femelles mettent bas une portée de 4 à 7 petits, deux ou trois fois par an. Les jeunes sont sevrés à 18 jours. La longévité moyenne est de 5 ans. Ses prédateurs naturels sont le renard, le putois, le vison américain, le chat haret. Le rat musqué occasionne des dommages comparables mais moindres que ceux occasionnés par le ragondin. Il sélectionne les tiges au voisinage de la base et les transporte dans son terrier. Moyens de lutte : • Le piégeage est semblable à celui du ragondin. • La lutte chimique : comme pour le ragondin, la lutte chimique est interdite sur les quatre départements bretons. • Utilisation de la bromadiolone et autres anticoagulants contre les rongeurs nuisibles : vers un Réseau d’épidémiosurveillance des mortalités des petits Carnivores en France Un programme national en cours de mise en place vise à établir un Réseau d’épidémiosurveillance des mortalités des petits Carnivores en France. Il sera porté conjointement par le réseau SAGIR sous l’égide de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, les laboratoires vétérinaires départementaux et le laboratoire de toxicologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon (Pr P. Berny). Voici les éléments principaux de ce programme : Depuis de nombreuses années, la lutte collective contre les rongeurs classés nuisibles fait appel, au moins partiellement, à des molécules à activité anti-vitamine K ou anticoagulantes. Les principales utilisées en France sont la bromadiolone et la chlorophacinone. La lutte chimique contre le ragondin et le rat musqué repose sur ces substances, auxquelles s’ajoute le scilliroside, sous forme de radeaux employés dans les zones humides. Cependant ces traitements provoquent des accidents sur les espèces non-cibles : des prédateurs et nécrophages (mustélidés, renard, rapaces), des omnivores (sangliers) et, parfois des herbivores (chevreuil, léporidés). Les mortalités observées concernent à la fois des espèces courantes et des espèces rares, protégées voire en extinction sur le territoire national (vison d’Europe...). A l’heure actuelle, aucune étude nationale ou européenne ne permet de mesurer exactement l’ampleur de la situation et les conséquences de la lutte collective sur les espèces non cibles. Des accidents constatés sur le terrain, et les inquiétudes soulevées par l’utilisation de bromadiolone en zone d’agriculture biologique ont amené l’AFSSA à proposer que ces aspects soient revus dans un programme scientifique défini. Les raticides anticoagulants sont utilisés depuis plusieurs décennies pour la lutte contre les principaux rongeurs commensaux ou sauvages. Le coumafène, le plus ancien des composés utilisés, ne permet pas de répondre très efficacement aux pullulations de rongeurs. En effet, il n’est actif qu’après plusieurs ingestions répétées et de nombreuses espèces de rongeurs ont développé des formes de résistance. Pour pallier ces déficiences, de nouvelles molécules (seconde génération) ont été développées et commercialisées. Leur principale caractéristique est d’être toxique pour le rongeur après une seule ingestion et de provoquer la mort en quelques jours. La rémanence des anticoagulants dans le foie semble être l’élément principal à l’origine de leur toxicité secondaire. Ainsi, le brodifacoum, est impliqué dans de nombreux accidents sur la faune sauvage dans les pays où il est utilisé pour la lutte collective ou les éradications massives. En Europe, les données sont limitées. Une étude menée en Grande-Bretagne (McDonald et al., 1998) montre qu’il est possible de 126 4. Autres mammifères aquatiques retrouver des résidus de raticides sur les mustélidés, hermine et belette. Ces résultats sont parcellaires. Deux études plus récentes (Shore et al., 1999, 2003) portant sur 100 putois ont montré que 25 à 31% des animaux capturés avaient des résidus mesurables de raticides. En l’absence de données sur la toxicité des anticoagulants à ces faibles doses, il est impossible de conclure en l’état sur les risques pour l’espèce concernée. Une enquête utilisant les données du réseau SAGIR de surveillance sanitaire de la faune sauvage a mis en évidence la réalité du phénomène d’intoxication secondaire de renards et de buses variables dans notre pays (Berny et al., 1997). Récemment, une recherche systématique de huit molécules d’anticoagulants dans des prélèvements de foie de spécimens de mammifères aquatiques (quatre espèces) ont montré que, globalement, 13% des échantillons étaient positifs aux anticoagulants. La plupart du temps, les animaux sont morts accidentellement, mais dans trois cas la bromadiolone a été directement imputable à la mort des animaux (deux putois, un vison américain). 100% 80% 60% négatifs chlorophacinone 40% bromadiolone 20% 0% vison d'Europe (31) loutre (11) putois (33) vison d'Amérique (47) Présence d’anticoagulants détectés dans le foie de quatre espèces de mammifères aquatiques, en pourcentages du nombre d’animaux analysés par espèce (nombre entre parenthèses). (D'après Fournier-Chambrillon, 2004). L’Arrêté ministériel du 8 juillet 2003 précise que la lutte chimique contre les rongeurs nuisibles doit se faire à titre exceptionnel. Des dérogations sont prévues selon la présence de mammifères aquatiques protégés, et une carte nationale a été élaborée. Une transition vers l’abandon progressif de la lutte chimique à l’horizon 2006 est prévue. La collecte des cadavres de petits carnivores permettra d’avoir une estimation de la contamination des petits carnivores par les raticides. L’objectif est de déterminer l’impact sur la faune non-cible des luttes chimiques contre les rongeurs, afin de mieux cerner les espèces concernées (parmi les prédateurs), les circonstances d’exposition, les teneurs résiduelles et les conséquences toxicologiques. 127 Photo C. Guihard 4.3.2. Le raton laveur (Procyon lotor) Des ratons laveurs en Bretagne ? Alain Jean, docteur-vétérinaire à Pont-Aven, a signalé en 2001 avoir récupéré par des agents de la DDE du Finistère un raton laveur trouvé mort au bord de la voie express Quimper-Lorient (RN 165) ; il s’agissait d’un mâle de 7,8 kg. François Léger, spécialiste des carnivores à l’ONCFS, a publié un article sur cette espèce en France dans le Bulletin Mensuel de l’Office National de la Chasse (1999, n°241 : 16-37) : prévenu de ce nouveau cas, celui-ci devait en confirmer d’autres, nouveaux pour la Bretagne, concernant probablement des animaux fugitifs détenus à l’origine par des zoos ou des cirques ou par des particuliers comme animaux familiers. Ces fugitifs sont ensuite capturés dans des pièges, victimes de la circulation routière ou encore tués dans les poulaillers. D’autres cas ultérieurs ont justifié la rédaction, en 2003, d’une synthèse sur le raton laveur en Bretagne, publiée dans Penn ar Bed (2003, n° 187 : 14-19). Extraits choisis de cet article : Le raton laveur (Procyon lotor) est un carnivore de la famille des Procyonidés que l’on rencontre à l’état spontané en Amérique du Nord. Sa présence, dans plusieurs régions d’Europe, est la conséquence d’introductions involontaires ou de lâchers intentionnels. En France, sa présence est assez peu connue. Pourtant, l’espèce est apparue et s’est implantée au cours des dernières décennies dans plusieurs départements du Nord-Est du pays, avec notamment un foyer de dispersion actif dans le département de l’Aisne. Le premier cas identifié de raton laveur en Bretagne remonte au mois de juin 1998 en Ille-et-Vilaine où un spécimen a été capturé vivant dans une cage-piège à ragondins près d’un ruisseau sous-affluent de la Seiche. L’animal s’est ensuite échappé de sa cage en février 1999 à Pléchâtel. Selon la personne qui l’a détenu, il s’agissait sans doute d’un mâle. En cinq ans, ce sont ainsi 16 mentions de raton laveur qui ont été rapportées dans les quatre départements bretons, détaillées comme suit (d’après Léger, 2003) : Bilan chronologique des mentions (par commune) du raton laveur en Bretagne : ANNÉES 1998 1999 2000 CÔTES D’ARMOR FINISTÈRE ILLE-ET-VILAINE Ploumoguer Chanteloup Essé Teillay Ploubazlanec 2001 Plougonven Pont-Aven 2002 Total 1 3 3 MORBIHAN TOTAL 2 1 Guidel Lanester Pont Scorff (4) Plescop Kervignac Guidel 9 4 7 2 16 Le Morbihan détient le record (provisoire) avec neuf mentions en trois ans, dont une majorité dans le Pays de Lorient ! 128 4. Autres mammifères aquatiques La présence de ce carnivore exogène en Bretagne peut surprendre et l’on peut s’interroger fort justement sur la provenance des animaux. La présence du raton laveur en France est la conséquence d’introductions involontaires ou de lâchers intentionnels réalisés en Allemagne. Il existe à ce jour deux noyaux de population de ratons laveurs en France. L’un en Alsace et en Lorraine, et l’autre dans le département de l’Aisne et les territoires adjacents. Si les premiers signalements du raton laveur dans ces deux régions sont assez synchrones, les origines sont différentes (Léger, 1999). Dans le département de l’Aisne, la présence du raton laveur est liée à des lâchers et l’expansion est importante. L’origine de cette population devenue prospère fait suite à la détention de ratons laveurs familiers ou « mascottes » par les soldats américains affectés sur la base militaire de l’O.T.A.N. près de Laon. Au moment du départ des troupes en 1966, des évasions répétées ou des abandons sur place ont permis l’acclimatation de l’espèce (voir Léger, 1999). Cette population a connu une expansion notable avec des apparitions dans plusieurs départements voisins. Pour le seul département de l’Aisne, à la fin des années 1990, entre 300 et 500 ratons laveurs étaient prélevés annuellement soit par piégeage ou chasse. En aucun cas les ratons laveurs observés ces dernières années en Bretagne ne s’inscrivent dans le cadre de l’extension de ces deux foyers de dispersion français. Le phénomène observé en Bretagne n’est pas unique. Une recrudescence des signalements occasionnels de ratons laveurs a été constatée au cours des dernières années en France dans des départements comme la Loire-Atlantique, le Doubs, le Puy-deDôme, l’Aude, la Haute-Loire, le Rhône, etc. (Léger, non publié). La tendance enregistrée ces dernières années révèle, d’une part, une fréquence insoupçonnée de la détention de l’espèce par des particuliers et, d’autre part, le risque occasionné par ce type de détention. En effet, localement, les évasions répétitives de spécimens peuvent donner lieu à l’émergence et au développement d’un foyer de dispersion actif. Le raton laveur est un carnivore, dont le régime est marqué par un grand opportunisme dominé par la consommation des ressources les plus accessibles, ce qui lui donne une tendance d’”omnivore-quêteur” qui cherche à se nourrir devant lui, sur le sol ou dans l’eau. En ce sens, il peut commettre certains “dommages”, mais sa présence en Bretagne ne reste pour l’instant que très accidentelle, aucune population véritable n’existe et a fortiori ne se reproduit à l’état sauvage. 129 Les fiches “espèces” Fiche-espèce n°3 Le rat musqué (ou "loutre d'Hudson") Ordre des Rongeurs, Famille des Muridés Ondatra zibethicus (Linné, 1766 ; Est du Canada) anglais : muskrat • espagnol : Rata almizclera • breton : razh-musk allemand : Bisamratte • italien : Topo muschiato • gallois : llygoden fwsg Etymologie • Ondatra : mot d'origine amérindienne (langue huronne) pour désigner l'animal • zibethicus : latinisation de zibetha = civette (viverridé africain ayant une odeur musquée), du catalan civetta qui provient de l'arabe zabâd = musc (en allemand : Bisamratte, Bisam = musc) • loutre d'Hudson : terme de pelleterie permettant de commercialiser une peau "de moindre prestige" Description Allure de gros campagnol, corps massif, tête large, oreilles courtes, pattes postérieures en partie palmées, longue queue dénudée aplatie latéralement. Pelage doux et épais, brun-foncé à gris-brun clair. Longueur totale 44-63 cm dont 19-28 cm pour la queue, poids 600-1800 g. Distribution et habitat © SEM 1999 Espèce introduite, apparue dans la nature en France dès 1930, le rat musqué avait colonisé toute la moitié nord du pays dans les années 1960. Dans les années 1990, la limite méridionale de répartition du rat musqué était les Pyrénées et le sud des Alpes françaises. Sa présence, globalement commune, est fluctuante en Bretagne, en fonction de la prédation du vison américain et de l'activité des piégeurs. Il fréquente tous types de milieux aquatiques, et supporte une salinité relative de l'eau (estuaires). Statut biologique (Espèce non autochtone) Statut juridique Espèce chassable (arrêté ministériel du 26 juin 1987), figurant sur la liste des espèces susceptibles d’être classées nuisibles par arrêté préfectoral, après avis du Conseil Départemental Chasse et Faune Sauvage (arrêté du 30 septembre 1988). Ledard et al., Diren 2001 142 Fiche-espèce n°4 Le ragondin (myopotame, castor du Chili, castor des marais...) Ordre des Rongeurs, Famille des Myocastoridés Myocastor coypus (Molina, 1782 ; Chili, Rio Maipo) anglais : coypu • espagnol : coipú • breton : avank-Spagn allemand : Nutria • italien : nutria • gallois : coipw Etymologie • Myocastor, du grec mus = souris et kastôr = castor • coypus, latinisation de coypu, nom de l'animal en Amérique du sud, qui viendrait des mots indiens co = eau et ipun = se déplacer majestueusement (terme conservé en espagnol, et en anglais... pour l'animal, mais nutria pour la fourrure du ragondin !...) • Myopotame = rat du fleuve. Description Corps massif, grosse tête, petites oreilles, pieds en partie palmés, longue queue cylindrique dénudée. Pelage brun-foncé à roussâtre, ventre et pattes brun clair, lèvres et menton blancs. Longueur totale 65-105 cm dont 25-45 cm pour la queue, poids 2,5-9 kg. Mâle plus grand que la femelle. Distribution et habitat © SEM 1999 Importé en France au XIXe siècle pour la pelleterie, le ragondin a fait l'objet d'introductions volontaires dans les années 1930 (baisse de la demande de fourrures, faucardage des étangs). Il a colonisé progressivement de nombreux départements après guerre, puis a connu une grande explosion démographique dans les années 1970. Il a colonisé progressivement la Bretagne, d'Est vers l'Ouest et est commun partout sauf une partie du département du Finistère, non encore colonisé (cf. chapitre 4). Le ragondin a été éradiqué en Grande-Bretagne (nord-est de Londres), et est en régression dans son aire d'origine, l'Amérique du Sud... Il fréquente les eaux stagnantes et courantes, mais évite les torrents et les prés salés littoraux. Statut biologique (espèce non autochtone) Statut juridique Espèce chassable (arrêté ministériel du 26 juin 1987), figurant sur la liste des espèces susceptibles d’être classées nuisibles par arrêté préfectoral, après avis du Conseil Départemental Chasse et Faune Sauvage (arrêté du 30 septembre 1988). Ledard et al., Diren 2001 143 Fiche-espèce n°10 Ordre des Carnivores fissipèdes, Famille des Procyonidés Le raton laveur Procyon lotor (Linné, 1758 ; Amérique) anglais : raccoon • espagnol : mapache • breton : rakoun allemand : Waschbär • italien : orsetto lavatore • gallois : racwn Etymologie • Procyon : du grec pro = antérieur, et kuôn = chien, (considéré comme un) ancêtre des chiens • lotor = qui lave (mot latin) • en allemand, Waschbär = ours qui lave ; en anglais, raccoon dérive de l'algonquin arakun = qui gratte avec ses mains (Virginie en Amérique du nord). Mais pour d'autres peuples indiens, son nom prend un autre sens, souvent imagé : "grosse queue" (huron), "magicien" (sioux), "qui prend tout avec ses mains" ou "qui parle avec les dieux" (nahuatl), "bondissant" (tupi, Amérique du sud)... Description Corps trapu, museau pointu, queue touffue. Pelage gris à gris-brun, queue annelée de noir et de gris, masque noir bordé de blanc sur les yeux. Longueur totale : 66-100 cm dont 20-30 cm pour la queue. Poids moyen : 5 à 6 kg. A. Jean Distribution et habitat © SEM 1999 Originaire d'Amérique du Nord, le raton laveur a été introduit en Russie et en Allemagne dans les années 1930. Depuis l'Allemagne, l'espèce a ensuite colonisé le Benelux, la Suisse, l'Autriche, la République Tchèque, et l'Est de la France, notamment dans l'Aisne. Ailleurs, quelques animaux issus de captivité ou d'animaleries font des apparitions sporadiques, comme c'est le cas depuis quelques années en Bretagne, mais il ne s'agit pas encore de populations, encore moins férales. Statut biologique (espèce non autochtone). Statut juridique Espèce chassable (arrêté ministériel du 26 juin 1987), figurant sur la liste des espèces susceptibles d’être classées nuisibles par arrêté préfectoral, après avis du Conseil Départemental Chasse et Faune Sauvage (arrêté du 30 septembre 1988). 149