mise au point Hypersignaux IRM de découverte fortuite Incidental hypersignals on brain MRI A. Tourbah* L a réalisation d’examens en imagerie par résonance magnétique (IRM) en routine clinique ou dans le cadre de programmes de recherche ainsi que l’introduction croissante d’aimants à haut champ ont conduit à la découverte d’anomalies qualifiées de fortuites, c’est-à-dire inattendues ou bien encore n’ayant pas de rapport, en apparence, avec la symptomatologie clinique (1). Celles-ci correspondent à des malformations cérébrales ou vasculaires, à des processus occupant de l’espace, ou encore à des anomalies de signal visibles sous la forme d’hypersignaux sur les séquences pondérées en T2 (ZHST2). Ces ZHST2 sont réputées très sensibles à la modification de la concentration en eau libre du tissu. Isolées, elles n’ont en revanche que peu de spécificité. La découverte de ZHST2 fortuites pose différents problèmes, liés à leur interprétation, d’une part, et à l’information délivrée au patient, d’autre part. La signification de ces anomalies dépend essentiellement du terrain et des caractéristiques lésionnelles. L’information délivrée au patient est à adapter au cas par cas. oire unis. Signification des ZHST2 : le terrain clinique - 2008/09 - AVO3 - FRA - 23915 ngue cours ment tients mmes étude maine, pour ulaire gique x ans ment oi » et ation si les signe celer rmes ONEX nnées ernel lgies, pénie, Mises uence et du algie, lisme ippal, on au ption, ques : iétés t être enant ction. ution dant 10:10:33 Avant l’ère de l’IRM, des hypodensités avaient été décrites au scanner RX : touchant la substance blanche (SB) sous-corticale des sujets âgés ou atteints de démence, étendues sous la forme de plages bilatérales périventriculaires jusqu’aux centres semi-ovales, elles ont reçu le nom de leucoaraïose (2). En IRM, les ZHST2 sont parfois qualifiées d’objets brillants non identifiés ou de leuco-encéphalopathie non spécifique. Leur fréquence est variable en fonction des séries et des séquences utilisées en IRM. La prévalence après l’âge de 50 ans est multipliée par 2 à 3, d’autant plus s’il existe des facteurs de risque vasculaire, et peut-être plus chez les femmes. Ainsi, dans l’étude menée à Rotterdam, seuls 5 % des individus de plus de 60 ans n’avaient aucune ZHS (3). La fréquence de ces anomalies semble importante chez les migraineux (avec ou sans aura), allant jusqu’à 93 % dans certaines séries (4). Leur siège est alors strictement sous-cortical. Une méta-analyse révèle, chez les patients migraineux âgés de moins de 55 ans et sans aucun facteur de risque vasculaire, un “risque“ 4 fois plus important d’anomalies de la SB par rapport à des témoins non migraineux (22,7 % versus 7 %) [5]. Des ZHST2 ont aussi été décrites chez des enfants (11 %) et des adultes (22 %) en bonne santé. Visualisées sur les 2 temps d’écho (court et long), leur siège est le plus souvent souscortical, ou périventriculaire en regard des cornes frontales (6). Les ZHST2 sont aussi rencontrées au cours de nombreuses affections infectieuses ou systémiques (vasculopathies et maladies auto-immunes). Elles sont découvertes dans un contexte clinique plus ou moins évocateur, ou bien encore dans le cadre d’un bilan d’extension réalisé de manière systémique. Se posent alors les questions d’une atteinte cérébrale clinique ou infraclinique et de la nécessité ou non d’une adaptation thérapeutique, notamment dans le sens d’un traitement plus agressif. Analyse des lésions Éléments de physiopathologie La SB contient moins d’eau et plus de lipides que la substance grise (SG). Sa perfusion moyenne est * Service de neurologie et faculté de médecine, CHU de Reims. La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 4 - avril 2009 | 119 Mots-clés Hypersignal IRM Cerveau Fortuit Highlights To analyze incidental brain hypersignals on MRI, patients’ age, familial and personal history, vascular risk factors have to be taken into account. MRI technique must include several T2 weighted sequences, and T1 weighted series before and after gadolinium infusion. In the context of incidental brain lesions discovery, other investigations are conducted according to clinical context and lesions aspect. Most often, a follow-up MRI examination is performed. It allows to evaluate lesion evolution. It is recommended that any research project based on imaging techniques includes the possibility to discover incidental abnormalities. Keywords Hypersignal MRI Brain Incidental Points forts »» L’interprétation des hypersignaux de découverte fortuite à l’IRM tient compte de l’âge, des antécédents et de l’existence de facteurs de risque vasculaire. »» La technique d’IRM doit comporter différentes séquences pondérées en T2 et des séquences pondérées en T1 avant et après injection de gadolinium. »» Devant la découverte fortuite d’hypersignaux à l’IRM, d’autres examens complémentaires sont réalisés en fonction du contexte clinique et de l’aspect des lésions. »» Le plus souvent, un examen de contrôle comparatif est pratiqué à distance. Il permet de juger de l’évolutivité lésionnelle. »» Il est souhaitable que tout projet de recherches comportant des modalités d’imagerie tienne compte de la possibilité de la découverte d’anomalies fortuites. de 20 ml/100 g/mn contre 80 ml/100 g/mn pour la SG. Elle est donc particulièrement sensible aux phénomènes hypoxiques, notamment dans les régions jonctionnelles, ce qui est le cas de la SB sous-corticale. Les modifications histologiques des lésions de leuco-encéphalopathie semblent d’ailleurs liées à une souffrance ischémique de la SB : anomalies des parois veineuses périventri­ culaires, élargissement des espaces périventri­ culaires et extracellulaires, tortuosités artériolaires, infarctus lacunaires, gliose, apoptose et perte de la structure de la SB (7-9). Analyse “radiologique” des lésions (tableau) Elle doit tenir compte de leur taille, de leur topo­ graphie, de leur forme et de leur aspect sur les différentes pondérations et séquences. La taille des ZHST2 est variable et le qualificatif qui leur est attribué est différent selon les auteurs et le type de pathologie. Des lésions de taille inférieure à 3 mm sont habituellement considérées comme non significatives ! Elles le deviennent si leur taille est supérieure à 3 mm dans les pathologies inflammatoires. Elles sont qualifiées de confluentes lorsque leur diamètre est supérieur à 2 cm pour les pathologies inflammatoires, et à 2,5 cm pour la leucoencéphalopathie, qui progresse avec l’âge et les facteurs de risque vasculaire. La topographie et la répartition des lésions sont elles aussi différentes d’une pathologie à l’autre. Dans les affections métaboliques et “génétiques”, elles sont bilatérales et grossièrement symétriques, alors qu’elles sont asymétriques dans les pathologies inflammatoires. Le siège des lésions est un élément important d’orientation. La SB peut être divisée en 4 compartiments : périventriculaire (au contact du mur ventriculaire) ; profonde (séparée des ventricules) ; jonctionnelle (dans un territoire de dernier pré) ; sous-corticale (à moins de 5 mm du cortex). Les ZHST2 deviennent juxta-corticales si elles touchent le cortex. L’atteinte associée de la SG concerne les noyaux gris centraux ou le cortex. Dans ce dernier cas, les lésions se situent dans les régions sous-piales, intracorticales ou transcorticales. La forme des lésions peut constituer un élément d’orientation : une forme pyramidale ou triangulaire cortico-sous-corticale oriente vers un diagnostic d’accident ischémique artériel. Une forme ovoïde perpendiculaire au mur des ventricules latéraux est plus en faveur d’une atteinte inflammatoire et démyélinisante. Les modifications de signal selon la pondération doivent, elles aussi, être analysées : hyposignaux sur les séquences pondérées en T1, rehaussement du signal après injection de gadolinium, ou hyposignaux sur les séquences d’écho de gradient pondérées en T2 témoignant de cicatrices hémorragiques. Éléments d’orientation Tableau. Critères qui différencient une leuco-encéphalopathie inflammatoire d’une leucoencéphalopathie non spécifique. Inflammatoire Non spécifique Signal en T2 Leucoencéphalopathie Hétérogène Homogène Signal en T1 Hyposignal (parfois) – + – Rehaussement après gadolinium Forme ovoïde ++ – Lésions des fibres en U ++ – Lésions du corps calleux ++ – Localisation périventriculaire ++ – ++ (asymétriques) ± (symétriques ; protubérance) ++ – Lésions sous-tentorielles Lésions médullaires 120 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 4 - avril 2009 La découverte fortuite de ZHST2 chez des sujets qui ont plus de 55 ou 60 ans correspond le plus souvent à une leuco-encéphalopathie non spécifique (figure). Le siège de ces ZHST2 est le plus souvent sous-cortical, parfois périventriculaire. Avant l’âge de 55 ans, un aspect comparable est observé chez des patients migraineux ou ayant des facteurs de risque vasculaire personnels ou familiaux. Certaines ZHST2 correspondent à un élargissement des espaces péri-vasculaires. Elles sont alors reconnues sur les séquences FLAIR, où elles apparaissent en hyposignal (10). La leuco-encéphalopathie non spécifique n’est pas réservée à l’étage supra-tentoriel et peut toucher la protubérance (figure). Elle épargne mise au point A ZHS dont les caractéristiques radiologiques sont compatibles avec ce qui est observé dans les affections inflammatoires en général et la sclérose en plaques (SEP) en particulier. C’est le cas lorsque ces anomalies de signal remplissent les critères de dissémination spatiale en IRM (11). Quelle stratégie peut-on proposer ? B Figure. Leuco-encéphalopathie non spécifique touchant la substance blanche sous-corticale (A. coupe axiale, séquence FLAIR) et l’étage sous-tentoriel (B. coupe axiale, séquence spin echo). habituellement le corps calleux, la SB juxtacorticale, les fibres en U et le cordon médullaire. L’hypersignal sur les séquences pondérées en T2 est généralement homogène. Sur les séquences pondérées en T1, le signal n’est habituellement pas modifié, sauf s’il s’y associe des lésions lacunaires. L’injection de gadolinium n’entraîne pas de rehaussement du signal. Le problème est différent si l’on découvre, à l’occasion d’une IRM pratiquée pour des symptômes plus ou moins spécifiques (céphalées, douleurs localisées ou diffuses, vertiges, syndrome post-traumatique, syndrome dépressif, troubles de la mémoire), des La découverte fortuite de ZHST2 doit être interprétée en fonction des antécédents personnels et familiaux. L’interrogatoire précisera les conditions de naissance, les antécédents de méningite, d’encéphalite, de traumatisme ou de coma dans l’enfance. Ainsi ces ZHST2 pourront-elles être rattachées à des lésions cicatricielles non évolutives. Les antécédents personnels ou familiaux de migraine, d’accidents vasculaires ou de prise de toxiques feront suspecter une souffrance cérébrale d’expression infra-clinique. Dans ces cas, il s’agit le plus souvent de ZHST2 de topographie souscorticale. Des examens biologiques à la recherche de facteurs de risque (comprenant les facteurs anti­ nucléaires, les anticorps antiphospholipides, l’homocystéine) seront effectués. En fonction du contexte clinique, une orientation vers des examens cardiovasculaires plus spécifiques pourra être proposée. Le plus souvent, une IRM de contrôle est réalisée 6 mois à un an après la première. Parfois, l’IRM révèle des lésions correspondant à une souffrance cérébrale d’expression préclinique. C’est le cas lorsque leur siège (périventriculaire juxtacortical ou cortical), leurs caractéristiques de signal sur d’autres séquences, leur aspect (ovoïde) ainsi que leur répartition (bilatérale asymétrique) sont suggestifs de SEP. Les études anatomo-pathologiques ont révélé la présence de lésions démyélinisantes silencieuses dans 0,1 à 0,83 % des cas (12-14). De même, les ZHST2 semblent plus fréquentes chez les individus ayant un membre de leur famille atteint de SEP (15, 16). Deux études récentes rapportent plusieurs cas de “SEP radiologique” et précisent les facteurs de conversion vers une “SEP clinique” (17, 18). Le premier épisode neurologique peut apparaître plusieurs années après la première IRM. Cette situation concerne aussi bien les SEP rémittentes que les SEP progressives (19). Devant la découverte, à l’IRM, de lésions évocatrices de SEP, il est proposé le plus souvent une IRM médullaire, une analyse du LCR, et une nouvelle IRM de contrôle dans un délai de 3 à 6 mois. La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 4 - avril 2009 | 121 mise au point Hypersignaux IRM de découverte fortuite Que peut-on proposer aux patients ? L’une des questions que pose la découverte fortuite des ZHST2 est celle de l’information délivrée au patient, et la possibilité, en cas de SEP radiologique confirmée par la dissémination temporelle à l’IRM, de proposer un traitement immunomodulateur. La complexité du problème et l’absence de recommandations consensuelles font qu’il est difficile de répondre ici à ces questions de manière succinte. Il peut néanmoins être suggéré de tenir compte de cette possibilité dans tous les projets de recherche impliquant un examen en IRM (encadré). Ces suggestions peuvent s’adapter en général à tous les types de lésions de découverte fortuite en radiologie. Conclusion L’interprétation des hypersignaux de découverte fortuite dépend essentiellement du terrain et de leurs caractéristiques radiologiques. Il est alors possible de s’orienter vers des anomalies cicatricielles ou évolutives témoignant d’une souffrance infra- ou préclinique. La mise en place d’un groupe d’experts permettrait d’identifier les hypersignaux et de suggérer des recommandations qui contribueraient à leur prise en charge en routine clinique ou dans le cadre de programmes de recherche. ◼ »» Tenir compte dans le formulaire d’information et de consentement de la possibilité de découvrir des anomalies radiologiques, et de l’attitude à adopter. Communiquer les recommandations à l’ensemble des investigateurs. »» Mise en place d’un groupe d’experts comprenant un neurologue et un neuroradiologue, permettant d’analyser les lésions et de les intégrer dans le contexte clinique. »» Mise en place d’une base de données commune permettant de recenser ce type d’anomalies afin de parvenir à un consensus dans la prise en charge. »» Mise en place d’archives radiologiques accessibles permettant de visualiser ces lésions. »» Étendre ce type de procédure à d’autres modalités d’imagerie : TEP, IRMf, etc. »» Mise en place d’une formation spécifique permettant d’enseigner ce type de situations et d’y sensibiliser les équipes de recherche et les cliniciens. Encadré. Suggestions lors de la présentation de projets de recherche incluant des examens radiologiques. Références bibliographiques 1. Vernooij MW, Ikram MA, Tanghe HL et al. Incidental findings on brain MRI in the general population. N Engl J Med 2007;357:1821-8. 2. 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