POLITIQUE EUROPÉENNE DES MÉDICAMENTS : RENFORCER L’ACCESSIBILITÉ OU LA POSITION CONCURRENTIELLE En matière de médicaments, l’Union européenne a pour compétence de garantir la libre circulation des produits et une concurrence loyale dans le secteur pharmaceutique. Une réglementation européenne a été élaborée à ce propos, essentiellement en vue d’harmoniser l’accès des médicaments au marché. Cette réglementation règle entre autres les critères que doivent remplir les médicaments pour être commercialisés et le demeurer, les procédures décisionnelles, la pharmacovigilance, la publicité et les délais de protection des données. La fixation du prix et le remboursement des médicaments sont en principe des compétences des États membres. La législation européenne stipule néanmoins que les décisions en la matière doivent être transparentes, reposer sur des critères objectifs et être prises dans des délais raisonnables. En 2001, la Commission européenne a formulé des propositions visant à réformer radicalement la réglementation européenne en matière de médicaments1. L’objectif était de réaliser le marché intérieur dans le secteur des médicaments, de relancer la concurrence dans l’industrie pharmaceutique européenne et de relever les défis de l’élargissement et de la globalisation tout en garantissant un haut niveau de protection du citoyen européen. 1 Règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, JO L 136 du 30 avril 2004, pp.0001-0033 (http://europa.eu.int/eur- lex/pri/fr/oj/dat/2004/l_136/l_13620040430fr00010033.pdf). Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, JO L 136 du 30 avril 2004, pp.0034-0057 lex/pri/fr/oj/dat/2004/l_136/l_13620040430fr00340057.pdf). -1- (http://europa.eu.int/eur- La réforme proposait de simplifier et d’accélérer les procédures ainsi que la disponibilité de nouveaux produits. Pour atteindre cet objectif, la Commission européenne a proposé un élargissement de la procédure centralisée en ce qui concerne l’autorisation de commercialisation, un raccourcissement des délais d’évaluation des produits, un enregistrement accéléré des produits à haute valeur thérapeutique et une réduction des possibilités pour les États membres de s’opposer à la procédure sur la base de l’agrément mutuel. Plusieurs des propositions prévues dans cette réforme se sont avérées très controversées, certains craignant une accélération accrue des procédures au détriment d’une évaluation approfondie de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des produits. Les propositions les plus controversées furent néanmoins celles prévoyant le prolongement des périodes de protection des données et la proposition visant à permettre à l’industrie pharmaceutique de communiquer directement au patient des informations concernant certains produits. Le Parlement européen et le Conseil ont radicalement amendé la proposition initiale. Les propositions relatives à la communication d’informations par l’industrie concernant des médicaments uniquement disponibles sur prescription ont été supprimées et les périodes de protection des données ont été raccourcies. Des dispositions ont par ailleurs été prévues pour garantir la transparence des procédures en matière de licences. En cours de procédure décisionnelle relative à la révision de la réglementation des médicaments, la Commission européenne a également créé un Groupe de haut niveau (ledit G 10 medicines group) composé de représentants de certains États membres, de l’industrie pharmaceutique, des mutualités et des patients, en vue de faire des recommandations concernant les problèmes que rencontre le secteur des médicaments pour maintenir sa position concurrentielle par rapport aux États-Unis. Le groupe a publié un rapport en mai 2002 formulant 14 recommandations dans des -2- domaines de compétence européenne et nationale2. En juillet 2003, la Commission européenne a réagi à ces recommandations par une communication intitulée « Renforcer l’industrie pharmaceutique européenne dans l’intérêt des patients »3. La communication de la Commission met l’accent sur la position concurrentielle de l’industrie installée dans l’UE. La Commission propose d’entreprendre des actions dans quatre domaines : • limiter à un minimum absolu le délai d’évaluation en matière de demandes de licences ainsi que la période comprise entre le prolongement de la licence pour la commercialisation d’un médicament et la décision relative au prix et au remboursement ; • promouvoir le développement de médicaments innovants (augmentation des investissements dans la recherche et protection efficace de l’exclusivité des données) ; • augmenter le taux de pénétration des médicaments génériques sur les différents marchés nationaux ; • stimuler les efforts en matière de recherche. Outre les mesures prévues dans la réforme de la réglementation des médicaments, la communication prévoyait aussi : • d’alléger l’impact des différences de prix entre les États membres après l’élargissement afin de permettre un accès plus rapide au marché des médicaments dotés d’une licence. Il s’agit entre autres d’envisager la possibilité pour les fabricants de fixer eux-mêmes les prix de nouveaux médicaments tandis 2 European Commission, recommendations for High level action. group 7 on May innovation 2002, and G10 provision of medicines medicines, report. (http://pharmacos.eudra.org/g10/docs/G10-Medicines.pdf). 3. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Renforcer l'industrie pharmaceutique européenne dans l'intérêt des patients - Propositions d'action, COM (2003) 383 final du 1er juillet 2003 (http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/cnc/2003/com2003_0383fr01.pdf). -3- que des mécanismes peuvent être négociés avec les États membres afin de garantir le contrôle des dépenses ; • de créer un forum pour les États membres où ceux-ci pourraient échanger des informations relatives à des problèmes communs concernant l’efficacité relative en matière de fixation de prix et de remboursement ; • de créer un partenariat privé-public dans le cadre duquel les groupes d’intérêts collaboreraient en vue de communiquer des informations aux patients et de développer des normes de qualité de ces informations. En ce qui concerne ces trois points, un “forum pharmaceutique” a récemment été créé. Les ministres compétents, les institutions européennes et les groupes d’intérêts concernés pourront y faire des recommandations sur ces différents thèmes. Outre cette réforme d’envergure de la réglementation des médicaments, des mesures spécifiques ont notamment été prises en ce qui concerne les médicaments orphelins4 tandis que des propositions relatives aux médicaments utilisés en pédiatrie font actuellement l’objet d’une procédure décisionnelle5. Ces mesures prévoient entre autres une prolongation de la protection des données pour les médicaments qui font partie de ces catégories. Rita Baeten Observatoire social européen 4 Règlement (CE) no 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins, JO L 18 du 22 janvier 2000, pp.0001-0005 (http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2000/l_018/l_01820000122fr00010005.pdf). 5 Proposition modifiée de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux médicaments utilisés en pédiatrie, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, la directive 2001/83/CE et le règlement (CE) n° 726/2004, COM (2005) 577 final du 10 (http://pharmacos.eudra.org/F2/Paediatrics/docs/COM_2005_0577_FR.PDF). -4- novembre 2005