REPUBLIQUE FRANCAISE DIVISION DE BORDEAUX Bordeaux, le 19 octobre 2011 N/Réf. : CODEP-BDX-2011-057179 Institut Claudius REGAUD Département de radiothérapie 20-24 rue du pont Saint Pierre 31 052 TOULOUSE Objet : Inspection n° INSNP-BDX-2011-1474 du 28 septembre 2011 Inspection sur événement dans le domaine de la curiethérapie Réf : Déclaration d’événement significatif dans le domaine de la radioprotection des patients critère 2.1 (radiothérapie) reçue à l’ASN le 13 septembre 2011 Madame, Dans le cadre des attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) concernant le contrôle de la radioprotection prévu à l’article 4 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, et à la suite d’une déclaration d’un événement significatif dans le domaine de la radioprotection d’un patient de votre part, une inspection concernant un traitement de curiethérapie a eu lieu le 28 septembre 2011. Cette inspection avait pour objectif de préciser des éléments de contexte décrits dans votre déclaration. De plus, le classement proposé initialement devait être précisé et apprécié objectivement. J’ai l’honneur de vous communiquer ci-dessous la synthèse de l’inspection ainsi que les principales demandes et observations qui résultent des constatations faites, à cette occasion, par les inspecteurs. 1. SYNTHESE DE L’INSPECTION L’inspection visait à préciser les causes et les conséquences de l’événement survenu sur un patient traité en curiethérapie à l’Institut Claudius REGAUD (ICR) et détecté le 12 septembre 2011. Cet événement concernait l’oubli d’un fil d’iridium 192 dans la joue d’un patient traité par une curiethérapie interstitielle1 pour un cancer baso cellulaire (cancer de la peau), qui a conduit à délivrer une dose supplémentaire estimée à 721 Gy sur une durée de 7 mois et demi. Le traitement prescrit consistait à implanter dans la joue du patient trois fils d’iridium d’une longueur de 3,4 cm espacés de 0,6 cm, à raison de 60 Gy sur la joue gauche et pour une durée d’environ 2 jours et 10 minutes. Au cours du retrait des fils, une agrafe a conduit un médecin interne de l’ICR à couper un des fils et sa gaine vectrice, laissant dans la joue du patient une partie de fil d’iridium de 1,9 cm de longueur. L’événement n’a été détecté que 7,5 mois après le traitement du patient lors de l’arrivée d’un camion transportant des déchets infectieux dans un centre d’incinération des Pyrénées Orientales. Les premières investigations menées par la division de Marseille de l’ASN, contactée immédiatement après détection du portique situé à l’entrée du centre d’incinération, ont permis d’identifier l’origine du colis de déchets et, par la suite, l’établissement de santé situé dans l’Aude qui a procédé au retrait du fil d’iridium de la joue du patient ainsi que l’établissement à l’origine de la pose du fil. À aucun moment, les professionnels médicaux et paramédicaux qui ont suivi le patient et procédé au retrait du fil dans l’établissement situé dans l’Aude n’ont eu connaissance de la nature du fil et de sa radioactivité. 1 La curiethérapie interstitielle consiste à implanter des sources radioactives (généralement des fils d’iridium 192) à l’intérieur des tissus à irradier (peau, lèvre, sein, langue, anus, prostate, etc.). Avec cette technique, il est possible de délivrer une dose élevée directement au niveau de la tumeur tout en limitant l’irradiation des tissus sains. www.asn.fr Cité administrative de Bordeaux • Boite 21 • 2, rue Jules Ferry • 33090 Bordeaux Cedex Téléphone 05 56 00 04 46 • Fax 05 56 00 04 94 Le patient a été examiné et informé par un médecin radiothérapeute de l’ICR depuis la survenue de cet événement. Par ailleurs, le patient après sa sortie de l’ICR a été en contact avec du public et des professionnels médicaux et paramédicaux, notamment dans l’établissement qui a procédé au retrait du fils d’iridium. L’ASN souhaite que l’ICR évalue rapidement les doses reçues par les proches du patient, notamment les personnels de l’établissement situé dans l’Aude. L’ICR informera le directeur et les personnels de cet établissement des conséquences potentielles ou réelles pour les personnels susceptibles d’avoir été exposés. En ce qui concerne les causes de l’événement, l’inspection a mis en évidence de nombreux écarts réglementaires aux exigences du code du travail et du code de la santé publique. Les premières analyses ont permis d’identifier les origines organisationnelles et humaines de cet événement. Le médecin interne a procédé au retrait des fils d’iridium avec l’aide d’une infirmière de curiethérapie sans vérification ou contrôle par un radiothérapeute de l’ICR. Il n’avait pas été doté d’une surveillance dosimétrique par l’ICR (film dosimétrique passif et dosimètre opérationnel). Il n’a pas appliqué strictement la procédure en vigueur à l’ICR pour le retrait des fils d’iridium. Sur ce sujet, l’ICR n’ont pas pu présenter aux inspecteurs l’enregistrement attestant la réalisation effective de la formation des médecins internes pour les interventions de curiethérapie. Par ailleurs, la procédure ne prévoyait pas de contrôle par un radiothérapeute de l’ICR ou de vérification a posteriori, ainsi que la mise à disposition d’un appareil de mesure pour vérifier le débit de dose au contact du patient et dans la salle du bloc opératoire en fin d’intervention de manière à pallier une éventuelle défaillance des balises de mesures équipant le bloc opératoire. En outre, la procédure ne prévoyait pas la mesure systématique de la longueur des fils après retrait ou une mesure du débit de dose des fils après retrait. Enfin, même si une annotation concernant la difficulté rencontrée par le médecin interne lors de l’intervention a été formalisée dans la fiche de suivi du traitement, l’organisation mise en place par l’ICR n’a pas permis de détecter l’erreur et a conduit à laisser repartir le patient avec un fil d’un longueur de 1,9 cm dans la joue. Les actions correctives mises en œuvre pour remédier aux causes de cet événement ont été définies rapidement par l’ICR mais elles doivent encore être renforcées, notamment par la réalisation des retraits des fils lors des horaires de présence des radiothérapeutes et sous leur contrôle. Une réflexion doit être menée pour sécuriser ces traitements par la mise en place de traitements à haut débit au moyen d’un applicateur, chaque fois que cela est possible. Enfin, les actions préventives devront quant à elles être complétées à la lumière des résultats de l’analyse des causes profondes de l’événement. A. Demandes d’actions correctives A.1. Organisation mise en place pour les traitements de curiethérapie interstitielle Lors de l’inspection, les inspecteurs ont constaté que le retrait des fils d’iridium 192 pouvait être programmé en dehors des heures de travail des radiothérapeutes de l’ICR de manière à délivrer la dose prévue. De ce fait, les médecins internes assurant les gardes de l’ICR sont amenés à en effectuer le retrait avec l’assistance d’une infirmière de garde du service de curiethérapie de l’ICR, sans qu’aucun contrôle direct ou une vérification a posteriori ne soit exercé par un radiothérapeute de l’ICR. L’ASN vous rappelle qu’en application de l’article R. 1333-67 du code de la santé publique, « l’emploi des rayonnements ionisants sur le corps humain est réservé aux médecins et chirurgiens dentistes réunissant les qualifications prévues à l’article R. 133338. […] ». Demande A1 : L’ASN vous demande de modifier votre organisation pour que tout traitement de curiethérapie interstitielle soit effectué pendant les horaires de présence des radiothérapeutes de l’ICR et sous leur contrôle direct. A.2. Surveillance dosimétrique des personnels externes de l’ICR À la lumière des échanges entre les agents de l’ASN et les professionnels rencontrés le 28 septembre 2011 au cours de l’inspection, il est apparu que le médecin interne ne disposait pas de moyen de surveillance dosimétrique. Il ne portait pas de film dosimétrique passif et de dosimètre opérationnel lors du retrait des fils dans la salle du bloc opératoire de curiethérapie classée en zone contrôlée. -2- L’ASN vous rappelle qu’en application de l’article R. 4451-62 du code du travail, « chaque travailleur appelé à exécuter une opération en zone surveillée, en zone contrôlée ou sur les lieux de travail des établissements mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 4451-2 fait l’objet d’un suivi dosimétrique adapté au mode d’exposition : 1° Lorsque l’exposition est externe, le suivi dosimétrique est assuré par des mesures individuelles, appelées dosimétrie passive ; […] ». De plus, l’article R. 4451-67 du code du travail précise que « tout travail appelé à exécuter une opération en zone contrôlée ou sur les lieux de travail des établissements mentionnés à l’article R. 4451-2 fait l’objet, du fait de l’exposition externe, d’un suivi par dosimétrie opérationnelle [… »]. Demande A2 : L’ASN vous demande de mettre en place une organisation permettant de connaître tous les travailleurs susceptibles d’être exposés aux rayonnements ionisants, notamment les personnels externes, et de les doter systématiquement d’une dosimétrie passive et, lorsqu’ils interviennent dans une zone contrôlée, d’une dosimétrie opérationnelle. A.3. Procédures de traitement par fil d’iridium 192 À la lumière des échanges entre les agents de l’ASN et les professionnels rencontrés le 28 septembre 2011 au cours de l’inspection, il est apparu que les procédures de traitement par fil d’iridium et notamment le mode opératoire de retrait des fils pouvaient être améliorés. En effet, des vérifications et des contrôles renforcés doivent être identifiés formellement et mis en œuvre. Demande A3 : L’ASN vous demande de mettre à jour les procédures et modes opératoires de curiethérapie interstitielle, en particulier à la lumière de l’analyse des causes profondes de cet événement. Vous informerez l’ensemble des professionnels intervenant dans la chaîne de traitement des patients de ces vérifications et contrôles renforcés et évaluerez leur mise en œuvre. Vous transmettrez à l’ASN une copie des documents et de l’évaluation réalisée. A.4. Formation des personnels travaillant en curiethérapie Au cours de l’inspection, les professionnels de l’ICR n’ont pas pu fournir de document écrit permettant d’attester la formation des nouveaux arrivant en curiethérapie, en particulier les médecins internes. Par ailleurs, vous n’avez pas formalisé de document définissant le programme de cette formation. Demande A4 : L’ASN vous demande de définir dans un document écrit le programme des formations des nouveaux arrivants en curiethérapie et de mettre en œuvre ce programme au cours de formations. Vous transmettre à l’ASN ce document et préciserez à l’ASN les dispositions que vous allez prendre pour que tous les nouveaux travailleurs bénéficient de cette formation. A.5. Estimation des doses reçues par les proches du patient Au cours des 7,5 mois après la sortie du patient de l’ICR, le patient a pu être en contact avec du public et des professionnels médicaux et paramédicaux, notamment les personnels intervenant dans l’établissement et qui ont procédé au retrait du fils d’iridium. L’ICR doit donc évaluer rapidement les doses reçues par les proches du patient, ainsi que les personnels de l’établissement situé dans l’Aude. L’ICR informera le directeur et les personnels de cet établissement des conséquences potentielles ou réelles pour les personnels susceptibles d’avoir été exposés. Demande A5 : L’ASN vous demande de procéder à une estimation des doses reçues par les proches du patients et par les personnels de l’établissement de l’Aude où a été retiré le fil d’iridium. Vous informerez le directeur de l’établissement de cette démarche et les personnels des conséquences potentielles ou réelles de leur exposition. B. Compléments d’information B.1. Curiethérapie interstitielle en haut débit de dose Au cours de l’inspection, les professionnels médicaux et paramédicaux de l’ICR ont évoqué la possibilité de mettre en œuvre des traitements de curiethérapie interstitielle en haut débit de dose à l’aide d’un applicateur. Cette pratique, limitée à certaines localisations et indications, permettrait de sécuriser les traitements de curiethérapie interstitielle. -3- Demande B1 : En lien avec la demande A.1., l’ASN vous demande de préciser les traitements qui pourraient être mis en place en curiethérapie à haut débit de dose et les dispositions que vous allez prendre pour les mettre en œuvre. C. Observations Sans objet. * * * Vous voudrez bien me faire part, sous un mois, des remarques et observations, ainsi que des dispositions que vous prendrez pour remédier aux constatations susmentionnées. Pour les engagements que vous seriez amenés à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation. Je vous prie d’agréer, Madame, l’assurance de ma considération distinguée. Pour le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire, et par délégation, le chef de la division de Bordeaux SIGNE PAR Anne-Cécile RIGAIL -4- -5-