Kinesither Rev 2013;13(133):25–31 Savoirs / Contribution originale Traitement de la fonction du membre supérieur du patient hémiparétique. Synthèse de recommandations dans le cadre de l'accident vasculaire cérébral Management of upper extremity function in patients with hemiparesis after stroke. Synthesis of recommendations Haute École de Santé Vaud (HESAV), 21, avenue de Beaumont, 1011 Lausanne, Suisse Emmanuelle Opsommer Sylvie Ferchichi Reçu le 19 décembre 2011 ; reçu sous la forme révisée le 22 juin 2012 ; accepté le 2 septembre 2012 RÉSUMÉ Objectif. – Présenter les recommandations pour la pratique clinique (RPC) de la thérapie par contrainte, la réalité virtuelle, la thérapie miroir et la pratique mentale comme adjuvant aux thérapies conventionnelles pour le traitement du membre supérieur parétique suite à un accident vasculaire cérébral (AVC). Méthode. – Une revue de la littérature des RPC pour l'AVC dans les bases de données PEDro, PubMed, Cinahl et OTSeeker et des revues systématiques sur ces thérapies dans la base de données Cochrane Library. Résultats. – Sur base des RPC obtenues, ces quatre thérapies présentent un intérêt pour améliorer la fonction du membre supérieur, avec différents niveaux de preuve. Conclusion. – Sous certaines conditions, ces thérapies peuvent être proposées comme adjuvant aux thérapies conventionnelles. Niveau de preuve. – Non adapté. Mots clés AVC Membre supérieur Recommandations Réhabilitation Keywords Stroke Upper limb Recommendations Rehabilitation © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. SUMMARY Objective. – To present the clinical practice guidelines on constraint-induced movement therapy, virtual reality, mirror therapy and mental practice for the treatment of the paretic upper limb poststroke based on a comprehensive review. Method. – We searched PEDro, Pubmed, Cinahl and OTseeker databases for guidelines and the Cochrane Library for systematic reviews on these therapies. Results. – According to the guidelines found, these four therapies are appropriate to improve the upper limb function, but with various levels of evidence. Conclusion. – Under specified conditions, these therapies could be used as adjuvant to conventional therapies. Level of evidence. – Not applicable. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2012.09.011 Auteur correspondant. E Opsommer, Haute École de Santé Vaud (HESAV), 21, avenue de Beaumont, 1011 Lausanne, Suisse. Adresse e-mail : emmanuelle.opsommer@ hesav.ch 25 E. Opsommer, S. Ferchichi Savoirs / Contribution originale INTRODUCTION Dans les pays industrialisés, l'accident vasculaire cérébral (AVC) représente la cause la plus fréquente d'handicap acquis à l'âge adulte. C'est aussi l'une des affections neurologiques le plus couramment traitée par les physiothérapeutes et les recommandations pour la pratique clinique (RPC) concernant l'AVC soulignent l'importance de leurs rôles dans la prise en charge du patient dans sa globalité [1]. Suite à un AVC, jusqu'à 85 % des patients présentent une hémiparésie, une déficience de la perception sensorielle et de la fonction motrice du membre supérieur au stade aigu. Six mois post-AVC, seulement 5 % à 20 % de ces patients montreront une récupération fonctionnelle complète et pour 30 % à 60 %, le bras parétique restera non fonctionnel [2]. Ces déficiences limitent les activités et restreignent la participation dans les situations de la vie quotidienne. Le travail des thérapeutes est ainsi amplement orienté vers la récupération de la fonction ou sa compensation par des thérapies adaptées [3]. Selon la perspective du patient victime d'AVC, une étude qualitative observe que le programme de physiothérapie se concentre essentiellement sur les exercices des membres inférieurs et de rééducation à la marche [4]. Toutefois, certains patients souhaitent donner une plus grande priorité à la récupération du bras et de la main [5]. Durant ces dernières années, de nombreuses RPC sont apparues [1,6,7] et malgré une variabilité considérable, leur qualité tend à s'améliorer par l'utilisation notamment d'outil tel que la grille AGREE II lors de leur développement [8]. Actuellement, parmi les éléments cruciaux pour des pratiques optimales, citons : l'initiation précoce du traitement (en phase aiguë) avec une augmentation progressive du niveau d'activité ; des thérapies actives et spécifiques aux activités de la vie quotidienne avec une intensité élevée ; un programme structuré proposé par une équipe interdisciplinaire spécialisée en neuroréhabilitation ; combler le besoin d'informations du patient et des aidants [1]. Lors d'une lésion cérébrale, on envisage de stimuler, contrôler et orienter la plasticité naturelle du cerveau par le biais d'exercices thérapeutiques adaptés aux besoins individuels du patient dans une atmosphère stimulante d'apprentissage. Toutefois, en ce qui concerne la rééducation du membre supérieur, le manque de preuves d'efficacité des interventions reste saillant [1]. Les auteurs d'une revue systématique ont identifié 19 catégories d'interventions thérapeutiques visant la récupération motrice post-AVC [3]. Parmi elles, celles applicables en physiothérapie tant en clinique qu'en ambulatoire dont les coûts d'acquisition restent à portée d'un indépendant ou d'une petite structure ont été retenues ci-après. Ainsi, les quatre interventions répondant à ces critères sont la thérapie par contrainte, la réalité virtuelle, la thérapie par miroir ou la pratique mentale par imagerie motrice. Elles ont aussi été choisies car elles ont le potentiel de permettre d'appliquer des concepts pertinents pour la neuroréhabilitation dont la répétition de tâches significatives avec une intensité élevée, la rétroaction directe aux patients et l'augmentation progressive de la difficulté de la tâche. Par ailleurs, une réorganisation au niveau cortical a également été décrite 26 pour ces quatre thérapies [1]. Dans le courant actuel de pratique probante, il reste tout à fait indispensable de démontrer l'efficacité des interventions thérapeutiques. L'objectif de cet article est de présenter une revue compréhensive des interventions susceptibles de contribuer à l'amélioration de la fonction du membre supérieur chez des patients présentant une hémiparésie post-AVC comme adjuvants aux thérapies conventionnelles. MÉTHODE Une revue systématique exhaustive est au-delà du cadre de cet article. L'intention était d'en utiliser les principes généraux et techniques pour fournir une revue compréhensive [9]. D'une part, une recherche organisée et structurée des RPC sur la neuroréhabilitation dans le cadre de l'AVC chez l'adulte a été effectuée dans les bases de données PEDro, PubMed, Cinahl et OTSeeker par une co-auteure jusqu'en décembre 2011, avec les termes stroke, cerebrovascular accident, guideline, practice guideline, treatment guideline. Les RPC ont été retenues sur base des critères suivants : des patients adultes (> 18 ans) post-AVC ; les interventions présentes dans la RPC ; l'année de publication (2010 ou 2011) ; accessible en texte intégral. En outre, les RPC devaient être rédigées en français ou en anglais. Une recherche manuelle sur des sites spécifiques aux RPC a aussi été réalisée : National Guideline Clearinghouse (États-Unis), National Institute for Health and Clinical Excellence (Royaume-Unis), Haute-Autorité de santé (France) et GI-N International Guideline Library. L'évaluation de la qualité des RPC a été réalisée à l'aide de la grille AGREE II [8]. La grille AGREE est un outil permettant d'évaluer la qualité des RPC en estimant sa rigueur méthodologique et la transparence du processus d'évaluation. Elle fournit de même un cadre pour les groupes désireux d'élaborer des RPC en déterminant quelle information intégrer dans les recommandations. D'autre part, la base de données The Cochrane Library a été consultée depuis les premières publications jusqu'en décembre 2011 avec les termes stroke et ensuite avec des termes spécifiques aux quatre interventions dans les titres des revues systématiques. Une seconde consultation de cette base de données a été réalisée en juin 2012. RÉSULTATS Parmi les 511 articles retrouvés sur la période considérée, une sélection sur les titres puis les textes intégraux a permis d'identifier quatre RPC répondant aux critères posés. Il s'agit des recommandations du Scottish Intercollegiate Guidelines Network [1], du National Stroke Foundation [10], des New Zealand clinical guidelines [11] et de l'American Stroke Association [12]. Les bases de données ont été consultées dans ces RPC jusqu'en 2009 [1], août 2009 [10,11] et mars 2009 [12]. Pour chacune de ces RPC, les cadres de référence y sont précisément décrits ; à savoir les cadres du processus de développement, d'évaluation de la qualité des études et de formulation des recommandations. Toutefois, le grade des recommandations diffère. Une évaluation de la qualité de ces RPC a été réalisée avec la grille AGREE II par le ASHA's Kinesither Rev 2013;13(133):25–31 Savoirs / Contribution originale Tableau I. Les recommandations et grades de recommandations (entre crochets) issus de recommandations pour la pratique clinique (RPC) concernant la thérapie par contrainte, la réalité virtuelle, la thérapie par miroir et la pratique mentale par imagerie motrice pour le traitement de la fonction du membre supérieur parétique après un accident vasculaire cérébral (AVC). Thérapie RPC SIGN 2010 Écosse NSF 2010 Australie Thérapie par contrainte « Peut être envisagée « Permet d'augmenter la pour les personnes quantité de pratique » sélectionnées avec soin ayant au moins 10 degrés d'extension des doigts ; l'équilibre et la cognition intacts » [B] Andrews et al. (2010) Nouvelle-Zélande Bates et al. (2010) États-Unis d'Amérique « Pourrait être commencée dans la première semaine pour des patients sélectionnés avec soin, cependant, au début une intensité élevée peut être nocive » [C] « Recommandée pour les personnes ayant au moins 10 degrés d'extension de deux doigts, du pouce et du poignet » [A] Réalité virtuelle Preuve insuffisante « D'autres développements « D'autres études sont sont nécessaires (essais nécessaires » plus grands et solides sont nécessaires) » « Considérer la réalité virtuelle comme un contexte de pratique » [C] Thérapie par miroir Non mentionnée « À utiliser en complément « Peut être utilisée en d'autres approches » [C] complément d'autres interventions » [C] Preuve insuffisante [I] Pratique mentale « Peut être considérée « À utiliser en complément « Peut être utilisée en comme un complément d'autres approches » [B] complément d'autres à la pratique normale pour interventions » [B] améliorer la fonction du membre supérieur après un AVC » [D] « Considérer la pratique mentale avec des tâches fonctionnelles répétées et intenses » [B] Grades des recommandations pour Scottish Intercollegiate Guidelines Network (SIGN). A. Repose sur un ensemble de preuves comprenant principalement des métaanalyses, revues systématiques de la littérature et essais contrôlés randomisés avec un faible risque de biais. B. Repose sur un ensemble de preuves (revues systématiques de qualité élevée, études de cas ou de cohorte) directement applicables à la population cible. C. Repose sur un ensemble de preuves (études de cas ou de cohorte bien menées avec un faible risque de biais et une probabilité modérée de relation causale) directement applicables à la population. D. Repose sur des rapports de cas, des séries de cas, des avis d'experts. GPP. Repose sur l'expérience clinique des membres du groupe de développement des recommandations. Grades des recommandations pour National Stroke Foundation (NSF) et Andrews et al. (2010). A. Ensemble de preuves auquel on peut faire confiance pour guider la pratique. B. Ensemble de preuves auquel on peut faire confiance pour guider la pratique dans la plupart des situations. C. Ensemble de preuves fournissant un certain soutien pour la recommandation mais des précautions doivent être prises pour son application. D. Ensemble de preuves faible et la recommandation doit être appliquée avec prudence. V ou GPP. Recommandation basée sur l'expertise clinique ou l'avis d'experts. Grades des recommandations de Bates et al. (2010). A. Forte recommandation aux cliniciens de proposer l'intervention aux patients admissibles. B. Recommandation aux cliniciens de proposer l'intervention aux patients admissibles. C. Aucune recommandation pour ou contre la prescription systématique de l'intervention n'est faite. D. Recommandation de ne pas prescrire l'intervention pour les patients asymptomatiques. I. La conclusion est que les preuves sont insuffisantes pour recommander ou ne pas prescrire l'intervention. National Center for Evidence-Based Practice. Les RPC [1,10– 12] sont considérées respectivement comme hautement recommandées et/ou recommandées avec réserve [13]. En effet, cette dernière RPC ne permet pas d'identifier sur quelles études reposent les recommandations formulées [12]. Le Tableau I propose les recommandations formulées dans ces quatre RPC à l'égard des interventions retenues et le type de preuve sur lequel elles reposent. Par ailleurs, la recherche de revues systématiques avec le terme stroke dans la base de données The Cochrane Library a produit 298 résultats. Parmi ceux-ci, 52 revues ou protocoles de revues étaient en lien avec les interventions thérapeutiques du champ de la physiothérapie ou de l'ergothérapie. La lecture des titres a permis d'en sélectionner quatre concernant les interventions retenues [14–17]. La seconde consultation de cette base de données a produit un résultat supplémentaire : la revue systématique de Thieme et al., 2012 [18] finalisée sur base du protocole [16] ; elle porte sur la thérapie par le miroir. Ces revues systématiques incluent des RCT ou quasi-RCT. Les bases de données ont été consultées dans ces revues systématiques Cochrane jusqu'en juin 2008 pour la CIMT [14], mars 2010 pour la réalité virtuelle [15], novembre 2009 pour la pratique mentale [17] et juin 2011 pour la thérapie par miroir [18]. En cela, elles offrent des résultats d'études plus récents que les RPC à l'exception des recommandations pour la CIMT incluant la revue Cochrane de 2009 [14]. Sur base de ces documents, chaque intervention est à présent définie et leur efficacité présentée ci-dessous (Tableau II). La thérapie par contrainte ou par contrainte induite (CIMT) Cette thérapie se définit par l'utilisation forcée du bras parétique durant les activités de la vie quotidienne et des sessions 27 E. Opsommer, S. Ferchichi Savoirs / Contribution originale Tableau II. Synthèse des aspects cliniques d'interventions thérapeutiques pour le membre supérieur parétique postAVC. Interventions Population concernée Ressources en matériel Intérêt pour améliorer Thérapie par contrainte [14] Capacité à effectuer activement au moins 108 d'extension dans articulations MP et IP, 208 d'extension du poignet ; absence de problèmes d'équilibre ; absence de troubles cognitifs majeurs ; absence de douleur excessive du MS (< 4 sur EVA) ; absence de spasticité excessive (< 2 sur Ashworth). Stades subaigu et chronique S'assurer au préalable de l'adhérence du patient à l'intensité de traitement et à la durée journalière de la contrainte Écharpe/mitaine Formation préalable à la CIMT Autonomie dans AVQ Fonction motrice du MS Réalité virtuelle [15] Membre légèrement à modérément parétique. À éviter chez des patients épileptiques À évaluer chez des patients aphasiques, apraxiques, avec déficits visuels, chez les personnes phobiques à l'informatique Stades subaigu et chronique Préférer les systèmes avec immersion partielle pour limiter l'apparition d'effets secondaires (nausées, maux de tête) Matériel informatique, écran, logiciel, plateforme, manette. . . (système commercial aussi efficace que système spécialisé) Autonomie dans AVQ Fonction motrice du MS Thérapie par miroir [18] Patiente avec parésie sévère et modérée À éviter chez des patients avec troubles cognitifs, notamment déficits d'attention et de traitement de l'information, aphasie, démence Stades subaigu et chronique Miroir Autonomie dans AVQ Fonction motrice du MS Pratique mentale [17] Capacité à effectuer une imagerie motrice qui peut être évaluée par chronométrie mentale, rotation d'images ou questionnaires A éviter chez des patients avec lésion pariétale gauche Possible au stade subaigu, mais plus souvent étudié au stade chronique Pas indispensable (si besoin, cartes, support audio/vidéo) Fonction motrice du MS MP : métacarpophalangienne ; IP : interphalangienne ; MS : membre supérieur ; EVA : échelle visuelle analogique ; CIMT : constraint-induced movement therapy ; AVQ : activité de la vie quotidienne. d'exercices spécialement conçues tout en contraignant celle du bras plus fort par une écharpe ou une mitaine (contrainte jusqu'à 90 % du temps de veille). Ces thérapies par usage forcé reposent sur un entraînement intensif : plusieurs heures par jour (jusqu'à 7 h/jour) ; sept jours par semaine pendant deux semaines. Des versions modifiées avec moins de temps de contrainte et d'exercices par jour mais durant une plus longue période sont également proposées [14]. Durant les sessions d'exercices, l'apprentissage de gestes et de mouvements du membre supérieur parétique viserait à vaincre la non-utilisation acquise (learned non-use) en obligeant la personne à utiliser son membre parétique [14]. Cet apprentissage se base sur un conditionnement opérant avec renforcement positif verbal (félicitations) et shaping ou façonnement. Ainsi pour l'apprentissage d'un comportement (ici un mouvement), le façonnement consiste à renforcer les approximations successives du comportement à acquérir et à offrir de fréquentes rétroactions (feedback) au patient. À ce jour, des tâches fonctionnelles ou des activités de la vie quotidienne de complexité croissante sont utilisées dans la majorité des études et l'acquisition d'une tâche se fait par petites étapes progressives. La revue Cochrane de Sirtori et al. [14] incluant 619 patients 28 engagés dans 19 essais contrôlés randomisés (RCT) souligne l'impact modéré et statistiquement significatif de la CIMT sur le handicap (mesure de l'indépendance fonctionnelle ou indice de Barthel) et la fonction motrice du bras. Toutefois, la persistance de l'effet à trois et six mois après le traitement n'est pas encore établie [14]. Ces résultats se rapportent essentiellement à des personnes adultes atteintes d'un AVC, ayant la capacité d'étendre activement les articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes d'au moins 108, et le poignet d'au moins 208, sans problème d'équilibre (incluant la marche), ni troubles cognitifs majeurs ni douleur excessive au niveau du bras (score < 4 sur une échelle visuelle analogique) et sans spasticité excessive (score < 2 sur l'échelle d'Ashworth ou Ashworth modifiée). Une généralisation à toute la population de patients atteints d'AVC demeure ainsi limitée. Par conséquent, avant d'entreprendre cette thérapie tout en respectant les préférences du patient, plusieurs éléments seraient alors à considérer tels que les modalités pratiques de l'intervention incluant la spécification de la région anatomique placée sous contrainte, la durée de la pose de la contrainte et la durée quotidienne de pratique des tâches [14]. Ainsi, une contrainte de la main a donné des résultats significatifs alors qu'avec une Kinesither Rev 2013;13(133):25–31 contrainte conjointe du bras et de la main l'amélioration de la fonction du membre supérieur par rapport au groupe témoin est non significative [14]. Sur base des études incluses dans cette revue, la durée de pratique des tâches ( 30 h) améliorant la fonction motrice du bras dans le groupe CIMT par rapport au groupe témoin est répartie selon une pratique hebdomadaire d'1 h 30 à deux heures par jour, cinq jours par semaine durant trois semaines [14]. Enfin, l'efficience de la CIMT reste à évaluer. En effet, les coûts associés à la CIMT pourraient être très élevés étant donné l'intensité et le temps engagé par les thérapeutes [1]. La réalité virtuelle (RV) La RV est l'utilisation de matériel informatique et de logiciels permettant de simuler un environnement, appelé virtuel, semblable au monde réel. Cette approche relativement récente en neuroréhabilitation permet à l'utilisateur d'interagir avec des objets dans diverses situations (sport en extérieur, déplacement dans une salle de bain, marche dans la rue. . .). Diverses applications de la RV en autorisent actuellement l'usage comme outil de traitement notamment pour la récupération fonctionnelle du membre supérieur post-AVC [15]. À cette fin, divers systèmes de RV sont spécifiquement conçus mais l'usage détourné de consoles de jeux vidéo interactives, une alternative moins onéreuse, a également été adopté par les milieux cliniques. Le sentiment pour l'utilisateur d'être présent dans cet environnement simulé, appelé présence, peut être influencé par plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, certains sont liés aux caractéristiques du système (par exemple la façon dont est représenté l'utilisateur dans l'environnement virtuel), de l'utilisateur (par exemple son âge, ses expériences précédentes avec la RV, son handicap. . .) et d'autres enfin à celles de l'environnement virtuel et de la tâche qui y sera effectuée (par exemple la signification de la tâche). Quant au degré d'immersion, second concept clé de la RV, il repose sur la qualité des technologies utilisées et réfère à la mesure dans laquelle l'utilisateur se perçoit dans un environnement virtuel plutôt que dans le monde réel [15]. En fonction du degré d'immersion et des caractéristiques de l'utilisateur, certains participants peuvent présenter des effets secondaires tels que des nausées, des perturbations oculaires, une instabilité posturale, des maux de tête et de la somnolence [15]. C'est une raison pour laquelle le type de système préférentiellement utilisé en neuroréhabilitation est plutôt un système avec immersion partielle pour lequel la prévalence des effets secondaires est considérée comme minimale [15]. Le transfert d'informations du système de RV à l'utilisateur (output) peut s'effectuer selon diverses modalités : le plus souvent visuelles et auditives et accessoirement tactiles et vestibulaires. Les images virtuelles peuvent ainsi être présentées via un dispositif posé sur la tête de l'utilisateur ou plus fréquemment via un système de projection, un écran plat ou un simple moniteur d'ordinateur placé en face de l'utilisateur. La présence d'autres feedbacks auditifs ou tactiles renforcent encore le degré d'immersion et offrent à l'utilisateur des expériences plus proches de celles du monde réel. Recevant ainsi des informations sur l'environnement simulé par le système de RV, l'utilisateur doit encore avoir la possibilité d'interagir avec les objets présentés dans cet environnement virtuel. Ainsi, le transfert d'informations de l'utilisateur vers le système (input) prend diverses formes : Savoirs / Contribution originale l'utilisateur se comporte de manière naturelle et c'est le système qui via des capteurs spéciaux (par caméras) suit les actions de l'utilisateur et y répond en conséquence ; l'utilisateur interagit avec le monde virtuel par des moyens indirects comme les touches d'un clavier d'ordinateur, la souris ou une manette de jeu [15]. La récente revue systématique Cochrane relève à ce sujet un effet modéré de l'utilisation de la RV sur la fonction du bras et les activités de la vie quotidienne par rapport à la même dose d'un traitement conventionnel [15]. Dans cette revue, huit études concernant l'entraînement du membre supérieur pour un total de 225 patients post-AVC ont été incluses, dont cinq ciblaient des patients au stade chronique et deux des patients au stade subaigu concluant pour ces deux stades à un effet significatif [15]. La RV permettrait d'obtenir une plus grande amélioration de la fonction du membre supérieur que les interventions thérapeutiques conventionnelles ; l'ampleur de l'effet restant toutefois modéré [15]. En revanche, l'éventuel bénéfice pour la force de préhension n'a pas été démontré. Il en va de même pour la fixation de la dose de RV la plus efficace et le type de programme de RV à proposer aux patients [15]. Enfin, selon une étude incluse dans la revue Cochrane, les personnes du groupe RV présentaient à six mois des performances au niveau de la fonction du membre supérieur significativement plus élevées que le groupe témoin [15]. La thérapie par miroir La thérapie par miroir consiste à placer un miroir dans le plan sagittal entre les membres supérieurs du patient de manière à bloquer la vision du membre atteint et à utiliser l'image réfléchie du membre non atteint afin de lui donner l'impression de bouger normalement le bras atteint. Elle a été initialement exploitée avec des patients souffrant de douleur du membre fantôme. Elle permet de résoudre le conflit entre l'intention motrice du patient et le feedback sensoriel, de moduler la douleur du membre fantôme, d'améliorer la fonction et d'augmenter la discrimination tactile chez des patients souffrant du syndrome douloureux régional complexe [16]. Les feedbacks sensoriels, tout d'abord visuels et également proprioceptifs sont cruciaux pour les habiletés motrices, cela remodelant l'intégration sensorimotrice. Dans la thérapie par miroir, les illusions visuelles de mouvements du membre supérieur parétique compenseraient les afférences proprioceptives réduites voire absentes après un AVC et permettraient de rétablir une certaine congruence entre la perception sensorielle et la fonction motrice. La thérapie par miroir incorpore ainsi des composantes visuelles, somesthésiques et motrices. Enfin, une hypothèse explicative de la thérapie par le miroir reposerait sur l'activation de neurones « miroir » corticaux. Il n'y a toutefois pas de preuves directes (enregistrements cellulaires) de l'existence de ces neurones chez l'être humain mais des données d'imagerie cérébrale en suggèrent l'existence [16]. Selon une revue Cochrane de 2012 incluant 13 études pour un total de 506 patients, la thérapie par miroir a un effet significatif sur la fonction motrice du membre supérieur post-AVC et les activités de la vie quotidienne à la fin de la phase d'intervention par rapport aux autres interventions [18]. En outre, cette thérapie aurait aussi un effet significatif à long terme sur la fonction du membre supérieur, observé dans les études avec un suivi à six mois [18]. 29 Savoirs / Contribution originale La pratique mentale par imagerie motrice La pratique mentale est une méthode cognitive d'entraînement par laquelle le sujet répète mentalement un geste moteur sans l'exécution de celui-ci dans le but d'en améliorer la performance. En psychologie du sport, la simple répétition mentale du geste est utilisée pour améliorer la performance de gestes sportifs. Cette pratique a également été adaptée et utilisée en neuroréhabilitation, avec des patients atteints d'un AVC [17]. Toutefois, tous les patients n'ont pas la capacité de pratiquer l'imagerie motrice ; une lésion pariétale gauche pouvant par exemple affecter cette capacité. Il reste donc important de s'assurer que le patient soit capable de pratiquer l'imagerie motrice. Plusieurs méthodes existent : l'évaluation par questionnaires, la chronométrie mentale et des tâches de rotation mentale d'images devant un écran d'ordinateur [17]. Pour rappel, les quatre RPC retenues plus haut [1,10–12] proposent la pratique mentale avec imagerie motrice comme adjuvant aux thérapies habituelles afin d'améliorer la fonction du membre supérieur post-AVC (tableau I). Par ailleurs, une revue systématique Cochrane [7] incluant six essais contrôlés randomisés (119 participants) fournit des preuves limitées de l'efficacité de l'adjonction de la pratique mentale aux thérapies conventionnelles en comparaison des thérapies conventionnelles seules sur la fonction du membre supérieur post-AVC et la récupération motrice. L'amélioration de la qualité du mouvement est quant à elle moins claire [17]. De plus, cette thérapie ne serait pas retenue comme intervention séparée mais bien en complément d'autres afin de consolider des progrès déjà réalisés pour des tâches spécifiques et entraînées [17]. Différents aspects doivent ainsi encore être étudiés de manière plus approfondie, tels que la sécurité de l'intervention (dommages éventuels), l'amélioration de la qualité des mouvements ; le volume de thérapie optimal, la maintenance de l'effet à long terme, la satisfaction des patients à l'égard de l'intervention proposée ou l'influence de la motivation des patients et des thérapeutes sur l'efficacité de l'imagerie motrice [17]. E. Opsommer, S. Ferchichi d'en souligner son intérêt. Il en va de même pour la pratique mentale. Cette dernière offre l'avantage de pouvoir être pratiquée aisément à domicile ou en-dehors des thérapies par le patient [17] sur base de l'enseignement de la technique au patient [22]. Enfin, à l'égard de ces quatre interventions, il reste encore à souligner le manque d'attention porté jusqu'ici aux potentiels effets indésirables et à l'insécurité potentielle liée à ces interventions. Cet article est conçu pour fournir des informations et aider à la prise de décision. Il n'est pas destiné à définir une norme de soins et ne doit pas être interprété comme tel. Toutefois, il s'appuie sur les meilleures données disponibles actuellement dont de récentes RPC et des revues systématiques de qualité élevée. Néanmoins, les bases de données nationales n'ont pas été consultées systématiquement ; des RPC plus récentes ont pu échapper aux auteures. Il reste important de souligner que les meilleures données issues de la recherche ne sont qu'un élément avec les préférences et valeurs du patient permettant au thérapeute, sur base de son expertise clinique, de porter un choix de traitement dans un contexte particulier. Pour conclure, l'adjonction aux thérapies conventionnelles d'une des interventions thérapeutiques retenues dans cet article permettrait d'améliorer la récupération de la fonction du membre supérieur parétique dans certaines conditions et pour certains patients (Tableau II). Toutefois, la majorité des études font peu état, d'une part, des modalités pratiques et, d'autre part, des effets indésirables liés aux interventions. Plusieurs études sur ces interventions sont en cours ; elles permettront d'éclairer la pratique future. Parmi ces interventions, la pratique mentale et la thérapie par miroir nous semblent être mises en place plus aisément. Comme adjuvant aux thérapies conventionnelles, elles permettent d'augmenter le temps passé par jour à la neuroréhabilitation, un élément contribuant à diminuer la durée du séjour dans les services de neuroréhabilitation, à améliorer la fonction et la mobilité et à favoriser une plus grande autonomie du patient. DISCUSSION ET CONCLUSION L'objectif était ici de présenter les dernières recommandations à l'égard de thérapies adjuvantes aux thérapies conventionnelles pour le traitement du membre supérieur parétique postAVC, cela sur base de RPC de qualité élevée et de revues systématiques de RCT considérées comme ayant le niveau de preuves le plus élevé [19]. Les récentes revues systématiques de la littérature recherchées apportent de nouveaux éléments qui complètent les RPC retenues. Ainsi, la CIMT peut être proposée dans certaines conditions mentionnées ci-dessus [1,10,12–14]. Toutefois, dans l'actualisation de leur revue [14], les auteurs ont inclus quatre nouvelles RCT ne permettant plus de souligner l'effet de la CIMTsur le handicap mais confirme un effet modéré sur la fonction du membre supérieur [20]. Par ailleurs, la preuve de l'efficacité de la CIMT reste encore peu concluante au stade précoce et le débat quant au dosage optimal de la CIMT reste ouvert [21]. Concernant la réalité virtuelle, Laver et al. [15] concluent encore à une preuve limitée de son efficacité, maintenant ainsi les recommandations au même stade que suggéré par les RPC [1,10–12]. Quant à la thérapie par miroir, elle obtient un meilleur niveau de preuve avec la méta-analyse de Thieme et al. [18], nous permettant 30 En disposant de tels outils, le patient a ainsi le pouvoir d'agir sur sa rééducation car il peut décider quand et comment elle a lieu. Points à retenir La thérapie par contrainte, la réalité virtuelle, la thérapie par miroir et la pratique mentale sont des adjuvants aux thérapies conventionnelles du membre supérieur parétique : ces thérapies permettent la répétition de tâches significatives avec une intensité élevée, la rétroaction directe aux patients et l'augmentation progressive de la difficulté de la tâche ; elles sont d'une applicabilité clinique aisée. Les préférences du patient et l'expertise clinique du thérapeute guident le choix de la thérapie. 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