Sols et Roches - LMR-EPFL

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ÉCOLE POLYTECHNIQUE
FÉDÉRALE DE LAUSANNE
Sols et Roches
Bulletin des laboratoires de mécanique des sols et des roches
No 34, janvier 2005
Editorial
Travaux de recherche
Forces de la nature
Interprétation
des
convergences
mesurées dans la zone carbonifère du
tunnel de base du Lötschberg
Les récents événements en Asie montrent une fois de
plus la dramatique importance des dangers naturels. Nos
laboratoires tiennent à exprimer leur sympathie à
l’ensemble des personnes touchées par cette tragédie.
Les conséquences humaines, économiques et
environnementales des forces de la nature sont vraiment
considérables. Au plan mondial, sur l’ensemble des
catastrophes, les dangers naturels produisent 80% des
dommages et 90% des victimes, le reste étant d’origine
technique.
Pour couronner le tout, le nombre annuel de
catastrophes naturelles est en hausse depuis les années
70, les causes tenant essentiellement à la croissance de
la population (densification, urbanisation, augmentation
de mobilité) et à l’augmentation des valeurs exposées.
Que faire ? La stratégie de protection consiste
évidemment à réduire ou contenir les risques en
maîtrisant l’occurrence des événements indésirables
d’une part et les conséquences de ces événements
d’autre part. Les méthodes ne manquent pas et couvrent
toute la boucle qui va de la prévention à l’intervention et
de la reconstruction à la régénération, mais les besoins
en recherche et en formation restent immenses. De plus,
la fixation des priorités dans un contexte de moyens
limités et la coordination entre de nombreuses instances
dans une approche par essence pluridisciplinaire
poseront toujours des difficultés.
Pour répondre à ces défis, les ingénieurs doivent
absolument s’intéresser non seulement aux aspects
constructifs mais bien à l’ensemble de la problématique
des risques. Il s’agit là d’un nouveau métier aux très
nobles ambitions.
Prof. Dr L. Vulliet
Directeur du LMS
Doyen Faculté ENAC
Meilleurs vœux pour 2005 !
En juin 2004, le LMR a reçu mandat d’interpréter les
mesures de convergence effectuées dans la zone carbonifère du tunnel de base du Lötschberg (Fig. 1). Le but
était de prédire l’évolution des déformations encore à
venir, afin de pouvoir optimiser la mise en place du
revêtement intérieur. Celui-ci doit en effet être posé à la
fois assez tôt pour pouvoir respecter les délais de mise en
service, et assez tard pour éviter d’être trop sollicité par
des convergences résiduelles.
Figure 1. Photo prise le 25.6.2004 dans la zone carbonifère
traversée par le tube est du tunnel de base du Lötschberg
Théoriquement, les convergences différées derrière le
front d’un tunnel en excavation ont deux causes principales : la diminution de l’effet de soutien tridimensionnel
du front dû à l’éloignement de celui-ci, ainsi que le
fluage du terrain. Dans la pratique, il ne faut cependant
pas négliger l’incidence de travaux d’assainissement, de
renforcement ou autres interventions ponctuelles à
proximité des sections de mesure.
L’approche retenue a consisté à adapter les paramètres
de lois de fluage, éventuellement couplées avec des
considérations sur l’effet du front, pour caler les courbes
théoriques aux résultats des mesures de convergences qui
étaient transmis au LMR à intervalles réguliers. Une
prédiction efficace des convergences à venir dépend à !
2
la fois de la qualité des informations reçues
(déplacements mesurés, localisation du front) et de la
pertinence de la modélisation du fluage et de l’effet du
front considéré.
Trois modèles différents ont été étudiés :
1. Calcul analytique des convergences d’un tunnel
circulaire profond dans un terrain visco-élastique.
2. Calcul numérique des convergences d’un tunnel
circulaire profond dans un terrain élastoviscoplastique selon la méthode proposée par P. Fritz
en 1984 [1].
3. Utilisation de la formule de Sulem, Panet et Guenot
[2] combinant le fluage du terrain et l’effet stabilisant du front.
Il est à remarquer que, faute de mieux, des modèles
développés pour un tunnel circulaire unique ont été utilisés, même s’il faut être conscient que la faible distance
entre les deux tubes (distance inter axes de 40 m pour
des diamètres moyens de 10 m) produit probablement
des interactions, surtout dès que les zones plastiques
autour des deux tubes se touchent.
Selon la première approche, les convergences après
disparition de l’effet du front sont données par une formule du type :
 t
δ ( t ) = δ0 − δ1 exp  − 
 T
où δ0 et δ1 sont des constantes de déplacement et T une
constante de temps, t étant le temps.
Cette approche a vite été abandonnée, car peu robuste :
chaque nouvel ensemble de mesures reçu sortait régulièrement des prédictions faites sur la base des mesures
précédentes, et il fallait constamment réadapter les
paramètres δ0, δ1 et T.
La méthode de Fritz, tenant compte d’un fluage élastoplastique, d’une chute de la résistance à la rupture et
d’une dilatance du terrain, a donné de meilleurs résultats.
Comme paramètres d’adaptation des courbes, le module
d’élasticité et la viscosité de la roche ont été utilisés.
Comme troisième approche, il a été appliqué la formule
de Sulem, Panet et Guenot:
  X 2  
  T 0.3  
1
m
δ(x, t) = δx∞ 1 − 
⋅
+

1 − 
 
 
  X + x   
  T + t   
avec les paramètres suivants :
δ(x,t) : convergence après un temps t et à une distance
x derrière le front
convergence à t=0 et x → ∞ (constante)
δx∞ :
X:
constante d’éloignement
T:
constante de temps
m:
constante adimensionnelle
Cette formule permet de prédire non seulement les
convergences futures à vitesse d’avancement constante,
mais également l’accélération des convergences constatée à la reprise de l’avancement, après une interruption
des travaux de plusieurs semaines, comme le montre la
figure 2.
Les dernières mesures de convergence effectuées
plusieurs mois après les derniers ajustements de courbes
montrent que, parmi les trois méthodes utilisées, celle de
Fritz semble donner les meilleurs résultats.
!
MQ 30.520 WEST
0,3
Horizontalverschiebung Punkt1 (m)
0,25
0,2
0,15
STOP bei TM 30.545 WEST
0,1
Leistung = 1m/Tg
Leistung = 3m/Tg
Leistung = 5m/Tg
Leistung = 9m/Tg
Stillstand
0,05
200
190
180
170
160
150
140
130
120
110
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0
Zeit (Tage) (t0=11/7/2004; Nullmessung=14/7/2004)
Figure 2. Convergences mesurée et calculée selon l’approche de Sulem et al. au PK 30.520 du tunnel Ouest. A noter une convergence différée de l’ordre de 7.5 cm lors de l’arrêt des travaux durant l’été (front à 25 m de la section de mesure). Les courbes après
93 jours sont des prédictions de convergence attendue lors de la reprise des travaux, pour diverses vitesses d’avancement (entre 1 et
9 m/jour).
3
Ont participé à cette étude : Federica Sandrone,
doctorante au LMR, Dr Vincent Labiouse pour la supervision, ainsi que le soussigné.
■
Article rédigé par Jean-Paul Dudt
Références
[1] Fritz, P., 1984. An analytical solution for
axisymmetric tunnel problems in elasto-viscoplastic
media. Numerical and analytical methods in
geomechanics, vol. 8, pp 325-342.
[2] Sulem, J., Panet M., Guenot, A., 1987. Closure
analysis in deep tunnels. Int. J. of Rock Mec. and Mining
Science & Geomechanics Abstracts, Vol. 24, No 3, pp.
145-154.
Travaux de thèse
Comportement hydromécanique des
sols non saturés structurés
volume de ces deux niveaux de pores. Il est donc important, tant pour la mesure expérimentale que pour la
modélisation constitutive, de pouvoir suivre l’évolution
de la distribution des pores du sol (PSD – pore size
distribution) pendant le processus de chargement
hydromécanique.
Recherche en cours
Une thèse est actuellement en cours au LMS (A. Koliji)
sur ce thème général. Cette brève note aborde très
partiellement certains résultats préliminaires.
Les précédents travaux expérimentaux faits au LMS
avaient déjà montré l’influence de la succion sur la porosité d’assemblages d’agrégats, utilisant la technique de
porosimétrie par intrusion de mercure (MIP). On a
constaté par exemple que l’augmentation de succion
conduit à une diminution du volume des macro-pores et
une augmentation du volume des micro-pores. Un
modèle mathématique permettant de reproduire cette
évolution vient d’être développé. A titre d’illustration, la
comparaison entre mesure et modélisation est montrée à
la Figure 2 pour une succion de 200 kPa.
Les sols naturels montrent presque toujours différents
types d’hétérogénéités selon l’échelle considérée. Dans
les problèmes de géotechnique classique, le niveau
d’hétérogénéité est souvent limité aux différences entre
les caractéristiques des couches de sol, alors qu’aux
échelles plus petites, l’hétérogénéité peut être définie par
de plus petites unités structurales, comme les divers
pores, les fissures ou les agrégats.
La structure du sol joue un rôle important mais souvent
méconnu dans plusieurs domaines de la géotechnique
environnementale et de la pédologie. Elle affecte
notamment la compressibilité, la conductivité hydraulique ou encore la courbe de rétention des sols (relation
degré de saturation – succion). Une meilleure compréhension des modifications structurales induites par les
chargements hydromécaniques est donc nécessaire.
A l’exemple de la Figure 1, les sols structurés ont en
première approximation deux niveaux de porosité, l’une
à l’échelle macroscopique (entre les agrégats) et l’autre à
l’échelle microscopique (à l’intérieur des agrégats). Ils
seront donc considérés comme des milieux à double
porosité. Les macro- et micro-pores jouent des rôles
différents dans la déformation du sol et les écoulements
souterrains. Un chargement mécanique et/ou hydrique
(par modification de la succion) affectera la fraction du
Figure 1. Représentation schématique d’un sol agrégé
Figure 2. PSD mesuré à saturation (succion nulle), ainsi que
PSD mesuré et modélisé pour une succion de 200 kPa
L’analyse numérique d’images a également été choisie
pour mesurer la structure des sols et son évolution
pendant le chargement. Deux techniques grandement
originales et innovantes sur le plan mondial ont été utilisées en collaboration avec l’ETHZ et le PSI : la radiographie et la tomographie par rayons de neutrons.
La radiographie à neutron est utilisée pour créer des
images 2D d’échantillons minces de sol où le transport
d’eau entre les agrégats peut être étudié. L’eau (H2O) et
l’eau lourde (D2O) répondant différemment aux
neutrons, les deux types d’eau sont utilisés quand il est
nécessaire d’identifier les écoulements ou de suivre le
transport de l’eau.
La tomographie à neutron permet quant à elle d’obtenir
une image 3D d’échantillon de sol (Figure 3) et donc de
suivre les déformations induites par un chargement. Dans
cet essai, les sols ont été humidifiés à différentes teneurs
en eau avec de l’eau lourde. L'eau lourde a été utilisée en
raison de sa meilleure visibilité dans les images digitales.
!
4
La Figure 3 montre une image 3D réalisée par tomographie à neutron d’un échantillon de sol.
Figure 3. Image tridimensionnelle d’un échantillon de sol
enregistrée par tomographie à neutron (diamètre total 50 mm)
En comparant les images 3D prises à des niveaux de
chargements différents, on peut mesurer avec une grande
précision spatiale l’effet de la charge mécanique sur le
volume et la surface des agrégats et des pores.
Les résultats de l'expérience fourniront des informations
précieuses sur l'évolution de la distribution des
macro-pores du sol structuré sous chargement hydromécanique.
■
Remerciements
Cette recherche est financée en partie par l’Office fédéral
de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP)
(Contrat n° 2001.H.10), et par le Conseil des EPF. Ce
projet est réalisé en collaboration avec ITO-ETHZ et
SINQ-PSI.
Article rédigé par A. Koliji
En bref
▪ Mouvements de personnel - Arrivées
Plusieurs nouveaux collaborateurs sont arrivés au LMS
et au LMR au cours du 2e semestre 2004. Tout d’abord,
Mlle Maryline Baillif a commencé son apprentissage au
LMS comme laborantine en physique, dès le 1er septembre.
Messieurs Bertrand François et Mathieu Nuth, qui
avaient fait leur travail de diplôme au LMS, ont obtenu
leur titre d’ingénieur civil, respectivement de
l’Université de Liège et de l’Ecole Centrale de Nantes,
ce dont nous les félicitons vivement, et ont commencé à
travailler dès le 1er octobre au LMS. Ils sont tous deux
engagés dans des travaux de thèse, sur le comportement
thermo-hydro-mécanique des sols et celui des sols non
saturés respectivement, sous la direction du Dr L. Laloui.
M. Julian Marlinge, diplômé de l’Institut National Polytechnique de Lorraine, a été engagé comme assistant au
LMR dès le 1er octobre, notamment pour travailler sur
une expertise relative au réseau ferré de France.
Enfin, M. Ivan Villaró, de l’Université Polytechnique de
Barcelone, vient effectuer son travail de diplôme au
LMS, pendant sept mois, dès novembre 2004, sur la
modélisation des versants instables, sous la direction de
Ch. Bonnard et L. Laloui.
■
▪ Mouvements de personnel - Départs
Après avoir brillamment réussi ses examens de fin
d’apprentissage et reçu son CFC de laborantin en
physique ainsi qu’un prix récompensant ses performances, M. Lionel Pittet a quitté le LMS en août dernier.
Nous le félicitons et lui transmettons tous nos vœux pour
la suite de sa carrière.
Ayant soutenu sa thèse avec succès sur la modélisation
du rebond des blocs rocheux lors d’éboulements (voir
Sols et Roches No 30), ce dont nous la félicitons chaleureusement, Mlle Barbara Heidenreich a quitté le LMR à
fin septembre pour travailler dans un bureau privé en
Suisse Allemande.
C’est aussi à cette date que M. Jordi Moreno a quitté le
LMS, après une période d’assistanat d’un an et demi ; il
a débuté sa carrière professionnelle par deux missions en
Amérique Centrale et du Sud.
Enfin, Mme Corinne Gérard Bron, qui avait fait un remplacement au secrétariat du LMR, est partie à fin
décembre, suite au retour de Mme Antonella Simone. ■
▪ Professeurs invités
Durant le semestre écoulé, trois professeurs invités ont
fait des séjours au LMS, soit le Prof. T. Hueckel des
USA en juillet, le Prof. R. Charlier de Belgique en août
et le Prof. N. Khalili d’Australie, en décembre,
pour travailler à des projets de recherche avec le
Dr L. Laloui.
■
▪ Collaborateur fidèle
Il est rare de relever une si longue collaboration : M.
Gilbert Steinmann, responsable des mesures in situ au
LMS, vient de fêter 40 ans d’activité au service de la
Confédération. Toutes nos félicitations pour cet engagement.
■
▪ Une garantie de qualité
Parallèlement au renouvellement de l’accréditation des
LMS et LMR jusqu’en 2009, en accord avec la norme
ISO/CEB 17025, qui remplace la norme EN45000, un
nouvel essai de réponse thermique a été accrédité par le
service suisse responsable. Diverses mesures en Suisse et
à l’étranger ont déjà été effectuées ou sont planifiées à
court terme.
■
▪ Contribution aux Programmes Doctoraux
Le Dr L. Laloui a commencé en octobre à donner un
cours sur la mécanique des milieux poreux au Programme Doctoral de Mécanique, alors que Ch. Bonnard
débute en janvier 2005 un cours sur la prévention et la
gestion des risques naturels et environnementaux au
Programme Doctoral Environnement.
■
Editeurs responsables :
MM. le Prof. L. Vulliet et Dr V. Labiouse
LMS-LMR, EPFL-ENAC-ICARE, Station 18, CH-1015 Lausanne
Tél. (021) 693 23 15
Fax (021) 693 41 53
E-mail : [email protected]
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WWW : http://lms.epfl.ch
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Rédacteur en chef : Ch. Bonnard
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