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AMMA
Analyses Multidisciplinaires
de la
Mousson Africaine
FAQ n°7-a.i.ii
Auteur : Bernard Fontaine
Sujet: Impacts/Interactions
Quelles
sont les conséquences sur l’Homme de la variabilité de la mousson
Les économies de l’Afrique de l’ouest, et notamment
celles de la bordure sahélienne, reposent sur l’agriculture
(mil/sorgho, maïs, niébé, arachide, oignon et riz) et l’élevage
(bovins, ovins, caprins, chameaux). Ceci représente 30-40%
au PIB et mobilise environ 80 % de la population active.
Cette agriculture essentiellement pluviale a de faibles
rendements. Par ailleurs, l’élevage est extensif et donc
tributaire des ressources naturelles.
Sur le plan climatique, ces régions d’Afrique de l’Ouest sont
marquées par un fort gradient climatique et écologique entre
le Sahara et les latitudes plus méridionales (plus arrosées):
elles sont donc particulièrement sensibles à la variabilité
climatique. La fragilité des écosystèmes, la précarité des
infrastructures et des capacités technologiques assez
limitées amplifient souvent les impacts sur l’homme.
L’impact sur l’homme de cette situation, pérenne à
longue échéance, est difficile à évaluer car de multiples autres
facteurs interviennent. Mais cet impact est inversement
proportionnel à l’innovation technologique et à l’adaptabilité
des populations locales. En effet, seules celles-ci permettent
d’atténuer les aléas naturels et/ou les cycles de pénurie dans
les villages.
En Afrique, la variabilité climatique est observée à
l’échelle continentale. Aux échelles locales, elle entraîne
une multiplication des phénomènes extrêmes avec
souvent une augmentation de leur intensité : inondations,
sécheresses, avances/retards de début et/ou fins de saison,
pauses pluviométriques pendant la saison des pluies. Ces
phénomènes impactent la croissance et le développement
durable et exercent aussi une pression sur la gouvernance
internationale d’autant que les politiques et programmes de
développement intègrent de plus en plus ce type de risques.
Quel
?
Les variations climatiques vont continuer d’affecter
de manière significative les régions ouest africaines en
faisant peser localement plusieurs risques potentiels: baisse
des rendements agricoles, modification des écoulements
des fleuves et cours d’eau, désertification, déplacement de
populations (qu’on peut appeler réfugiés climatiques). La
variabilité de la mousson entraîne toujours une pression sur
les ressources, via notamment les déficits de pluies au Sahel
et impacte sur les politiques de construction des barrages
et des retenues d’eaux puisqu’il faut mobiliser les eaux de
surfaces et souterraines.
La question du changement climatique dans ces
régions est un peu différente. Les modèles de climat ne
convergent pas pour ce qui est de la pluviométrie future dans
les différents scénarios, bien qu’il y ait une légère tendance
à plus de précipitations sur le centre et l’est du Sahel (et
une diminution à l’ouest). En revanche il y aura partout
une augmentation de l’évaporation liée aux élévations des
températures continentales, ce qui amplifiera les conflits
entre usagers de l’eau avec augmentation des maladies liées
à la consommation d’eaux usées ou impropres.
impact sur la santé a eu l’environnement engendré par la variabilité de la mousson? quelle est son évolution
depuis
1950 ?
D’après l’OMS, un enfant africain meurt toutes les
45 secondes du paludisme et cette maladie est à l’origine de
près de 20% de l’ensemble des décès d’enfants du continent.
Environ 90% des décès par paludisme se produisent en
Afrique subsaharienne d’autant que les parasites ont
développé des résistances aux médicaments antipaludiques
et les moustiques aux insecticides.
Toutefois depuis 2000, une tendance à la baisse de la
mortalité palustre s’observe. A large échelle, des chercheurs
ont montré que sur 1973 – 2006, il y a eu une baisse dans
la prévalence du paludisme de Cotonou (la côte Guinéenne)
à Gao (zone Sahélienne du nord). Quelques projections
dans le futur montrent qu’il y aurait un ralentissement
de l’extension de la maladie dans la plupart des pays de
l’Afrique de l’Ouest pour la décennie 2041 – 2050.
Aux petites échelles, les inondations locales liées à la
variabilité pluviométrique affectent les régions basses
(vallées, plaines) et cette stagnation des eaux favorise
les vecteurs des maladies infectieuses. Le lien climatpaludisme est également complexe parce qu’aux variations
bien connues de la mousson depuis 1950 se surimposent
les modifications sociétales au travers notamment de
l’organisation sanitaire et des moyens d’intervention. Par
exemple, les démoustications et assèchements de gîtes qui
avaient été pratiqués sous la colonisation par l’armée et
sur des zones restreintes n’ont pu se poursuivre partout.
Il est difficile d’affirmer que la réémergence du paludisme
constatée en certains endroits soit liée aux seuls facteurs
climatiques.
On voit sur la figure ci-dessous que les densités agressives
d’Anophèle gambiae et Anophèle funestus à Ndiop (Siné
Saloum, Sénégal) ont connu une importante augmentation
en 1999 (Fig a/). Les raisons de cette recrudescence se
trouvent d’une part dans le cumul annuel de précipitations
sans précédent sur la période 1993-1998 (Fig. b/) et
certainement dans les anomalies persistantes d’humidité
des sols sensibles dès la première décade du mois de
juillet (Fig. c/). Les anomalies d’humidité des sols sont une
réponse aux précipitations excédentaires dès les premières
semaines du mois de juin et sont alimentées par la suite
par des mois d’août, septembre et octobre anormalement
pluvieux. De telles conditions sont propices au remplissage
des gîtes larvaires des vecteurs du paludisme et donc à la
prolifération d’Anophèle. gambiae et funestus.
En ce qui concerne la méningite, la résurgence
d’épidémies en fin de saison sèche est associée au climat
dans le sens où la charge en aérosols terrigènes issus du
Sahara via la circulation turbulente (vents de sable ….) qui
déstabilisent les muqueuses et font passer dans le sang les
germes. Entre 20 000 à 200 000 personnes sont touchées
annuellement dans la ceinture de méningite (10°N-15°N).
Des chercheurs de l’IRD ont montré que le démarrage coïncide
avec la semaine du maximum hivernal de l’Harmattan
(coefficient de corrélation : 0,92). Des résultats similaires
ont été obtenus en utilisant les températures et l’humidité
de surface pour la construction des indices atmosphériques.
Cependant, bien que l’influence globale du climat sur
l’épidémie soit indiscutable, les effets de la variabilité
climatique sur la dynamique épidémique sont encore mal
connus du fait d’emboîtement de phénomènes d’échelles
distinctes, d’interactions avec des facteurs biologiques
(immunité, fragilité de l’organisme…), démographiques et
socio-économiques. En effet les rassemblements humains
(foires, marchés…) plus importants en fin de saisons sèches
favorise la dissémination épidémique. Enfin les politiques de
santé et l’organisation sanitaire modifient la donne via les
campagnes de vaccination.
Évolution hebdomadaire 1993-2007 des densités agressives d’anophèles gambiae s.l. (a/) et funestus (b/) et des cumuls annuels de la
pluviométrie à Dielmo et N’Diop (d/). Cycles annuels moyens d’humidité des sols (bleu 1999 ; rouge 1993-1998) ; c/). Thèse de S. Louvet
Le choléra affecte plus de 100 000 personnes par
an. C’est une pathologie encore plus directement liée à
l’eau (qualité sanitaire). Les modes de distribution et de
consommation de l’eau sont importants. Des scientifiques
de l’IRD et du CNRS sont parvenus à relier le nombre de
nouveaux cas de choléra en Afrique de l’ouest à l’indice de la
variabilité climatique globale, aux précipitations mensuelles
et au régime des précipitations annuelles pour quatre pays
africains. Il existe un cycle de 3 à 5 ans dans son apparition
et la pluie est fortement corrélée à l’apparition de foyers
épidémiques. Ainsi des relations indirectes entre variations
climatiques ou des précipitations et émergence de foyers
infectieux peuvent se prolonger sur plusieurs années.
La variabilité climatique peut donc être un facteur très
significatif comme cela a été démontré aussi dans l’est du
Congo.
Fig. 1 Prévisions des cas de méningite au Burkina Faso et au Niger
à partir d’indices climatiques. Nombre de cas annuels de méningite
observés (blanc) et prévus (noir) au Burkina Faso entre 1948 et
1967 (A) et au Niger entre 1966 et 2005 (B). La courbe discontinue
représente la prévision en validation croisée. P. Yaka (2007)
Fig. 2 Comparaison du nombre de cas de méningites et des
épaisseurs optiques aérosol du capteur TOMS (1,25°) au Niger pour
l’année 2003 (pas de temps hebdomadaire). Martiny et al. (2008)
Y’a t’il
des réfugiés climatiques en
et dans le futur sur cette question?
Afrique
de l’Ouest
Les conditions semi-arides, les sécheresses
périodiques et l’entière dépendance de l’agriculture à
la pluviométrie sont les 3 raisons-clés du départ des
personnes. Ainsi, aux périodes de soudure (à la fin de la
longue saison sèche), on peut observer une limitation des
capacités agricoles, et donc une insécurité alimentaire,
voire de la malnutrition avec parfois des famines. Lorsque
le phénomène persiste les populations se paupérisent, ce
qui favorise les déplacements et l’exode rural. Le poids de
cet exode a été démontré par les chercheurs africains. Par
exemple, le Sahel sénégalais fournit à lui seul plus de 67%
des migrants vers Dakar. Dans tous les cas, on observe une
déstabilisation sociale et des problèmes d’accès à l’eau.
?
quel est la part de mythe ou réalité véhiculé aujourd’hui
Ce type d’exode et ces migrations sont des
preuves qu’il existe bien des réfugiés «climatiques» dans
l’Afrique des moussons. Toutefois, le processus n’est pas
uniquement climatique, puisque la variabilité du climat ne
fait qu’accentuer les conflits liés aux ressources, les litiges
frontaliers, les tensions sociales liées à l’approvisionnement
en eau et les tensions politiques liées à l’approvisionnement
énergétique.
Pour en savoir plus :
Contact
Bernard Fontaine, [email protected]
Articles
• Gaudart J, Touré O, , Dessay N, Dicko A, Ranque S, Forest L, Jacques Demongeot J and Ogobara
K Doumbo O-K, 2009,Modelling malaria incidence with environmental dependency in a locality of
Sudanese savannah area, Mali, Malaria Journal 2009, 8:61doi:10.1186/1475-2875-8-61.
• Guégan JF, Morand S, Poulin R. Are there general laws in parasite community ecology? The emergence
of spatial parasitology and epidemiology. In : Thomas F, Renaud F, Guégan JF, eds. Parasitism and
ecosystems. Oxford, UK : Oxford University Press, 2005 (sous presse).
• Guillaume Constantin de Magny et al. «Cholera Threat to Human in Ghana Is Influenced by Both
Global and Regional Climatic Variability» EcoHealth, 3, 223-231, 2007
• Louvet, Samuel; Diagne, N.; Boudin, C.; Rogier, C.; Fontaine, Bernard; Fontenille, D.; Trape, Jf,
(2007) «”Abundance of main vectors of malaria and climatic factors: the case of Ndiop and Dielmo
villages (Sine Saloum, Senegal)”», 2nd International AMMA Conference 2nd International AMMA
conference (Karlsruhe –Germany-, 26th to 30th-Nov-2007).
• Martiny N, Chiapello I, Jeanne I, Marticorena B, Sultan B, Fontaine B, 2009, Advances in the analyses
of the dust/climate and meningitis relationships based on a multidisciplinary approach, as part of
the French AMMA programme, 3rd International AMMA conference (Ouagadougou, Burkina-Faso-,
July 2009)
• Pascual M, Rodo X, Ellner S, et al. Cholera dynamics and El Nino-Southern oscillation. Science 2000;
289 : 1766-9.
• Sultan B, Labadi K, Guégan JF, Janicot S. Climate drives the meningitis onset in West Africa. PlosMed 2005 ; 2 : E6.
Plan des FAQ
1. AMMA
2. Eau et climat
3. Surface continentale
4.Océan
5. Atmosphère
6. Prévision
7. Impacts/Interactions
a. Quelles sont les conséquences sur l’Homme de la variabilité de la mousson ?
i. Quel impact sur la santé a eu l’environnement physique engendré par la variabilité de la mousson? quelle est son évolution depuis 1950 ?
ii. Y’a t’il des réfugiés climatiques en Afrique de l’Ouest?
b. La variabilité de la mousson a provoqué une chute de la biodiversité en Afrique de l’Ouest?
c. Peut-on lier les grandes famines à la diminution des pluies ?
d. Quelles sont les conséquences sur l’agriculture et les possibilités d’alerte précoce ?
e. Perceptions des changement climatiques? AMMA
www.amma-international.org
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