Variabilité et changement climatique en Afrique occidentale Depuis le milieu des années 80, le Centre d’Etudes Africaines (ASC) à Leiden, aux PaysBas, a étudié le changement climatique en Afrique occidentale dans le cadre d’un programme de recherche pluridisciplinaire. Avec l’aide de ses partenaires, l’Université et le Centre de recherche de Wageningen ainsi que l’Université d’Amsterdam, le centra a lancé en 1999 l’ICCD (Impact of Climate Change on Drylands ou Impact des changements climatiques sur les terres sèches), un programme de recherche multiéchelle et pluridisciplinaire financé par le programme de recherche national hollandais sur le changement climatique et la pollution atmosphérique dans le monde. Les objectifs étaient les suivants: ● analyser les effets du changement climatique et de la variabilité des précipitations sur le risque de sécheresse et le potentiel de rendement, ● développer une infrastructure complète permettant d’analyser les impacts à l’échelle régionale et, ● identifier les différentes stratégies de maîtrise des risques au niveau des ménages agricoles. Des méthodologies spécifiques ont été mises au point pour associer des modèles de changement climatique à une approche de sciences sociales afin d’étudier les stratégies palliatives vis à vis du changement climatique et de la variabilité des précipitations. L’équipe ASC était principalement chargée de la contribution relative aux sciences sociales. Résultats On peut citer plusieurs résultats intéressants. Sur le plan local, régional et national, le problè- me le plus sérieux pour la population actuelle concerne la variabilité climatique, et non pas le changement climatique. La variabilité des précipitations, définie comme la déviation moyenne par rapport à la moyenne, est énorme, atteignant parfois 40-80%, et augmente alors que les totaux de précipitations annuelles diminuent. Notamment dans les régions à ressources économiques restreintes, comme le désert du Sahara, le Sahel et la région subhumide du Soudan, l’imprévisibilité des précipitations pose de très sérieuses menaces à la sécurité alimentaire et les manques de pluie entraînent des crises alimentaires localisées et générales chaque année. La sécheresse intra-saisonnière peut mener à des pertes de récolte et des récoltes déficitaires, même les années où le total des précipitations permettrait une récolte normale. La variation spatiale et les averses de fin de saison peuvent faire la différence entre une bonne et une mauvaise récolte sur une distance de seulement quelques kilomètres et les populations rurales sont extrêmement vulnérables vis à vis des pénuries de vivres. Un autre point crucial soulevé par cette étude est l’incroyable diversité des réponses face à la variabilité du climat sur le plan régional, local et individuel. Au niveau régional, il existe des complexes et des combinaisons spécifiques de systèmes de culture et d’élevage, souvent exploités par différents groupes ethniques et professionnels pour réagir aux conditions climatiques. En fonction de l’accès aux ressources, de l’ethnicité, des réseaux sociaux et du marché du travail et des produits de base, la population trouve un nombre étonnant de solutions et de dispositions organisationnelles pour garantir les vivres et les autres nécessités de la vie dans ces régions. ASC Feuille-info 2 Migration à l’intérieur des zones rurales Traditionnellement, ces régions spécifiques ont toujours été des zones de migration. Comme on pouvait s’y attendre, l’impact de la variabilité du climat se traduit en une augmentation de la mobilité de la population dans ces régions. Et ceci ne concerne pas seulement l’exode rural – où ces migrants rejoignent la masse de population pauvre des cités africaines – mais aussi, ce qui est assez remarquable, la migration à l’intérieur des zones rurales. Les gens continuent à se déplacer (itinérants et résidants) en créant des modes de vie nomades. Le prolétariat rural semble augmenter dans les zones arides du Sahel. Outre l’augmentation numérique des migrants fuyant la sécheresse vers des cités africaines en conséquence du changement climatique, il existe d’autres effets sur les régions urbaines, qui sont liés à l’approvisionnement des villes en produits ruraux, comme le bois de chauffage, les aliments et les produits d’origine animale. Différences socioculturelles De nouveaux moyens méthodologiques ont été développés pour cerner la relation entre le changement climatique et les changements à caractère social. Une attention particulière a été accordée aux conditions climatiques et aux stratégies humaines sur le plan régional et local, tout en les reliant à des conditions structurelles et contextuelles de plus haut niveau. L’une des méthodologies est appelée «Pathways» (chemins) car elle consiste à éclaircir l’évolution historique des décisions prises par la population à propos des changements dans leur environnement. Dans les diverses familles et générations, on observe des changements dans les habitudes de prise de décision qui pourraient être liés aux modifications climatiques. La focalisation sur les processus de prise de décision contextuelle s’est avérée un outil important dans une recherche multidisciplinaire où les sciences sociales ont souvent du mal à faire passer leur message. Parmi les études de cas de ce type, dix ont généré suffisamment de données pour établir les tendances qui mènent également à de nouvelles configurations sociales et économiques. Si ces tendances se poursuivent, le paysage social et économique de l’Afrique occidentale pourrait changer de façon dramatique. Des études de scénario, avec l’aide de modèles de changement mondial exécutés dans le cadre de ce programme, ont produit des résultats contradictoires. L’un des modèles (MPIGCM) a prédit un desséchement progressif de grandes parties de la région alors qu’un autre modèle (GFDL-GCM) a prédit exactement le contraire. Dans le premier cas, des mesures devront être prises en vue d’augmenter la capacité tampon de la région pour faire face aux fluctuations plus importantes et au déclin progressif de la production alimentaire. Dans l’autre, l’augmentation des précipitations posera d’énormes problèmes en raison des inondations, de l’érosion et des éventuelles adaptations des programmes d’assolement et des stratégies d’utilisation des terres. Etant donné le manque général d’infrastructure sociale et économique et la pauvreté généralisée extrême et chronique (80% de la population vit avec moins de US$1 par habitant et par jour), ces régions font partie des zones les plus pauvres du monde. Elles sont à peine connectées aux marchés internationaux et les ressources humaines sont très peu développées. L’espérance de vie est faible, les taux de mortalité juvénile et de malnutrition sont parmi les plus élevés au monde et cette situation va perdurer pendant les décennies à venir. Pour atténuer les conséquences du changement et de la variabilité climatique, ces domaines doivent faire l’objet de mesures prioritaires. Pour obtenir une liste complète des références, veuillez consulter le site www.rtcc.org/leiden. Voir aussi www.ascleiden.nl/publications/climatechange Mirjam de Bruijn & Han van Dijk Centre d’Etudes Africaines B.P. 9555 2300 RB Leiden Pays-Bas Tel.: +31 71 5273360/72 Email: [email protected] / [email protected] Website: www.ascleiden.nl