Peintres Portugais et Immigration Egídio Álvaro immigration des artistes portugais vers la France, et en particulier vers Paris, est très différente depuis le début du siècle. Dans les années 10, il s’agissait surtout d’artistes ayant des moyens, qui s’installaient à Paris pour être au cœur de l’événement, pour côtoyer cette incroyable noria de créateurs venus de toute l’Europe, et pour participer activement aux grands mouvements des ruptures artistiques qui caractérisent cette époque. Le plus connu est Amadeo de Sousa Cardoso, le seul Portugais à avoir été invité à l’Armory Show de New York, en L’ Augusto Barros 1913, à la place d’honneur. Huit de ses tableaux seront achetés par un grand collectionneur américain, et se trouvent maintenant dans les musées de ce pays. A l’opposé, un autre exemple est celui de Santa Rita Pintor, boursier, très proche des Futuristes. L’entre-deux-guerres connaît l’éclosion du talent de Vieira da Silva. L’immigration sera, pour elle, définitive, de telle manière qu’elle optera plus tard pour la nationalité française, suite aux démêlés avec le gouvernement de Salazar qui avait, au moment de la guerre, refusé la naturalisation portugaise à son mari, le peintre Arpad Szenes, juif hongrois. Vieira da Silva s’est parfaitement intégrée, depuis le début, au milieu artistique international de Paris. 28 Juste après la guerre, les bourses du gouvernement français ont permis l’installation de certains artistes. D’autres, comme Nadir Afonso, firent un passage relativement bref. Mais c’est surtout à partir des années 60 que la présence artistique portugaise se fait sentir. Beaucoup d’artistes portugais exposeront alors dans de bonnes galeries et participeront à l’activité des Salons florissants. Dans cette première vague, malgré les idées reçues, il n’y a presque pas d’immigrés politiques. Le plus connu sera Júlio Pomar, persécuté au Portugal pour son militantisme. D’autres s’installent à Paris pour avoir une plus grande possibilité de création et de contacts, et s’intègrent facilement dans le milieu artistique. Certains ont même joué un rôle important dans la création de l’époque. C’est le cas de René Bertholo et de Lourdes Castro, créateurs de la revue KWY, qui compte parmi ses adhérents et collaborateurs Christo, Voss et Saura. Deux éléments intéressants à verser au dossier de cette époque : Le premier concerne l’imaginaire des artistes. Au Portugal l’accent était mis sur les influences étrangères, particulièrement françaises, avec le Surréalisme et l’Abstraction Lyrique. Mais les artistes résidant en France concevaient une tout autre peinture. Une peinture très individuelle, sans attache avec les courants ou les chefs de file. C’est le cas de Eduardo Luiz, de Gonçalo Duarte, de Henrique Silva, d’Augusto Barros, de Jorge Martins et de Escada. C’est une peinture indéfinissable, en accord avec les racines culturelles et les fantasmes de chaque artiste. On pourrait dire qu’ils préfigurent l’art des années 90, un art essentiellement régional, dans le sens où il s’agit d’un art lié aux caractéristiques de chaque peuple, de chaque région, en opposition avec le mondialisme américain ou, plus tard, l’“européanisme” allemand et italien. Le deuxième élément est plutôt négatif. A l’inverse des autres artistes, surtout italiens, les Portugais ne sont pas coopératifs. Ils sont solitaires. Quand on trouve une galerie, on la garde pour soi, et on la ferme à tous les autres Portugais. Seule exception, Augusto Barros, toujours généreux, qui connaît tout le monde à Saint-Germain et qui ouvre les galeries à ses amis, bien souvent à son détriment. Vient ensuite une autre génération. Quelques artistes qui veulent échapper au service militaire en Afrique, d’autres, boursiers de la Fondation Gulbenkian, qui restent quelques années. C’est le cas, dans la première catégorie, de Darocha. Mais, petit à petit, après Mai 68 et la Révolution portugaise, nous assistons à l’implosion d’un autre type d’artistes. Ceux que l’on peut appeler les banlieusards. Des artistes qui vivent et travaillent en banlieue parisienne, et qui vont utiliser d’autres moyens de reconnaissance. Aucun n’expose dans les galeries parisiennes. Ils utilisent surtout les Centres Culturels décentralisés, les Mairies. Luís Rodrigues est un des cas les plus intéressants. Il n’arrête pas d’exposer. Parlons finalement des institutions qui devraient défendre l’art portugais en France. C’est un panorama de désolation. L’Etat ne fait presque rien. Il obéit aux règles décrites par un attaché culturel de l’Ambassade : Si on ne fait rien, on est parfait ; si on fait quelque chose, on est la cible de toutes les attaques. Le travail de la Fondation est presque nul ; et le Ministère de la Culture portugais absent. Il y a quelques initiatives de Império et de la Caixa Geral de Depósitos, bien insuffisantes. Ce qui nous mène à dire que tout est à faire. Les Associations Portugaises, après un long sommeil, se reveillent, peut-être. Espérons-le Paris, mars 1999 Hommage à Gonçalo Duarte* Né en 1935 à Lisbonne École de Beaux Arts Lisbonne et de Munich Boursier de la Fondation Gulbenkian à Paris Membre du Groupe KWY (avec Escada, Lurdes de Castro, Costa Pinheiro, René Bértholo, João Vieira, Jan Voss et Christo) Vivait à Paris depuis 1961 Mort à Paris en 1986 à l’age de 51 ans. EXPOSITIONS INDIVIDUELLES • Galerie Judite da Cruz, Lisbonne 1971. • Galerie Messine, Paris 1972. • Galerie Toumarkine, Paris 1973. • Centre Culturel Portugais Gulbenkian, Paris 1979. • Galerie Diagonal, Paris 1981. • Galerie Costa do Sol, Estoril 1982. • Galerie Diagonal, Paris 1984. * en première page de couverture LATITUDES n° 5 - avril/mai 99