Photosensibilisation Attention aux médicaments Le soleil et les médicaments ne font pas souvent bon ménage. Pourtant les conseils médicaux manquent parfois lors de la prescription. Attention donc à des effets secondaires qui peuvent se révéler sinon graves du moins fort ennuyeux. M © Goodshoot® arie-Odile souffre d’une sinusite depuis quelques jours lorsqu’elle se décide à consulter son médecin. Ce dernier lui prescrit deux comprimés par jour de Ciflox® 500 pendant 10 jours. Mais, au beau milieu de l’hiver, elle part se reposer aux Caraïbes. Y a-t-il un risque quelconque ? Certainement. Un risque même conséquent, pour elle, de faire une photosensibilisation. Qu’est-ce que la photosensibilisation ? Le médicament, qu’il soit appliqué localement ou ingéré, rend l’organisme plus sensible aux effets du soleil par les substances photosensibilisantes qu’il renferme. Il peut alors provoquer une photodermatose de contact, si l’agent est appliqué sur la peau, ou systémique, si la prise se fait par voie générale. Le mécanisme d’action s’exerce selon deux modes : la phototoxicité et la photoallergie. • La phototoxicité est la réaction entre les agents photosensibilisants et les photons solaires. De cette réaction naît une atteinte des cellules cutanées à court terme mais aussi à long terme, avec risque de cancérogenèse par mutation génétique. • La réaction photoallergique fait 10 intervenir le système immunitaire, noatmment les lymphocytes T. Mise en mémoire, cette réaction se reproduit alors à chaque exposition solaire avec plus d’intensité. Les lésions La destruction des cellules cutanées par phototoxicité peut porter sur les ongles, avec décollement de ceux-ci : débutant par le bord, elle peut atteindre toute la surface, réalisant une onycholyse. Rarement isolée la lésion peut s’accompagner de lésions bulleuses de type pseudoporphyries localisées au niveau du visage et des extrémités. Mais ce peut être aussi une pigmentation persistante de certaines zones de peau. Quant à la photosensibilisation, elle entraîne des lésions de type allergique comme un eczéma. Ce peut être le cas lors de l’utilisation de tous les produits à usage local comme certains colorants – éosine, fluorescéine – mais aussi de celle de certains produits phytothérapiques comme la bergamote. En cas de prise de médicament par voie générale, les phénomènes peuvent être longs à disparaître, voire même se poursuivre de manière récurrente, même après l’arrêt de l’agent causal. Les lésions d’eczéma peuvent alors se modifier en lichénification par exemple, et empêcher, sous peine de réactivation immédiate, toute exposition solaire. Les coupables De nombreux antiseptiques locaux ou pommades peuvent être en cause comme les anti-acnéiques : Differine®, Cutacnyl®, Panoxyl®... ; les AINS : Kétum®; Profenid®, Geldène®... ; les anesthésiques locaux et antihistaminiques : Bufix®, Nestosyl® ; les antibiotiques : Auréomycine®, Flammazine®... ; les antiseptiques : chlorhexidine, éosine, fluorescéine, Solubacter®, Biseptine®, Mercryl®... Par voie générale, toutes les classes thérapeutiques peuvent être regroupées dans la liste des agents responsables que ce soient les antidépresseurs, les antibiotiques, les diurétiques, les inhibiteurs classiques, les anti-arythmiques, les hypolipémiants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les anxiolytiques, les anti-épileptiques, les anticancéreux... Prévention Un principe : si on risque de s’exposer au soleil, il faut éviter de prendre tout médicament non absolument indispensable. Si cette mesure est impossible, mieux vaut alors ne pas s’exposer. L’application de crèmes à très fort indice de protection (50 ou 60), le port permanent de vêtements, mais aussi d’un chapeau, peuvent protéger. L’application de crème devra être renouvelée souvent, surtout après un bain ou en cas de transpiration abondante. Attention au parasol et aux nuages qui laissent passer les UV. Si la prévention n’a pas été efficace, le traitement repose alors sur l’application de crèmes hydratantes : Biafine®, Lipiderm®, éventuellement de corticoïdes locaux. Un antihistaminique peut être associé per os. Lorsque la pigmentation est installée on peut utiliser Depigmenten® ou Depiderm® Uriage. Mais les résultats sont souvent longs à obtenir d’où l’importance d’une bonne connaissance du phénomène et donc de sa prévention. Dr Jacques Bidart