Editorial Hématologie 2008 ; 14 (3) : 171 Du criblage fonctionnel à la cible thérapeutique dans le myélome Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. From functional screening to identification of therapeutics targets in multiple myeloma doi: 10.1684/hma.2008.0269 François Sigaux (Rédacteur en chef) L a démarche qui consiste à identifier des altérations génétiques, puis à en déduire des cibles pour le traitement des cancers, est maintenant bien établie. La place de déséquilibres épigénétiques ou d’expression anormale de molécules clés pour la survie cellulaire ou la prolifération reste moins bien définie car elle expose notamment à cibler des molécules d’intérêt général pour toutes les cellules de l’organisme et expose à une toxicité dépassant les cellules malignes. C’est pourtant cette voie qui a été choisie par le groupe de L. Staudt qui a récemment montré que le facteur de transcription IRF4 jouait un rôle majeur dans la survie de cellules tumorales représentatives des diverses formes cytogénétiques du myélome multiple (Shaffer et al., Nature 2008 : doi :10.1038/ nature07064). La stratégie employée par l’équipe est simple : elle consiste à utiliser des approches de criblage fonctionnel par invalidation in cellulo et lecture sur la prolifération ou mort des cellules, crible suivi de cartographies d’expression des cellules tumorales après inhibition des gènes d’intérêt. IRF4 (interferon regulatory factor 4) est le gène identifié par cette stratégie. IRF4 connu aussi sous le nom de MUM1 (multiple myelome oncogene 1) est bien connu des spécialistes du myélome et de la différenciation des cellules B : il y a plus de 10 ans, R. Dalla Favera et al. ont montré que son expression était dérégulée par transposition à proximité du locus des chaînes lourdes des immunoglobulines par la translocation t(6 ;14) qui survient chez une fraction des patients atteints de myélome (Ida et al., Nat Gen 1997 ; 17 : 226); on sait également qu’IRF4 est impliqué dans la différenciation des plasmocytes (pour une courte revue, Fillatreau et Radbruch, Nat Immunol 2006 ; 7 : 704). Ce qui est remarquable dans le travail de Shaffer et al., c’est que l’invalidation de l’expression d’IRF4 est toxique pour toutes les lignées de myélome, qu’elles possèdent ou non une altération génétique d’IRF4. Les auteurs s’intéressent également dans cet article aux cibles transcriptionnelles d’IRF4 (par des cartographies d’expression et des expériences d’immunoprécipitation) et montrent que parmi les cibles directes d’IRF4, cMYC joue un rôle essentiel, en particulier en contrôlant lui-même, et ce directement, l’expression d’IRF4, créant ainsi une boucle de rétrocontrôle positif. Toutefois, il est probable que les cibles pertinentes ne se limitent pas à cMYC et les auteurs en suggèrent certaines impliquant de nombreux réseaux génétiques indispensables pour le métabolisme, la biogenèse des membranes et la progression dans le cycle. IRF4 apparaît ainsi comme une molécule clé entrant, pour les cellules myélomateuses ne comportant pas d’altération génétique d’IRF4, dans le cadre de ce que S. Elledge et ses collègues discutent sous le terme de « non-oncogene addiction » et qui ouvre des voies générales au traitement du cancer (Solimi et al., Cell 2007 ; 130 : 986). L’avenir nous dira si, dans le myélome, l’utilisation de molécules ciblant IRF4 ou ses cibles critiques complétera la panoplie déjà large des thérapeutiques innovantes du myélome. Un des points délicats de cette approche sera d’identifier le niveau minimum d’inhibition d’expression d’IRF4 suffisant pour tuer les cellules tumorales mais épargner les cellules normales. ■ 171 Hématologie, vol. 14, n° 3, mai-juin 2008