Du criblage fonctionnel à la cible thérapeutique dans le myélome

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Editorial
Hématologie 2008 ; 14 (3) : 171
Du criblage fonctionnel à la cible
thérapeutique dans le myélome
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From functional screening to identification
of therapeutics targets in multiple myeloma
doi: 10.1684/hma.2008.0269
François Sigaux
(Rédacteur en chef)
L
a démarche qui consiste à identifier des altérations génétiques, puis à en
déduire des cibles pour le traitement des cancers, est maintenant bien
établie. La place de déséquilibres épigénétiques ou d’expression anormale de molécules clés pour la survie cellulaire ou la prolifération reste
moins bien définie car elle expose notamment à cibler des molécules
d’intérêt général pour toutes les cellules de l’organisme et expose à une toxicité
dépassant les cellules malignes. C’est pourtant cette voie qui a été choisie par le
groupe de L. Staudt qui a récemment montré que le facteur de transcription IRF4 jouait
un rôle majeur dans la survie de cellules tumorales représentatives des diverses formes
cytogénétiques du myélome multiple (Shaffer et al., Nature 2008 : doi :10.1038/
nature07064). La stratégie employée par l’équipe est simple : elle consiste à utiliser
des approches de criblage fonctionnel par invalidation in cellulo et lecture sur la
prolifération ou mort des cellules, crible suivi de cartographies d’expression des
cellules tumorales après inhibition des gènes d’intérêt. IRF4 (interferon regulatory
factor 4) est le gène identifié par cette stratégie. IRF4 connu aussi sous le nom de
MUM1 (multiple myelome oncogene 1) est bien connu des spécialistes du myélome et
de la différenciation des cellules B : il y a plus de 10 ans, R. Dalla Favera et al. ont
montré que son expression était dérégulée par transposition à proximité du locus des
chaînes lourdes des immunoglobulines par la translocation t(6 ;14) qui survient chez
une fraction des patients atteints de myélome (Ida et al., Nat Gen 1997 ; 17 : 226);
on sait également qu’IRF4 est impliqué dans la différenciation des plasmocytes (pour
une courte revue, Fillatreau et Radbruch, Nat Immunol 2006 ; 7 : 704). Ce qui est
remarquable dans le travail de Shaffer et al., c’est que l’invalidation de l’expression
d’IRF4 est toxique pour toutes les lignées de myélome, qu’elles possèdent ou non une
altération génétique d’IRF4. Les auteurs s’intéressent également dans cet article aux
cibles transcriptionnelles d’IRF4 (par des cartographies d’expression et des expériences d’immunoprécipitation) et montrent que parmi les cibles directes d’IRF4, cMYC
joue un rôle essentiel, en particulier en contrôlant lui-même, et ce directement,
l’expression d’IRF4, créant ainsi une boucle de rétrocontrôle positif. Toutefois, il est
probable que les cibles pertinentes ne se limitent pas à cMYC et les auteurs en
suggèrent certaines impliquant de nombreux réseaux génétiques indispensables pour
le métabolisme, la biogenèse des membranes et la progression dans le cycle. IRF4
apparaît ainsi comme une molécule clé entrant, pour les cellules myélomateuses ne
comportant pas d’altération génétique d’IRF4, dans le cadre de ce que S. Elledge et
ses collègues discutent sous le terme de « non-oncogene addiction » et qui ouvre des
voies générales au traitement du cancer (Solimi et al., Cell 2007 ; 130 : 986).
L’avenir nous dira si, dans le myélome, l’utilisation de molécules ciblant IRF4 ou ses
cibles critiques complétera la panoplie déjà large des thérapeutiques innovantes du
myélome. Un des points délicats de cette approche sera d’identifier le niveau minimum
d’inhibition d’expression d’IRF4 suffisant pour tuer les cellules tumorales mais épargner les cellules normales. ■
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Hématologie, vol. 14, n° 3, mai-juin 2008
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