Du savoir-faire au savoir-être : la composition de musiques

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RIVIERE Matthieu
Du savoir-faire au savoir-être : la composition de musiques
électroniques comme fabrication collective de soi.
Rapport d’Allocation de Formation et de Recherche.
Recherche menée dans le cadre du Master 2 recherche Sciences humaines et sociales,
Mention Anthropologie sociale et historique.
Avec le soutien du Ministère de la culture et de la communication.
Directeur de recherche :
M. Jean-Pierre ALBERT.
Année 2006/2007
Je tiens avant tout à remercier mon directeur de recherche, M. Jean-Pierre Albert, sans qui ce travail
n’aurait pu prendre forme, ainsi que tous les artistes, musiciens, compositeurs que j’ai eu la chance de
rencontrer dans le cadre de cette recherche. J’aimerais également remercier le Ministère de la Culture
et de la Communication pour son soutien.
Les noms des musiciens rencontrés ont été volontairement modifiés, mais les pseudonymes
qu’utilisent ces derniers pour signer leurs compositions ont quant à eux été respectés.
SOMMAIRE
Première partie : Le Terrain
- Cadre Théorique.
- Les Observations & Entretiens.
Deuxième Partie : Le Mémoire
- Introduction.
- Plan.
- Bibliographie.
Conclusion
LE TERRAIN
1 – Cadre Théorique.
Éclairer le sens de la pratique de la composition des musiques électroniques implique
tout d’abord une redéfinition du domaine de recherche. Marc Perrenoud1, dans son ouvrage
dédié aux terrains de la musique2, propose une réflexion qui a le mérite de mettre en valeur la
complexité rencontrée par le chercheur pour tenter de définir un statut du musicien. En effet,
celui-ci varie en fonction des modalités de pratique et de construction individuelle. Il ne peut
donc être étudié correctement si l’on s’en tient aux « « partitions » ordinairement utilisées
dans l’appréhension de la pratique musicale » (Perrenoud, 2006 : 134), comme la séparation
classique entre amateur et professionnel. En outre, avec la multiplication des Home-Studios,
littéralement les « studios à la maison », ces espaces privés de travail musical, on assisterait à
un déplacement déterminant de la position du musicien. Selon, Bruno Heuzé, musicien et
journaliste, cette prolifération des Home-Studios aurait pour effet de privilégier le cumul des
fonctions (compositeur, arrangeur, ingénieur son,…) à l’intérieur d’un même individu
musicien. La séparation entre statut et compétence est alors rendue d’autant plus floue que
chacun des compositeurs adoptera à tour de rôle ces différentes fonctions au cours de
l’élaboration d’un même morceau. C’est pourquoi j’ai fait le choix de parler indifféremment
de compositeur, producteur, créateur ou encore musicien pour définir les individus observés.
Ce choix est d’autant plus approprié que, comme nous le verrons, l’auditeur est déjà en
quelque sorte producteur.
Savoir comment la musique transforme son créateur et comment ce créateur transforme la
musique, telle est ma démarche. Celle-ci s’articule autour de la notion de médiation artistique,
développée par le sociologue Antoine Hennion, et vise à dépasser les points de vue
contradictoires de l’esthétique et de la sociologie, pour arriver d’une part, à s’interroger sur
les chemins empruntés par l’œuvre entre sa création et sa réception, et d’autre part à
considérer l’univers de l’art indissociablement de l’univers social (Hennion, 1993).
Alors que certains auteurs prétendent pouvoir dresser l’historique des musiques électroniques,
de faire leur « archéologie », en se basant uniquement sur des filiations entre tel ou tel
« genre », des influences entre tel ou tel « style », ne serait-il pas plus pertinent de s’intéresser
à des façons de faire ? Ainsi, plutôt que de parler d’un « style musical », Sophie Gosselin et
Julien Ottavi3, préfèrent aborder ces musiques en fonction du fort lien existant actuellement
entre les musiques et l’accès aux technologies. D’où l’importance de les aborder selon « les
manières d’utiliser l’électronique dans la musique, selon les démarches, les positionnements
(artistiques ou non) qui se construisent en rapport à l’instrument électronique » (Gosselin,
1
Marc Perrenoud est docteur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Centre d’Anthropologie de
Toulouse), ATER à l’Université de Toulouse II, Le Mirail, et musicien. Il travaille sur le fait musical, les terrains
de la musique et la figure du « musicos ».
2
PERRENOUD Marc, (2006), Terrains de la musique, Approches socio-anthropologiques du fait musical
contemporain, Série SocioAnthropo-Logiques, Collection Logiques sociales, L’Harmattan, Paris
3
Sophie Gosselin est doctorante en philosophie à l’Université de Paris 8-Saint Denis. Julien Ottavi est artiste
sonore, diplômé de l’Ecole des Beaux-arts de Nantes et agent de développement artistique dans l’association
APO33.
Ottavi, 2002 : 71). De la même manière, Bastien Gallet4, considère que « l’histoire des
musiques électroniques au XXéme siècle est l’histoire des différentes stratégies que les
musiciens ont inventé afin de domestiquer des techniques sans cesse nouvelles » (Gallet,
2002 : 18). On mesure donc à quel point les musiques électroniques sont liées aux machines
qui les produisent, et ainsi à des savoir-faire, des techniques liées à leur utilisation.
Parler de musiques électroniques implique donc également d’expliquer en quoi consiste notre
définition des outils technologiques et des techniques auxquels elles font appel. Ainsi, nous
suivrons aisément l’approche de Marie-Noëlle Heinrich, chercheur en sciences de
l’information et de la communication, qui enseigne les techniques de communication. Selon
sa définition, « la technologie désigne l’ensemble des dispositifs matériels que l’homme
élabore en fonction de ses connaissances scientifiques du monde naturel, pour étendre ses
fonctionnalités et capacités naturelles » (Heinrich, 2003 : 6). Les sons quasi « surnaturels »
que les outils de composition de musiques électroniques permettent de manipuler et de
combiner peuvent alors être considérés comme le résultat de cette recherche d’extension du
monde de l’homme. De même, les techniques sont alors les moyens mis en œuvre par celui-ci
pour atteindre et maîtriser ces sons. Il s’agira d’éclairer les processus à travers lesquels le
musicien s’approprie les techniques lui permettant justement d’accéder à des sonorités
naturellement irréalisables. Ainsi, les technologies, « en permettant de travailler à même la
pâte sonore » (Heuzé, 2000) convertissent les musiques électroniques en « une extension […]
de notre expérience auditive et musicale » (Cohen-Levinas, 2000 : 107).
Loin de constituer un domaine musical en opposition aux autres, les musiques électroniques,
en puisant dans d’autres musiques, en s’inspirant des techniques musicales préexistantes, en
détournant des outils ou des sonorités, se fondent ainsi sur une continuité musicale. C’est
justement cette « extension » qui constitue à la fois mon terrain de recherche et le cadre de
réflexion de cet article.
Prendre les musiques comme centre d’intérêt d’une étude anthropologique oblige plus que
jamais à adopter une approche interne, c'est-à-dire, partir de l’individu, de ses expériences, de
sa position face aux musiques et de sa façon d’appréhender les sons, dans le but d’éclairer les
modalités de sa pratique dans un contexte social déterminé. Parler de musique, c’est aussi et
avant tout parler de perception : tout commence en effet au niveau de l’organe oreille, et de
cette opération que l’on appelle l’écoute. Comme l’explique Sophie Maisonneuve5,
« l’amateur, en disposant comme jamais auparavant de la musique, en la manipulant à son
gré, en agissant sur ses paramètres sonores, en choisissant le disque, le moment, l’humeur et
la situation de l’écoute, est devenu acteur de ses émotions.[…] Il est capable de connaître les
conditions de l’avènement de ses émotions et, surtout, avide de les affiner, de s’y rendre
toujours plus sensible, de jouer avec elles dans le temps » (Maisonneuve, 2001 : 14).
L’émotion liée à la musique serait alors doublement inscrite dans la durée : « non seulement
parce qu’elle advient au terme d’une préparation, d’une série d’ajustements et de tentatives,
mais parce que la jouissance de cet instant est enrichie et intensifiée par ces expériences
passées » (Maisonneuve, 2001 : 5). À travers cette « opération » qu’est l’écoute, l’auditeur
apprend la possibilité d’agir directement sur ses émotions. L’écoute est donc ici appréhendée
comme médiatrice de la rencontre entre l’auditeur et la diversité des sonorités ; autrement dit,
4
Bastien Gallet est directeur de la rédaction de la revue « Musica falsa ».
Sophie Maisonneuve a effectué une thèse sur les amateurs de musique et le disque ; elle a également participé à
l’élaboration de l’ouvrage d’Antoine Hennion et Emilie Gomart, (2000), Figures de l’amateur, formes, objets,
pratiques de l’amour de la musique aujourd’hui, La Documentation Française, Paris.
5
elle est le moyen d’accès à ce champ qui, de par les possibilités offertes par les nouvelles
technologies, n’en finit pas de s’étendre.
S’interroger, comme je le fais ici, sur les logiques génératrices de pratiques musicales, revient
à mettre en évidence l’articulation entre cette « écoute » et l’engagement pour ces musiques
électroniques. Il s’agira de s’intéresser à l’individu et j’en viendrai donc nécessairement à
interroger la notion d’identité. Bien évidemment, on ne peut revenir sur plus de deux siècles
de réflexions consacrées à cette notion. On peut néanmoins exposer la conception
relationnelle et situationnelle de l’identité, élaborée par l’anthropologue Fredrik Barth6. Selon
Barth, l’identité possèderait un caractère polysémique et fluide. Dans une telle perspective, il
serait alors nécessaire de tenir compte du contexte relationnel dans lequel est inséré l’individu
pour saisir quels traits ou références il mettra en avant en fonction de la position et de la
situation qu’il occupe, d’où cette idée de fluidité de l’identité. La seconde propriété mentionné
par Barth est le caractère multidimensionnel de l’identité : elle peut être par exemple mixte (et
non pas double au sens d’une addition de deux identités), c’est-à-dire que chacun « intègre, de
façon synthétique, la pluralité des références identificatoires qui sont liées à son histoire. (…)
Chaque individu a conscience d’avoir une identité à géométrie variable, suivant les
dimensions du groupe auquel il fait référence dans telle ou telle situation relationnelle »
(Cuche, 2004 : 92). D’où l’intérêt d’interroger la pratique en l’insérant dans un contexte plus
large, leur vie de tous les jours.
En observant les manières de dire, de faire et de penser, j’ai tenté d’éclairer les différents
types d'activités qui forment les réalités quotidiennes des « électronistes » rencontrés et qui
jalonnent les grandes étapes de leurs parcours musicaux. Il s’agissait donc de faire apparaître
ce qui fait réellement sens dans les pratiques, et comment la pratique devient le lieu de
constitution d’une partie des identités.
6
Fredrik Barth, anthropologue, a travaillé sur l’identité et les théories de l’ethnicité. Sa conception de l’identité
est synthétisée dans l’ouvrage de Denys CUCHE, maître de conférence en ethnologie à la Sorbonne, (CUCHE,
2004 : 92).
2 - Les Observations & Entretiens.
Je tiens tout d’abord à préciser que ce travail de recherche n’aurait pu voir le jour sans
la bonne volonté des musiciens m’ayant soutenu.
Tenter de rencontrer des compositeurs de musiques électroniques oblige à aller à leur
recherche. Mis à part les quelques lieux de diffusion « publics » (salles de concerts, bars,
clubs,…), les espaces diffus au sein desquels ces musiciens gravitent ne sont pas facilement
observables. Il m’a donc fallu orienter mes recherches vers différents contextes, vers des fêtes
privées, des soirées dédiées aux musiques électroniques, dans des lieux proposant des cours
de Musique Assistée par Ordinateur, dans des magasins spécialisés dans la vente de vinyles
ou d’instruments, via Internet et les sites personnels (par exemple Myspace)…
J’ai traversé une multitude de lieux épars au sein desquels les musiciens gravitent, afin de
pouvoir nouer contact. Je me suis par exemple rendu à des concerts organisés par les
Musicophages, une médiathèque associative située rue de la bourse à Toulouse. Ce lieu
d’information et de rencontre, propose à ses adhérents le prêt de Cd’s, de fanzines et revues
spécialisées, et met en place régulièrement des concerts de musiques électroniques. J’ai
également assisté à des cours de M.A.O (Musique assistée par ordinateur) au sein de l’espace
Bellegarde ou encore Music’Halle. J’ai pu y observer l’échange qui s’effectue entre les
formateurs et les « élèves », mais aussi et surtout entre les « élèves » eux-mêmes. Les
magasins spécialisés (vinyles, instruments, matériel…) sont eux aussi des lieux propices aux
rencontres, il est possible en effet de discuter avec les clients, de les interroger sur leurs
pratiques et ainsi mettre en place des entretiens. Internet et les sites personnels (comme
Myspace) m’ont également été d’une grande utilité, me permettant de solliciter les musiciens,
de leur expliquer ma recherche par courrier électronique et de mettre en place une rencontre.
Ce sont tout d’abord ces rencontres qui ont constitué les premiers entretiens informels, des
discussions parfois très courtes, mais souvent poussées, qui ont généralement donné lieu à la
mise en place d’un entretien formel. C’est à partir de ces rencontres que les musiciens ont
généralement insisté pour que je vienne chez eux, dans leur intimité, afin d’approfondir la
discussion et d’ainsi faire évoluer ma réflexion.
C’est en m’ouvrant la porte de leurs sphères domestiques que les compositeurs m’ont permis
d’accéder à l’espace dédié à leur pratique, mais également à une partie de ce qui forme leur
identité de musicien. Les compositeurs qui m’ont accueilli, m’ont quasiment tous proposé de
venir visiter leur « petit espace de recherche », autrement dit leur Home-Studio. Plus ou
moins complet, plus ou moins fourni et ordonné, chacun de ces espaces constitue leur lieu de
repère. C’est en effet à travers la configuration, c'est-à-dire l’agencement entre les différents
outils, que les compositeurs apprennent à apprivoiser les capacités de leurs machines et selon
l’un d’entre eux, à les « faire s’exprimer ». Dans cet enchevêtrement de câbles, de machines,
de Cd’s, d’écrans, de claviers et d’enceintes, il est difficile de trouver ses repères pour le
visiteur non initié.
Figure 1 : une des configurations observée chez l’un des compositeurs. Photo issue du site Internet personnel du
compositeur, auteur de cette photo.
Finalement, les entretiens réalisés dans ces sphères privées ont donné lieu à une véritable
exposition de savoir-faire. En effet, chacune des rencontres réalisées s’est vue finir par une
démonstration concrète de leur manière de faire de la musique, de leur façon de travailler avec
leurs outils. Les musiciens, qui devant mes yeux intervenaient directement sur leur
composition et m’expliquaient alors le sens de leur création, m’ont ainsi illustré comment ils
arrivaient à s’approprier leurs outils et ce qu’ils attendaient finalement de leur musique. Une
relation privilégiée entre le musicien et le chercheur s’est donc instaurée au cours de ces
entretiens centrés sur l’observation et l’écoute.
L’intérêt majeur de cette recherche est qu’elle repose sur un travail d’observation et des
entretiens menés depuis un point de vue intérieur : partir de l’individu, de sa façon de faire la
musique et de sa manière d’appréhender les sons, dans le but d’éclairer les modalités de sa
pratique dans un contexte social déterminé.
LE MEMOIRE
Résumé :
La composition de musiques électroniques, pratique artistique en perpétuelle effervescence,
constitue un domaine de recherche encore trop peu étudié depuis l’intérieur. Cet article
propose de se plonger dans l’univers personnel du compositeur, depuis son « espace de
recherche », son Home-studio, afin d’éclairer les savoir-faire auxquels il fait appel pour
musicaliser ses idées et se constituer une identité singulière. Cette pratique spécifique de la
musique, bien qu’elle fasse appel à des technologies pouvant donner lieu à une certaine forme
d’isolement (le Home-studio porte si bien son nom), se révèle plus que jamais ouverte au
monde. Cet article propose finalement d’éclairer comment l’apprentissage d’une coordination
particulière entre sensibilité et technicité devient le moyen d’apporter sa créativité et sa
diversité au monde sonore.
1 – Introduction
La musique, parce qu’elle fait appel à nos sens et qu’elle sait si bien susciter des
émotions intenses et variées, est et restera un objet fuyant. Les musiques électroniques, du fait
de leur hétérogénéité, deviennent un terrain dans lequel le chercheur en herbe peut facilement
perdre pied. Cette recherche, qui peut être comparée à une traversée, revient à s’interroger sur
la fonction profonde de la pratique musicale électronique et implique donc le respect d’un
cadre de réflexion précis. Si l’on se refuse à déconstruire les stéréotypes, à adopter un regard
critique, à accepter l’incomplet, on s’exposera à une énième tentative d’analyse, trop
anecdotique ou inadéquate. Il semble essentiel, pour éviter cela, de dépasser l’association trop
réductrice des musiques électroniques aux fêtes clandestines, à la consommation de drogues
de synthèse ou toute autre « déviance sociale ».
Je tâcherai ici d’approcher la compréhension des comportements personnels et
interindividuels liés aux musiques électroniques, et de le faire de l’intérieur. Il s’agira donc de
s’interroger sur les représentations que se font les compositeurs rencontrés de leur pratique
musicale, et de les lier à leurs pratiques quotidiennes, à leurs vies de tous les jours.
2 – Plan
- Comment approcher les musiques électroniques.
- Savoir-faire : le développement des compétences, ou l'apprentissage de la
coordination entre sensibilité et technicité.
- L'oreille & l’orientation de l'écoute: "de la surprise au contrôle".
- Contenus des productions : "S'autoriser des associations".
- Savoir-être: pratique musicale électronique et relation à l'Autre.
- Enjeux du Home-Studio.
- Expérience du live act.
- Composition en collaboration et « chaîne de savoirs ».
- Exister à travers la diffusion de musiques électroniques.
- Des lieux de rencontres disséminés.
Conclusion
3 - Bibliographie
- CHEVALLIER Denis, « Des savoirs efficaces », in revue Terrain, N°16, « Savoir-faire »
(mars 1991), mis en ligne le 21 juillet 2005. http://terrain.revues.org/document2992.html.
- CUCHE Denys, [1996], (2004), La notion de culture dans les sciences sociales, La
Découverte, Paris.
- Entretien avec Marco Stroppa extrait des Cahiers de l’Ircam, la synthèse sonore, n°2,
Ircam/Centre Georges Pompidou, Paris, 1993, pp.13-41, compilé in COHEN-LEVINAS
Danielle (Dir.), (2000), Causeries sur la musique, entretiens avec des compositeurs,
L’Harmattan, Paris. Pp 64-88.
- GALLET Bastien, (2002), « Techniques électroniques et art musical : son, geste, écriture »,
In. Revue Copyright Volume ! N°1, 2002, Editions Mélanie Seteun, Paris.
- GOSSELIN Sophie, OTTAVI Julien, (2002), « L’électronique dans la musique, retour sur
une histoire », In Revue Copyright Volume ! N°2, 2002, Editions Mélanie Seteun, Paris.
- HEINRICH Marie-Noëlle, (2003), Création musicale et technologies nouvelles, Mutation
des instruments et des relations, Collection Univers musical, L’Harmattan, Paris.
- HENNION Antoine, (1993), La Passion musicale, une sociologie de la médiation, Editions
Métailié, Paris.
- HEUZE Bruno, (2000), « Le sampler, machine à déterritorialiser », In. Revue Chimères N°
40, Le bruit du temps, Automne 2000, In. http://www.revue-chimères.org.
- HEUZE Bruno, « Home Studio », In. VAN ASSCHE Christine (Dir.), (2002), Sonic
Process, une nouvelle géographie des sons, Editions du Centre Georges Pompidou, Union
distribution, Paris.
- JOUVENET Morgan, (2006), « La multiplication des pôles de la production et de la
créativité musicale électronique », In. PERRENOUD Marc (Dir.), (2006), Terrains de la
musique, Approches socio-anthropologiques du fait musical contemporain, Série
SocioAnthropo-Logiques, Collection Logiques Sociales, L’Harmattan, Paris, pp 227-247.
- LEVERATTO Jean-marc, (2006), Introduction à l’anthropologie du spectacle, La
Dispute/SNEDIT, Paris.
- LEXTRAIT, Fabrice (Mai 2001), Une nouvelle époque de l’action culturelle, Rapport à
Michel Duffour, Secrétariat d’État au Patrimoine et à la Décentralisation Culturelle. 2 Tomes.
Disponible sur le site http://www.culture.gouv.fr/culture/min/index-archives.htm
- MAISONNEUVE Sophie, « De la « machine parlante » à l’auditeur, le disque et la
naissance d’une nouvelle culture musicale dans les années 1920-1930 », In Revue Terrain n°
37, « Musique et émotion », Septembre 2001. Disponible sur Internet :
http://terrain.revues.org/document1289.html.
- SHAPIRO Peter & CAIPIRINHA PRODUCTIONS, [2000], (2004), Modulations, une
histoire de la musique électronique, Editions Allia, Paris.
CONCLUSION
J’ai réalisé en menant cette recherche que tous ces musiciens, apparemment contraints
à l’isolement, qu’ils pratiquent la composition de musiques électroniques en tant que loisir ou
dans une démarche professionnalisante, partagent tous la même passion pour la musique. Mon
terrain de recherche reflète la nature diffuse de la sphère qui regroupe ces musiques
électroniques. En naviguant de salles de concerts en lieux associatifs grâce aux flyers7 ou aux
sites Web, en découvrant des lieux de formation ou des home-studios à travers des rencontres,
j’ai compris que cette sphère est néanmoins tissée d’une multitude de réseaux d’échanges
parfois virtuels et imperceptibles. En effet, ces réseaux interconnectés « se composent à partir
du sens de chaque question, de chaque action pour des durées variables. Les réseaux dans les
espaces intermédiaires ne sont pas des infrastructures mais des rapprochements autour
d’objectifs artistiques, culturels, sociaux, économiques, politiques… » (Lextrait, 2001 : 3637).
Les musiques électroniques, qui bien trop souvent ne sont pas considérées comme de la
musique, exigent pourtant un véritable savoir-faire, qui allie technicité et sensibilité. Car la
musique reste avant tout une exploration du domaine sensible. C’est pourquoi l’écoute se
situe plus que jamais au centre de la composition : outil de réflexion permettant de décrypter
et de puiser les spécificités (symboliques et physiques) d’une musique, outil de contrôle du
processus créatif, ou encore juge de l’authenticité d’une production, elle constitue à elle seule
un véritable savoir-faire, ou devrait-on dire « savoir-écouter ». L’écoute est ainsi constitutive
de l’identité des compositeurs, mais elle leur permet également de concrétiser le plus
fidèlement possible leurs idées musicales. À travers l’expérimentation de leurs outils et le
remodelage de leurs expériences passées, ces musiciens apprennent à élaborer leur propre
façon de faire de la musique. En leur permettant d’atteindre la matière sonore et de modifier
les paramètres physiques des sons, les machines concrétisent l’écoute et participent à
l’élaboration d’une identité singulière. Les compositeurs peuvent ainsi apporter leur « touche
acoustique » au monde de la musique.
En outre, qu’il s’agisse du live act, de l’expérience de composition en collaboration ou de la
diffusion, la confrontation à l’autre est plus que jamais le moyen de conforter son identité, et
une façon pour le « home-studiste » d’humaniser sa pratique. Mais mettre à disposition de
l’autre ses savoir-faire (cette coordination entre sensibilité et technicité), c’est aussi prendre
confiance en soi et apporter sa créativité et sa diversité au monde sonore, autrement dit exister
à travers la musique. Les lieux que j’ai traversé, comme Music’halle, l’espace Bellegarde ou
encore les Musicophages, permettent aux compositeurs de se rencontrer, de favoriser
l’exploration du champ musical et sont alors le moyen de pérenniser un savoir-faire en
participant à la constitution d’une « chaîne de savoirs ». Mais les pratiques étant très diverses
et les parcours de chacun de ces musiciens étant le fruit de leur propre volonté, d’opportunités
et de rencontres, il est impossible de dresser une figure type du compositeur de musiques
électroniques. Deux points semblent tout de même se dégager des rencontres que j’ai eu la
chance de faire : tout d’abord, cette volonté qu’ont les artistes de prendre du plaisir à explorer
et développer leurs expériences auditives ; puis leur envie d’apporter leur grain de sable à
l’extension du monde sensible, autrement dit, de rendre hommage à la magnificence de la
musique.
7
Les flyers sont une sorte de tract. Diffusés dans la rue ou déposés dans des lieux « stratégiques », ils informent
les auditeurs des événements musicaux à venir.
Finalement, j’aimerais que ce travail puisse rendre compte de l’engagement dont font preuves
les musiciens rencontrés pour leur pratique : avides de transmettre oralement ou musicalement
leurs savoir-faire, les compositeurs, que je remercie profondément ici, m’ont prouvé à quel
point faire de la musique peut être synonyme de plaisir. Les discussions que nous avons
tenues ont d’ailleurs fait naître chez moi l’envie de musicaliser mes idées.
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