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O B S T É T R I C A L E S
Conduite à tenir en cas de dystocie des épaules
● A. Recoulès-Arché*, J.P. Renner*, J.F. Oury*
a dystocie des épaules constitue un accident obstétrical en général non prévisible responsable de traumatismes fœtaux (lésions du plexus brachial, fracture de
la clavicule, lésions anoxo-ischémiques cérébrales) et maternels (déchirures périnéales sévères).
Une bonne connaissance des manœuvres et de leurs indications permet d’aborder avec calme, sans précipitation cette
situation afin d’en minimiser les risques de séquelles.
Nous décrirons successivement les trois manœuvres préconisées
dans notre service en cas de dystocie des épaules que sont : la
manœuvre de Mac Roberts, la manœuvre de Wood inversée, la
manœuvre de Jacquemier.
L
ACCOUCHEMENT NORMAL DES ÉPAULES
Mécanique de l’engagement de l’épaule postérieure
Le fœtus ne descend que s’il est poussé vers le bas ; la résistance que la tête rencontre au niveau du bassin et des releveurs
solidarise la tête et le tronc. Classiquement, lorsque la tête
commence son dégagement, les épaules s’engagent dans le
diamètre oblique opposé à celui de l’engagement de la tête.
L’épaule postérieure s’engage en premier en raison de la profondeur du sinus sacro-iliaque. L’épaule antérieure devra
attendre le dégagement complet de la tête pour que le cou
revienne en position latérale, mettant le diamètre bi-acromial
en antéropostérieur, ce qui laisse la distance nécessaire à
l’engagement – dégagement de l’épaule sous la symphyse.
Dynamique de l’accouchement des épaules
La tête, extraite de l’anneau vulvaire, accomplit spontanément
son mouvement de restitution. Ce mouvement de restitution
permet aux épaules initialement engagées dans un diamètre
perpendiculaire à celui de la tête de se retrouver dans un diamètre antéro-postérieur au niveau du détroit inférieur.
Le mouvement de restitution peut être complété, voire exagéré, en accompagnant sans traction la rotation de la tête
fœtale du même côté que celui de la rotation d’engagement
jusqu’en transverse, voire en postérieur jusqu’à l’anus, en
amenant le menton sous la symphyse pubienne afin de favoriser la rotation des épaules dans un diamètre antéropostérieur.
Dégagement des épaules
Les épaules se dégagent spontanément en antéropostérieur
sous l’action des efforts expulsifs.
* Service de gynécologie obstétrique du Pr J.F. Oury, hôpital Robert-Debré, 48,
bd Sérurier, 75019 Paris.
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Figure 1. Engagement de l’épaule antérieure.
Lorsque l’on intervient à ce stade pour aider au dégagement
des épaules, il est important d’avoir placé le diamètre bi-acromial du fœtus dans l’axe antéropostérieur du détroit inférieur
avant d’exercer une traction douce vers le bas selon l’axe
ombilico-coccygien, afin de permettre à l’épaule antérieure de
glisser sous la symphyse pubienne et d’apparaître à la vulve.
LES CIRCONSTANCES DE NON-ENGAGEMENT
DE L’ÉPAULE POSTÉRIEURE
Une orientation antéropostérieure de la tête avant que l’épaule
postérieure ne soit arrivée à un niveau permettant son engagement dans le sinus sacro-iliaque va tendre à provoquer un
déplacement du cou en direction de la symphyse qui ramènera
le diamètre bi-acromial dans un axe plus transverse qu’oblique
dans lequel il lui sera plus difficile de s’engager ensuite.
Cette circonstance peut se rencontrer :
– en cas de rotation haute sur un périnée très tonique ;
– chez un fœtus de grande taille (liée à l’augmentation de la
distance entre la tête et les épaules) ;
– en cas d’excès du diamètre bi-acromial quand les forces
nécessaires à son amoindrissement sur le détroit supérieur provoquent également la descente de la tête et sa rotation dans
l’excavation.
La Lettre du Gynécologue - n° 295 - octobre 2004
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Figure 2. Non engagement de l’épaule postérieure.
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mière manœuvre à effectuer est celle de Mac Roberts.
La manœuvre de Mac Roberts
Dans un premier temps, si malgré une orientation correcte des
épaules et une traction douce de la tête vers le bas dans l’axe
ombilico-coccygien, l’épaule antérieure n’apparaît pas, on réalisera la manœuvre de Mac Roberts par hyperflexion-abduction des cuisses sur le tronc de la mère.
La flexion extrême des cuisses sur le bassin permet la réduction de la lordose lombaire et la bascule de la base du sacrum
en avant (appelée nutation). Ce mouvement de flexion bien
que réduisant légèrement le diamètre antéropostérieur promonto-pubien du détroit supérieur, élargit le diamètre du
détroit inférieur sacro-pubien.
L’angle du pelvis, de 25° en décubitus dorsal, est réduit à 10°
en position de Mac Roberts.
Cette manœuvre permet l’ascension de la symphyse pubienne,
qui tend alors à glisser sur l’épaule antérieure, favorisant ainsi
son engagement.
Dans le même temps, une aide peut exercer une pression sur la
face postérieure du moignon de l’épaule antérieure en
appuyant avec douceur au-dessus de la symphyse pubienne sur
la ligne médiane, afin de réduire le diamètre bi-acromial.
La manœuvre de Mac Roberts est efficace dans 50 % des cas,
CONSÉQUENCES DU NON-ENGAGEMENT
DE L’ÉPAULE POSTÉRIEURE
En ne s’engageant pas dans le sinus sacro-iliaque, l’épaule
postérieure ne corrige pas l’orientation du rachis que la rotation de l’occiput en occipito-pubien amène vers la symphyse.
Le rachis tendant à se mettre en avant, le diamètre bi-acromial
tend à se placer en transverse.
• Dans un premier temps, il n’y a pas de conséquence importante sur la progression de la présentation dans l’excavation.
• Lors de la déflexion, la tête n’est pas accompagnée par la
descente de l’épaule, les muscles du cou sont mis en tension, le
dégagement de la tête est difficile.
• Après dégagement de la tête, le mouvement spontané de restitution qui la replace perpendiculairement à l’axe des épaules
ne s’effectue pas :
– parce que le diamètre bi-acromial n’est pas dans un diamètre
oblique et que la tête n’a alors aucune raison de tourner d’un
huitième de tour ;
– parce que la tête reste plaquée sur le périnée par la tension
des muscles du cou.
Les épaules ne peuvent pas s’engager sans manœuvre complémentaire.
CONDUITE À TENIR EN CAS DE DYSTOCIE DES ÉPAULES
Il faut faire les manœuvres sans perdre de temps et sans précipitation, en évitant les manœuvres inappropriées de traction ou
de rotation de la tête, et en restant calme.
Le fœtus est plus à risque de traumatisme que d’anoxie. On
profitera de l’analgésie en place ou on la demandera. La réalisation de l’épisiotomie élimine les obstacles surajoutés des
parties molles et évite les lésions du sphincter anal. La pre-
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Figure 3. Manœuvre de Mac Roberts.
principalement en cas de dystocie des épaules modérée.
En cas d’échec, la conduite va être guidée par l’examen clinique,
shématiquement deux cas de figure peuvent être décrits.
1. À l’examen, si l’épaule postérieure est engagée, voire enclavée, dans l’excavation pelvienne, on réalisera la manœuvre de
Wood inversée (en rouge).
2. À l’examen, derrière la tête fœtale, la cavité est vide,
l’épaule postérieure est retenue au détroit supérieur : la
manœuvre de Jacquemier s’impose (en rouge).
La manœuvre de Wood inversée
La patiente est installée en position de Mac Roberts afin
d’obtenir l’élargissement du détroit inférieur.
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Figure 5. Manœuvre de Jacquemier.
Figure 4. Manœuvre de Wood inversée.
Le but est de faire pratiquer à l’épaule postérieure engagée une
rotation de 180°, et de l’amener en position antérieure sous la
symphyse pubienne, afin de permettre l’engagement de
l’épaule initialement antérieure dans le sinus sacro-iliaque.
L’obstétricien introduit dans un premier temps dans l’excavation pelvienne la main correspondant au dos du fœtus (main
droite lorsque le dos du fœtus est à gauche).
La main longe les faces postérieures de la tête fœtale et du cou
pour atteindre facilement la face postérieure de l’épaule engagée et pour exercer une pression sur l’omoplate.
L’antépulsion de l’épaule postérieure réduit le diamètre biacromial. Le thorax peut descendre vers le sacrum, dégageant
un espace rétropubien pour l’épaule antérieure.
La poursuite du mouvement de pression provoque une rotation
de l’épaule postérieure.
Pour aider la rotation, on peut exercer une pression sur le moignon de l’épaule antérieure au niveau de la région suspubienne.
La rotation doit être poursuivie jusqu’à amener l’épaule primitivement postérieure sous la symphyse pubienne en position
antérieure, où elle pourra être dégagée puisque initialement
engagée.
L’épaule primitivement antérieure non-engagée, poussée en
arrière, s’engage lors de la rotation dans l’excavation pelvienne au niveau du sinus sacro-iliaque.
À l’issue de la rotation, on a une épaule antérieure engagée en
position de dégagement et une épaule postérieure engagée.
La manœuvre de Jacquemier
À l’examen, derrière la tête fœtale, la cavité est vide, l’épaule
postérieure est retenue au détroit supérieur : la manœuvre de
Jacquemier s’impose.
Toute tentative de rotation de la tête pratiquée à ce stade risque de
mettre dangereusement en tension le plexus brachial postérieur.
On pratiquera directement, mais sans précipitation, la
manœuvre de Jacquemier. Le but est de saisir la main de
l’enfant qui correspond à l’épaule postérieure et tirer tout le
membre supérieur à l’extérieur, transformant le diamètre biacromial en diamètre acromio-thoracique de 3 cm inférieur.
La patiente est installée en position neutre (flexion abduction
des cuisses simples). L’obstétricien se positionne à genou,
l’épaule au-dessous du plan de la table réhaussée au maximum, l’avant-bras en extension sur le bras pour traverser le
bassin et pénétrer dans l’utérus. L’avant-bras et le bras sont
lubrifiés en respectant la main. On introduit la main qui fait
face au ventre du fœtus (main droite si dos à droite), on passe
en arrière de la tête fœtale puis dans le sinus sacro-iliaque dans
une direction qui va du coccyx à l’ombilic de la patiente.
Pour rechercher la main fœtale postérieure, on repère en premier
lieu l’épaule postérieure au niveau du promontoire (la position de
la tête humérale par rapport à la clavicule permet de déterminer si
l’épaule postérieure est l’épaule droite ou gauche).
Une fois l’épaule postérieure repérée, on suit le bras, l’avantbras, et l’on attrape fermement la main. Il suffit ensuite de retirer le bras en exerçant une traction douce, mais ferme, sur la
main fœtale afin d’extraire le bras fœtal. Le mouvement
d’extraction du bras que l’on tient (qui était le bras postérieur),
dirigé vers le bas entraîne un mouvement obligatoire de rotation du thorax fœtal ramenant ce bras en antérieur sous le
pubis, tandis que l’épaule qui était bloquée au-dessus de la
symphyse tourne en arrière et s’engage dans l’excavation.
L’accouchement suit dans l’instant.
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Les articles publiés dans “La Lettre du Gynécologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. EDIMARK SAS © janvier 1984
Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois - Dépôt légal à parution.
Un encart 4 pages est inséré dans ce numéro entre les pages 22 et 23 et les pages 30 et 31.
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