Santé Éducation ÉDITORIAL Travailler ensemble pour développer une approche centrée sur le patient Dans un précédent numéro du journal Santé Éducation, Patrice Gross déplorait “le défi- cit de prise en compte du patient en tant que sujet dans les stratégies de soin”. Il nous incitait à réfléchir et à ne pas attendre “encore 20 ans pour que la personne du patient devienne enfin le centre des préoccupations des soignants” (1). Depuis le début des années 1990, à la suite des travaux de Carl Rogers, plusieurs auteurs proposent ainsi une approche centrée sur la personne afin de faciliter l’adéquation du soin aux besoins actuels du patient. Pourquoi, en France, les professionnels de santé ont-ils autant de mal à prendre soin des personnes malades par-delà le traitement de leur pathologie ? Est-ce dû aux modèles de leurs formations initiale et continue, aux contraintes d’un système de santé trop exclusivement centré sur sa dimension curative, ou aux difficultés à travailler en interdisciplinarité ? Face aux réalités épidémiologiques – vieillissement de la population, maladies chroniques, polypathologies… – Jean-Christophe Mino, Marie-Odile Frattini et Emmanuel Fournier nous invitent à formaliser une “médecine de l’incurable”, pratique clinique qui accepte de renoncer à la guérison, quand elle s’avère inaccessible, pour mieux aider les personnes à vivre et à composer avec la maladie. Marie-Pierre Pancrazi et ses coauteurs nous convient à une réflexion sur la place du soutien et de l’accompagnement psychosocial dans la pratique d’éducation thérapeutique. Ils nous aident à clarifier les liens entre l’éducation thérapeutique et différentes approches psychothérapeutiques. Accueillir les émotions du patient au moment où elles s’expriment, être à l’écoute de la personne malade et de son vécu, relèvent du rôle de chaque soignant. Les compétences requises pour assumer cette fonction peuvent se développer dans le cadre de formations adaptées mais aussi grâce au travail d’équipe, en particulier lorsque la participation d’un psychologue ou d’un psychiatre est possible. Les articles d’Isabelle Aujoulat et d’Éric Dehling, bien que forts différents, rendent compte l’un et l’autre d’intéressantes modalités de collaboration entre les patients, leurs proches et les soignants. 4 Santé Éducation - 01 - Octobre-Novembre-Décembre 2013 Santé Éducation Dans le cadre d’une recherche-action, Isabelle Aujoulat et Raymond Reding ont donné la parole à de jeunes adultes greffés hépatiques, à leurs parents et à leurs soignants afin d’identifier les défis spécifiques auxquels ces patients sont confrontés à l’adolescence. Cette expression à plusieurs voix a permis d’améliorer les modalités de suivi des jeunes patients au moment de leur entrée dans l’âge adulte. Nul doute que ce travail intéressera toutes les équipes qui s’efforcent d’améliorer la transition entre les services de pédiatrie et de médecine adulte, quelle que soit la pathologie concernée. L’association Insulib, présidée par Éric Dehling, a la particularité d’être coadministrée par des personnes diabétiques et des professionnels de santé. Les activités qu’ils mettent en œuvre depuis 2009 les ont amenés à se forger quelques convictions : à la lecture de cet article, on perçoit notamment que l’éducation thérapeutique constitue une formidable opportunité de repenser la relation soignant/soigné. Ce sont d’autres façons de “Travailler ensemble” que Sylvie Pruilhere Vaquier et Florence Chauvin nous présentent. La première relate une expérience de collaboration entre un centre de réadaptation et les médecins généralistes de son territoire pour optimiser l’éducation thérapeutique des patients coronariens. La seconde dresse un panorama des unités transversales d’éducation du patient (UTEP) à l’hôpital à partir d’une enquête réalisée en 2012 pour préparer le séminaire que l’Afdet a organisé, il y a un an, avec l’UTEP du CHU de Besançon. Chaque UTEP a sa propre histoire, souvent née de la volonté de quelques membres d’un établissement de santé, et les missions des unes et des autres sont très diverses. Découvrir ces unités transversales permet d’envisager différents modes de collaboration entre les professionnels pour soutenir le développement de l’éducation thérapeutique au sein d’un établissement hospitalier. S’il est un point commun à tous les articles publiés dans ce numéro de Santé Éducation, c’est donc l’importance accordée au travail d’équipe et à l’interdisciplinarité. Leur lecture nous permet d’amorcer une réflexion qui se poursuivra en février prochain, à l’occasion du congrès 2014 de l’Afdet, puisque le thème principal de notre rencontre annuelle sera “Travailler ensemble en éducation thérapeutique”. Régis Bresson Président de l’Afdet Référence bibliographique 1. Gross P. Réponse à l’éditorial du no 3, vol. 22 de septembre 2012. Santé Éducation 2012;22(4):2-3. Commentaire de : Santé Éducation 2012;22(3):1. Santé Éducation - 01 - Octobre-Novembre-Décembre 2013 5