Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne Ecole doctorale d'histoire (ED 113) Séminaire organisé par les doctorants (une demi-journée) – 28 mars 2015. Appel à communication Analyser des réseaux : Pourquoi ? Comment ? Tout le monde ou presque utilise, parle ou étudie des réseaux, à ce qu'il semble : quelle que soit la période qu'il étudie, l'historien se trouve confronté à un terme devenu de plus en plus omniprésent. Face à ce constat, notre projet de demi-journée pour le séminaire de l'École doctorale d'histoire de Paris 1 entend chercher à savoir si cette notion peut être définie comme un concept opératoire spécifique, c'est-à-dire utile pour comprendre des phénomènes qui, faute de son utilisation, resteraient obscurs. À première vue, l'usage du terme de « réseau » dans le champ historique peut relever de cinq catégories distinctes : il peut recouvrir un modèle général, le mot représentant alors une métaphore de l'image que le chercheur se fait de la réalité qu'il étudie, un « maître concept » irriguant toute l'analyse – c'est le cas de Peregrine Horden et Nicholas Purcell en histoire ancienne, de Bruno Latour et Michel Callon en histoire des sciences, avec des significations attachées très différentes – ; il s'agit aussi d'une méthode d'analyse des données quantitatives, précise et formalisée mais aux usages multiples – que pour éviter la confusion nous appellerons Social Network Analysis – ; le terme peut être mobilisé pour saisir des ensembles de relations interpersonnelles informelles, en particulier sous l'angle de la mobilisation de groupes d'individus dans la sphère du pouvoir 1 ; il peut en outre désigner des infrastructures techniques (train, etc.) et sociales (poste), qui bénéficient d'une attention historiographique récent ; à l'échelle de la pratique historienne elle-même, les travaux de recherche sont de plus en plus impliqués dans les digital humanities, liées aux réseaux informatiques dans le sens le plus courant. Seuls, ce sont les trois premiers sens qui nous intéresseront, sous un angle résolument expérimental. De fait, ce sont ceux auxquels l'historien nous semble le plus directement confronté, quel que soit sa période de prédilection : qu'est-ce que les réseaux, comme cadre interprétatif conceptuel, comme modélisation du réel ou comme technique d'analyse, peuvent apporter sur le plan heuristique ? Quels résultats peut-on en espérer ? Quels sont les a priori, les postulats et les hypothèses qui sous-tendent leur usage ? Quelles sont les limites de leur utilisation ? Quelles sont les implications possibles d'une réflexion en terme de « réseaux » sur les autres éléments de la « boîte à outil conceptuelle » de l'historien ? En particulier, quelles sont les interactions qui peuvent se développer entre une approche sous l'angle réticulaire et des angles d'attaque s'inspirant de Michel Foucault – autour de la question du pouvoir –, de Pierre Bourdieu – avec la théorie des champs –, ou bien encore de Fernand Braudel – et le concept d'économie-monde –, voire de Maurice Agulhon – et l'étude des sociabilités –, ou d'autres ? Pour essayer de répondre à ce questionnement, nous invitons des jeunes chercheurs travaillant sur ces thématiques, en particulier médiévistes et modernistes, à envoyer des propositions de communication. Le projet est encore en cours d'élaboration : n'hésitez pas à nous contacter rapidement même si votre proposition n'est pas aboutie. Les 1 propositions de communications sont à envoyer à Pierre Verschueren C'est en ce sens qu'il a été utilisé dans la demi-journée de l’École doctorale « Réseaux et pouvoir. Logiques de l’informel », Hypothèses, 2010. ([email protected]), à Leslie Villiaume ([email protected]), ou à Ségolène Maudet ([email protected]). Propositions d'exposés : Ségolène Maudet : « Une Méditerranée connectée ? Réseaux, connectivité et histoire économique archaïque » Depuis la parution de The Corrupting Sea de N. Purcell et P. Horden, et les travaux d'I. Malkin sur la notion de « network », les façons de concevoir la Méditerranée archaïque ont été profondément renouvelées. Mais la conception d'un monde en réseau entraîne plusieurs conséquences dans l'étude de la société et de l'économie, qu'il s'agira d'étudier, en particulier l'effacement relatif des conflits et des rapports de force, et de l'ancrage territorial des sociétés. Pierre Verschueren : « Les réseaux de la recherche : la recomposition du champs des sciences physiques en France en 1945 et 1968 » Le visage des sciences physiques change profondément après la Seconde Guerre mondiale : la l'enseignement supérieur et la recherche en physique et chimie connaît une massification exponentielle, sur tous les plans. En mobilisant la Social Network Analysis pour étudier la composition des jurys de doctorat ès sciences physiques, nous étendons analyser les conséquences qualitatives de cette nouvelle donne quantitative. Leslie Villiaume : « Les réseaux : diverses approches méthodologiques pour sortir l’histoire de la prestidigitation de l’amateurisme ? » Sous le Second Empire, l’art de la prestidigitation prend de l’importance en Europe, et en particulier à Paris, où le « merveilleux » envahit alors le théâtre de boulevard. Des magiciens du monde entier viennent s’y produire pendant que bon nombre de prestidigitateurs français partent en tournée à l’étranger. Les déplacements et les échanges des magiciens ont été « étudiés » (ou plutôt recensés) par de nombreux amateurs passionnés. Leurs travaux représentent des années de recherches et certains y ont même consacré leur vie. Mais comme l’explique Marc Bloch dans son Apologie pour l’histoire ou métier d'historien, l’histoire doit proposer « au lieu d’une simple énumération […] un classement rationnel et une progressive intelligibilité ». Un objet d’étude comme l’histoire de la prestidigitation mérite donc des méthodes adaptées. Le terme de « réseaux », s’il reste un peu flou, n’en est pas moins polysémique. Qu’on le considère comme un cadre interprétatif conceptuel, une modélisation du réel ou une technique d’analyse, les diverses conceptions du terme peuvent être des pistes pour appréhender avec méthode l’histoire de la prestidigitation.