Journée FIVATE La FIVATE et le blocage embryonnaire dans la culture prolongée J.F. Velez de la Calle Laboratoire Glasgow, Unité FIV Clinique Pasteur-Saint Esprit, 29200-Brest <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Mots clés : FIVATE, culture prolongée, blastocyte D ans la recherche de l’amélioration des résultats d’implantation en fécondation in vitro, le transfert au stade blastocyste a été souvent proposé pour de très nombreuses raisons. transfert tardif peut donc être liée aussi, à une hyper contractilité utérine moins importante, fruit de la distance entre le transfert et la ponction et/ou de l’imprégnation en progestérone. Tout d’abord, le transfert (à J5 ou J6) correspond au moment estimé de l’implantation de l’embryon dans l’espèce humaine. De ce fait, l’embryon transféré dans l’utérus, est sensé trouver, a priori, un environnement plus approprié à son stade, comparé à l’embryon de 2, 4 ou 8 cellules. La réceptivité endométriale et la fenêtre implantatoire jouent un rôle non négligeable dans l’efficacité du transfert d’embryon. Il est bien connu que l’endomètre, lors des cycles stimulés, est en avance par rapport à l’âge de l’embryon (J2-J3). Cette avance histologique et « nonconcordance » de l’endomètre serait moins défavorable pour le blastocyste qui se trouverait dans un environnement propice. En effet, l’embryon conçu in vitro, est trop souvent transféré à J2 ou J3, stade auquel, dans les conditions naturelles il se trouve encore dans la trompe. Or, il a été démontré que les conditions physico-chimiques sont différentes entre la trompe et l’utérus. Les faibles rendements en matière de taux d’implantation dans l’espèce humaine, peuvent donc s’expliquer, par un environnement utérin défavorable pour l’embryon à J2-J3. Dans cette quête d’amélioration des résultats, il faut rappeler que les contractions utérines engendrées par la ponction et/ou le transfert embryonnaire, sont parfois à l’origine des certains échecs d’implantation suite au rejet probable de l’embryon ou à l’effet délétère des prostaglandines et autres cytokines propres aux phénomènes inflammatoires. L’efficacité du 46 Une autre explication avancée, au sujet de l’efficacité du transfert au stade blastocyste, est le tri plus au moins « spontané » exercé sur les embryons obtenus. En effet, il est connu que tous les embryons résultant de la superovulation, n’ont pas la même « capacité » implantatoire. Certains d’entre eux y compris, à morphologie intacte identique (J2-J3), vont s’arrêter dans leur division cellulaire. Le fait donc de prolonger leur culture, permet d’optimiser ce transfert, par la visualisation d’une étape précédant juste le moment de l’implantation. Cette « visualisation » peut être d’autant plus utile, qu’elle permet aussi d’évaluer le blastocyste éclos, mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. étape indispensable à la nidation, parfois responsable d’échecs dans les cas de zone pellucide épaisse, assez fréquents chez la femme de plus de 37 ans. Le transfert des blastocystes est actuellement proposé aussi, pour diminuer le taux de grossesses multiples. En effet, la faible efficacité du transfert à J2-J3, incite souvent les praticiens à proposer des transferts avec plusieurs embryons. Sans avoir une réelle amélioration des résultats, cette politique de transfert augmente de manière non négligeable les risques de grossesse multiple. Ayant par définition une meilleure efficacité avec les blastocystes, on peut se permettre de proposer donc un seul embryon au moment du transfert. Lors de notre étude, nous nous sommes intéressés au blocage embryonnaire pendant la culture prolongée. Ce blocage embryonnaire est souvent associé à la période de compaction, c’est-à-dire au stade morula. En effet, ce stade est particulièrement délicat puisque pendant celuici, se produisent des changements lipidiques à l’origine des membranes. Durant cette période de compaction, l’embryon est très thermolabile et fragile. Dans notre exposé et bien que pratiquant la culture prolongée depuis 1996, nous allons présenter les résultats de notre centre entre 2000 et 2005. En effet, on peut considérer que ces dernières cinq années correspondent pour nous, à une amélioration notable en la matière. Matériel et méthodes Nous donnons ci-dessus l’évolution de notre technique de culture lors de ces 6 dernières années, dans la mesure où nous pensons qu’elle a une incidence sur les résultats observés. Année 2000 : 2 incubateurs à mélange CO2-air et un incubateur de paillasse (3 gaz). Niveau de C02 à 5 %. Utilisation du milieu Ferticult (FC) pour la fécondation (J0) et C20 (Scandinavian) à partir de J2. Culture intégrale en microgouttes sous huile (boites 1006 flacon). Pas d’observation ni de changement d’embryons à J4. Patientes (culture prolongée) ayant eu plus de deux échecs de grossesse, représentant 14,5 % de notre activité ayant montré un clivage (80 ponctions/560). Année 2001 : Idem pour le nombre d’incubateurs et le taux de CO2. Culture en boîtes Nunc (4 puits) sans huile et pas d’observation ni changement à J4. Milieux idem avec deux périodes de milieu pour blastocyste (Irvine). Pourcentage de patientes concernées de 16,2 % (81/500). Année 2002 : 3 incubateurs à mélange CO2-air et un incubateur de paillasse, avec l’arrivée d’une tour Coda. Mêmes conditions de culture sauf séquence « maison » FC-C20 et deux mois avec milieux séquentiels Cook. 22,2 % de nos patientes (128/565). Année 2003 : idem nombre d’incubateurs, boîtes de culture et tour Coda. Passage à 6 % de CO2 et en fin d’année, filtres coda pour gaz. Changement des embryons à J4. 24,3 % de nos patientes (120/493). Milieux : FC+CCM30 ; séquence Cook et “Global”. Année 2004 : 4 incubateurs à mélange CO2-air et incubateur de paillasse protégés par un onduleur de grande capacité. Milieu : FC+CCM30 et deux mois Global. 26,8 % de la population (proposition à toutes les patientes ayant plus de 3 embryons de grade I), soit 135 cycles/503. Année 2005 : Décision praticiens pour la culture prolongée avec 3 embryons ou plus de grade I. Conditions identiques de travail avec cependant, habits opérateurs type bloc chirurgical. 33,6 % de nos patientes (161/563*). Culture avec milieu FC+CCM30 sauf 1 mois avec milieu global. * Jusqu’au 15 décembre 2005 Résultats Effectifs Cette étude concerne 5 318 ovocytes inséminés en FIV et 2 110 injectés (MII) observés sur 705 ponctions avec culture prolongée. Les taux de fécondation ont été respectivement de 66,5 % (3 534 embryons) et de 83,5 % (1 761 embryons). Les embryons de grade I à J2 représentaient 61 % (2 158) et 64,1 % (1 129) de la cohorte. 97 % des blastocystes ont été obtenus à J5 (J0 = ponction). Les blastocystes uniquement observés à J6, dans nos conditions de culture et avec notre milieu de référence (FC+CCM30), sauf pour les milieux Cook, n’ont jamais donné de grossesse clinique. La figure 1 montre l’évolution de notre activité en matière de blocage embryonnaire (BE), du ratio blastocyste/embryon (B/E) ; du taux de grossesses cliniques par ponction ayant bénéficié d’un transfert de blastocystes (G/P) et du taux de grossesses cliniques à trois mois (G/P > 3 m). Toutes les valeurs observées en 2005 sont significativement différentes (P < 0,001) par rapport à celles de l’année 2000. Discussion En 2000, nous avions repris la culture prolongée après l’avoir interrompue en 1999 à cause du nombre important de cycles présentant des blocages embryonnaires (> 30%) et du risque de grossesses monozygotes-dyzygotes (12 % dans notre série) que nous avions signalé comme étant le fruit de l’utilisation du milieu S2 [4]. Depuis cette année de « transition », nous avons obtenu des résultats plus consistants en matière de grossesses, en accord avec la littérature, voire bien supérieurs (2005). Ne connaissant pas l’importance du taux de blocage embryonnaire spontané in vivo dans l’espèce humaine, mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006 47 Journée FIVATE Efficacité culture 100 80 66,8 60,2 60 % B/E % BE 54,3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 40 48 % G/P % G/P > 3m 20 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Figure 1. nous pouvons penser que les résultats observés dans notre centre, sont normaux, voire, assez bas (depuis 2003), traduisant une assez bonne méthodologie de la culture cellulaire dans son ensemble et l’utilisation d’une séquence des milieux tout à fait adaptée. Il faut souligner que ce blocage embryonnaire n’est pas systématiquement observé lors des stades précédant le stade blastocyste et en particulier celui de la compaction des blastomères (morula) mais aussi entre le blastocyste débutant et l’expansé à J5 et J6 (données non présentées dans ce résumé). Ces blocages « avancés » expliquent peut-être l’absence de grossesse chez certaines patientes. Nous ne saurions dire si l’arrêt de l’embryon à ce stade est le fruit d’une altération au stade morula ou bien d’une modification épigénétique ayant eu lieu en amont. Cependant, il est intéressant de constater que, « dans nos conditions de travail », nos résultats ont été beaucoup plus intéressants (moins de blocages et plus de grossesses) depuis que nous changeons les embryons à J4, contrairement à ce qui était préconisé par Gardner et al. [2] Il ne faut pas oublier que les résultats sont aussi influencés par différents facteurs pouvant modifier les « performances » du système de culture. La patiente (âge, antécédents, stimulation ovarienne) ; la ponction ovocytaire (température seringues, stérilisation vagin et équipements, aiguilles) ; le statut des ovocytes au moment de la ponction (maturité, état méiotique, cytoplasme, zone pellucide) ; les conditions de manipulation entre la ponction et la culture (paramètres physico-chimiques) ; les milieux (macromolécules, antibiotiques) ; les techniques de laboratoire (manipulation des ovocytes, d’embryons, statuts spermatiques et la sélection de spermatozoïdes) ; les conditions de culture (incubateurs, gaz, stabilité électrique, calibration) ; l’environnement du laboratoire (température, humidité, qualité air ; présence des composés organiques volatiles) [1-3]. Je voudrais attirer donc l’attention du lecteur sur l’interprétation de nos résultats, comme étant le fruit d’une méthodologie de travail qui nous est propre. En effet, depuis de nombreuses années de pratique de la biologie de la reproduction dans l’AMP, j’ai constaté que les résultats des autres étaient rarement extrapolables par le simple fait de changer un milieu. Il nous semble par conséquent, avoir obtenu une progression harmonieuse dans nos résultats concordant avec les modifications introduites par nos soins. Par ailleurs, les fabricants de milieux non seulement ont fait des modifications qui nous sont inconnues (en particulier sur les quantités des molécules) dans la composition desdits milieux, mais aussi dans leur stabilité et dans l’approvisionnement des matières premières, permettant d’avoir une bien meilleure reproductibilité. Aujourd’hui, « dans nos conditions de travail », nous avons atteint en 2005, des résultats comparables (voire meilleurs) à ceux décrits par les équipes américaines [2] avec un ratio blastocyste/embryon proche de 67 % et un taux de grossesses cliniques de 60 % (54,3 % > à 3 mois) observés chez 33,6 % de nos patientes (population globale, toutes techniques confondues) présentant à J2 des embryons clivés. Ces résultats nous incitent de plus en plus à proposer aux couples cette solution, d’autant plus que les taux de grossesses cliniques à 3 mois sont excellents (2005). mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Faut-il pour autant proposer à toutes nos patientes le transfert au stade blastocyste ? La réponse n’est pas si simple, si nous tenons compte de l’analyse de notre population. En effet, les femmes ne bénéficiant pas de culture prolongée sur les 6 années évaluées, présentent en moyenne : 40 % en moins d’ovocytes/ponction ; 50 % en moins d’embryons et 60 % en moins d’embryons de grade I (données non présentées). Par ailleurs, leur taux de grossesse est 60 % moins important. Ceci est le reflet d’une population avec une réserve et une qualité ovocytaire moins bonnes, laquelle population est plus aléatoire et plus difficile à cerner. Par ailleurs, les incertitudes encore d’actualité en matière de culture embryonnaire (reproductibilité des milieux, chaîne du froid,...) font que ce choix absolu reste encore délicat sur le plan éthique. Finalement, dans tous les cas, l’équipe pluridisciplinaire doit procurer une information détaillée à tous les couples, avec les résultats du centre, avant de décider de la mise en œuvre. Équipe clinico-biologique de la clinique Pasteur à Brest : J.-J. Chabaud, A. Hassoun, B. Letellier, C. Le Roux, G. Lucas, S. Madec, S. Masson, J.F. Velez de la Calle. Références 1. Cohen J, et al. Environmental factors affecting development of embryos. In : Ares Serono Symposia-Alpha, Cancun. 2001. 2. Gardner D. Prolonged culture of embryos. In : Ares Serono Symposia-Alpha, Cancun, 2001. 3. Pool T. Gamete and embryo culture systems. In : Ares Serono Symposia-Alpha, Cancun, 2001. 4. Vélez de la Calle J, Chabaud JJ. High incidence of dizygotic triplet pregnancies from human blastocyst transfer in a IVF program. ESHRE, 1999. mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006 49