Sur les changements phonétiques dans les formes conjuguées

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Sur les changements phonétiques dans les formes
conjuguées des auxiliaires premiers en basque:
radical-participe transitif *edun (inusité dans la langue
historique documentée) ”avoir, eu”, radical-participe
intransitif *izan ”être, été”
Jean-Baptiste Orpustan
To cite this version:
Jean-Baptiste Orpustan. Sur les changements phonétiques dans les formes conjuguées des auxiliaires premiers en basque: radical-participe transitif *edun (inusité dans la langue historique
documentée) ”avoir, eu”, radical-participe intransitif *izan ”être, été”. Lapurdum - Euskal
Ikerketen Aldizkaria, Centre de recherche sur la langue et les textes basques, IKER - UMR
5478 (CNRS, Bordeaux 3 & UPPA), 2003, pp.427-456. <artxibo-00081378>
HAL Id: artxibo-00081378
https://artxiker.ccsd.cnrs.fr/artxibo-00081378
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Sur les changements phonétiques dans les formes conjuguées des
auxiliaires premiers en basque: radical-participe transitif *edun (inusité dans la
langue historique documentée) “ avoir, eu”, radical-participe intransitif *izan “être,
été”.
Introduction.
Les deux verbes les plus souvent conjugués dans la langue basque sont les
auxiliaires premiers *edun “eu, avoir” (radical-participe inusité comme tel dans la langue
historique documentée, mais base de la conjugaison) et *izan “été, être”. Ils sont aussi les
plus “irréguliers”, et leurs bases qui servent à former les paradigmes conjugués, -edu-/adu- pour le premier, -iza- pour le second, ont subi des changements phonétiques tels
qu’ils sont devenus à peu près méconnaissables dans la plupart de ces paradigmes, à la
différence des auxiliaires seconds (conjugaison dite parfois “volitive”) correspondants, aux
formes symétriquement opposées *ezan transitif et *edin intransitif, et de tous les autres
verbes qui ont conservé des paradigmes de conjugaison (dits “temps” ou “tiroirs”) non
auxiliés ou simples (dits parfois “synthétiques”): -egi-/-agi- base de conjugaison pour le
radical-participe egin “fait, faire”, -ema- pour eman “donné, donner”, -ego-/-ago- pour
egon “demeuré, demeurer”, -(i)aki- pour jakin “su, savoir” etc.
La fréquence en quelque sorte “naturelle” de ces auxiliaires dans les temps
auxiliés ou composés (dits parfois “périphrastiques”) indispensables pour exprimer les
temps d’aspect perfectif, les temps simples exprimant seulement l’imperfectif, et pour
conjuguer à tous les “temps” et aspects les verbes (dérivés ou non d’autres mots) non
conjugables par eux-mêmes hors de leurs formes nominales (substantif verbal et
participes), a été considérablement augmentée par le recul généralisé de la conjugaison
non auxiliée dans les verbes des catégories en -n comme les précédents ou en -i (radical
ebil/ibil “aller et venir”, participe ebili “allé et venu” etc.), qui forment les catégories
proprement verbales en basque (avec quelques verbes en -o comme jo “frappé, frapper”,
jaio “né, naître” etc.), où elle fonctionnait; à quoi il faut encore ajouter la création ou le
développement du futur auxilié qui a remplacé l’ancien futur-potentiel à suffixe-infixe -ke()/ -te(-) réservé au strict potentiel (sauf en domaine souletin où il survit) dans la langue
moderne. Les formes issues des bases -edu- et -iza- varient d’un paradigme à l’autre non
seulement d’un dialecte à l’autre, mais encore dans les mêmes aires dialectales. Il s’ensuit
que, du moins en apparence, la conjugaison basque dont la complexité réelle, indifférente
à la nature du radical conjugué, résulte du seul fait de l’agglutination, dans un ordre et une
“architecture” heureusement immuables dans chaque paradigme, des divers affixes
d’assertion, de subordination, de personnes (actantes et allocutives), de temps et de
modalité (le morphème verbal conjugué en basque peut ainsi contenir dans son extension
maximale jusqu’à une dizaine de morphèmes grammaticaux différents exprimés réduits
souvent à un seul phonème), donne l’impression de se compliquer encore du fait des
variations du radical. Difficulté qui ne compte pas, heureusement, pour le locuteur natif et
l’apprentissage des enfants, alors qu’elle s’ajoute au reste pour l’adulte.
Sans intervenir en quoi que ce soit dans l’analyse de ces divers affixes
constituants de la forme conjuguée en basque, qui relève d’une étude étymologique
extrêmement complexe parfois, et, pour certains morphèmes vouée peut-être à la pure
hypothèse ou simplement à l’échec, la présente note se propose d’analyser et d’expliquer
les variations de forme du radical conjugué, véritable pivot du morphème verbal basque,
de chaque côté duquel viennent se placer les divers affixes. Ces variations procèdent
toutes des changements phonétiques subis par les bases conjuguées, lesquels résultent
de la conjonction de deux facteurs: leur structure phonétique propre d’une part, qui les
rend, par eux-mêmes ou par le fait des affixes voisins, phonétiquement instables, les
particularités locales, dialectales si l’on veut, de l’articulation phonétique au cours de
l’histoire de la langue de l’autre.
1
1. Radical verbal, radical ou base de conjugaison et “racine verbale”.
Dans des analyses déjà anciennes sur le verbe basque, sa morphologie et sa
conjugaison, celles de Schuchardt notamment, puis celles de R. Lafon, qui les cite et les
reprend souvent, les critiquant à l’occasion, dans son Système du verbe basque au XVIe
siècle (1), premier essai pour saisir la morphologie verbale basque dans sa globalité à
partir des témoignages textuels les plus anciens connus de son temps et qui fait date pour
la suite des travaux sur le sujet, il est beaucoup question de la “racine verbale” et de sa
structure phono-morphologique. Pour le rappeler ici très sommairement, cette “racine
verbale” est définie comme un élément minimal du morphème verbal, en tout cas pour les
verbes conjugués directement, c’est-à-dire sans faire appel à des auxiliaires eux
réellement conjugués et complétés par des formes participiales du verbe lui-même (ou
“temps composés”). Pour obtenir cette “racine”, terme et notion dont on voit bien qu’ils
sont en relation avec les grands travaux d’étymologie des langues indo-européennes
contemporains aux travaux de Schuchardt (2), et antérieurs à ceux de R. Lafon, il ne suffit
pas de repérer ce que la linguistique basque moderne nomme le “radical verbal”.
Ce “radical verbal” peut être le “radical-participe” quand la forme “radicale” non
aspectuelle est identique au participe d’aspect “perfectif”, que l’on nommait naguère par la
notion temporelle (et non aspectuelle) impropre de “participe passé”, à savoir *edun, izan
pour les auxiliaires premiers ici considérés, *ezan, *edin pour les auxiliaires seconds et
tous les verbes où ce radical se termine par la consonne -n et très exceptionnellement par
la voyelle -o (dans jo “frapper, frappé”, la forme dialectale igo ou igan “monter, monté”, jaio
“naître, né” etc.): cette série “fermée” (on ne peut en principe créer de tels verbes par
dérivation) et néanmoins fournie de verbes en principe tous anciens dans la langue peut
se définir, d’un point de vue strictement morphologique et indépendamment du fait que les
verbes soient sémantiquement transitifs (appelant un complément d’objet) ou non, comme
l’une des “classes” de verbes basques. Pour tous les autres, que ces verbes aient une
voyelle finale -i pour former le participe perfectif s’ajoutant à la consonne finale du “radical”
proprement dit fonctionnant alors comme “participe non aspectif” dans la conjugaison
(avec l’auxiliaire second) dite “volitive” ou “aoristique” selon les auteurs, ce qui fait une
seconde “classe” également “fermée” de verbes conjugables sans auxiliaire, ou qu’ils
portent le suffixe participial manifestement hérité du latin -tu (qui est parfois passé par
analogie aux verbes précédents, davantage dans certains dialectes) qu’ils perdent
également pour faire le radical (ou le réduisent parfois à -t, très illogiquement mais par
analogie avec les précédents), classe cette fois “ouverte”, dérivable à volonté de n’importe
quel mot préexistant (qu’il soit nom, même décliné, ou même adverbe etc.), la forme du
“radical”, tout comme sa valeur non aspective, s’oppose à celle du “participe perfectif”
(d’où se dérive le participe futur à suffixe de génitif, l’imperfectif se dérivant du substantif
verbal): sar “entrer”/sartu “entré” etc. (3)
Or les “radicaux-participes” ou “radicaux proprement dits” ainsi définis des
verbes conjugués sans auxiliaire ne suffisent pas à définir la “racine”: les auteurs précités
considèrent qu’il faut encore leur enlever non seulement le -n ou le -i final, qui en effet
disparaît systématiquement dans toutes leurs formes conjuguées, mais aussi la voyelle
initiale, soit e- soit i- (très rarement peut-être u- comme dans utz “abandonner, laisser”),
considérée alors comme un préfixe, donc en principe détachable pour former le
morphème lexical minimal ou “racine”. Il faut en effet une initiale vocalique obligatoire aux
formes radicales de tous les verbes conjugables, parce que c’est la condition pour qu’elles
puissent recevoir les préfixes personnels et modaux de conjugaison, eux consonantiques.
Pour définir cette “racine” verbale, la voyelle préfixée formant l’initiale du radical doit être
considérée comme une voyelle de liaison entre la consonne préfixée personnelle ou
modale en conjugaison et la consonne dite alors “initiale” de la “racine verbale”. Le basque
utilise en effet régulièrement de telles voyelles de liaison pour la dérivation nominale en
2
déclinaison ou autrement, ainsi que pour les suffixes de la conjugaison, ce qui a dû inciter
les auteurs de cette analyse à les transposer aussi dans la préfixation de la morphologie
verbale. Il faut pourtant remarquer que, malgré quelques douteuses analyses
étymologiques (voir ci-dessous la note 6), le basque n’a pas rajouté ce prétendu “préfixe”
vocalique, instrument de la conjugaison, aux verbes à initiale consonantique pour les
rendre conjugables sans auxiliaire.
Cet élagage du radical en “racine”, qui n’est alors en fait qu’un résidu du
morphème radical (il est réduit parfois à un unique phonème -a- pour izan, ou même
totalement occulté en réalité) au lieu d’être la “cellule” morphématique sur laquelle s’est
édifiée la conjugaison, a quelques autres inconvénients, outre le fait de renvoyer à une
“préhistoire” de la langue sûrement plusieurs fois millénaire et que personne aujourd’hui
encore n’est en mesure de reconstruire avec quelque vraisemblance pour de tels faits: 1°
il donne des morphèmes qui, commençant par des consonnes dites alors “initiales”
totalement ou grandement inusitées en initiale lexicale absolue par le basque (non
seulement la vibrante r-, mais les occlusives sourdes k-, t- ou la sonore d- …), semblent
en contradiction avec les caractères phono-morphologiques généraux du basque; 2° il
aboutit à confondre intégralement sous la racine -za- l’auxiliaire premier intransitif izan et
second transitif *ezan (quels que soient par ailleurs les problèmes étymologiques
impliqués dans ces auxiliaires que la langue ne confond pourtant jamais); 3° et surtout il
ne tient pas compte qu’il y a bien un “radical nu” dans la conjugaison des verbes basques.
Ce “radical nu” en basque, pour tous les verbes intransitifs conjugables sans
auxiliaire et eux seuls, donne, comme en latin (influence bimillénaire, ou trait commun?),
l’impératif de deuxième personne du singulier masculin et féminin, et correspond, au
changement en a- éventuel - mais non régulier - de l’initiale vocalique (ouverture vocalique
à valeur morphologique exprimant en principe le présent ou seulement phonétique et
expressive?) près, au radical ou base de conjugaison: ago, abil “reste, va” pour les verbes
egon, ebili (mais aussi habil, ou haugi “viens” de jaugin “venir”: le préfixe personnel
semble s’être imposé à date peut-être tardive par analogie). Dans les verbes transitifs, le
sujet d’ergatif doit être exprimé par un suffixe personnel qui s’ajoute au “radical ou base
de conjugaison”, au singulier -k masculin ou -n féminin (en ce cas dans tous les verbes à
radical-participe en -n la forme impérative se confond exactement avec ce radical): sur
egin “faire, fait” egik/egin “fais(-le)”, sur eman “donner, donné” emak/eman “donne(-le)” et
avec le datif de 3e personne du singulier emok/emon “donne-le-lui” (la forme dative de ce
verbe datif par excellence ne doit pas être indifférente à l’existence dialectale de la forme
de radical-participe emon dans les Refranes en biscaïen de 1596, où cependant le nom
verbal est comme dans les dialectes français anciens et modernes emaite) (4), sur ikus
“voir” / ikusi “vu” ikusak/ikusan “vois(-le)”, et, dans les verbes à initiale de semi-consonne
y- eux aussi conjugables, pour le pluriel de déférence (singulier réel) de jakin “savoir, su”
dans la lettre de 1415 jaquiçu “sachez” pour jakizu (5).
La “base de conjugaison” ainsi définie, et dont la présente note analyse les
variations phonétiques et leurs résultats principaux dans la pratique, sans tenir compte de
la variation vocalique initiale dans les formes conjuguées, qui donne plutôt a- au présent
et plutôt e- au non présent, mais de façon assez aléatoire selon les verbes et les usages
dialectaux, n’est donc en rien la “racine” telle que décrite et commentée par les auteurs
précités (6).
N. B. Dans tout le commentaire qui suit les formes citées les plus proches des
formes étymologiques reconstituées ont été écrites en caractères gras.
2. L’auxiliaire transitif *-edun: base de conjugaison -edu(-)/-adu(-).
Seul le dialecte biscaïen avait encore conservé dans la langue historique des
formes usuelles non conjuguées directement bâties sur ce radical, quoique déjà
3
phonétiquement altérées, comme le nom verbal suffixé en -te (forme sans doute la plus
ancienne, qui a progressivement perdu du terrain au profit du suffixe à sifflante affriquée tze) e(d)ute “avoir, action d’avoir”.
1a. Les formes de base des paradigmes conjugués.
Ces formes de base régulières ont été nécessairement les suivantes jusqu’à
une époque indéterminée antérieure, et peut-être de beaucoup, aux premiers
témoignages écrits recueillis à partir du Xe siècle et surtout du XVIe, les verbes étant
rares dans les citations médiévales principalement onomastiques:
(*)edute (7) pour le nom verbal et ses dérivés: participe imperfectif *eduten,
participe prospectif *edunen/*edungo; il n’y a sauf erreur aucun témoignage de tels
participes pour la formation desquels a dû tôt suppléer le radical-participe uk(h)an/uk(h)en
“eu, obtenu, reçu”, lui-même, par une curieuse symétrie qui peut tenir de “l’économie
linguistique”, non conjugable;
*dadu/dedu, *zeduen, *(ba)ledu/ladu pour la 3e personne du singulier des
actants sujet et objet non exprimés (sauf pour l’actant datif-bénéficiaire où elle doit
obligatoirement être exprimée, la 3e personne du singulier est exprimée sans l’être ou “par
défaut”, pour la raison simple que les autres personnes, première et seconde au singulier
et au pluriel, doivent l’être par des affixes, ainsi que le pluriel en tant que tel: économie
encore dans une architecture morphologiquement complexe): pour le présent “il ou elle
l’a”, le non-présent passé-imparfait (réel ou temporel en français) “il ou elle l’avait”, le nonprésent éventuel “(s’) il ou elle l’avait” (imparfait modal ou hypothétique du français);
*eduk, *edun “aie-le/la” pour l’impératif au singulier (le suffixe personnel, sujetergatif ou datif et allocutif, oppose en basque le masculin -k au féminin -n, ce qui constitue
la seule expression morphologique basque du genre: ces suffixes ne représentent donc
en rien le genre de la 3e personne exprimée en français mais non en basque), *eduzu(e)
au pluriel; ces mots peuvent prendre aussi une forme plus proche du subjonctif français ou
roman en général (il ne faut pas oublier que le français a été la dernière langue romane en
contact avec le basque, venue bien après le gascon ou le castillan) et tributaire à n’en pas
douter de celui-ci: *edukala, *edunala par adjonction du suffixe de subordination
complétive: “que tu l’aies”;
*bedu pour l’optatif, vrai mode morphologiquement constitué en basque, qui
supplée pour la 3e personne à l’impératif: “qu’il ou qu’elle l’ait”.
Tout indique, et en particulier la situation dialectale moderne bien documentée
à partir de ce même XVIe siècle, que les variations subies par ces formes et tous les
paradigmes “temps” ou “tiroirs” qui en découlent n’ont été ni contemporaines dans toute
l’aire linguistique, ni partout de même nature. Il sera très malaisé, en tout cas, de savoir si
ces faits découlent d’un pur hasard favorisé par l’émiettement géographique et
administratif très précoce et peut-être même originel des territoires de langue basque, ou
s’ils sont tributaires de quelque fait de substrat, ou bien déjà pré-dialectal dans la langue
basque elle-même, ou bien résultant des influences d’autres langues au contact, ou même
des deux, même si les structures grammaticales ont été, de par leur différence profonde,
beaucoup plus imperméables que la phonétique et le lexique à l’influence des langues
extérieures, et en particulier administratives: le latin officiel antique et médiéval, puis les
langues romanes.
1b. Changements du radical conjugué *-edu-/*-adu-.
Le schéma des changements est le suivant, chacun des stades ultimes étant
maintenu soit dans un ou autre domaine dialectal, soit dans un ou autre paradigme ou
“tiroir” de la conjugaison, les deux résultats (domaine dialectal et paradigme) pouvant se
réaliser ensemble ou séparément:
*(-)edu/(-)adu > (-)au : stade (-)dau(-) etc.
4
> (-)au > (-)eu > (-)u : stade du etc.
> (-)eu > (-)ei- : stade d(er)ei- etc.
> (-)ei- > (-)e- : stade det etc.
> (-)ei- > (-)i- : stade di- etc.
Le radical conjugué est susceptible au présent, après adjonction du préfixe
modo-temporel (d-, z-, l-, b-), ou personnel (n-, h-, g-, z-), d’une variation vocalique
(ouverture) pour certains verbes (transitifs ou intransitifs) dont la voyelle initiale radicale
(hors conjugaison) était comme ici -e ou même -i: egon/dago/nago, ibil/dabil/nabil,
eraman/darama/narama pour “demeurer/il (ou elle) demeure/je demeure”, “se promener/il
se promène/je me promène”, “emporter/il l’emporte/il m’emporte” etc.; d’autres verbes ont
gardé au présent la voyelle initiale comme dema “il le donne”, le second auxiliaire transitif
deza (mais non l’intransitif dadi), dirau “il dure” etc. Il s’agit là de variations qui tiennent
sans doute, vu leur irrégularité relative, plus de la phonétique, faits d’assimilation ou de
dissimilation ou d’expressivité notamment, que de la morphologie proprement dite. Pour
*edu- il semble qu’on peut se demander au vu des résultats s’il n’y aurait pas eu
simultanément (de même encore aujourd’hui pour derama/darama etc.), peut-être dans
des aires dialectales assez précises, à la fois des formes en -e- et d’autres en -a-.
1° La première étape du changement: diphtongue -au/-eu.
Le premier changement et le principal, qui conditionne la suite, a été la chute
de la dentale sonore intervocalique du radical, dont témoigne le biscaïen eute “avoir”
documenté au XVIe (1596 euten en forme d’inessif indéterminé servant de participe
imperfectif) et encore au XVIIe. Le résultat est la naissance de la diphtongue, soit comme
ici (et donc les dérivés du nom verbal) -eu-, soit dans les formes conjuguées du présent: au. Le basque, en principe, n’affaiblit pas ou tard et sans régularité, et à la différence
fondamentale des langues romanes qui vont jusqu’à les éliminer, les consonnes
intervocaliques et en particulier les occlusives sonores. Par un curieux trait de phonomorphologie, il renforce même (et dans ce cas assourdit) les initiales devenues
intervocaliques par composition: sur gabe “dépourvu de, sans” atsekabe “déplaisir”, sur
bazter “côté” supazter “coin du feur”, sur bide “chemin, moyen” bizipide “ressource, moyen
de vivre” etc. C’est d’ailleurs un trait qui apparaîtra dans le traitement dialectal de certains
affixes d’actants personnels datifs. Mais la fréquence des formes conjuguées, celle des
auxiliaires ou d’autres comme egon, a eu raison de ce garde-fou linguistique, même à
l’écrit qui est resté jusqu’à aujourd’hui étonnamment “régulier”, et bien davantage à l’oral
et dans certains domaines dialectaux que dans d’autres, résultat sans doute, comme
d’autres faits, du retrécissement progressif de la langue vers les sphères familières et
privées qui l’écarte, en basque aussi, du “bon usage” traditionnel si longtemps maintenu.
Les diphtongues sont la part la plus instable du vocalisme en basque comme
dans d’autres langues, et la diphtongue -au- ainsi créée était appelée à bouger. Elle a
néanmoins été conservée dans des pans entiers de la conjugaison:
a) au présent à sujet de 3e personne du biscaïen dau “il l’a”, pluriel daude “ils
l’ont” (partout ailleurs du, dute): la conservation prolongée du nom verbal ailleurs disparu
peut expliquer la persistance de ce présent diphtongué; mais au pluriel la sonorisation de
la consonne dentale d’appui du morphème de pluriel de -te à -de, par analogie ou
assimilation, dans cet unique dialecte a rendu ce présent parfaitement homonyme du
pluriel généralisé de egon verbe lui aussi d’emploi très fréquent, daude “ils demeurent”;
mais ce dernier procède, par des voies d’altération phonétique de même nature, d’un
*dagote déjà perdu par la langue historique dans cet emploi (on trouve pourtant chez
Oyhénart au XVIIe siècle une forme relative dérivée, peut-être “savante” et non usuelle,
mais avec affixe de datif, toujours plus conservateur des formes verbales comme on le
verra: dagotenari “à celui qui demeure à eux …”);
5
b) au présent et au non présent à objet de 1e ou 2e personne en ce cas préfixé
(disparition des marques modo-temporelles d-/z-/l-): nau “il m’a”, nauzu “vous (sing.)
m’avez” etc., quoique l’usage dialectal courant et oral en navarro-souletin réduise la
diphtongue à nu etc. analogique du présent de 3e personne du ;
c) au présent et non présent à datif de 1e et 2e personne toujours suffixé,
quelle que soit la personne ergative sujet et sa place, en navarro-labourdin et souletin:
daut “il me l’a”, dautazu “vous me l’avez”, dautzu “il vous l’a”, dauku “il nous l’a”,
daukuzu “vous nous l’avez”, dautzugu “nous vous l’avons” (l’initiale devenue interne des
datifs de 1e et 2e personnes de pluriel se distingue alors des ergatifs dans la même
position par une marque de renforcement de la consonne: assourdissement d’occlusive et
affriquement de sifflante); zautan “il m’avait”, zinautan “vous me l’aviez” etc.; la forme
orale coutumière dans la même zone navarro-labourdine réduit ici la diphtongue à la
première voyelle avec les datifs de 1e pers. du singulier datazu, zatan, zinatan etc.; de ces
formes se déduit, par simple maintien analogique de la voyelle de liaison en finale, le
présent à sujet ergatif (non exprimé) de 3e personne du singulier data “il me l’a” (pluriel
exprimé datate “ils me l’ont”, zataten “ils me l’avaient”); mais une voyelle longue peut
rappeller la diphtongue initiale: daat; le biscaïen procède à peu près de même pour le
radical verbal (indépendamment de la réalisation des affixes);
d) à l’impératif la diphtongue était encore présente aussi en navarro-labourdin
du XVIe siècle, et les auk (“aie-le” masc.), aun (id. fém.), auzu (voussoiement), auzue
(pluriel) pullulent chez Liçarrague (1571).
La diptongue -eu-, si ou quand elle n’est pas simple variante phonétique de au- tenant à l’articulation relativement indifférencée des voyelles initiales en basque ou
même originellement maintenue à partir de *edun, peut aussi procéder de l’assimilation
(fermeture) de la voyelle ouverte -a- assez répandue comme marque de présent (dazagu,
dakusa, dantzu pour ezagun “connaître/connu”, ikus “voir”, entzun “entendre/entendu”
etc.) à la voyelle fermée vélaire -u-, celle-ci restant la représentation la plus fréquente du
radical dans l’ensemble de la conjugaison:
e) au présent et au non présent des dialectes guipuscoan et biscaïen les textes
archaïques en donnent déjà beaucoup d’exemples: au présent et impératif deu, ezteu,
deusc, deusa, euc, euquec, au non-présent euan, neuen, leuquee etc.
2° Réduction de la diphtongue.
L’instabilité phonétique propre aux diphtongues en général jointe aux diverses
influences analogiques jouant sur les paradigmes de conjugaison, les plus fréquemment
employés étant ceux de ces auxiliaires premiers, a donné des résultats fort différenciés,
où, en dernier ressort, le radical a pu finir par devenir méconnaissable:
-ab-/-eb- procède du changement particulier subi par la voyelle -u- passée à
l’état de semi-consonne -w- en articulation rapide devant voyelle avant de s’occlusiver en
bilabiale, fait phonétique assez généralisé quoique irrégulier, mais surtout propre au
domaine hispanique occidental où il touche aussi le verbe, et dès les plus anciens textes:
au présent daben, davela ou debe, deban, debala, au non présent biscaïen (qui élimine ici
le préfixe modo-temporel z- en 3e personne) eban, neban;
-u- réduction qui conserve la seconde voyelle originelle du radical est aussi la
plus ancienne (dans dugu citation des Glosas emilianenses au Xe siècle) et la plus
généralisée dans tous les paradigmes: 1° du et le paradigme correspondant au présent,
2° zuen et (ba)lu au non présent, 3° bu à l’optatif et uk à l’impératif masculin (ces deux
exemples sont dans les poésies et proverbes d’Oyhénart 1657, mais inusités depuis
longtemps dans la langue courante);
-o- fort proche pour l’articulation doit procéder de l’ouverture de la précédente
voyelle devant un autre phonème, plutôt que du résultat direct de la diphtongue -au- > -otrès familier aux langues romanes mais non au basque (causa > gauza, Mauru > Mairu ); il
6
est inconnu des dialectes français, mais assez commun au seul présent quoique non
exclusif dans les dialectes péninsulaires orientaux dès les textes anciens: dot, dodan, doc,
doquec, dogu, eztoçu, enoc, noçu, boçu etc. (1596);
-e- résulte au contraire de l’élimination de la seconde voyelle devant un autre
phonème dans les mêmes zones dialectales et les mêmes textes: det, degun etc.; dans le
navarro-labourdin usuel la réduction du radical à -e- apparaît dans les formes à datif de 3e
personne de pluriel (infixe -e-): au présent dee “il le leur a”, deztee “il les leur a” et
dezteete “ils les leur ont”, et au non-présent dont les formes sont parallèles aux
précédentes à l’imparfait zeen, zezteen, zezteeten (Schuchardt rappelle cette dernière
forme à propos de celle de Liçarrague cerezten: voir plus loin le radical-participe *eradun):
l’origine théorique est dans *da(d)ue, *da(d)u(z)te, *da(d)u(z)teete, et tout procède ici
d’assimilations et réductions successives inévitables dans ces suites vocaliques;
-i-, le phonème le plus éloigné du radical initial, est propre aux formes
conjuguées à datif dans les dialectes occidentaux où il a occulté le radical (-)edu- et
procède des changements subis par les formes à affixe datif de 3e personne de vocalisme
complexe, et qui s’opposent nettement sur ce point aux orientales et septentrionales des
dialectes français: dans ces derniers, on l’a vu plus haut, la diphtongue du radical a été
assez bien protégée au datif: da(u)ko, daut(a), dauku, dautzu(e), nauzu, na(u)kon,
nautzun, haukun etc.; au lieu de l’occlusive de liaison au datif de 3e personne du singulier
-k(o)- de ces dialectes, les autres ont dû avoir la voyelle ou semi-consonne palatale -i-/-y- :
on peut supposer que les formes usuelles du domaine occidental qui tendent à se
généraliser dans l’usage moderne stantard (et spécialement en style écrit où leur
avantage euphonico-stylistique les a fait très largement adopter dans la tradition littéraire
labourdine) dio, diote, nion, (ba)lio pour le datif de troisième personne, procèdent de
*da(d)uyo etc., comme les articulations orales du souletin et navarro-labourdin modernes
de buria, eskia viennent de buruya, eskuya régulières dans Dechepare 1545. Dans ce
cas la voyelle palatale, ancien phonème de liaison (semi-consonne yod), représente à elle
seule le radical primitif. Mais, même sans ce phonème intermédiaire, il a suffi de
changements théoriquement réguliers par assimilations vocaliques successives comme
les suivants pour aboutir aux formes modernes: *dauo > *deuo > *deio > dio etc. (et il est
assez difficle en ce cas de supposer que le -o- datif aurait comme étymon, comme
l’admettait Schuchardt, le démonstratif haur, soit un point de départ théorique
*da(d)uhaur). Puis l’ensemble du paradigme datif a suivi les formes de troisième personne
créant un nouveau (mais antérieur au XVIe siècle dans certains domaines) paradigme
datif dio, diote, digu, dizu, zion, nion, nizun etc., avec tout de même l’inconvénient de
donner une nouvelle “base” à la conjugaison de *edun en la compliquant encore et, à la
différence du modèle précédent, faisant tout oublier de la diphtongue -au-/-eu- de la base
conjuguée.
Pour mémoire seulement, on rappelle que les formes conjuguées de sens
“avoir” contenant une vibrante intervocalique ou faisant groupe avec une occlusive qui les
précède (quoique ces groupes consonantiques en eux-mêmes aient été inconnus du
système phonologique basque jusqu’à une date récente où leur articulation signe le
progrès de la romanisation du basque), comme les draucu, draut etc. (< derau etc.) au
présent si fréquents dans le “polydialectisme” propre à Liçarrague (qui a aussi drade <
dirade, drabilagu < derabilagu) et dialectalement en principe “orientaux” (souletin et
roncalais), ou au passé cerezten “il les leur avait” (1571), procèdent toutes d’un radicalparticipe *eradun à préfixe factitif, dont la valeur factitive primitive, comme dans d’autres
verbes de même origine, n’est plus ressentie. Elles avaient l’avantage de fournir un corps
phonétique stylistiquement utile à des formes usées et réduites.
3. L’auxiliaire intransitif izan: base de conjugaison -iza-.
7
Les plus grands changements phonétiques subis par un radical verbal
conjugué, à moins d’intervention de bases d’autres verbes comme cela est arrivé dans
diverses conjugaisons “irrégulières” du français, et précisément celle du verbe “être”
français correspondant, sont ceux qui ont affecté l’auxiliaire intransitif premier, radicalparticipe izan “être, été”. Irrégularité qui découle à n’en pas douter de l’ancienneté de cette
conjugaison et de sa fréquence, mais semble étonnante par rapport à d’autres verbes
ordinairement conjugués comme l’auxilaire intransitif second *edin (qui offre cependant
une difficulté morpho-phonétique originale dans l’intervention d’un infixe -ki- dans les
seules formes datives), ou egon “demeurer, demeuré” etc. Le point de départ ici adopté, et
théoriquement le seul valable à moins de rigoureuse démonstration contraire, est que,
comme pour *edun, toutes les formes conjuguées, dans leur extrême variété formelle,
quoique celle-ci soit loin d’être aussi différenciée dialectalement que pour *edun,
procèdent du radical de conjugaison (-)iza(-), dont il a été rappelé plus haut que la voyelle
“initiale” était indispensable à la base conjuguée pour éviter toute confusion réelle - et
indépendamment des faits d’étymologie à ce jour ignorés - avec le second auxiliaire
transitif *ezan base de conjugaison (-)eza(-), confusion qui eût rendu l’emploi des deux
verbes impraticable.
3a. Les formes de base des paradigmes conjugués.
Elles ont dû être (l’astérique signale celles qui ne sont plus présentes dans la
langue historique) ou sont, dans le même ordre que pour le verbe précédent:
izaite (qui est aussi la forme régulière des Refranes de 1596: yzaytea en forme
déterminée, comme emaite pour eman etc.) pour le nom verbal et le participe imperfectif
izaiten, le participe prospectif adoptant les formes habituelles (à suffixe de génitif) izanen,
izango (le participe izatu adopté tardivement en domaine labourdin est, comme dans les
verbes des classes 1 et 2 ci-dessus définies, une réfection analogique et tardive);
*diza, *niza, *hiza, *dizate, *gizate, *zizate pour le présent, comme dago, nago,
hago, *dagote > daude, *gagote > gaude, *zagote > zaude, pour l’intransitif egon (comme
deza, neza(n), leza(n), beza etc. pour les trois modes-temps de l’auxiliaire transitif second
dont la forme est si proche de l’intransitif premier): que ce soit par les formes méridionales
et occidentales comme naiz, haiz etc. qui tendent à se généraliser à l’écrit, à plus forte
raison des souletines et bas-navarraises niz, hiz etc. pour le présent, ou des formes les
plus généralisées du non présent zen, ziren, (ba)litz etc., tout indique que ce verbe a été
d’abord conjugué sans modification de la voyelle -i- (comme d’autres intransitifs: iraun
“durer” > dirau, irakin “bouillir” > diraki), qui aurait du reste amené des confusions avec
ezan en particulier;
*ziza(e)n, *nin(d)iza(e)n, *hin(d)iza(e)n, *zizaten, *gin(d)izaten, *zin(d)izaten
pour le non-présent imparfait, formes parallèles à celles qu’a conservées, très proches
des formes étymologiques, le verbe egon “demeurer/demeuré” dans les deux principales
variantes dialectales (avec l’alternance (-)e-/(-)a- de la voyelle initiale du radical):
zegoen/zagon,
nengoen/nindagon,
hengoen/hindagon,
*zegoten/*zagoten
>
zeuden/zauden, *ginagoten > ginauden, *zinagoten > zinauden;
*liza, *nindiza, *hindiza, lizate (forme dialectalement conservée), *gindizate,
*zindizate pour le non-présent éventuel;
*iza, *zizate pour l’impératif (2e personne du singulier et du pluriel), et *biza,
*bizate pour le votif (3e personne).
N. B. Aux 1e et 2e personnes de pluriel de sujet (absolutif), la “redondance”
(Schuchardt) de marque, suffixe -te, qui vient s’ajouter aux préfixes personnels g(in)-,
z(in)- a pour résultat d’uniformiser le paradigme sur la troisième personne *dizate “ils/elles
sont” etc. où cette marque était évidemment indispensable, et la régularité du paradigme
ainsi créée est probablement originelle. Il en va de même pour le transitif, avec l’infixe de
pluralité qui prend la forme -it- placée cette fois avant le radical: ditu < *ditadu “il les a”
8
entraîne g(a)itu < *gitadu, z(a)itu < *zitadu (l’addition d’un -a- avant l’infixe de pluralité -itdans les formes aujourd’hui dialectalement dominantes et standardisées, mais non en
navarro-labourdin et souletin usuel, peut procéder aussi bien d’une métathèse vocalique
du radical originel que d’une épenthèse pure et simple, qui a pu aussi exister dans une
troisième personne *daitu perdue sous cette forme avant les témoignages écrits, le
résultat étant que le paradigme ditu/gaitu reste morphologiquement irrégulier).
3b. Changements phonétiques principaux des formes de base.
Ils sont considérables dans la plupart des paradigmes ou “temps” de la
conjugaison et à l’intérieur de chacun d’eux, résultant ici aussi des contraintes
d’articulation dans chaque morphème pour certains et des réfections analogiques pour
d’autres, les deux facteurs s’additionnant parfois. Peu de formes restent proches, en
définitive, des paradigmes réguliers d’origine, et encore moins identiques, même compte
tenu des formes les plus anciennement attestées, les variations dialectales
(synchoniques) étant ici moins accusées. On considérera à part les formes de la
conjugaison unipersonelle (actant sujet-absolutif seul exprimé) et bipersonnelle (actant
sujet-absolutif et actant bénéficiaire-datif exprimés).
1° Conjugaison unipersonnelle (sujet-absolutif exprimé):
a) Présent:
Au singulier:
3e pers.: *diza > (*deza) > *daza >*dada >*daa > da :
tous ces changements, qui ne sont qu’une suite d’assimilations phonétiques
simples, ont dû se réaliser bien avant l’époque moderne et même médiévale, au moins
jusqu’au stade à voyelle longue (ou double) *daa qui a dû précéder la forme da la seule
attestée depuis les plus anciens témoignages écrits qui ne sont que de la fin du Moyen
Age (forme “subjonctive” ou “relative” den < *daen dans le négatif ezten 1415). Et comme
la 3e personne donne la base de la conjugaison basque, celle où, dans tous les cas
possibles où l’affixe de 1e ou 2e personne d’absolutif, ou d’ergatif (non-présent du
transitif), ne doit pas être préfixé, le verbe commence par le préfixe modo-temporel, la
voyelle -a-, unique mais aussi finale dans da, a été sentie comme la marque propre de la
conjugaison de izan et suffisante à l’identifier, à tel point que des commentateurs la
désignent comme étant “la racine -a-” . Elle a investi progressivement et largement
l’ensemble des paradigmes, comme le montrent surtout les formes dialectales les plus
occidentales (guipuscoan et biscaïen), et aussi les emplois préférés de Liçarrague (1571),
même si l’on y trouve par ailleurs des formes proches des étymons.
Le plus étonnant est moins l’assimilation de la première voyelle par la seconde,
qui a été pourtant le changement en apparence le plus déterminant pour la suite *diza
>*daza, après un intermédiaire théorique mais logique *deza qui n’a pas dû persister vu
son homologie parfaite avec l’auxilaire second transitif (deza: à moins qu’il n’y ait là le
point de départ où s’est fait le passage ou la spécialisation de cette forme au transitif?
mais sans doute très longtemps avant la période de la langue historique), que la possible
occlusivation de la sifflante fricative dorsale -z- en sonore de même point d’articulation -dpour faire *daza >*dada, qui a pu être favorisée par la force d’émission du premier
phonème dans le dialogue où “il est, c’est” vaut affirmation. Mais on peut concevoir aussi
que, sans intermédiaire *dada, la sifflante intervocalique s’est progressivement affaiblie
puis amuïe par effet direct de dissimilation, ou même qu’il y a eu réfection analogique sur
le non-présent où le changement par dissimilation était inscrit dans les faits (voir cidessous). Il se peut aussi que ce soit le segment -iz- entier, c’est-à-dire l’essentiel du
radical, qui s’est rapidement affaibli dans l’élocution, étant devenu inutile à l’identification
du verbe, non protégé de surcroît par les barrières normatives du “bon usage écrit” dans
un temps qui doit se compter en millénaires, au point de disparaître dans les paradigmes
9
les plus employés du présent et du passé, tandis qu’il reste présent aux autres, éventuel,
impératif, votif.
1e et 2e pers.: *niza/*hiza > niz/hiz (bas-nav. 1545)
> naiz (nav. 1415)/haiz > nax (bisc. 1596) etc.:
même si le hasard des attestations écrites donne l’antériorité à la forme à
diphtongue naiz qui a tendu à se généraliser à l’écrit (sans interférence à l’oral usuel dans
les zones à niz traditionnel), avec cependant l’absence de ce mot dans la partie basnavarraise de la correspondance de 1415, il ne fait pas de doute que le cheminement
phonétique est plus complexe du *niza primitif obligé à naiz qu’à niz, ce qui fait que c’est
cette dernière forme qui est la plus proche de l’étymon. La disparition de la voyelle finale a, qui peut résulter ou du simple raccourcissement au monosyllabe dans les conditions de
l’élocution rapide ou du conflit avec la forme interrogative simple suffixée en -a qui
obligeait à faire *niza-a > *nizea (comme pour da “il est” et dea “est-il?”: c’est aussi le
procédé phono-morphologique du biscaïen pour le nominatif déterminé des mots en -a
comme alaba “fille”, alabea “la fille”) > actuel niza?, est commune aux deux formes. Mais
l’addition de la voyelle -a- de naiz implique de plus une réfection probablement analogique
sur la 3e personne da, qui signe encore une fois son caractère de base du paradigme
conjugué basque, plutôt qu’à d’autres paradigmes où l’initiale du radical adopte cette
variation, nabil, nago pour l’intransitif etc., l’étape *naza, si elle a pu exister, présentant la
même difficulté que son homologue de 3e personne. En dialecte biscaïen la facilité des
palatalisations de consonne après -i- propre à tout le domaine occidental péninsulaire
avait poussé plus loin le changement et donné assez tôt nax (1596).
Au pluriel:
3e personne: *dizate > *didate > *dirate > dirade (1494, 1545) > dira
(1545)/dire:
l’occlusivation de la sifflante en dentale a eu pour conséquence de créer une
suite de trois syllabes à occlusive initiale de même point d’articulation, facilitant ainsi par
effet de dissimilation le passage d’occlusive à vibrante -d-> -r- si familier par ailleurs à la
phonétique basque; la disparition du suffixe de pluralité -te > -de, qui n’est plus conservée
que pour les besoins de la prosodie (de l’utilité littéraire et expressive de toutes les
variantes linguistiques!) où chez les auteurs anciens très soigneux de la qualité
linguistique grammaticale comme Liçarrague, peut s’expliquer par le seul fait que la forme
dira est devenue propre au pluriel et suffit à l’exprimer. Par ailleurs ce suffixe était
homophone de -te suffixe de futur-potentiel pour izan, d’où les deux emplois chez
Dechepare etc. de dirade présent et dirate potentiel, mais sans exemple d’un bien
incommode *diradete. La variation dialectale ne porte que sur la voyelle finale: dira
analogique de da, et dire qui semble avoir plutôt suivi le chemin phonétique “normal”
dirade > *dirae > dire. Il en va de même sur ce point pour toutes les personnes du pluriel
des autres modes-temps: gira/gire, gina/gine, bira/bire.
1e et 2e personnes: *gizate /*zizate > *girate/*zirate > girade/zirade (1545) >
gira/zira (et dial. gire/zire) > gara/zara (gare/zare):
le passage à la vibrante de *girate etc. a dû se faire par réfection analogique
des personnes 1 et 2 sur la 3e personne de pluriel (le changement a pu suivre un stade
*gidate mais rien n’oblige à concevoir un changement parfaitement parallèle à la 3e
personne, le contraire, la réfection sur la 3e personne au stade de la vibrante, étant même
plus conforme à l’irrégularité relative des réfections analogiques). A la différence de la 3e
personne, où la forme *dara n’est nulle part attestée, les dialectes occidentaux, labourdin
occidental compris chez Liçarrague (1571) puis Axular (1643) dont ce sont les formes
préférées ou uniques, alors que le Bas-Navarrais Dechepare (1545) les ignore, ont
assimilé la première voyelle sur la seconde pour faire gara, zara documentées depuis le
XVIe siècle (1571, 1596) et dialectalement maintenues avec leurs variantes gare/zare
10
(voir ci-dessus): par rapport à gira/gire etc. ce sont les plus éloignées, ici aussi, de
l’étymon et du radical conjugué -iza-.
b) Non-présent imparfait:
3e personne du singulier: *zizaen > *ziaen > *zaen > zan
> zen:
la sifflante interne du radical a dû s’éliminer assez tôt pas effet de dissimilation
après la sifflante initiale modo-temporelle indispensable (même en domaine biscaïen, où
l’on peut supposer une réfection de tous les autres paradigmes passés qui manquent de
préfixe modo-temporel, comme dans *edun ci-dessus, sauf dans ce verbe le plus employé
de tous: izan), puis progressivement la première voyelle et la diphtongue -ae- , qui donne
deux résultats: en domaine hispanique occidental maintien de -a- (ou réfection
analogique?) sur la série prédominante de toute cette conjugaison (le relatif de présent y
est aussi dan unique forme dans les Refranes de 1596), et ailleurs réduction
phonétiquement plus attendue et sinon “régulière” de cette diphtongue ae > e (comme non
seulement dans le verbe *da-en après adjonction du suffixe relatif > den, mais aussi dans
les noms à finale -a après addition du suffixe de pluriel: *gauza-ek > gauzek etc.): zen qui
a cependant l’inconvénient cette fois d’occulter totalement le radical -iza-.
1e et 2e personnes du singulier:
*nindizaen/*hindizaen >*nintzaen/*hintzaen > nintzen/hintzen
> nintzan/hintzan:
le plus curieux est qu’ici, après la syncope très naturelle et générale de l’-i- du
radical entre deux consonnes d’articulation proche, c’est le domaine oriental du souletinnavarro-labourdin qui a conservé la voyelle finale -a- du radical -iza-.
3e pers. plur.:
*zizaten > *zidaten > *ziraten > ziraden (1545)> *ziraen > ziren:
le changement parallèle au présent a dû se faire par occlusivation de la sifflante
du radical et passage à vibrante simple puis élimination du suffixe de pluralité -te- (ou de
la seule consonne d’appui -t- > -d-) devenu marque superflue pour la compréhension (du
moins hors relative: car au présent singulier relatif de 2e personne vouvoyée *zira-en fait
aussi ziren, même si le contexte lève généralement l’ambiguïté), avec une tendance très
forte de la langue à réduire les morphèmes de trois syllabes et plus à deux, d’autant que
les préfixes et suffixes d’assertion, potentiel et subordination viennent obligatoirement
allonger la forme conjuguée.
1e et 2e pers. plur.:
*gin(d)izaten/*zin(d)izaten > *gintzaten/*zintzaten > *gindaten/*zindaten >
ginaden/zinaden (1545) > *ginden/*zinden > ginen/zinen:
tout résulte d’éliminations successives de phonèmes, et l’on peut supposer que
la forme historique moderne qui occulte totalement le radical, seule documentée sauf
erreur dans la langue contemporaine, a mis un certain temps à se former (cf. les verbes
*gindagoten > ginauden, gin(d)abilan etc. dont la plus grande rareté d’emploi explique
probablement le maintien à peu près intégral). Dechepare (1545) a des formes de 1e et 2e
personnes de pluriel ginaden, zinaden issue de < *gindaten etc. après élimination de la
sifflante du radical au profit de l’occlusive mais en maintenant la voyelle -a- résidu du
radical. A la 2e personne de pluriel réel (la forme du pluriel étymologique étant restée
dans le singulier de vouvoiement) il utilise en revanche zineten > moderne zinezten avec
introduction d’une marque supplémentaire (sifflante) de pluralité, deux avec -e- au lieu du a- radical par rapport au pluriel de déférence (pluriel étymologique) zinaden homologue à
ginaden, et au pluriel réel (négatif) ezineten moderne etzinezten.
c) Non-présent éventuel.
11
Ce temps-mode se construit en basque sur la morphologie de l’imparfait, sauf
le changement du préfixe modo-temporel l- qui remplace z- de l’imparfait en 3e personne
(absence de marque de l’actant absolutif-sujet préfixé), et la disparition du suffixe de
passé -(e)n (dans les formes où la place de ce suffixe n’est pas tenue par des suffixes
subordonnants). Or, les changements phonétiques précédemment indiqués pour le passé
ont, pour ce seul verbe, creusé la différence entre les deux paradigmes de non présent
pour la 3e personne du singulier restée proche du radical:
3e personne du singulier:
*(ba)liza > baliz (1545, 1596) > (ba)litz:
la disparition de la voyelle -a devenue finale (cf. balego/balago) est analogique
aux séries du présent (voir plus haut); mais la forme à finale sifflante fricative, si elle est
passée à l’affriquée selon une tendance constante de la langue (cf. l’articulation dialectale
berritz pour l’adverbe berriz littéralement “par nouveau” au sens de “de nouveau”, simple
instrumental régulier de berri “neuf, nouveau”), est encore restée dans diverses formes,
chez Dechepare (1545), ou dans celle de 1596 en dérivation nominale (procédé courant
en basque: voir ci-dessus) balisco littéralement “de s’il était”, c’est-à-dire “imaginaire”, ou
chez Oyhénart encore (1657) baliz, lizan, ailiz etc. C’est aussi sur cette forme, avec
maintien intégral du radical cette fois, que se faisait autrefois en toutes zones le potentiel à
suffixe-infixe -te(-) de ce verbe: lizate (1545, 1596, 1657).
Les 1e et 2e personnes du singulier et la 3e du pluriel se font sur l’imparfait, et
après les mêmes changements par rapport à l’étymon théorique (voir ci-dessus), seule la
sifflante (mais affriquée en finale et après consonne dans la langue moderne) des
personnes 1 et 2 du singulier rappelant l’étymon: (ba)nintz, (ba)hintz, à la 3e personne du
pluriel la voyelle (-)i- dans (ba)lire, et rien pour les personnes 1 et 2 du pluriel (le -i- de
gin(d)- est dans la forme étendue du préfixe personnel): (ba)gine, (ba)zine (pluriel
étymologique devenu singulier de déférence comme il a été précisé plus haut, et pluriel
“réel” bazinezte à double marque de pluriel). Aux 1e et 2e personnes du pluriel Dechepare
(1545) a, comme au passé, des formes plus proches des primitives: baginade, bazinade,
mais aussi bazina, Liçarrague alternant les finales avec -a ou-e dans bagina, bagine
(1571).
d) Impératif et votif.
2e pers. sing. et plur. (impératif):
*(h)iza > iz (1545, 1657) > aiz (1571, 1657) > ax (1596)
> *aiza > axa (1596)
*zizate > *zaizte?
après la perte analogique de la voyelle -a du radical la forme iz a persisté
dialectalement, tandis que la réfection analogique et d’abord également dialectale de tout
le système sur la diphtongue ai(z) (voir plus haut: le présent) donne les deux formes chez
le même auteur “polydialectal” (proverbes et poésies d’Oyhénart), Dechepare (1545)
ayant seulement iz comme niz, biz etc. avant diphtongaison analogique (voir ci-dessus le
présent); la forme biscaïenne palatalisée est le résultat de cette diphtongaison, donc
logiquement (mais pas forcément chronologiquement!) postérieure quant à sa formation à
la forme restée la plus proche du radical originel iza- qui est iz. Sauf l’aspiration initiale
représentant le préfixe de 2e personne presque toujours absent à l’impératif, le singulier
est homonyme de la 2e personne du présent, y compris dans ses variantes dialectales.
Des deux formes biscaïennes palatalisées des Refranes de 1596, axa est la plus proche
de l’étymon et du radical, intégralement conservés, à l’addition analogique de la voyelle
initiale près. Avec le recul du tutoiement et le progrès des formes composées l’impératif
singulier de izan a pratiquement disparu, et il n’y a pas, sauf erreur, d’emploi connu de
l’impératif de pluriel, qui a dû être d’abord *zizate. Dans les formes composées à radical
auxilié c’est normalement le second auxiliaire *edin qui intervient: egon zaite (de < *zadite
12
> bas-nav. et soul. zite) équivaut à zaude comme izan zaite à l’inusité *ziz(a)te>*zai(z)te,
ce dernier étant aussi le pluriel réel de zite.
3e pers. sing. et plur. (votif):
sing. *biza > biz,
plur. *bizate > *bidate > *birate > *birade > *birae > bira/bire:
du *biza théorique d’origine au singulier il est resté > biz surtout figé dans la
formule d’église hala biz “ainsi soit-il”, mais d’emploi libre encore chez les écrivains
anciens (Oyhénart 1657, qui a aussi le négatif régulier ezpiz), l’absence de *baiz indiquant
encore ici que les formes à diphtongue sont secondaires par rapport aux autres, car
l’impératif singulier reste généralement très proche ou identique au radical qu’il reproduit.
Mais le pluriel théorique *bizate “qu’ils soient”, après une étape probable *bidate (peut-être
influencé par le second auxiliaire intransitif *bedite > bite) a dû être refait sur le présent de
même personne dira et l’éventuel lira (avec suffixe de potentiel lirate 1545), ou bien a subi
les mêmes changements phonétiques (voir ci-dessus), pour donner bira chez Liçarrague
(1571: et la variante bire analogique aux autres pluriels) et Oyhénart (1657), le second
auxiliaire en “temps composé” ayant ici aussi suppléé à l’emploi absolu de izan. (8)
2° Conjugaison bipersonnelle (sujet-absolutif et bénéficiaire-datif exprimés).
Les modifications de la structure morphologique introduites dans le morphème
verbal conjugué par la présence du suffixe (suffixe parce que toujours placé après le
radical, mais pouvant être suivi lui-même d’autres auffixes) personnel de datif ont eu des
incidences sur la forme du radical iza-, devenu méconnaissable ou même remplacé par un
autre dans quelques formes dialectales, ceci alors même que les formes verbales à datif,
nécessairement plus rares dans l’usage, sont restées en général plus proches des formes
étymologiques et du radical. Ce fait ce vérifie encore ici, mais la longueur du morphème et
sa complexité syllabique et phonétique ont entraîné des changements. Les affixes
personnels eux-mêmes, en absolutif préfixé ou datif suffixé, n’offrent guère de variations,
sauf, comme dans l’ensemble du système, pour le datif de 3e personne, qui est -o- pour le
singulier (“à lui”) et parfois -a (1545, 1596, 1657: voir ci-dessous), -e- pour le pluriel (“à
eux”), avec diverses variantes comme en domaine dialectal labourdin où le pluriel a été
recomposé par addition à -o- singulier d’un -te de pluriel ici entre parenthèses.
a) Présent.
Sujet-absolutif de 3e personne du singulier (non marqué) et du pluriel:
datif singulier de 3e personne:
*dizao > *dzaio
> zaio
> *dzaik(i)o > zaika (1545) > jacanari (1596)
*dizako > *dzako
> zako
Pour le z- initial des datifs à sujet de 3e personne tout à fait distinct de la
marque étymologique du passé, l’apocope de -i- a pu donner d’abord une sonore affriquée
dz- qui n’est pas historiquement inconnue des parlers biscayens en particulier, mais qui
n’a pu tenir vu l’absence totale dans le lexique ancien et moderne d’initiale affriquée, sauf
la très nette exception de la palatale ou “chuintante” tx- qui est cependant inusitée (sauf
en souletin moderne) du navarro-labourdin, et tributaire à n’en pas douter en zone
ibérique de l’articulation toujours affriquée de ce phonème en castillan. La différence
dialectale majeure ne touche pas le radical lui-même, partout réduit à -za-, mais, comme
dans tous les verbes à datif de 3e personne, la liaison du suffixe vocalique de datif -o(-)
(parfois dialectalement -a(-) qui peut se comprendre comme variante par assimilation
comme chez Dechepare 1545 etc.) au radical, qui se fait par la forme à occlusive -k(i)réduite à la consonne en domaine oriental souletino-navarro-labourdin, et aussi en
biscaïen (la forme de 1596 jacanari < zakanari est un verbe au relatif datif correspondant
d’assez près au soul.-nav- régulier zakonari “à celui qui lui est”), ce qui souligne, en
13
principe et comme chaque fois que les aires dialectales extrêmes et aujourd’hui séparées
concordent (comme dans l’onomastique du XIe siècle), l’ancienneté de cette formule
morphologique, et par -i- ailleurs, cette dernière formule étant ressentie ici aussi (voir plus
haut l’auxiliaire transitif) comme plus “littéraire”. Bas-navarrais (1545) et biscaïen (1596)
anciens coïncident aussi dans la forme -(k)a du datif de 3e personne (voir ci-dessus).
datif pluriel de 3e personne:
*dizaie > *dzaie > zaie (1545) > zee (bas.-nav. oral moderne).
La réduction inévitable en parler rapide de la triphtongue -aie- , telle quelle chez
Dechepare, Liçarrague (1571 baitzaye) etc., à -e- (compensée en quelque sorte par
l’allongement de la voyelle finale) a occulté totalement le radical en bas-navarrais oral.
Parmi des modèles plus complexes pour l’expression du datif pluriel, mais sans incidence
sur le radical, les grammaires classiques signalent encore les suffixes -te (consonne
d’appui avant voyelle), -ote avec addition au singulier d’une marque de pluriel, et de même
avec les phonèmes de liaison ci-dessus signalés: -kote et -kiote. La seconde voyelle du
segment -zai-, qui semble à l’origine un élément de liaison morpho-phonétique entre
radical et datif de 3e personne (morphème vocalique), restera présent dans l’ensemble
des formes, présent et non-présent (sauf réduction éventuelle dans les formes contractées
type zako etc.), faisant apparaître une nouvelle forme de radical (i)zai- , identique à la
forme la plus générale du nom verbal izaite depuis les premiers témoignages écrits (de
même egoite, igaite, emaite, erraite à côté de edate, jate, esate etc.), qui pose la question
de la formation phono-morphologique du nom verbal sur le radical-participe.
Quant au radical lui-même, le schéma des changements ci-dessus ne cite pas
une modification inattendue très bien documentée dès les textes navarro-souletins et
labourdins du XVIe siècle (1545): au lieu de la diphtongue -(z)ai- qui rappelle le radical
iza- même si le -i final est un phonème de liaison ou d’épenthèse devant le suffixe datif
(bisc. 1596 emaiok), ou analogique à la série naiz etc. (voir ci-dessus), ce domaine
dialectal met dans nombre de formes datives une diphtongue -au- qui rappelle la
conjugaison de *edun (voir ibidem), et qui en est probablement issue au moins
partiellement par analogie: chez Dechepare avec datif de 2e personne de pluriel zauzu
(forme courante du bas-navarrais moderne), nizauzu, baizautzu, à côté de zaika, zait,
baizaigu, à datif de 3e personne de singulier et de 1e du singulier et de pluriel, et surtout
chez Oyhénart (1657) dont le polydialectalisme, qui répond parfois chez lui aux besoins du
vers et de la prosodie, utilise les formes concurrentes, et pour le seul datif de 3e
personne: zaiona, zauka, zaukeo (avec infixe de potentiel avant suffixe datif), zauzko,
zaizte. Cette forme était déjà dialectalement marquée au XVIe siècle, puisque la langue
plus occidentale de Liçarrague 1571 semble l’ignorer.
Le sujet absolutif pluriel de 3e personne donne normalement (infixe de plurialité
-zki-) *dizazkio > 1571 zaizkio (écrit çaizquio) > bas-nav- oral zazko. Avec le changement
dialectal du radical à -au- comme ci-dessus, Oyhénart donne zauzko au datif singulier à
côté de zaizte (infixe de pluriel d’absolutif -zte-) au datif pluriel. Avec ce même pluriel au
sujet et au datif, et la même variation -zki-/-zte- de l’infixe d‘absolutif pluriel, Liçarrague
donne 1571 zaizkie (écrit çaizquie), tandis que la forme orale et contractée du navarrosouletin, occultant le radical -iza-, fait zeztee < *diza(i)ztee.
Les formes à datif de 1e et 2e personnes, au singulier et au pluriel, à partir
d’une forme originelle théorique *dizat/k/n/gu/zu(e) (selon la personne du datif suffixé)
montrent la même variation du radical, et c’est peut-être là, par effet d’assimilation
vocalique sur les suffixes personnels -gu et -zu, que se trouverait l’origine première du
changement, maintenu ensuite par analogie avec la conjugaison de *edun, car le basque
comme d’autres langues fait souvent alterner, parfois dialectalement, les verbes “être” et
“avoir”: ikusi ukhan dut, ikusi izan dut sont deux manières courantes de traduire le
14
“surcomposé” familier “je l’ai eu vu”. La construction du verbe reste identique, les affixes
personnels habituels (préfixe sujet absolutif des 1es et 2es personnes et suffixe datif) en
plus:
Dechepare 1545: zait, zaidanean, zauzu, et avec allocutif de déférence zu
toujours suffixé (donc ici après le datif de 1e personne) ziaidazu (où le ziai- initial est issu
de la forme radicale < * (d)izai-);
Liçarrague 1571: zait, zaiku, zaizu;
Oyhénart 1657: zait, zaita, zauta?, zautan, etzautala, zaitzat, zautzat, etzaik,
zaikan, zauzkin.
Comme pour la 3e personne, le biscayen semble n’avoir pas créé de
diphtongue à partir de *dizat < *dzat qui aboutit à >* jat (1596) avec premier phonème
palatalisé: xat (la “jota” castillane n’est pas encore inventée et n’a pu intervenir). Cette
forme, la palatalisation en moins, correspond aussi, avec ajout d’un -a terminal analogique
au même datif du présent de *-edun (voir ci-dessus), donné par Oyhénart 1657 dans zaita,
au bas-navarrais oral usuel zata.
Sujet absolutif des 1es et 2es personnes.
La préfixation obligée du sujet absolutif personnel (comme de l’objet absolutif
dans la conjugaison transitive), complétée aux personnes du pluriel par l’infixe complexe
(et redondant) de pluralité -zki- entre radical et datif, a laissé le radical plus visible, et
davantage dans les formes dialectales où il n’y a pas eu assimilation de sa première
voyelle i- sur la seconde -a, qui a pu être favorisée par le maintien d’une différence
phonétique plus marquée avec les formes du passé où les préfixes personnels pluriels
seront gin- et zin- (voir plus loin):
1 sing. * nizaio/e/k/n/zu > nitzai… (1571 nitzaie) > nai… > natzai…
* nizako…> * niako > nako (bas-nav. pour le datif de 3e pers.
sing.)
2 sing. * hizaio/e/t/gu > hitzai… > hatzai…
* hizako…> hako (idem)
1 plur. * gizazkio/e/k/n/zu > gitzaizkio… > 1571 gaitzaizkik > gatzaizk…
2 plur. * zizazkio/e/t/gu > zitzaizkio… > zatzaizk…
Pour la sifflante du radical -(i)zai-, quand elle ne disparaît pas comme dans les
formes contractées orales bas-navarraises etc. et peut-être en réaction à cette tendance
par effet contraire de dissimilation, elle subit le renforcement en affriquée
-tz- dans
toutes les formes de présent et non-présent à actant sujet préfixé. A côté de 1571 nitzaie
“je leur suis” presque étymologique, les formes “pleines” de Liçarrague comme gaitzaizkik
“nous te (masc.) sommes” ont la double diphtongue dont la première répond à l’analogie
du paradigme sur naiz.
Le radical à diphtongue -au- du souletin et navarro-labourdin apparaît en
alternance avec -ai- chez Dechepare (1545: nizaizu, nizauzu), tandis que les textes
d’Oyhénart (1657) l’utilisent exclusivement, signe de son progrès en domaine basnavarrais, avec les sujets de 1e et 2e personnes: nitzauzunean, baitzauzat, baitzauzkit,
zauzkidanean, zitzauzat, ezpaitzauzkote, zitzauzte, etzizauzte.
b) Non-présent.
A part les changements d’affixes, rien ne différencie vraiment ces formes de
celles du présent quant au radical de conjugaison, en particulier l’usage dialectal de la
diphtongue -au- qui apparente alors les formes d’auxiliaire intransitif à celles du transitif
(voir ci-dessus): 1657 zautan “il m’était” à côté de zitzaizkan “ils lui étaient”. Les
formations théoriques, en passant successivement des sujets-absolutifs de 3e personne à
celles des 1es et 2es, sont les suivantes pour le passé, l’éventuel n’apportant que les
modifications morphologiques régulièrement attendues:
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3e pers. sing.: * zizaion/-en etc. > zitzaion/zitzaien/zitzaitan etc.
* zizakon etc. > zitzakon/ * zitza(i)en > zitzeen (bas.-nav.)
* zizagun/-zun > zitzaigun/-zun
> zitzakun/-zun
Les différences dialectales sont généralement peu marquées, sauf l’apparition
d’une occlusive sourde au datif de 1e personne du pluriel -ku- en domaine navarrolabourdin et souletin conformément au système général de ce domaine. Mais en 2e
personne la présence de l’affriquement du radical -itzai- a empêché, du moins en général,
celle de l’affixe datif -zu, ce qui aboutit à la suite de sifflantes z-tz-z- résultat incontestable
et heureux des forces dissimilatoires en jeu. Au pluriel de datif de 3e personne la
réduction de la triphtongue à zitzeen bas-nav. etc. réduit aussi le radical.
3e pers. plur.:
*zizazkion etc. > zitzaizki-on/-en/-tan/-kan/-nan/-gun/-zu(e)n
> zitzazkon/zitzezteen/zitzazkun/zitzazkizun(bas-nav.).
Le datif de 1e personne du pluriel du bas-navarrais courant zitzazkun a été
“raccourci” sans dommage pour la compréhension, par haplologie de la syllabe -ki- devant
-gu- procédé que la langue utilise en abondance. Le biscaïen de 1596 jacazan correspond
au navarro-labourdin à datif -a- zitza(i)zkan (usuel zitzazkon) “ils lui étaient”, avec la
suffixation en -zan des marques de passé et de pluriel z(it)- .
Aux 1es et 2es personnes du singulier et du pluriel le préfixe sujet prend la
forme étendue (le datif ne peut alors exprimer la même personne que le sujet):
1e sing.: * nin(d)izaion etc. > nintzaion/-en/-kan/-nan/-zu(e)n
* nin(d)izak(i)on > nintzak(i)on > nindakon (bas-nav.)
* nin(d)izaien > * nindaien > nindeen (id.)
2e sing.: * hin(d)izaion etc. > hintzaion/-en/-tan/-gun
* hin(d)izak(i)on > *hintzakon > hindakon/hindeen/hindatan/ hindagun
Les formes bas-navarraises courantes avec -k- avant datif ont résolu l’affriquée
issue du radical précédé de la dentale de liaison avec le préfixe personnel nin-/hin- par
une simple dentale, tout comme dans le suffixe complexe de prolatif -tza(t)ko > -dako,
pour donner des formes où le radical n’est plus représenté que par la voyelle -a-, et
disparaît en datif de 3e personne de pluriel dans la voyelle longue -ee- comme dans toute
la conjugaison.
1e plur.: * gin(d)izazkion etc. > ginitzaizkion,
> ginitzazkon > ginazkon etc.
2e plur.: * zin(d)izazkion etc. > zinitzaizkion,
> zinitzazkon etc. (pluriel réel: zinitzazkoten)
Au datif de 3e personne de pluriel (suffixe-infixe -e-), le bas-navarrais utilise ici
aussi les formes contractées où le radical finit par être occulté: gintzezteen, zintzezteen.
Seule la sifflante interne -tz- rappelant le radical -iza- distingue ces formes de celles du
transitif: ginezteen, zinezteen (et seule la voyelle longue distingue cette dernière de la 2e
personne de pluriel réel du passé intransitif sans datif zinezten, le contexte permettant
toujours de saisir les différences phonétiquement presque imperceptibles).
Conclusion
Les apparentes incohérences et irrégularités dans la conjugaison des deux
auxiliaires premiers du basque quant aux formes prises par le radical conjugué, jusqu’à la
disparition complète de ce dernier dans quelques cas, étaient déjà bien apparentes dans
les exemples cités et analysés des témoignages écrits les plus anciens des XVe-XVIe
siècles. Elles se sont plus ou moins accentuées jusqu’aux formes usuelles du parlé écrit et
surtout oral moderne, qui demanderaient encore à être analysées dans la totalité de leurs
variantes dialectales et leurs sous-variantes. Ces variations résultent de changements
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phonétiques assez simples dans tous les cas, et, vu la structure générale rigoureuse et
complexe du verbe conjugué en basque, inévitables le plus souvent. Si la
méconnaissance de l’histoire ancienne de la langue au-delà de la fin du Moyen-Age ne
permet pas cependant, en général, d’assigner une période même imprécise à la plupart
des principaux changements, il doit être possible de dire, en théorie et selon les
procédures connues des changements phonétiques généraux ou propres au basque,
comment et pourquoi ils se sont produits.
Les altérations des formes régulières de conjugaison, celles-ci déduites
d’autres verbes dont les formes conjuguées sont restées intactes ou peu altérées, comme
egon, ebili, eman, jakin ou les auxiliaires seconds *edin, *ezan, ont été le résultat de deux
types de changements: 1° d’une part ceux d’ordre strictement phonétique dus dans tous
les cas aux faits d’assimilation ou dissimilation de phonèmes voisins, ouvertures (le plus
souvent) et fermetures vocaliques, syncopes et changement d’articulation ou
affaiblissement et par la suite amuissement de phonèmes consonantiques, y compris de
syllabes (haplologie) dans une suite de syllabes phonétiquement identiques ou proches;
2° d’autre part les réfections analogiques des paradigmes de conjugaison, trait en luimême commun à beaucoup de langues, et qui prend une importance singulière en basque
vu la structure complexe, morphologiquement et phonétiquement, du verbe conjugué, et
sa construction “pyramidale” en quelques sorte, accumulant, de part et d’autre du radical
verbal et aux dépens “phonétiques” de celui-ci, les divers affixes verbaux (préfixes
assertifs, subordonnants, modo-temporels, personnels d’un côté, suffixes personnels de
datif et d’ergatif, de pluralité, de futur-potentiel, de subordination de l’autre) et,
éventuellement, les phonèmes d’épenthèse ou de liaison. Ces réfections analogiques,
pouvant entraîner à leur tour de nouvelles altérations phonétiques, ont davantage affecté
le verbe izan “être” en raison à la fois de la nature phonétique de son radical iza- et la
fréquence de son emploi (par comparaison *ezan auxiliaire transitif second de structure
phonétique très proche, il est vrai aussi beaucoup moins employé, n’a que peu bougé
dans ses formes conjuguées: ce qui peut suggérer aussi que son emploi dans la langue a
été plus tardif), alors même qu’il ignore par définition la conjugaison tripersonnelle (sujet,
objet, bénéficiaire) du transitif. Le statut d’auxiliaire de ces verbes, dans la chaîne
syllabique continue toujours plus ou moins longue et complexe constituée par l’auxiliaire et
le participe, et donc leur position post-clitique (l’auxiliaire basque suit toujours le participe)
ont eu leur part dans ces transformations.
La connaissance précise de la formation de la conjugaison basque et de ses
changements, limitée ici au thème du “radical” conjugué hors verbes allocutifs (dont les
changements sont d’ordre essentiellement morphologique du fait de l’expression de la
personne allocutive ou “non actante”, dite parfois “datif éthique” en terminologie
grammaticale), ouvre au fond un chapitre particulier de l’étymologie, ou “morphoétymologie”. Elle est sans aucun doute essentielle pour la connaissance et la définition de
la langue basque, et pour situer celle-ci par rapport aux autres. Elle ne l’est pas moins
pour son usage, et en particulier pour son “bon usage”, si comme le disait en son temps
pour le français Victor Hugo, il est bon et peut-être nécessaire que l’écrivain - mais
pourquoi pas tout locuteur ou scripteur attaché aux caractères essentiels de sa langue? ait, avant de prendre sa plume, “scruté les étymologies”.
Jean-Baptiste ORPUSTAN
Professeur honoraire de l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux III
Janvier 2002
NOTES.
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1. René LAFON, Le système du verbe basque au XVIe siècle, Paris 1944,
réédition Elkar, Zarautz, 1980.
2. L’Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes d’A.
Meillet est publiée en 1922, comme le début du Dictionnaire étymologique du français
(traduction du titre allemand) de W. von Wartburg; le Dictionnaire étymologique roman
(traduction du titre allemand) de W. Meyer-Lubke en 1935. Les principaux travaux sur le
basque de H. Schuchardt sont publiés de 1900 à 1925.
3. Les verbes à initiale consonantique (sauf évidemment le y de jan, jakin,
jautsi, jeiki, joan etc.) ne sont pas conjugables en basque, du moins dans la langue
historique, puisqu’ils interdisent la préfixation modo-temporelle et personnelle
indispensable pour conjuguer le verbe sans auxiliaire.
4. Joseba LACARRA ANDRINUA, Refranes y sentencias (1596), Ikerketak eta
edizioa, édition critique, Bibao 1996, p. 207.
5. L. MICHELENA, Textos Arcaicos Vascos et I. SARASOLA Contribución al
estudio y edición de textos antiguos vascos, Saint-Sébastien 1990, p. 77 (210). J.-B.
ORPUSTAN, La langue basque au Moyen Age (IXe-XVe siècles), Izpegi, Saint-Etiennede-Baïgorry, p. 223.
6. Dans son introduction à la réédition du livre de Liçarrague (Jesus Christ gure
iaunaren Testamentu berria etc., La Rochelle 1571) sous le titre I. Leiçarragas Baskische
Bücher von 1571 etc. (Strasbourg, 1900), réédité en fac-simil et traduction de l’introduction
en espagnol par l’Académie basque (Bilbao 1990), H. Schuchardt propose des
étymologies latines de quelques verbes basques, ainsi haztatu “pris en main, pesé” (d’où
hazta “poids”) qu’il fait venir de lat. tastare “tâter” (qui a fait en basque jastatu < 1643
dastatu) (p. 60) et non de hatz “doigt” (comme eskuztatu “manipulé, tâté” de esku “main”);
de même ninikatu “bourgeonné” qu’il dit “peut-être d’origine romane” (p. 61) alors qu’il est
issu de nini “bébé” comme ñiñika “pupille de l’œil”. R. Lafon (op. cit. IIIe partie, chap. II La
racine) reprend à Schuchardt d’autres étymologies latines de verbes basques: ainsi “La
racine zagu “être connu” (…) gascon sabut, sagut (…) a été pourvue de la voyelle e- qui
figure à l’initiale d’un grand nombre de participes passés (…) la finale gasconne -t a été
élargie en -tu (…)” (ibid. p. 422); ou ekharri que “Schuchardt tient pour emprunté; même
un mot d’apparence aussi vénérable (…) “porté, apporté”, ne saurait nier sa parenté avec
celto-latin carrar, carricare”etc. (ibid. p. 423). Ces étymologies latino-romanes sont très
peu vraisemblables: pour le radical- participe ezagun “connaître, connu”, le participe
latinisant en -tu est évidemment une réfection tardive et analogique comme celle de izatu
labourdin par rapport à izan et nombre d’autres exemples identiques, et il est hautement
improbable qu’un romanisme tardif comme sagut < sabut (littéralement “su”, problème
sémantique en plus: “savoir” étant en basque jakin) ait pu recevoir, au Moyen Age tardif,
une morphologie verbale à -n final réservée aux verbes les plus typiques et les plus
anciens de la langue, dont justement les auxiliaires verbaux, sans compter le caractère
purement artificiel de la racine en question (aurons-nous eu plutôt une ancien factitif en
era- altéré bien avant le temps de la langue médiévale?); quant à ek(h)arri “porté,
apporté”, autre participe, radical ekharr “apporter”, de la seconde classe “fermée” des
verbes basques à morphologie ancienne, il ne peut venir des mots “celto-latins” cités, car
le basque connaît très bien les mots empruntés, sans doute très anciennement, à ces
derniers: garraiatu “charroyé” et garrika (forme médiévale) ou karrika (forme moderne
exclusive à “régression phonétique” avec le retour à l’initiale sourde inusitée en basque
ancien) “rue” et par extension “place”, mot très courant en toponymie souletine médiévale,
la part la mieux romanisée du domaine linguistique, à peu près (Mixe et Armendarits) ou
totalement (Arbéroue, Ossès, Baïgorry, Cize) inusité ailleurs dans les noms antérieurs au
XVe siècle.
7. La forme ecutea (cacographie?) citée en 1609 est restituée (mais était-elle
encore en usage?) en edutea tardivement en 1773 (L. Michelena et I. Sarasola op. cit. p.
18
114-115). Une chanson biscaïenne citée par Oyhénart en 1657 (ibid. p. 57) porte la forme
déjà réduite eutea.
Fin des Notes
19
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