La médecine pénitentiaire et la prise en charge des patients en fin

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La médecine pénitentiaire et la prise en charge des patients en fin de vie :
Centre national de ressources (http://www.spfv.fr/)
La médecine pénitentiaire et la prise en charge des
patients en fin de vie : entretien avec le Dr Yvain
Auger, UHSI de la Pitié-Salpêtrière
La médecine pénitentiaire et la prise en charge des
patients en fin de vie : entretien avec le Dr Yvain Auger,
UHSI de la Pitié-Salpêtrière
Publié le 28 Mai 2015 à 17h35
UHSI de la Pitié-Salpêtrière
Propos recueillis par Jean-Christophe Mino, médecin de santé publique, directeur du Centre National
de Ressources Soin Palliatif
Bonjour Dr Yvain Auger. Nous vous remercions de cet entretien pour
www.soin-palliatif.org [1]
Pourriez-vous nous expliquer comment est organisée la médecine
pénitentiaire en France ?
Bonjour. Depuis la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale [2], la
prise en charge sanitaire des personnes détenues revient au Service Public Hospitalier.
Je ne vous répondrai que sur la médecine somatique. Son organisation repose sur trois types de
structures :
Les Unités sanitaires, ou UCSA - pour Unités de Consultation et de Soins Ambulatoires -,
assurent les consultations dans les prisons. Ce sont des antennes des hôpitaux de proximité.
Les médecins qui y exercent sont essentiellement des Praticiens Hospitaliers. Certaines UCSA
reçoivent des internes. Sont aussi présents des infirmières, et de façon moins constante,
dentistes et kinésithérapeutes.
Les hôpitaux situés à proximité des établissements pénitentiaires reçoivent les urgences
ainsi que les hospitalisations courtes, prévues pour moins de 48h. Qu?ils disposent ou non de
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chambres carcérales. Les gardes statiques sont assurées par la Police.
Les hospitalisations peuvent aussi avoir lieu dans des services sécurisés par l?administration
pénitentiaire, que ce soient les UHSI - Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale - ou
l?EPSNF.
L?EPSNF - Etablissement Public de Santé National de Fresnes - est un hôpital géré
principalement par l?Administration pénitentiaire. Depuis 2004, huit UHSI ont été
progressivement ouvertes et complètent l?offre de soins. Ce sont des unités de médecine
polyvalente de court séjour, intégrées dans des Centres Hospitaliers Universitaires, avec un
double statut : Unités Fonctionnelles de leur hôpital, mais aussi enceintes pénitentiaires. Les
patients détenus y sont reçus, soit de façon programmée - à la demande des médecins
d?UCSA -, soit en aval des Urgences - à la demande des hôpitaux de proximité.
Enfin, deux services de SSR - Médecine Physique et de Réadaptation - existent, l?un à l?UHSI
de Marseille, l?autre à l?EPSNF. L?UHSI de la Pitié-Salpêtrière fonctionne depuis décembre
2008.
Dans ce contexte particulier de la médecine pénitentiaire, certains
détenus sont gravement malades, en fin de vie et relèvent de soins
palliatifs. Comment la prise en charge est-elle prévue en théorie pour ces
patients ?
En théorie, la prise en charge des patients en fin de vie ne doit pas avoir lieu en milieu pénitentiaire.
Plusieurs dispositifs légaux existent, afin qu?un patient dont l?état de santé est durablement
incompatible avec la détention, ou qui voit son pronostic vital engagé - pour reprendre les termes
consacrés - soit libéré, au moins de façon temporaire.
Concernant un patient condamné, les Juges d?Application des Peines peuvent décider d?une
suspension de peine pour raison médicale, ou d?une libération conditionnelle pour raison médicale.
D?autres dispositifs sont moins fréquents : placement extérieur, placement sous surveillance
électronique (le bracelet), etc.Le rôle du médecin est d?informer le patient que son état de santé lui
permet de demander un aménagement de peine. Le médecin doit aussi produire un certificat
médical, qui viendra appuyer la demande du patient. Et la décision revient au juge, bien sûr.
Un patient en détention préventive ne bénéficie pas de ces dispositifs. Cependant, il peut demander
au Juge d?Instruction et au Juge des Libertés une remise en liberté. La récente loi d?août 2014
relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales [3] vient
rappeler que les juges doivent tenir compte de l?état de santé des personnes prévenues dans leur
décision.
En attendant les décisions des juges, les patients sont pris en charge par l?UCSA et l?UHSI. A l?UHSI,
les patients sont pris en charge conjointement par les médecins de l?unité et les spécialistes de
l?hôpital, dont l?équipe de liaison en soins palliatifs si besoin.
Les détenus en fin de vie bénéficient-ils souvent d'une « suspension de
peine médicale » ? Dans les faits, pouvez-vous nous décrire ce qui facilite
cette suspension ou a contrario ce qui l?empêche ?
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Dans notre expérience, concernant les patients les plus graves, en fin de vie, obtenir un
aménagement de peine en urgence, comme obtenir une place dans une unité de soins palliatifs, ne
pose pas de gros problème.
Les choses sont plus compliquées lorsqu?un patient présente un état de santé « durablement
incompatible avec la détention », justifiant un aménagement de peine pour raison médicale, sans
que son pronostic vital soit engagé à court terme. Il s?agira par exemple d?un patient porteur d?un
cancer, en cours de chimiothérapie, avec une altération de l?état général, ou d?une personne
démente.
Les procédures peuvent être longues, en fonction de la gravité de la condamnation.
Surtout, il y a un important problème social : les juges ne libéreront pas, c?est heureux, un patient
ne pouvant bénéficier d?un hébergement adapté. Si le patient n?a pas de logement, pas de revenus,
pas de famille? Organiser la prise en charge hors de la prison devient compliqué, et cela retarde
l?obtention de l?aménagement de peine.
Dans l?Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale (UHSI) que vous
dirigez, rencontrez-vous des patients en fin de vie et en soins palliatifs qui
n'ont pas pu bénéficier d'une suspension de peine ? Comment votre
équipe s'organise-t-elle alors pour s'occuper de ces patients ? Dans un tel
contexte, comment se passe pour vous et votre équipe l?application de la
loi dite Leonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la
fin de vie ?
Je n?ai pas souvenir d?un patient qui, en fin de vie, se soit vu refuser une suspension de peine.
Pour autant, nous avons dû, pour de rares patients, entrer dans une démarche de soins palliatifs à
l?UHSI, en attendant une libération qui tarde. Soit pour des patients condamnés à de lourdes peines,
soit parce que le patient, sans attaches à l?extérieur, a tardé à demander une suspension de peine.
Dans ces situations, médecins, équipe soignante de l?UHSI, équipe mobile de soins palliatifs
interviennent auprès du patient à l?UHSI, comme dans tout autre service de notre hôpital, avec
cependant un accès au patient plus compliqué du fait des contraintes pénitentiaires.
Quand il y a une famille, des amis, leur présence au chevet du malade n?est pas possible dans une
UHSI comme elle le serait dans un autre service, a fortiori comme à domicile.
Ces situations doivent donc rester l?exception.
Selon vous, en quoi la situation de ces patients pourrait-elle être
améliorée ?
Encore une fois, nous rencontrons peu de problèmes pour les patients en fin de vie.
Cependant, quelques points pourraient être améliorés pour nos malades les plus graves, pouvant
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bénéficier d?un aménagement de peine pour raison médicale.
Toute mesure accélérant les procédures judiciaires est une bonne chose, car la maladie n?attend pas
les décisions de justice. L'application de la loi d?août 2014, en réduisant le nombre d?expertises
médicales nécessaires pour une suspension de peine, sera sans doute très utile.
Toute mesure facilitant l?hébergement des malades sortant de prison est aussi une bonne chose. De
ce point de vue, en région parisienne, le regroupement d?associations disposant d?ACT Appartements de Coordination Thérapeutique - ou de foyers, et le développement de leurs liens avec
les Services Pénitentiaires d?Insertion et de Probation - SPIP-, en vue de faciliter les libérations des
malades, est une très bonne chose.
Enfin, le dialogue entre les médecins et la Justice pourrait être amélioré, afin de faciliter
l?organisation des prises en charge médicales après libération. Nous avons déjà un dialogue de
qualité avec le SPIP, avec les juges d?Application des Peines du TGI - Tribunal de Grande Instance de Créteil. Le dialogue est cependant plus compliqué, voire inexistant dans certains cas, avec les
juges d?instruction, qui sont en charge de nos patients prévenus.
Consulter les autres entretiens du dossier :
« L?accompagnement de personnes détenues en fin de vie reste impensé », entretien avec
Aline Chassagne sur le projet PARME [4]
Témoignage d'un bénévole d'accompagnement à la prison de Fresnes : entretien avec
Philippe Le Pelley Fonteny, les petits frères des Pauvres [5]
Source URL: http://www.spfv.fr/actualites/medecine-penitentiaire-et-prise
Liens:
[1] http://www.soin-palliatif.org
[2] http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000728979
[3] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029362502&categorieLi
en=id
[4] http://www.soin-palliatif.org/actualites/laccompagnement-personnes-detenues
[5] http://www.soin-palliatif.org/actualites/temoignage-dun-benevole-daccompagnement
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