abc revue générale Ann Biol Clin 2008 ; 66 (3) : 241-7 Biologie et potentialités des cellules souches embryonnaires humaines Biology and potentialities of human embryonic stem cells Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. S. Tondeur1,2,3 S. Assou1,2,3,5 L. Nadal1 S. Hamamah1,2,3,4 J. De Vos1,2,3 1 doi: 10.1684/abc.2008.0224 CHU Montpellier, Institut de recherche en biothérapie, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier 2 Inserm U847, Montpellier 3 Université de Montpellier1, UFR de médecine, Montpellier <[email protected]> 4 CHU Montpellier, Unité biologie clinique d’AMP - DPI, Hôpital Arnaud de Villeneuve, Montpellier 5 MacoPharma, Tourcoing Article reçu le 24 novembre 2007, accepté le 3 mars 2008 Résumé. Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) sont des cellules obtenues à partir de la masse cellulaire interne de l’embryon précoce au stade blastocyste. Dérivées pour la première fois en lignées cellulaires en 1998, elles peuvent être maintenues en culture, sous forme de colonies indifférenciées, de manière indéfinie dans certaines conditions. Elles sont caractérisées par deux propriétés essentielles : pluripotence et auto-renouvellement. Les déterminants de la pluripotence de ces cellules commencent à être mieux définis, tels que les facteurs de transcription OCT4 et NANOG, ou les facteurs de croissance FGFb et IGF2. Les marqueurs caractérisant ces cellules sont des marqueurs de surface comme SSEA-3, SSEA-4 ou des marqueurs nucléaires, notamment OCT4. Les CSEh sont capables de se différencier en différents types cellulaires in vitro. Elles représentent un modèle essentiel et unique dans l’étude du développement humain précoce et dans le domaine de la médecine régénératrice. Par leur capacité d’auto-renouvellement et leur potentiel de différenciation en de multiples types cellulaires, les CSEh sont une source illimitée de cellules pour la médecine régénératrice. Même s’il n’est pas envisageable aujourd’hui pour des raisons éthiques et scientifiques de les utiliser en clinique, il est primordial d’explorer les nombreuses potentialités de ces cellules. Ces connaissances pourront immédiatement être appliquées aux modèles de cellules souches adultes et peut-être dans le futur aboutir à une utilisation en clinique des CSEh. Mots clés : cellules souches embryonnaires humaines, dérivation, culture, médecine régénératrice Abstract. Human embryonic stem cells (hESC) are obtained from the inner cell mass from the early embryo at blastocyste stage. Derived in cell lines for the first time in 1998, they can be maintained in culture in an undifferentiated state indefinitely under certain conditions. Two essential properties characterize hESC: pluripotency and self-renewal. Pluripotency is convey by the expression of specific transcription factors such as OCT4 and NANOG, and is under the control of growth factors such as IGF2 and FGFb. Markers used to characterize these cells include surface antigens, notably SSEA-3 and SSEA-4, and nuclear markers such as OCT4. HESC can differentiate into different cell types in vitro. They represent a unique and essential model for early human development research and for regenerative medicine. By their self-renewal capacity and their potential to differentiate into several cell types, hESC are an unlimited source of cells enabling to replace or restore lost or damaged cells in numerous diseases. Even if it is not conceivable today to use them in clinical practice for ethic and scientific reasons, it seems essential to explore the numerous potentialities of these cells. This knowledge might be relevant to handle adult stem cells in vitro and will be mandatory for a therapeutic use of hESC in the future. Key words: human embryonic stem cells, derivation, culture, regenerative medicine Tirés à part : J. De Vos Ann Biol Clin, vol. 66, n° 3, mai-juin 2008 241 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revue générale Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) sont des cellules capables de proliférer in vitro de manière illimitée dans un état indifférencié et de se différencier en tous les tissus de l’organisme. Elles sont dites pluripotentes et se distinguent des autres types de cellules souches humaines : 1) les cellules souches totipotentes, présentes dans l’embryon de un jour, juste après fécondation, conduisant au développement d’un être humain ; 2) les cellules souches multipotentes, déjà engagées vers une voie de différenciation tissulaire, à l’origine de plusieurs types de cellules d’un tissu donné, comme les cellules souches hématopoïétiques médullaires ; 3) les cellules souches unipotentes, ne donnant naissance qu’à une seule lignée de cellules comme les cellules souches neurales ou les kératinocytes. Ces deux derniers types de cellules sont aussi appelés cellules souches « adultes ». Origine des CSEh Les CSEh sont des cellules dérivées in vitro à partir de l’embryon précoce, le blastocyste, entre le 5e et le 6e jour de l’embryogenèse, au stade préimplantatoire c’est-à-dire avant la nidation dans la paroi utérine. A ce stade le blastocyste a la forme d’une sphère renfermant une cavité liquidienne (blastocèle) et une masse cellulaire interne comportant une centaine de cellules (figure 1). In vivo, les cellules de la masse cellulaire interne vont rapidement donner naissance aux trois feuillets primordiaux (endoderme, mésoderme et ectoderme), puis à tous les tissus d’un organisme adulte. Figure 1. Embryon humain à J5, obtenu après fécondation in vitro. On note les cellules pavimenteuses du trophoblaste, et à l’intérieur de la cavité (le blastocèle), collée aux cellules du trophoblaste, la masse cellulaire interne qui formera le fœtus. A ce stade, le blastocyste est entouré par la zone pellucide, une épaisse membrane translucide constituée de glycoprotéines. 242 Il est possible depuis 1981 chez la souris d’isoler et de cultiver des cellules souches embryonnaires à partir de la masse cellulaire interne, tout en maintenant leur capacité de pluripotence [1]. C’est en 1998 que Thomson et son équipe isolent pour la première fois des CSEh à partir de blastocystes humains [2]. Depuis, de nombreuses équipes ont publié la dérivation de lignées de CSEh. Le taux de succès de dérivation est très variable et dépend de l’état (frais ou congelé) des embryons, de leur qualité et de la technique utilisée. Des embryons à un stade plus précoce ou plus tardif (au 7e-8e jour après la fécondation) ont été également utilisés avec succès. Plusieurs types d’embryons peuvent être envisagés pour dériver des CSEh : 1) les embryons congelés obtenus par fécondation in vitro (FIV), ne faisant plus l’objet d’un projet parental ; 2) les embryons obtenus par FIV mais de qualité insuffisante pour être réimplantés ou congelés ; 3) les embryons porteurs d’une anomalie génétique recherchée dans le cadre d’un diagnostic préimplantatoire ; 4) les embryons créés par « clonage thérapeutique », après transfert d’un noyau de cellule somatique dans un ovocyte énucléé ; 5) des embryons créés par FIV pour la recherche. La loi française interdit l’utilisation de ces deux dernières sources d’embryon. Pour la dérivation des CSEh, il est recommandé de séparer la masse cellulaire interne de la couche externe trophoblastique. Pour cela, on utilise des techniques d’immunochirurgie (lyse du trophectoderme par réaction anticorps/complément) ou de séparation mécanique [3]. Une fois isolée, la masse cellulaire interne est mise en culture dans un milieu contenant du sérum et des facteurs de croissance, sur une couche de cellules nourricières (feeder cells) ou en condition feeder-free, sans cellules de soutien. Au bout de quelques jours, des colonies de cellules commencent à proliférer autour de la masse cellulaire interne, générant une lignée de cellules souches embryonnaires. Une technique permettant la dérivation de CSEh à partir d’un blastomère unique prélevé sur un embryon de 8 cellules a été décrite récemment [4, 5]. Par cette approche, on peut théoriquement dériver des CSEh sans destruction de l’embryon, contournant ainsi en partie les problèmes éthiques posés par les méthodes dites « destructrices ». Au 1er janvier 2006, plus de 400 lignées avaient été dérivées et publiées (plus ou moins bien caractérisées) dans au moins 20 pays (essentiellement Etats-Unis, Israël, Grande-Bretagne, Suède), mais seule une dizaine sont utilisées réellement en recherche. En France, la loi de bioéthique du 6 août 2004 a permis aux chercheurs de travailler sur des lignées de CSEh importées et de débuter les recherches dans ce domaine dans notre pays. L’autorisation de dérivation de nouvelles lignées de CSEh a été accordée à quelques équipes françaises, dont la nôtre, Ann Biol Clin, vol. 66, n° 3, mai-juin 2008 Cellules souches embryonnaires humaines depuis l’année dernière. Ces recherches sont très étroitement encadrées par l’Agence de la biomédecine. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Culture et différenciation précoce des CSEh Les CSEh sont des cellules de petite taille (2-3 lm) au rapport nucléo-cytoplasmique élevé, adhérentes, qui forment des colonies plates et compactes en culture (figure 2). Les techniques de culture de référence sont similaires à celles utilisées pour les cellules souches embryonnaires murines (CSEm). Les CSEh ont tout d’abord été cultivées sur une couche de fibroblastes embryonnaires murins dont le cycle cellulaire est bloqué par radiation ou action de composés chimiques (mitomycine C) [2]. Il est également possible de les maintenir et les amplifier en coculture sur fibroblastes humains provenant par exemple de fragments de peau de prépuce, ou sur cellules stromales médullaires humaines ce qui permet d’éviter, dans la perspective d’une éventuelle thérapie cellulaire, la contamination par des éléments pathogènes ou allergènes transmis par les cellules animales [6]. Le rôle exact de ces cellules de soutien reste encore mal connu. Elles fourniraient un signal de communication intercellulaire par contact et apporteraient des facteurs solubles importants pour le maintien de l’état indifférencié des CSEh, tels que des inhibiteurs de la voie de signalisation BMP (Bone Morphogenetic Protein). Différents milieux sont maintenant testés pour une culture sans support cellulaire, à base de composants enrichis en matrice extracellulaire tel le Matrigel. Celui-ci est un mélange complexe contenant des molécules extra-cellulaires comme la laminine, le collagène IV, ainsi que des facteurs de croissance et d’autres substances encore mal définies [7]. A température ambiante, le Matrigel se solidifie et reconstitue une structure semblable à une membrane basale qui A peut ensuite servir de support à des cellules en culture. Afin de mieux maîtriser la composition du milieu de culture, certains utilisent des protéines purifiées comme la laminine, ou la fibronectine pour recouvrir la surface plastique des plaques de culture. Cette approche est la plus satisfaisante dans l’objectif d’un milieu de culture parfaitement défini et sans protéines animales, mais est très onéreuse en raison du coût des protéines humaines purifiées. En plus de la matrice qui va servir de support aux CSEh, la composition du milieu de culture est essentielle. Le milieu de référence initialement décrit contenait du sérum de veau fœtal (SVF). En raison de la grande variabilité des lots de SVF, dont beaucoup étaient inadaptés à la culture des CSEh, la plupart des équipes utilisent dorénavant le KnockOut Serum Replacement (KO-SR). Les facteurs de croissance et cytokines nécessaires aux CSEh diffèrent de ceux indispensables au maintien en culture des cellules souches embryonnaires murines. En effet, chez l’homme, au contraire du modèle murin, le LIF n’est pas requis pour la culture des CSEh [2]. En revanche, le basic Fibroblast Growth Factor (bFGF ou FGF-2) est nécessaire à la culture des CSEh in vitro et est le facteur critique de la plupart des protocoles de culture de ces cellules. Récemment Bendall et al. ont montré le rôle important joué par un autre facteur de croissance, l’Insulin Growth Factor 2 (IGF2) dans la prolifération et la survie des CSEh [8]. Certains protocoles utilisent du milieu « conditionné », surnageant de culture de fibroblastes [9]. Tous ces milieux et ces techniques de culture restent encore très hétérogènes et sont difficiles à standardiser. De nombreux travaux sont publiés pour déterminer le milieu de culture optimal et le mieux caractérisé possible (composition en protéines connue) pour une culture à long terme [10-12]. L’obtention de conditions de culture standardisées est indispensable pour l’utilisation de ces cellules en recherche. Pour pouvoir utiliser les CSEh ou leurs dérivés en thérapie cellulaire, il sera en effet nécessaire B Figure 2. Colonie de cellules souches embryonnaires humaines indifférenciées (flèche pleine) sur fibroblastes de soutien (flèche en pointillé) (microscope optique x 20 (A) et x 50 (B)). Les cellules souches embryonnaires humaines sont des cellules de petite taille formant des colonies plates et très compactes en culture. Ann Biol Clin, vol. 66, n° 3, mai-juin 2008 243 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revue générale d’éliminer de nos méthodes de culture les contaminations potentielles par des pathogènes ou par des protéines animales. Afin d’éviter la différenciation spontanée des cellules souches, il est important de renouveler quotidiennement le milieu de culture et de diviser les colonies avant qu’elles n’arrivent à confluence. Différentes techniques de repiquage existent : séparation enzymatique (dissociation par la trypsine, la collagénase, la dispase...) ou séparation mécanique. Il est possible d’effectuer ainsi jusqu’à 150 passages soit, à raison de 4 à 8 passages par mois, de les maintenir en culture pendant 1 à 3 ans. Au cours du temps une adaptation des cellules peut survenir avec des changements phénotypiques et génotypiques [13]. Il est donc nécessaire de s’assurer que les CSEh garderont sur le long terme leur phénotype immature, un caryotype normal et leur capacité à se différencier. Les remaniements chromosomiques pouvant survenir après culture au long cours sont le plus fréquemment une trisomie 12 ou une trisomie 17. Ces anomalies surviennent notamment après action de la trypsine qui dissocie les colonies, les cellules se retrouvant alors sous forme isolée, avec possible pression de sélection positive pour les cellules ayant un avantage de survie et/ou de prolifération du fait de l’anomalie génétique. Les CSEh sont caractérisées in vitro et in vivo par leur potentiel à donner naissance aux 3 feuillets primordiaux embryonnaires : endoderme, ectoderme, mésoderme puis tous les tissus adultes. Cultivées en l’absence des facteurs nécessaires au maintien de leur état indifférencié, en conditions non adhérentes, les cellules vont former des agrégats qui se différencient spontanément de manière non organisée en structures vésiculaires appelées « corps embryoïdes ». Au sein de ces corps embryoïdes sont détectés des marqueurs de l’ectoderme (tissu neurologique, par exemple bIII tubuline, NCAM1), du mésoderme (tissu cardiaque, par exemple actine du muscle lisse, VEGFR2), et de l’endoderme (tissu digestif, respiratoire, par exemple alpha-fœtoprotéine) [14, 15]. Le caractère prolifératif et la propriété de pluripotence sont démontrés également in vivo après injection des CSEh chez la souris immunodéficiente (en sous-cutané, intra-rénal ou intratesticulaire). Les CSEh injectées vont générer des tératomes solides comportant des cellules des 3 couches primaires et des cellules indifférenciées [2]. Déterminants de la pluripotence des CSEh Pluripotence et auto-renouvellement sont les caractéristiques majeures des CSEh. La pluripotence des CSEh est sous le contrôle de réseaux de facteurs de transcription et 244 TGFb ACTIVIN NODAL WNT bFGF NOGGIN OCT4 NANOG SOX2 ßCATENIN BMP PLURIPOTENCE Figure 3. Schéma des différents facteurs impliqués dans la pluripotence des cellules souches embryonnaires humaines. de modifications épigénétiques (facteurs intrinsèques), et sous le contrôle de l’environnement cellulaire (facteurs extrinsèques) (figure 3). Déterminants intrinsèques A ce jour, seul un nombre limité de gènes participant à la propriété de pluripotence des CSEh a été identifié, parmi lesquels figurent Oct4, Fgf4, Foxd3, LeftyA, Nanog et Sox2. Oct4 (Oct3/4, POU5F1) est le marqueur le plus utilisé. Ce facteur de transcription de la famille POU (PICT/OCT/UNC) joue un rôle central dans le développement des CSEh et le maintien de la pluripotence [16]. Il agit en collaboration avec Sox2, de la famille Sox et avec Nanog, un autre facteur de transcription à homéodomaine. Ces 3 facteurs se fixent sur les promoteurs d’un groupe de gènes exprimés dans les CSEh, codant pour des molécules impliquées dans le maintien de la pluripotence (incluant NANOG et Oct4 eux-mêmes) [17]. Ils sont indispensables à l’auto-renouvellement des CSEh et sont retrouvés fortement exprimés dans ces cellules, leur taux d’expression diminuant au cours de la différenciation. La disparition de Oct4, mise en évidence par RT-PCR ou par immunofluorescence, signe la perte de pluripotence des CSEh et donc leur différenciation. La structure chromatinienne des CSEh semble jouer un rôle particulièrement important dans la pluripotence des CSEh. Les caractéristiques épigénétiques, comme la méthylation de l’ADN ou l’acétylation et la méthylation des histones influencent la capacité de pluripotence des cellules. L’ADN de la région promotrice du gène Oct4 est déméthylé, donc sous forme active dans les CSEh. La méthylation de cette région empêche l’expression d’Oct4 et induit la différenciation des cellules. De manière réversible, la déméthylation après exposition à un agent déméthylant, la 5-aza-2-deoxycytidine, ou la déacétylation des histones par la trichostatine A de corps embryoïdes murins induit une dédifférenciation vers des cellules de phénotype immature [18]. Plusieurs études récentes montrent Ann Biol Clin, vol. 66, n° 3, mai-juin 2008 Cellules souches embryonnaires humaines que l’épigénome des CSEh est particulièrement original, en accord avec la notion plus ancienne d’une mise à plat complète des modifications de la chromatine au cours du développement embryonnaire précoce [19]. Les déterminants intrinsèques de la pluripotence sont associés à des modifications épigénétiques majeures et sont aussi importants pour activer un programme d’expression génique spécifique des CSEh que pour réprimer des programmes de différenciation. SSEA-1), les glycoprotéines tumor-recognition antigen TRA-1-60 et TRA-1-81 (Ac monoclonaux dirigés contre des protéoglycanes kératanes sulfates), Thy1, et des phosphatases alcalines ou ALPL (alkaline phosphatase liver/bone/kidney). La présence du marqueur Oct4 est mise en évidence par immunofluorescence ou par techniques de biologie moléculaire. L’étude du caryotype des CSEh est indispensable pour s’assurer du caractère non transformé des cellules tout au long de la culture. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Déterminants extrinsèques La culture à long terme des CSEh sous forme indifférenciée et pluripotente nécessite certains facteurs de croissance ou cytokines exogènes, notamment le bFGF. D’autres facteurs indispensables sont apportés par les cellules fibroblastiques de soutien. Des modifications mineures des conditions de culture peuvent induire rapidement la différenciation des CSEh. Ces facteurs extrinsèques comprennent les interactions intercellulaires, des facteurs diffusibles dans le milieu de culture et la matrice extracellulaire. Les CSEh poussent en colonies compactes et sont difficiles à cloner. Les contacts intercellulaires entre CSEh font intervenir des gap junctions. Les CSEh expriment 18 des 20 connexines qui constituent les gap junctions, en particulier les connexines 43 et 45. Cette forte expression se traduit par une intense interconnexion entre les cellules d’une colonie avec diffusion rapide de marqueurs intracellulaires d’une cellule à une autre au sein de la colonie [20]. De nombreuses voies de signalisation intracellulaires sont impliquées dans le maintien de l’état indifférencié des CSEh, notamment la voie TGFb/activin/nodal, permettant une forte expression de SMAD2/3 [21]. Au contraire, l’activation de la voie des BMP entraîne la disparition d’Oct4 et induit la différenciation des CSEh. La suppression des BMP par des antagonistes comme noggin ou gremlin sécrétés par les fibroblastes de soutien est nécessaire à la pluripotence [22]. Les membres de la famille WNT semblent également importants, via la dégradation de la bêta-catenin par la glycogène synthase kinase-3. Bien que le principe de l’activation de la voie WNT soit repris dans certains protocoles de culture des CSEh, l’activation de cette voie de signalisation n’est pas suffisante. Le rôle exact de la voie WNT reste discuté [23]. L’auto-renouvellement et la pluripotence des CSEh dépendent d’une balance finement régulée entre des molécules de signalisation nombreuses et variées, le rôle précis de chacune restant à déterminer. L’évaluation du caractère indifférencié et pluripotent des CSEh peut se faire par la mise en évidence en immunofluorescence d’un panel de marqueurs membranaires comme les antigènes Stage-Specific antigens SSEA-3, SSEA-4 (absents chez la souris chez laquelle on trouve Ann Biol Clin, vol. 66, n° 3, mai-juin 2008 Potentialités et intérêt des CSEh Les cellules souches embryonnaires représentent une source abondante et renouvelable à l’infini de cellules fonctionnelles pour de nombreuses applications en recherche fondamentale et en thérapeutique. Les lignées de CSEh fournissent de nouveaux outils pour l’étude des mécanismes moléculaires mis en jeu au cours du développement humain normal, qui ne peuvent, pour des raisons éthiques évidentes, être étudiés in utero. Elles permettront de mieux appréhender la formation normale des tissus à partir du stade embryonnaire, de comprendre le développement des organes et également d’explorer l’oncogenèse et le développement des tumeurs d’origine embryonnaire. En théorie, de par leur capacité d’auto-renouvellement, les CSEh pourraient générer un nombre illimité de cellules différenciées spécialisées, fournissant une source de cellules très intéressante pour la thérapie cellulaire. Pluripotence et prolifération sont deux propriétés précieuses pour la production de cellules pour une médecine régénératrice. A plus ou moins long terme, et sous réserve d’une modification de la loi, les CSEh pourraient être utilisées en thérapeutique pour traiter des pathologies aujourd’hui incurables. En 2004 il était estimé qu’une application de thérapie cellulaire à partir de CSEh mettrait cinq ans pour passer du laboratoire à une utilisation clinique validée par des essais cliniques [24]. La mise au point de conditions de dérivation compatibles avec les bonnes pratiques de la thérapie cellulaire est un préalable indispensable à cette perspective. Les CSEh et leurs dérivés semblent avoir des propriétés immunogéniques faibles in vivo [25]. Ce privilège immun permet d’envisager les CSEh comme un espoir pour les patients qui n’auraient pas de donneur HLA compatible. In vitro il a été montré que des CSEh pouvaient se différencier en cellules fonctionnelles de nombreux tissus : cellules hépatiques, pancréatiques, cardiaques, neuronales, hématopoïétiques... Le diabète de type I représente une des pathologies qui pourrait fortement bénéficier de la thérapie de remplacement cellulaire. Chez le patient diabétique, les îlots de Langerhans du pancréas sont détruits 245 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revue générale et pourraient être remplacés par des cellules dérivées des CSEh. Les mécanismes et la régulation fine de la sécrétion d’insuline doivent être compris au mieux afin de maîtriser la différenciation des cellules souches. Des travaux menés sur les CSEh ont permis d’obtenir des cellules productrices d’insuline [26]. La différenciation des CSEh en cardiomyocytes transplantables dans un contexte d’infarctus du myocarde serait également une application intéressante de ces cellules. La différenciation de CSE de souris en précurseurs de cellules musculaires cardiaques, les cardiomyoblastes, a été rapportée en utilisant différents facteurs comme l’acide rétinoïque, l’acide ascorbique, la 5-azacytidine [27]... De même, après différenciation spontanée en corps embryoïde, il est possible d’obtenir et d’isoler des cardiomyocytes. Une amélioration clinique a été observée par différenciation de CSEm in situ dans le cœur de mouton après infarctus [28]. Cette abondante source de cellules pour la médecine régénératrice ne peut être encore utilisée en pratique clinique. Avant d’atteindre cette étape il faudra améliorer les protocoles de différenciation des CSEh vers des cellules d’intérêt thérapeutique telles que des cardiomyocytes ou des neurones dopaminergiques, mais également préciser les conditions dans lesquelles des CSEh différenciées peuvent être injectées à des patients dans des conditions de sécurité. En effet, il a été observé jusqu’à présent que l’injection dans des modèles animaux de ces CSEh sous forme indifférenciée pouvait amener à la formation de tératomes. Les tératomes sont des tumeurs bénignes liées à la prolifération incontrôlée et à la différenciation des cellules souches. Conclusion La médecine régénératrice représente un espoir pour le traitement de nombreuses maladies. Elle reste pour le moment principalement cantonnée au domaine de l’hématologie et des cellules souches adultes. Les CSEh sont capables de se différencier en une très large gamme de types cellulaires et de régénérer différents organes. Ces cellules font partie des candidats pour la thérapie cellulaire dans le futur, qui s’étendra à toutes les disciplines médicales. Enfin, la meilleure compréhension de leurs propriétés de pluripotence, d’auto-renouvellement et de différenciation, en particulier par l’étude du transcriptome des CSEh [29], permettra de mieux maîtriser la biologie des cellules souches adultes. Références 1. Evans MJ, Kaufman MH. Establishment in culture of pluripotential cells from mouse embryos. Nature 1981 ; 292 : 154-6. 246 2. Thomson JA, Itskovitz-Eldor J, Shapiro SS, et al. Embryonic stem cell lines derived from human blastocysts. Science 1998 ; 282 : 1145-7. 3. 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