Article original Épilepsies 2006 ; 18 (Numéro spécial) : 21-9 Bases structurales et anatomiques de la mémoire Pascale Gisquet-Verrier Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Laboratoire de Neurobiologie de l’Apprentissage, de la Mémoire et de la Communication, CNRS UMR 8620, Université Paris Sud, 91405 Orsay Cedex, France <[email protected]> L’étude du cas de HM a permis la mise en évidence de systèmes de mémoire pouvant fonctionner de Résumé. façon plus ou moins autonome, et devant donc reposer sur des circuits structuraux et anatomiques différents. C’est grâce à l’apport conjoint de la clinique, de la recherche expérimentale et des techniques d’imagerie cérébrale que nos connaissances dans le domaine ont progressé et permettent aujourd’hui de dresser un bilan relativement cohérent. Nos connaissances sur la mémoire à court terme sont plus parcellaires que celles qui concernent la mémoire à long terme. Au sein de la mémoire à long terme, c’est sans aucun doute la mémoire épisodique et la mémoire procédurale qui ont été les plus explorées. Un domaine de recherche plus récent concerne les interactions et les modifications des bases structurales de la mémoire qui peuvent intervenir avec l’âge du souvenir et avec le niveau d’acquisition. Cette approche constitue sans aucun doute un des enjeux majeurs de la recherche sur la mémoire au cours de ces prochaines années. Mots clés : bases structurales, système de mémoire, relation et interaction Abstract. Neural bases of memory Clinical evidence provided by HM led to the notion that memory is supported by various and relatively independent systems of memory, that should be related to different structural and anatomical brain circuits. Our knowledge on that particular point has been enriched by clinical and experimental studies as well as by the increasing development of cerebral imagery and today a relatively coherent scheme can be proposed. We know more on long-term than short-term memory. Within long term memory, the episodic memory and the procedural memory are those which have been the most extensively studied and for which the most complete information can be provided. A more recent area concerns interactions and modifications of the memory structural basis which can occur either with time or with the level of practice. This approach is certainly one of the main goals of the research on memory for the forthcoming years. Key words: relationship and interaction, memory systems, structural bases La fonction mnésique est une fonction complexe qui met en œuvre des capacités sensorielles, cognitives et motrices impliquant de vastes réseaux neuronaux dont la localisation dépend du type de mémoire mis en jeu. En effet, il n’existe pas une mémoire, mais des mémoires qui peuvent être dissociées sur une base temporelle et sur la nature des informations à conserver (figure 1). L’étude du syn21 drome amnésique global du patient HM provoqué par une résection bilatérale du lobe temporal médian (LTM) a été pour beaucoup dans le développement de nos connaissances sur la mémoire, notamment en ce qui concerne ses bases structurales. Ces connaissances issues des données cliniques ont été complétées et enrichies par les recherches expérimentales sur l’animal et par le développement plus récent Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 P. Gisquet-Verrier MÉMOIRE MÉMOIRE À COURT TERME MÉMOIRE À COURT TERME MÉMOIRE DE TRAVAIL MÉMOIRE À LONG TERME DÉCLARATIVE FAITS Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. MAINTIEN DE L’INFORMATION CORTEX SENSORIEL ÉPISODES PROCÉDURES MAINTIEN ET MANIPULATION DE L’INFORMATION CORTEX PRÉFRONTAL CORTEX SENSORIEL LOBE TEMPORAL MÉDIAN DIENCÉPHALE GANGLIONS DE LA BASE CERVELET NON DÉCLARATIVE AMORÇAGE CORTEX CONDITIONNEMENT APPRENTISSAGE CLASSIQUE NON ASSOCATIF CERVELET VOIES RÉFLEXES Figure 1. Taxonomie de la mémoire. Ce schéma, inspiré de celui proposé par Squire (2004), regroupe l’ensemble des capacités mnésiques d’un sujet humain. des techniques d’imagerie cérébrale. Comme nous le verrons, il reste encore bien des points à spécifier, notamment au niveau du fonctionnement global de la mémoire et des interactions entre les systèmes de mémoire, mais les grandes lignes sont aujourd’hui bien esquissées. dans le type d’informations : la boucle phonologique et le carnet visuospatial pouvant interagir l’un sur l’autre (Baddeley, 1995). Les données cliniques indiquent que HM présente une mémoire à court terme normale suggérant que le LTM ne semble pas impliqué dans la mémoire à court terme. Des déficits de la mémoire à court terme sans atteinte de la mémoire à long terme ont été rapportés chez certains patients porteurs de lésions autour de la scissure de Sylvius gauche, suggérant l’existence de dissociations entre mémoire à court terme et mémoire à long terme, toutefois remise en cause à la lumière de données plus récentes (Ranganath et Blumenfeld, 2005). Il est généralement considéré que l’administrateur central est situé au niveau du cortex frontal et que les systèmes esclaves impliquent des aires cérébrales en relation avec la nature de l’information traitée (cortex inférotemporal droit pour le registre visuospatial, cortex pariétal pour le spatial et cortex postérieur gauche la boucle phonologique [figure 2]). Chez l’animal entraîné dans des épreuves de réponses retardées, des cellules de délai spécifiquement actives à la suite de la présentation d’une information à retenir, ont été mises en évidence. Elles pourraient permettre le maintien on line de l’information et servir de support à une mémoire de travail. De tels neurones ont été enregistrés dans les cortex sensoriels (cortex inférotemporal visuel) et dans les régions dorsolatérales du cortex préfrontal (Fuster, 1997). Bases structurales et anatomiques de la mémoire à court terme Cette mémoire correspond à la capacité de saisir une information et à la redonner immédiatement, sans effectuer aucun traitement. Cette mémoire, de courte durée (de l’ordre de la seconde), a une capacité limitée qui permet de retenir et de restituer un nombre d’items allant de 6 à 9 items (empan mnésique). Elle dépend de l’intégrité des cortex sensoriels qui possèdent tous des capacités de mémoire à court terme. On peut ainsi voir des empans mnésiques normaux sur une modalité sensorielle et atteints dans une autre modalité. La mémoire de travail correspond à une forme particulière de mémoire à court terme au cours de laquelle l’information à retenir est manipulée. Plusieurs traitements peuvent être réalisés. Le traitement le plus simple consiste à répéter mentalement cette information afin de maintenir la représentation mentale dans un état actif. C’est typiquement l’opération que nous réalisons lorsque l’on doit composer un numéro de téléphone relevé sur un carnet. Des formes plus élaborées de mémoire de travail permettent de travailler sur des représentations mentales pour effectuer un calcul ou réaliser des rotations mentales, mener à bien un raisonnement logique ou planifier une série de coups dans une partie d’échec. On considère que la mémoire de travail (figure 2) est contrôlée par un administrateur central localisé qui met en jeu deux systèmes esclaves spécialisés Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 Bases structurales et anatomiques de la mémoire à long terme La mémoire déclarative La mémoire épisodique correspond à la capacité d’acquérir et de retenir une nouvelle information. Son altération constitue 22 Bases structurales de la mémoire Boucle phonologique : C Aire de Broca Aire de Wernicke Mémoire de travail B A Hémisphère gauche Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Administrateur central - Contrôle et décisions - Raisonnement - Compréhension du langage - Transfert d’information - Attention dirigée Processeur central Hémisphère droit Boucle phonologique Carnet visuospatial Maintien des items par répétition Mémoire phonologique (buffer) Imagerie visuelle Mémoire visuospatiale (buffer) Mémoire visuospatiale : Aire visuelle Figure 2. La mémoire de travail. D’après le modèle de Baddeley (1995), l’administrateur central peut activer deux systèmes esclaves : la boucle phonologique (acoustique et linguistique) et le carnet visuospatial (image mentale) qui ont des bases neuro-anatomiques distinctes dans les études d’imagerie cérébrale. La boucle phonologique active certaines aires de l’hémisphère gauche que l’on associe à la production du langage comme l’aire de Wernicke et l’aire de Broca. La mémoire visuospatiale serait quant à elle associée à une région du cortex occipital généralement associée au traitement visuel. D’autre part, certaines sous-régions du cortex préfrontal ne sont activées que si l’exercice de mémorisation comporte une certaine difficulté pour le sujet, confirmant ainsi le rôle de coordonnateur du processeur central. la caractéristique majeure du syndrome amnésique mis en évidence chez H.M. après résection bilatérale du lobe temporal médian. Fort logiquement, le LTM et plus précisément les structures endommagées lors de l’opération de HM : l’hippocampe, l’amygdale et les cortex avoisinants, ont été considérés comme les supports structuraux possibles de la mémoire déclarative. Cependant, identifier précisément les structures impliquées s’est révélé plus difficile qu’on ne le pensait et l’expérimentation sur l’animal s’est révélée indispensable pour éclairer ce débat. Ces études menées chez le singe, puis chez le rat, ont nécessité le développement de nouvelles techniques lésionnelles beaucoup plus précises ainsi que le développement d’épreuves comportementales mettant en jeu la mémoire épisodique ou son équivalent chez l’animal. Les premiers travaux ayant constaté une corrélation entre l’atteinte supposée de l’hippocampe et l’importance de l’amnésie, l’intérêt s’est focalisé sur cette structure. L’hippocampe est une structure corticale (archicortex) du système limbique, repliée sur elle-même et située dans la face médiane du lobe temporal (figure 3). L’hippocampe est doté de deux systèmes d’entrées-sorties : le faisceau perforant qui entretient des relations bidirectionnelles avec les cortex associatifs unimodaux et polymodaux et la fimbria-fornix à travers laquelle il entretient des relations avec le cortex préfrontal et les structures sous-corticales, et grâce à laquelle lui parvient son innervation cholinergique. Les connexions intrinsèques de l’hippocampe forment un circuit trisynaptique à l’intérieur de la structure permettant le traitement de l’information et son retour, sur les régions corticales et sous corticales. Ainsi, l’hippocampe est connecté par une double boucle avec les cortex et les structures sous-corticales (figure 3). Le débat a longtemps porté sur l’étendue de la lésion nécessaire et suffisante pour induire des troubles mnésiques. Assez rapidement, des expériences menées conjointement chez le singe et chez le rat ont permis de montrer que l’amygdale ne jouait pas directement un rôle sur la formation des nouveaux souvenirs. Ces études ont révélé qu’à côté de l’hippocampe, les cortex avoisinants : les cortex périrhinal et entorhinal (formant 23 Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 P. Gisquet-Verrier A B Fimbria/fornix Thalamus Connexions de l’hippocampe Vers les corps mamillaires Fimbria - fornix Gyrus denté CA1 Subiculum Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Vers les cortex Cortex entorhinal Amygdale Hippocampe Corps mamillaires Figure 3. A) L’hippocampe en situation anatomique au sein du lobe temporal médian ; B) Le faisceau perforant transmet les afférences corticales à l’hippocampe et innerve les trois principales composantes hippocampiques : le gyrus denté (GD), et les champs amoniens CA1, CA3 et le subiculum. Les connexions intrinsèques de l’hippocampe forment une boucle trisynaptique à l’intérieur de la structure. Les axones des cellules granulaires du GD (dentata) envoient des axones vers CA3, fibres appelées fibres moussues. CA3 envoie ses axones vers CAI par des fibres appelées les collatérales de Schaeffer qui se terminent sur les dendrites des cellules pyramidales de CA1. CA1 envoie des fibres soit directement, soit indirectement (après relais dans le subiculum) vers les cortex entorhinal et périrhinal. CA1 et subiculum envoient, de plus, des fibres directes au niveau des aires associatives du cortex. La fimbria-fornix est une voie septo-hippocampique qui est la principale entrée/sortie mettant en relation l’hippocampe avec les structures sous-corticales et le cortex préfrontal. Les afférences proviennent de neurones originaires du noyau septal médian, de l’hypothalamus et du tronc cérébral. Ils innervent toutes les régions de l’hippocampe et principalement le GD. Une composante importante de cette entrée est cholinergique. Certaines fibres issues du subiculum forment le fornix. Ces fibres efférentes rejoignent directement le septum latéral, le thalamus (noyau antérieur), les corps mamillaires et le cortex préfrontal médian. le cortex rhinal) et le cortex parahippocampique (ou post-rhinal chez le rat) pouvaient également avoir un rôle déterminant dans la mémoire déclarative. Les études anatomiques ont révélé que l’hippocampe entretient des projections denses et réciproques avec ces différents cortex qui forment ensemble une boucle hippocampo-corticale. Les modèles dominants de la littérature proposent que cet ensemble de structures (figure 4) sert de support à la mémoire épisodique (Squire et Zola-Morgan, 1991 ; Eichenbaum, 1999). Le rôle de l’hippocampe serait de combiner les différents composants des souvenirs apportés initialement par les différentes voies corticales convergeant d’abord vers les cortex perirhinal et parahippocampique, puis vers le cortex entorhinal avant de rejoindre l’hippocampe et retourner, en empruntant un chemin inverse, vers les cortex sensoriels et associatifs d’origine, permettant l’acquisition rapide de nouvelles informations. Cependant, ce modèle ne prend pas en compte la fimbriafornix, l’autre voie entrée/sortie qui met en relation l’hippocampe avec le cortex préfrontal et les structures sous-corticales et lui apporte son innervation cholinergique. Des données obtenues chez le rat ont d’ailleurs permis de mettre en évidence des dissociations entre lésion du fornix et lésions du cortex périrhinal, démontrant ainsi que des informations de natures Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 différentes transitent par les deux voies d’entrée/sortie de l’hippocampe. On sait d’ailleurs depuis longtemps que le lobe temporal médian n’est pas la seule structure cérébrale importante dans les processus mnésiques chez l’homme. Les études de patients atteints du syndrome de Korsakoff (maladie dégénérative, liée à l’abus d’alcool, qui se caractérise par un syndrome amnésique global) ont montré l’importance des structures diencéphaliques, notamment des corps mamillaires, du noyau antérieur et dorso-médian du thalamus et du faisceau mamillothalamique (figure 3A). Le syndrome amnésique résultant du syndrome de Korsakoff est très proche de celui décrit après atteinte du LTM bien que les patients ne soient pas conscients d’avoir des problèmes mnésiques et aient tendance à fabuler, différences généralement attribuées à un syndrome frontal, conséquence de l’atteinte diencéphalique. Au niveau neuropathologique, il est toujours difficile de déterminer si le syndrome amnésique peut être obtenu après l’atteinte d’un seul de ces composants. Cependant, des cas d’amnésie ont été rapportés après des atteintes des corps mamillaires liées au syndrome de Korsakoff ou à des composantes thalamiques (Victor et al., 1971), données retrouvées chez l’animal. Le débat concernant la possibilité d’induire un syndrome amnésique par des lésions restreintes à certaines composantes diencéphaliques chez 24 Bases structurales de la mémoire Hippocampe A Faisceau perforant 61 28 35/36 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. TE Autres projections directes Cortex enthorinal TH TF TEO Lobe temporal médian chez le singe Vue ventrale illustrant les structures corticales entourant l’hippocampe Cortex périrhinal Cortex parahippocampique - Cortex périrhinal - Cortex parahippocampique - Cortex entorhinal - Cortex périamygdaloïde (ne fait pas partie du LTM) Cortex associatifs unimodaux et polymodaux (lobes frontaux, temporaux et pariétaux) Figure 4. A) Photo d’un encéphale de primate non humain indiquant les différents cortex de la région hippocampique ; B) Vue schématique des structures du lobe temporal médian importantes pour la mémoire déclarative (d’après Squire et al., 2004). l’homme reste cependant toujours ouvert probablement à cause de la proximité des différents composants structuraux. À côté des modèles dominant de la littérature considérant que la mémoire épisodique est essentiellement dépendante du lobe temporal médian, un autre modèle propose d’inclure également les structures diencéphaliques (Aggleton et Brown, 1999). Ce système formé d’une double boucle hippocampocorticale et hippocampo-diencéphalique permettrait l’encodage et le rappel de toute nouvelle information épisodique (figure 5). Ce modèle présente l’avantage de prendre en compte l’ensemble des données de la littérature concernant les bases possibles du syndrome amnésique global. Pour qu’il y ait mémoire, il doit y avoir rappel de l’information. Le rappel de la mémoire épisodique met en jeu les lobes frontaux. Des patients porteurs de lésions frontales présentent des altérations de la mémoire de la source, c’est-à-dire qu’ils ont des difficultés à savoir où et quand ils ont appris une information particulière. Une telle incapacité à se servir des étiquettes contextuelles pour retrouver le souvenir associé se traduit là encore par des déficits de la mémoire épisodique. Des données en imagerie cérébrale ont révélé que la phase de rappel s’accom- pagne d’une activation du cortex frontal dont l’intensité est proportionnelle avec celle des processus de recherche mis en œuvre. Le rôle déterminant du cortex préfrontal dans les processus de recherche de l’information épisodique indique que cette structure cérébrale, largement connectée avec le LTM, fait partie du réseau structural sous-jacent à la mémoire épisodique (Buckner et Wheeler, 2001 ; Sakai, 2003 ; Botreau et al., 2004). Si l’on sait que la mémoire sémantique qui correspond à la mémoire des faits et des connaissances générales est également altérée après des lésions du LTM, cependant sa perturbation est souvent partielle et les données cliniques ont révélé que des patients avec des lésions restreintes à l’hippocampe sont capables d’acquérir des connaissances sémantiques. HM, porteur d’une large lésion du LTM préservant le cortex parahippocampique et une partie du cortex périrhinal, a été capable d’acquérir un certain nombre de connaissances sémantiques après son opération, mais cette capacité s’avère impossible chez des patients présentant des lésions bilatérales quasi complètes du LTM (Bayley et Squire, 2005). Il semble donc qu’il n’y ait pas une adéquation entre les supports structuraux de la mémoire épisodique et de la mémoire sémantique. La mémoire sémantique 25 Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 P. Gisquet-Verrier Noyau antérieur du thalamus Corps mamillaires Cortex préfrontal Fornix Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Hippocampe Cortex temporal Cortex entorhinal Cortex périrhinal Autres afférences directes dont le cortex rétrosplénial et le cortex cingulaire Cortex parahippocampique Autres aires associatives Figure 5. Schéma présentant les principales voies permettant l’encodage de l’information épisodique. On retrouve la boucle hippocampocorticale décrite par Squire à laquelle s’adjoint la boucle cortico-diencéphalique. L’épaisseur des flèches indique l’importance supposée des diverses connexions (D’après Aggleton et Brown, 1999). dépend bien de l’intégrité du LTM, mais son réseau structural se différencie de celui de la mémoire épisodique puisqu’il ne repose ni sur l’hippocampe, ni sur le cortex entorhinal. L’examen de HM et de tous les patients souffrant du syndrome amnésique global révèle que la perte des souvenirs anciens (amnésie rétrograde) n’est jamais complète et que l’amnésie qui porte principalement sur les souvenirs les plus récents, s’étend sur une période de plusieurs années en préservant les souvenirs les plus anciens. Ces données, reproduites chez de nombreuses espèces animales, ont conduit à considérer que l’hippocampe contrôle la formation des souvenirs épisodiques et leur rappel pendant un certain nombre d’années. Cependant, pour les souvenirs les plus anciens, l’hippocampe ne serait plus indispensable à leur rappel qui pourrait être obtenu directement à partir de leur représentation corticale (Squire et al., 2004 ; Frankland et Bontempi, 2005). La mémoire procédurale (habiletés et routines) Chez l’homme, l’acquisition d’habiletés motrices, qui requiert le développement de nouveaux programmes moteurs afin de guider la performance, semble dépendre de l’intégrité des ganglions de la base (Butters et al., 1990). Les ganglions de la base sont composés de plusieurs noyaux : le noyau caudé et le putamen formant le striatum, le globus pallidus, le noyau sous-thalamique et la substance noire (figure 6). Ils sont en connexion étroite avec le cortex frontal ce qui leur confère un rôle privilégié dans les fonctions exécutives. Les deux principales pathologies touchant les ganglions de la base sont la maladie de Huntington, maladie génétique se traduisant par une dégénérescence progressive du striatum et la maladie de Parkinson qui se caractérise par une atteinte du système dopaminergique, principal neuromédiateur des ganglions de la base. Ces patients présentent différents symptômes qui se traduisent principalement par des troubles moteurs pouvant s’accompagner de perturbations neuropsychiatriques et de difficultés dans les domaines de l’apprentissage et de la mémoire. Les patients souffrant de la maladie de Huntington ou de Parkinson ne présentent pas de déficit de la mémoire déclarative, mais acquièrent difficilement des tâches nécessitant des habiletés comme la lecture en miroir, l’épreuve de la tour de Hanoï. Les perturbations engendrées par l’atteinte des ganglions de la base ne sont pas limitées aux épreuves impliquant des réponses motrices et ont été également constatées lors de la réalisation d’épreuves implicites (traitées sans engagement de la La mémoire non déclarative La mémoire non déclarative comprend en fait une collection de compétences qui présentent une caractéristique commune, celle de s’exprimer par la performance et non par le rappel. Elles sont préservées chez les sujets amnésiques suggérant que leurs bases structurales se situent en dehors du LTM. Ces différentes capacités forment un ensemble hétérogène qui regroupe habileté, habitude, amorçage, conditionnement et autres expériences qui impliquent des réseaux structuraux différents, reposant principalement sur les ganglions de la base, le cervelet et différentes aires corticales. Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 26 Bases structurales de la mémoire Aire motrice supplémentaire Noyau caudé Thalamus Noyau ventral antérieur Noyau ventrolatéral Cortex moteur primaire Cortex somatosensoriel primaire Putamen Globus pallidus Division externe Division interne Axones dopaminergiques Noyau sous-thalamique Télencéphale Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Cortex prémoteur Putamen Thalamus (VLo) Substance noire Globus pallidus externe Noyau sous-thalamique Globus pallidus interne Mésencéphale Vers les noyaux moteurs du tronc cérébral (système ventromédian) Effet excitateur sur les récepteurs D1 Effet inhibiteur sur les récepteurs D2 Substance noire Figure 6. Les ganglions de la base sont constitués de cinq noyaux interconnectés qui sont le noyau caudé, le putamen, le globus pallidus, le noyau sous-thalamique et la substance noire. Le noyau caudé et le putamen, qui ont une même origine architectonique, sont désignés collectivement sous le terme de striatum et constituent le système d’entrée des ganglions de la base. Les efférences qui vont vers le globus pallidus rejoignent ensuite le thalamus et projettent sur le cortex moteur. Les autres structures des ganglions de la base participent à d’autres boucles corticostriato-thalamo-corticales qui modulent l’activité du circuit principal. conscience) comme l’acquisition d’une grammaire artificielle ou lors de la tâche de prévisions météorologiques et dans la réalisation de comportements largement automatisés, comme la réalisation d’une signature. Cet engagement des ganglions de la base à l’occasion de la mise en œuvre d’habiletés et de routines a été confirmé dans des études réalisées en imagerie fonctionnelle. Chez l’animal, les lésions du striatum induisent des perturbations dans l’acquisition de toute une gamme de comportements nécessitant la mise en relation d’un stimulus et d’une réponse motrice particulière et elles perturbent l’automatisation de certaines réponses comportementales (Packard et Knowlton, 2002) Certaines données indiquent que le cervelet serait impliqué dans certains aspects de la mémoire procédurale touchant à la motricité fine et au contrôle visuomoteur, ce qui rendrait compte de son activation lors de la réalisation de certaines habiletés comme l’épreuve du dessin en miroir, et de la perturbation dans l’acquisition de certains apprentissages implicites en cas de dégénérescence cérébelleuse (Pascual Leone et al., 1993). Ainsi, des évidences cliniques et expérimentales soulignent l’importance déterminante des ganglions de la base dans toute une variété d’habiletés motrices, perceptives ou cognitives. Des données plus récentes, largement issues de l’expérimentation animale, indiquent cependant que l’apprentissage de séquences d’actions basées sur la mise en œuvre de séquences motrices répétitives ne repose pas que sur les ganglions de la base mais sur des boucles reliant les différents composants de ces ganglions au cortex et aux structures du tronc cérébral. Ces boucles constituent le véritable support structural de la mémoire procédurale (Haber, 2003 ; Gaybiel, 2000). L’amorçage L’amorçage (priming des Anglo-Saxons) correspond à l’amélioration de la capacité à analyser et identifier un item (mot, photo, objet) qui a préalablement été présenté. L’amorçage peut être utilisé pour effectuer un rappel implicite d’une liste de mots : on présente alors au sujet une amorce de mot (les trois premières lettres) et on lui demande le premier mot qui lui passe par la tête, sans faire référence à la liste présentée auparavant. Dès les années soixante-dix, il a été démontré que les patients amnésiques et HM en particulier manifestaient des performances normales en amorçage. La signification de ce résultat n’a cependant été correctement analysée que vers les années quatre-vingt-dix, quand la notion de système de mémoire est devenue évidente (Schacter et Tulving, 1994). L’amorçage n’est touché ni par les lésions des structures limbiques, ni chez les patients souffrant de pathologies des ganglions de la base. Le 27 Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. P. Gisquet-Verrier phénomène d’amorçage est un phénomène perceptif. Des études en champ visuel dissocié ont permis de montrer que l’amorçage en complètement de mot est plus efficace lorsque l’on présente le matériel dans le champ visuel gauche (c’est-à-dire traité par l’hémisphère droit impliqué dans le verbal). Cette incidence hémisphérique laisse supposer un effet cortical qui a été confirmé par l’imagerie cérébrale montrant des réductions d’activité au niveau du cortex occipital droit (Squire et al., 1992). Ces données ont été confirmées par l’étude d’un patient présentant des perturbations de l’amorçage de répétition, associées à des lésions de ce cortex (Gabrieli et al., 1995). On a trouvé chez le singe des cellules qui répondaient par une diminution d’activité lors de la répétition d’une information visuelle qui pourrait être à rapprocher des effets d’amorçage (Desimone, 1996). Lobe antérieur Protubérance Le conditionnement Le conditionnement classique est un apprentissage au cours duquel le sujet est soumis à des associations entre un stimulus sensoriel neutre et un renforcement. Progressivement, la réponse évoquée par le renforcement va apparaître lors de la présentation du stimulus neutre qui devient alors le stimulus conditionnel. Ce conditionnement qui revêt la forme la plus élémentaire des apprentissages associatifs a été décrit chez de très nombreuses espèces du règne animal allant des invertébrés à l’homme. Chez les vertébrés, le rôle du cervelet sur le réflexe de la membrane nictitante du lapin a été décrit par Thompson (2005). Chez l’homme, les atteintes cérébelleuses perturbent également le conditionnement de la paupière comme l’ont confirmé des études en imagerie cérébrale. Le cervelet est avec les ganglions de la base une des deux principales structures du système moteur extrapyramidal. Cependant, comme pour les ganglions de la base, les données actuelles confèrent à cette structure un rôle cognitif de plus en plus important. D’ailleurs le rôle du cervelet (figure 7) n’est pas cantonné aux conditionnements classiques puisque, comme nous l’avons vu, il a un rôle déterminant dans nombre d’apprentissages moteurs impliquant une motricité fine et un contrôle visuospatial. Son rôle dans les conditionnements classiques semble devoir être relié au rôle plus général que cette structure semble avoir dans l’ordonnancement temporel, essentiel dans la perception et l’organisation de séquences motrices. Bulbe rachidien Noyau cérébelleux Lobe Lobe postérieur floculonodulaire Coupe sagittale Figure 7. Le cervelet joue plusieurs rôles : il permet l’acquisition de séquences de mouvements, participe à l’ajustement fin visuomoteur et à la coordination de mouvements produits ailleurs dans le cerveau. Son rôle cognitif est de plus en plus étudié. soit exacerbées. C’est par l’étude de ces formes élémentaires de mémoire que Kandel (2001) a pu approcher les modifications moléculaires sous-jacentes chez l’aplysie et initier le développement de nos connaissances sur les bases moléculaires de la mémoire (voir chapitre de Serge Laroche). Indépendance, interaction et modifications des systèmes de mémoire L’existence de systèmes de mémoire repose en partie sur l’existence de doubles dissociations (la lésion de la structure X perturbe la tâche A, mais pas la tâche B et la lésion de la structure Y a l’effet inverse). Chez l’homme, comme chez l’animal, de nombreux exemples de doubles dissociations entre hippocampe et ganglions de la base ont été décrits, attestant de l’indépendance de la mémoire déclarative et procédurale. D’autres données confortent également une indépendance entre mémoire déclarative et conditionnement, mémoire déclarative et amorçage, mémoire procédurale et amorçage. Le fait que chez un sujet lésé ces systèmes puissent fonctionner de façon autonome, ne signifie nullement que telle est leur façon naturelle de fonctionner. Tout porte à croire que les systèmes de mémoire peuvent fonctionner en parallèle et que, dans une situation déterminée, le système de mémoire le plus adapté va prendre le contrôle du comportement. Cependant, si la situa- Les apprentissages non associatifs Dans les formes élémentaires d’apprentissage comme l’habituation et la sensibilisation, le sujet apprend lors d’expositions répétées les caractéristiques d’un stimulus unique. L’exposition répétée à un stimulus qui n’a pas de conséquence, conduit à ce qu’il soit progressivement ignoré : c’est l’habituation ; alors que l’exposition à un stimulus qui a des conséquences, conduit à un renforcement progressif de la réponse : c’est la sensibilisation. Ces deux formes d’apprentissage largement distribuées dans le monde animal, traduisent toutes deux une adaptation du sujet à son environnement et constituent une des formes d’apprentissage les plus frustres. Elles reposent essentiellement sur des voies réflexes dont les réponses sont soit inhibées Épilepsies, vol. 18, Numéro spécial, septembre 2006 Cortex cérébelleux 28 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Bases structurales de la mémoire tion se modifie, l’autre système de mémoire peut devenir prépondérant. Certaines structures cérébrales, comme le cortex préfrontal sont impliquées dans plusieurs systèmes de mémoire et peuvent jouer le rôle d’interface (de commutateur) entre les différents systèmes de mémoire. De telles interactions entre les systèmes de mémoire et notamment entre mémoire déclarative et procédurale ont été mises en évidence et font également partie du bon sens commun. Lorsque l’on commence à conduire une voiture, c’est l’ensemble des ressources cognitives et attentionnelles qui sont engagées et la mémoire déclarative est fortement sollicitée. Que dire de la même activité pratiquée après 20 ans de conduite quotidienne sur un chemin reliant son domicile et son lieu de travail. La disponibilité d’esprit que chacun peut constater lors d’un tel épisode montre bien à quel point cette activité peut devenir routinière, engageant alors de façon prépondérante le système procédural. Cependant, si un événement inattendu intervient, nous sortons immédiatement de la routine ce qui suggère que le système déclaratif, bien qu’en veille, peut reprendre le contrôle de la situation à tout moment. De telles interactions sont actuellement étudiées, tant chez l’homme que chez l’animal (Packard et Knowlton, 2002). Nous avons vu également qu’un souvenir épisodique ancien n’engage pas le même réseau structural qu’un souvenir récent. La mémoire est un processus dynamique impliquant une plasticité des structures impliquées et également une plasticité au niveau des structures lui servant de support. Il est certain que l’étude des évolutions des représentations et des interactions entre systèmes de mémoire constituera un des enjeux majeurs de la recherche sur la mémoire au cours de la prochaine décennie. M Buckner RL, Wheeler ME. The cognitive remembering. Nat Rev Neurosci 2001 ; 2 : 624-34. neuroscience of Butters N, Heindel WC, Salmon DP. Dissociation of implicit memory in dementia : Neurological implications. Bull Psychon Soc 1990 ; 28 : 35966. Desimone R. Neural mechanisms for visual memory and their role in attention. Proc Natl Acad Sci USA 1996 ; 93 : 13494-9. Eichenbaum H. The hippocampus and mechanisms of declarative memory. Behav Brain 1999 ; 103 : 123-33. Frankland PW, Bontempi B. The organization of recent and remote memory. Nature Reviews 2005 ; 6 : 119-30. Fuster. The prefrontal cortex. New York : Raven Press, 1997. Gabrieli JD, Fleischman DA, Keane MM, Reminger SL, Morrell F. 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