LE THÉORÈME DE KATZ-LANG par Jean-Baptiste Teyssier Ce texte est la version détaillée d’un exposé que j’ai donné dans le cadre du séminaire "Théorie du corps de classe en dimension supérieure et ramification" organisé par Hélène Esnault. La référence principalep1q est [KL81]. 1. Généralités sur les groupes 1.1. Abélianisation et suite exacte. — Soit G un groupe. On note Gab le quotient de G par le sous-groupe de G engendré par les commutateurs de G. Le foncteur G Ñ Gab est exact à droite mais pas exact à gauche. Néanmoins on a le résultat très utile Lemme 1.1.1. — Si ψ / G2 φ / G3 G1 est une suite exacte de groupes, alors la suite Gab 1 ψ / Gab 2 φ / Gab 3 /0 /0 est exacte. Démonstration. — Soit g P G2 tel que ´1 ´1 ´1 φpgq “ rh1 , k1 s ¨ ¨ ¨ rhn , kn s “ ph1 k1 h´1 1 k1 q ¨ ¨ ¨ phn kn hn kn q Par surjectivité de φ, ceci peut s’écrire (1.1.2) φpgq “ pφpλ1 qφpµ1 qφpλ1 q´1 φpµ1 q´1 q ¨ ¨ ¨ pφpλn qφpµn qφpλn q´1 φpµn q´1 q ´1 ´1 ´1 “ φprλ1 µ1 λ´1 1 µ1 s ¨ ¨ ¨ rλn µn λn µn sq On en déduit (1.1.3) p1q A ´1 ´1 ´1 g “ rλ1 µ1 λ´1 1 µ1 s ¨ ¨ ¨ rλn µn λn µn sh laquelle on renvoie pour les énoncés précis et les notations utilisées ici. 2 J.-B. TEYSSIER avec h P Ker φ “ Im ψ. Donc dans Gab 2 , l’égalité 1.1.3 donne rgs “ rhs P Im ψ. 1.2. Abélianisation et coinvariants. — Soit 0 /H /G /K /0 une suite exacte de groupes. Si k P K, on choisit un relèvement r k P G. Alors r k agit sur G et H par conjugaison. Cette action dépend du choix du relèvement r k de k. L’action induite sur Gab est triviale, mais l’action induite sur H ab ne l’est pas nécessairement et ne dépend pas du choix de relèvement fait. Si pH ab qK désigne le quotient de H ab par le sous-groupe HK engendré par les éléments de la forme rhspa ¨ rhsq´1 “ rhah´1 a´1 s, avec h P H et a P K, on en déduit par 1.1.1 une surjection pH ab qK KerpGab ÝÑ K ab q. On va montrer que si la suite exacte est scindée, alors il s’agit d’un isomorphisme. C’est l’objet du Lemme 1.2.1. — Soit 0 /H /G /K /0 une suite exacte scindée de groupesp2q . Alors, la suite 0 / pH ab qK / Gab / K ab /0 est exacte. En particulier, on a Gab » pH ab qK ˆ K ab . Démonstration. — Il faut montrer que le noyau de H ab ÝÑ Gab est exactement HK . Soit donc g P H avec g “ aba´1 b´1 , où a, b P G. Il faut grosso modo montrer que l’on peut toujours remplacer a par un élément de H. On commence par observer que HK est stable par l’action de K : si f : K ÝÑ Aut H désigne l’action de conjugaison, on a en effet f pbq ¨ pmpf paq ¨ mq´1 q “ pf pbq ¨ mqpf pbaq ¨ mq´1 “ pf pbq ¨ mqf pbab´1 q ¨ pf pbq ¨ mq´1 Ecrivons a “ hk avec h P H et k P K. Pour montrer que g est dans HK , il suffit de montrer que k ´1 gk est dans HK . Or on a k ´1 gk “ k ´1 phkbk ´1 h´1 b´1 qk (1.2.2) “ pk ´1 hkqbpk ´1 hkq´1 pk ´1 b´1 kq “ pHbH ´1 b´1 qpbk ´1 b´1 kq On a HbH ´1 b´1 P H et rHbH ´1 b´1 s P HK , donc bk ´1 b´1 k P H et il suffit de montrer que rbk ´1 b´1 ks P HK . On écrit de nouveau b “ h1 k 1 , et en répétant le processus précédent, on obtient que k ´1 k 1´1 kk 1 P H et qu’il suffit de montrer que rk ´1 k 1´1 kk 1 s P HK . Mais k ´1 k 1´1 kk 1 P H X K “ t1u, donc c’est immédiat. p2q Autrement dit, G est produit semi-direct de H et K, que l’on peut voir comme sous-groupes de G avec K agissant sur H par conjugaison. 3 LE THÉORÈME DE KATZ-LANG 1.3. Sous-groupes fermés d’un groupe profini. — Soit G un groupe profini et H un sous-groupe fermé (donc compact !) de G. Alors H est aussi de Hausdorff et complètement discontinu. C’est donc un groupe profini, pouvant ainsi être vu comme la limite projective d’un système fondamental de voisinages de l’unité constitué de sous-groupe normaux ouverts. Pour un tel système, on peut toujours prendre les N X H, N normal ouvert dans G. Donc le diagramme commutatif /G H H{pN X Hq iN / G{N induit par limite projective le diagramme commutatif /G H o o limpH{pN X Hqq ÐÝ / limG{N ÐÝ Notons HN l’image de H{pN XHq par iN , et pN : G ÝÑ G{N la surjection canonique. Alors č H“ p´1 N pHN q N Autrement dit, H est l’intersection des sous-groupes normaux ouverts de G qui le contiennent. 2. Quelques lemmes sur le π1 2.1. KerpX{Kq et coinvariants. — On prend ici S “ Spec K. La suite exacte fondamentale [Gro71, IX 6.1]p3q 0 / π1 pX, xq / π1 pX , xq K / GalpK sep {Kq /0 induit par 1.1.1 une suite exacte π1 pXK , xqab / π1 pX, xqab / GalpK sep {Kqab /0 On a donc par 1.2 une surjection pπ1 pXK , xqab qGalpK sep {Kq / / KerpX{Kq p3q Il est plus correct d’écrire GalpK sep {Kq que GalpK{Kq car K{K admet des sous-extensions inséparables. On peut néanmoins poser GalpK{Kq :“ lim ÐÝ AutpL{Kq KĂLĂK Puisqu’une extension finie L sur K purement inséparable s’obtient par adjonction de racines pn ième, AutpL{Kq est réduit à l’identité, donc le morphisme d’oubli des extensions non séparables GalpK{Kq ÝÑ GalpK sep {Kq est un isomorphisme. 4 J.-B. TEYSSIER qui est un isomorphisme si X admet un point rationnel. De là, on en déduit facilement que l’énoncé de Katz-Lang est prouvé s’il l’est après une extension galoisienne finie de K. 2.2. Réduction au cas où S est un point. — Le seul point délicat du lemme 2 est l’exactitude de π1 pXη , xq α / π1 pX, xq β / π1 pS, sq /0 (1) La connexité de X est nécessaire pour parler de π1 pX, xq et de même pour Xη . La normalité de X va permettre d’obtenir β ˝ α “ 0. Celle-ci découle immédiatement des propriétés de permanence habituelles pour un morphisme lisse [Gro71, II 3.1]. Quant à la connexité, on sait par hypothèse que f est plat de type fini de but localement noethérien, donc suivant [Gro71, IV 6.6], f est ouvert. Si U est un ouvert non vide de X, f pU q contient donc η et alors U rencontre Xη , et donc contient le point générique de Xη p4q . Par conséquent, deux ouverts non vides de X se rencontrent toujours, d’où la connexité de X. (2) Les diagrammes commutatifs Xη / Xη /η ! X /S donnent des morphismes 0 / π1 pXη , xq / π1 pXη , xq (2.2.1) π1 pXη , xq α / π1 pX, xq β / π1 pη, ηq /0 / π1 pS, sq /0 La ligne supérieure est la suite exacte fondamentale [Gro71, IX 6.1]. On en déduit immédiatement que β ˝ α “ 0. D’autre part, π1 pη, ηq ÝÑ π1 pS, sq est une surjection du fait de la description du π1 pour les schémas connexes normaux [Gro71, I 10.2]. On en déduit que β est une surjection. Montrons que Im α “ Ker β. D’après 1.3, il suffit de démontrer que si U est un sous-groupe normal ouvert de π1 pX, xq contenant Im α, alors U contient Ker β. Notons Y P EtX le revêtement étale de X associé à U . C’est un objet ponctué connexe de EtX . D’après [Gro71, V 6.4] et [Gro71, V 6.7], on doit montrer que si Yη P EtXη a une sectionp5q , alors Y provient d’un revêtement étale de S. Considérons Yη P EtXη . Puisque Y ÝÑ X est ouvert fini, c’est un morphisme surjectif, donc Y ÝÑ X ÝÑ S est surjectif. C’est aussi un morphisme ouvert, d’où on déduit que le point générique de Y est envoyé sur η. Donc Yη admet un point dense, et ainsi, Yη est connexe. Or par hypothèse, Yη admet une section, donc par p4q Qui existe car par changement de base, Xη est lisse sur η et connexe puisque Xη l’est. au sens galoisien qu’il faut comprendre ceci, mais l’objet final de EtXη est Xη lui-même. Il s’agit donc d’une section de Yη ÝÑ Xη au sens habituel. p5q C’est 5 LE THÉORÈME DE KATZ-LANG exactitude de la ligne supérieure de 2.2.1, Yη provient d’un revêtement étale de η ie Yη » Xη ˆη Spec L avec L{K extension séparable. Le diagramme commutatif Xη ˆη Spec L 9 % Xη η / Xη / η induit KpXη ˆη Spec Lq f u KpXη ˆη Spec Kq o O Xη O Ko K Si A est l’anneau des fonctions d’un ouvert non vide de Xη , alors KpXη ˆη Spec Kq “ FracpA bK Kq “ Frac A bK K “ F bK K et KpXη ˆη Spec Lq “ F bK L “ pF bK 1q ¨ p1 bK Lq Dans cette dernière égalité, le ¨ signifie la multiplication dans le corps de fonction de Xη . On en déduit que Yη est la normalisation de X dans F ¨ L vu comme sous-corps de KpXη q. Ceci étant observé, il y a un candidat naturel pour le revêtement de S : notons S 1 la normalisation de S dans L. Alors, en appliquant le point 1) à la flèche verticale gauche de /X X ˆS S 1 S1 /S on obtient que X ˆS S 1 est normal connexe. Or la flèche supérieure est finie, d’où on déduitp6q que X ˆS S 1 est la normalisation de X dans le corps de fonction de X ˆS S 1 . Or ce corps est F ¨ L ! Donc Y » X ˆS S 1 . Il reste donc à prouver que S 1 est étale sur S. Puisque X ÝÑ S est lisse surjectif et de type fini, c’est un morphisme f pqcp7q . p6q C’est une conséquence du théorème principal de Zariski [GD61, 4.4.9]. utilise une nouvelle fois la surjectivité de X ÝÑ S. Le fait que ce morphisme soit de type fini et pas seulement localement de type fini est crucial aussi. p7q On 6 J.-B. TEYSSIER Donc par descente f pqc, S 1 {S étale provient de ce que le diagramme commutatif Y / S1 X /S est cartésien et Y est étale sur X. (3) D’après 1.1.1, on peut passer le diagramme (2.2.1) à l’abélianisé tout en conservant l’exactitude de la seconde ligne. Une chasse au diagramme immédiate montre alors que le morphisme canonique KerpXη {ηq ÝÑ KerpX{Sq est surjectif. 3. La preuve Dans la suite, on supposera que K est de caractéristique p, le cas de caractéristique 0 se traitant de façon quasi similaire. 3.1. Dévissage. — On commence par utiliser les fibrations élémentaires d’Artin pour se ramener au cas d’une courbe lisse géométriquement connexe sur un corps. Si C en est une compactification lisse, on peut toujours supposer que D “ XzC est composé de points rationnels. On doit alors démontrer que pπ1 pXK , xqab qGalpK sep {Kq est fini. La théorie de Kummer fournit un isomorphisme π1 pXK , xqab » plimJD pKqrnsq ˆ pun pro-p groupq ÐÝ p.n où JD désigne la jacobienne généralisée de X pour le modulus Dp8q . Notons T‰p JD pKq pour limJD pKqrns. Le foncteur « oubli de trivialisation à l’infini » induit une suite ÐÝ p.n exacte de groupes algébriques 0 7D´1 / Gm / JD /J /0 Prenons-en les K-points. On obtient une suite exacte de groupes 0 / K ˆ7D´1 / JD pKq / JpKq /0 Soit ` un nombre premier distinct de p et n P Nˆ . Par application du foncteur HomAb pZ{`n , q, on obtient une suite exacte longue 0 p8q Il / U`n pKqˆ7D´1 / JD pKqr`n s / JpKqr`n s / Ext1 pZ{`n , K ˆ q7D´1 ¨ ¨ ¨ y aurait ici beaucoup de travail pour s’assurer que l’interprétation jacobienne fournit un isomorphisme de modules galoisiens et pas seulement un isomorphisme de groupes. 7 LE THÉORÈME DE KATZ-LANG `n ˆ En appliquant HomAb p , K q à la résolution projective 0 ÝÑ Z ÝÑ Z ÝÑ 0 de Z{`n , on obtient une identification ˆ Ext1 pZ{`n , K q » CokerpK ˆ p q` n ˆ ÝÑ K q » 0 On en déduit un système projectif de suites exactes courtes 0 / U`n pKqˆ7D´1 / JD pKqr`n s / JpKqr`n s /0 Le système projectif pU`n pKqqnPNˆ vérifiant la condition de Mittag-Leffler, on en déduit par limite projective une suite exacte courte de groupes. En considérant le produit de ces suites sur tous les ` ‰ p, on obtient une suite exacte courte de groupes 0 / T‰p JD pKq / T‰p Gm pKq / T‰p JpKq /0 D’où par prise des coinvariants une suite pT‰p Gm pKqqGalpK sep {Kq ÝÑ pT‰p pJD pKqqGalpK sep {Kq ÝÑ pT‰p JpKqqGalpK sep {Kq ÝÑ 0 exacte au niveau des 2ème et 3ème termes. On est donc ramené à démontrer la finitude des groupes pT‰p Gm pKqqGalpK sep {Kq et pT‰p JpKqqGalpK sep {Kq 3.2. Réduction au cas d’un corps fini. — Dans toute la suite, on se donne une variété abélienne A sur un corps K de caractéristique p et de type fini sur Fp . On va se concentrer sur la finitude du module pT‰p ApKqqGalpK sep {Kq , le cas de pT‰p Gm pKqqGalpK sep {Kq étant plus facile. On doit montrer qu’en dehors d’un nombre fini de nombres premiers `1 , . . . , `n distincts de p, le module pT` ApKqqGalpK sep {Kq est nul, et que pour k “ 1, . . . , n, le module pT`k ApKqqGalpK sep {Kq est fini. L’idée de Katz et Lang est de se ramener au cas où K est un corps fini en utilisant l’interprétation du module galoisien ApKqr`n s en terme de la fibre d’un revêtement étale sur A. Plongeons A dans un espace projectif et notons R la Z-algèbre de A engendrée par les coefficients des équations définissant A et les coefficients de la loi de groupe sur A. On en déduit un morphisme propre A ÝÑ Spec R de tiré en arrière à Spec K s’identifiant à A. Rajoutons à R les élémentsp9q d’une base de transcendance de K sur son corps premier et notons encore R l’anneau obtenup10q , et K 1 son corps de fraction. Alors K{K 1 est une extension algébrique. Notons R la clôture entière de R dans K. Il s’agit d’un anneau intègre de corps de fraction K. On a donc un diagramme cartésien p9q Ils Ao A Spec R o Spec K sont en nombre fini par hypothèse sur K. encore une Z-algèbre de type fini. p10q C’est 8 J.-B. TEYSSIER Quitte à se placer au-dessus d’un ouvertp11q de Spec R, on peut supposer que le morphisme A ÝÑ Spec R est lisse. Il s’agit donc d’un schéma abélien. Notons Ar`n s le noyau de la multiplication par `n sur A. C’est le schéma rendant cartésien le diagramme /A Ar`n s Spec R p /A e q` n Où e : Spec R ÝÑ A désigne la section "neutre de A". En particulier, Ar`n s est un revêtement étale de Spec R. Notons η “ Spec K le point générique de Spec R et η ÝÑ η le point géométrique au-dessus de η correspondant à K. Alors Lemme 3.2.1. — Si x P Spec R, et si x est un point géométrique au-dessus de x, on a une identification canonique de modules galoisiens Ar`n sx » Ax pκpxqqr`n s En appliquant 3.2.1 au point générique η de Spec R ainsi qu’à un point fermé Q, le choix d’un chemin de Q à η fournit une bijection équivariante AQ pκpQqqr`n s W (3.2.2) π1 pSpec R, Qq O / ApKqr`n s W „ „ / π1 pSpec R, ηq O GalpK sep {Kq GalpκpQq{κpQqq On en déduit une surjection de groupes abéliens pT` AQ pκpQqqGalpκpQq{κpQqq / / pT` AQ pκpQqq π1 pSpec R,Qq Or on a pT` AQ pκpQqqπ1 pSpec R,Qq » pT` ApKqqπ1 pSpec R,ηq “ pT` ApKqqGalpK sep {Kq et on est ramené au cas où K est un corps fini. p11q Un morphisme de type fini est lisse si et seulement s’il est plat et le faisceau des formes différentielles relatives est localement libre. Par théorème de platitude générique et argument de noethérianité, un tel ouvert existe. LE THÉORÈME DE KATZ-LANG 9 3.3. Cas d’un corps fini. — Soit k un corps fini de caractéristique p, soit q le cardinal de k et soit k une clôture algébrique de k. Notons F l’automorphisme de Frobenius x ÝÑ xq . Il s’agit d’un générateur topologique de Gk :“ Galpk{kq. Soit A une variété abélienne sur k. Alors T` “ T` Apkq est un Z` -module de rang 2 dim A. Lemme 3.3.1. — Le sous-espace E1 des éléments de T` Apkq de la forme x ´ F x est égal au sous-espace E2 des éléments de la forme x ´ gx, g P Gk . Démonstration. — On a déjà E1 Ă E2 . Puisque l’action de Gk est linéaire, les espaces E1 et E2 sont des sous-espaces vectoriels de T` Apkq. Ils sont donc en particulier fermés. Pour montrer 3.3.1, il suffit donc de montrer que E1 est dense dans E2 . Soit x P T` Apkq et g P Gk . Posons y “ x ´ gx. On dispose d’une suite d’entiers pni q telle que F ni ÝÑ g dans Gk . Si on pose y i “ x ´ F ni x “ nÿ i ´1 pF k x ´ F k`1 xq P E1 k“0 on a y ´ yi “ gx ´ F ni x ÝÑ 0 En particulier, on a |pT` qGk | “ |T` {pp1 ´ F qT` q| Cette égalité dit déjà que le groupe pT` qGk est fini. En effet, puisque A n’a qu’un nombre fini de points rationnels, l’action de F sur T` est sans point fixe. On en déduit que detp1 ´ F q ‰ 0 et alors il suffit d’appliquer la première partie de 4.3.1. On souhaite néanmoins un énoncé plus précis : il faut montrer que |T` {pp1 ´ F qT` q| est un singleton hormis pour un nombre fini de premiers `. Or d’après 4.3.1, la conjecture de Weil pour les variétés abéliennes donne |T` {pp1 ´ F qT` q| “ `v` pdetp1´F qq “ `v` p|Apkq|q et le théorème de Katz-Lang est démontré. 4. Sorites divers 4.1. Le morphisme de spécialisation. — La bijection (3.2.2) joue le rôle du transport parallèle pour les systèmes locaux en géométrie complexe. Elle n’est qu’une manifestation du fait que le morphisme de spécialisation est un isomorphisme pour les faisceaux représentables. Par souci d’exhaustivité (et aussi du fait de l’ignorance du rédacteur concernant la spécialisation), on détaille ici les rudiments concernant le morphisme de spécialisation. Soit X un schéma, x1 , x2 P X et x1 (resp. x2 ) un point géométrique localisé en x1 (resp. x2 ). Suivant [Gro72, VIII 7.3], on a le 10 J.-B. TEYSSIER Lemme 4.1.1. — Le morphisme de restriction / HomX px1 , X sh q x2 HomX pXxsh1 , Xxsh2 q est une bijection. Démonstration. — Notons Cpx2 q la catégorie des diagrammes de la forme >U (4.1.2) étale /X x2 Xxsh2 Alors par définition de et de la notion de colimite, on dispose d’un diagramme commutatif / HomX px1 , X sh q HomX pXxsh1 , Xxsh2 qs x2 o o lim HomX pXxsh1 , U q ÐÝ Cpx2 q / lim HomX px1 , U q ÐÝ Cpx2 q Pour U comme dans (4.1.2), on doit donc montrer que HomX pXxsh1 , U q (4.1.3) / HomX px1 , U q est une bijection. Or pour tout triplet de schémas X, Y, Z, on a une bijection canonique HomZ pX, Y q „ / HomX pX, X ˆZ Y q On en déduit un diagramme commutatif à flèches verticales bijectives / HomX px1 , U q HomX pXxsh1 , U q o Homx1 px1 , Ux1 q O o o HomXxsh pXxsh1 , U ˆX Xxsh1 q 1 / HomX sh px1 , U ˆX X sh q x1 x 1 On est donc ramené à montrer la bijectivité de (4.1.3) dans le cas où X “ Xxsh1 . Mais dans ce cas, le résultat est trivial. En effet, les revêtements étales finis de Xxsh1 sont triviaux, donc U est une réunion disjointe d’un nombre fini de copies de Xxsh1 . Par connexité de Xxsh1 , un élément de HomXxsh pXxsh1 , U q n’est alors ni plus ni moins 1 que le morphsime identité de Xxsh1 sur l’une de ces copies. Ceci étant compris, il est manifeste que (4.1.3) est une bijection. Remarque 4.1.4. — On observera que les morphismes entre Xxsh1 et Xxsh2 envisagés dans ce lemme ne sont pas nécessairement locaux ! ! LE THÉORÈME DE KATZ-LANG 11 Corollaire 4.1.5. — Dans les conditions précédentes, le membre de gauche de (4.1.1) est non vide si et seulement si x2 P tx1 u. Démonstration. — Considérons / Spec OX,x2 Xxsh2 /X Si le membre de gauche de (4.1.1) est non vide, alors on dispose d’un X-morphisme x1 ÝÑ Xxsh2 . Par composition, on obtient que x1 est dans l’image de Spec OX,x2 ÝÑ X, d’où le résultat. Supposons réciproquement que x2 P tx1 u. On dispose alors d’un relèvement canonique Spec OX,x2 : /X x1 d’où un morphisme canonique (4.1.6) / Spec OX,x2 f : x1 Soit g : U ÝÑ Spec OX,x2 un revêtement étale fini. On sait que Spec OX,x2 est connexe. Or g est à la fois ouverte et fermée, d’où on déduit que g est surjective. Soit u P U un point au-dessus f px1 q. Par hypothèse, l’extension κpf px1 qq Ă κpuq est séparable finie. On peut donc trouver un κpf px1 qq-plongement de κpuq dans κpx1 q, soit encore un diagramme commutatif κpuq O z κpx1 q o κpf px1 qq d’où on déduit un diagramme commutatif 9U x1 / Spec OX,x2 12 J.-B. TEYSSIER Par finitude de g, il n’existe qu’un nombre fini de tels diagrammes. Par conséquent, HomX px1 , Xxsh2 q peut s’écrire comme limite projectivep12q d’ensembles finis non vides. Par théorème de Tychonoff, on en déduit que HomX px1 , Xxsh2 q est non vide. On rappelle que si f : X ÝÑ Y est un morphisme de schémas, et F un faisceau sur le site étale de Y , alors f ˚ F est le faisceau associé au préfaisceau (4.1.7) / lim FpV q f ˚ F pre : U ÝÑ DpU q où la catégorie indexatrice DpU q est la catégorie des diagrammes commutatifs /V U étale X /Y étale Par définition, on a _ H 0 pU, f ˚ Fq “ limH 0 pU , f ˚ F pre q ÝÑ U où la limite court sur les recouvrements de U . Dans le cas du morphisme canonique Xxsh ÝÑ X, il y a pour U “ Xxsh un recouvrement plus fin que tous les autres, à savoir Xxsh lui-même. On en déduit que H 0 pXxsh , F|Xxsh q est aussi le H 0 pXxsh , q du préfaisceau (4.1.7), soit encore H 0 pXxsh , F|Xxsh q “ lim FpV q ÝÑ DpX sh q x D’après 4.1.1, le morphisme de restriction x ÝÑ Xxsh induit une équivalence de catégorie DpXxsh q » Cpxq. On en déduit que H 0 pXxsh , F|Xxsh q est exactement la fibre de F en x. Si x2 P tx1 u, alors (4.1.5) assure l’existence d’un morphisme de spécialisation Xxsh1 ÝÑ Xxsh2 , dont on déduit un morphisme H 0 pXxsh2 , F|Xxsh q 2 / H 0 pX sh , F|X sh q x1 x 1 qui par la discussion précédente n’est ni plus ni moins qu’un morphisme Fx2 (4.1.8) / Fx1 p12q Il est important ici que la catégorie indexatrice soit un ensemble pré-ordonné dirigé. La catégorie des diagrammes 9U x2 convient. étale fini / Spec OX,x2 LE THÉORÈME DE KATZ-LANG 13 On l’appelle morphisme de spécialisation. Il est du point de vue "fibre" donné par la procédure qui suit. Soit p(4.1.2), sq P Fx2 . Le diagramme (4.1.2) donne par (4.1.3) un diagramme >U étale /X Xxsh2 A l’aide de x1 ÝÑ Xxsh1 ÝÑ Xxsh2 , on en déduit un diagramme >U (4.1.9) étale /X x1 l’image de p(4.1.2), sq par le morphisme de spécialisation (4.1.8) est p(4.1.9), sq P Fx1 . 4.2. Fibre géométrique. — Considérons le diagramme cartésien /Y (4.2.1) Yx étale fini /X x où x est un point géométrique de X. Alors on a une bijection canonique Yx » HomX px, Y q En effet, Yx est en bijection avec les sections de Yx ÝÑ x, d’où par composition avec Yx ÝÑ Y une application (4.2.2) Yx ÝÑ HomX px, Y q Du fait qu’un morphisme étale fini est affine, sur un voisinage affine Spec B du point x de X en lequel x est localisé, (4.2.1) devient (4.2.3) A bO B k o AO ko B En particulier, la flèche supérieure de (4.2.3) est une surjection. On en déduit que (4.2.2) est une injection. C’est aussi une surjection par définition même du produit fibré. 4.3. Un petit lemme d’algèbre linéaire. — Notons v` la valuation de Z` . Lemme 4.3.1. — Soit E un Z` -module libre de rang fini et f : E ÝÑ E un morphisme linéaire. Alors, det f est non nul si et seulement si le cardinal |E{f pEq| de E{f pEq est fini, et alors on a |E{f pEq| “ `v` pdet f q 14 J.-B. TEYSSIER Démonstration. — En appliquant le théorème de la base adaptée au sous-espace f pEq de E, on peut se donner une base e “ e1 , . . . , en de E et des entiers `-adic d1 , . . . , dk , k ď n tels que f pEq “ Z` d1 ‘ ¨ ¨ ¨ ‘ Z` dk On en déduit (4.3.2) E{f pEq “ Zn´k ‘ Z` {Z` d1 ‘ ¨ ¨ ¨ ‘ Z` {Z` dk ` En particulier, E{f pEq est fini si et seulement si n “ k. Or si n “ k, l’extension de f à Q` bZ` E est un isomorphisme, donc son déterminant (qui est le même que celui de f ) est non nul. Si n ‰ k, l’image de Q` bZ` f est un sous-espace strict de Q` bZ` E, donc det f “ 0. D’où la première assertion de 4.3.1. On se place dans le cas où E{f pEq est fini. Alors d’après (4.3.2), on a v` p|E{f pEq|q “ v` pd1 q ` ¨ ¨ ¨ ` v` pdn q 2 Or on observe que e “ pf pe1 q, . . . , f pen qq est une famille génératrice de rang n de f pEq. Cela en est donc une base. Une autre base de f pEq est donnée par e1 “ pd1 e1 , . . . , dn en q. La matrice des coefficients de e2 dans e1 est donc de déterminant inversible dans Z` . La matrice des coefficients de e1 dans e est diagpd1 , . . . , dn q, et on en déduit det f “ d1 ¨ ¨ ¨ dn ˆ un inversible d’où v` pdet f q “ v` pd1 q ` ¨ ¨ ¨ ` v` pdn q et le lemme est prouvé. Références [GD61] A. Grothendieck and J. Dieudonné, Eléments de Géométrie Algébrique III, vol. 11, Publications Mathématiques de l’IHES, 1961. [Gro71] A. Grothendieck, Revêtements étales et groupe fondamental, Lecture Notes in Mathematics, vol. 263, Springer-Verlag, 1971. , Théorie des Topos et Cohomologie Etale des Schémas, Lecture Notes in [Gro72] Mathematics, vol. 270, Springer, 1972. [KL81] N. Katz and S. Lang, Finiteness theorems in geometric class field theory, L’Enseignement Math. 27 (1981). J.-B. Teyssier, Freie Universität Berlin, Mathematisches Institut, Arnimallee 3, 14195 Berlin, Germany ‚ E-mail : [email protected]