Les inhibiteurs de la protéase dans le traitement contre le virus de l’hépatite C : Mise à jour Chapitre 1 – La prise en charge de l’hépatite C : Lignes directrices révisées de l’Association canadienne pour l’étude du foie (ACEF) Éditeur : Morris Sherman M.D. B.Ch. Ph.D. FRCP(C) Professeur agrégé de médecine Novembre 2012 Université de Toronto La prise en charge de l’hépatite C : Lignes directrices révisées de l’Association canadienne pour l’étude du foie (ACEF) Robert P. Myers, M.D., M.Sc. Professeur agrégé, unité d’hépatologie Département de gastroentérologie Université de Calgary Objectifs : La prise en charge du virus de l’hépatite C (VHC) Passer en revue les recommandations révisées de l’ACEF en matière de prise en charge du VHC de génotype 1* Fardeau du VHC au Canada Évaluation avant le traitement Trithérapie comprenant le bocéprévir et le télaprévir Effets indésirables Interactions médicamenteuses Résistance aux antiviraux * Les recommandations concernant les génotypes autres que le génotype 1 figurant dans les lignes directrices de l’ACEF en matière de prise en charge du VHC de 2007 demeurent inchangées. Le fardeau du VHC au Canada Fardeau important sur les plans médical et économique Séroprévalence méconnue Population Prévalence Cas prévalents Proportion des cas 268 200 52 % 140 000 58 % 84 400 62 % 52 500 22 % 183 800 48 % 87 500 36 % Transfusés 3 325 700 0,8 % 25 900 11 % Hémophiles 2 200 40 % 900 0,4 % Autre 27 624 300 0,27 % 75 800 31 % Total 31 220 500 0,8 % 243 000 100 % Groupe à risque Utilisateurs de drogues injectables, total Utilisateurs actuels de drogues injectables Anciens utilisateurs de drogues injectables Remis, RS. ASPC 2007 Le fardeau du VHC au Canada Modèle d’incidence ~8 000 nouveaux cas par année (80 % chez des UDI) La proportion des cas diagnostiqués est mal définie (< 80 %) Les taux de complications liées au VHC augmentent Les ressources sont insuffisantes pour traiter tous les cas 900 Cirrhose 800 700 600 Cirrhose décompensée 500 400 CHC 300 Greffe 200 100 0 1967 1972 1977 1982 1987 1992 1997 2002 2007 2012 2017 2022 2027 Année Remis et al. ASPC 2007 Décès liés au foie p/r à l’absence de traitement (%) Pour changer les choses, on doit maximiser l’accès aux traitements antiviraux 100 90 Taux de RVS de 80 % Taux de RVS de 60 % Taux de RVS de 40 % 34 % ↓ 80 68 % ↓ 70 60 50 40 30 20 0 Actuel* 25 % 50 % 75 % 100 % Pourcentage de la population traitée * On suppose que 30 % des cas ont été diagnostiqués et que jusqu’à 25 % des patients ont été traités en 2010. Résultats en 2020. Davis GL et al. Gastroenterology 2010; 138(2):513-21 Le fardeau du VHC au Canada : Recommandations de l’ACEF On doit mener une enquête sérologique à grande échelle auprès de la population pour déterminer avec exactitude la prévalence de l’hépatite C au Canada. Le plan de l’étude doit inclure les populations présentant un risque élevé d’hépatite C, notamment les UDI et les immigrants provenant de pays où le virus est endémique. Il est nécessaire d’augmenter les ressources pour améliorer la capacité de traitement de l’hépatite C au Canada, notamment par la formation des spécialistes et le financement public du personnel infirmier. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Qui devrait être traité? Recommandations de l’ACEF Probabilité d’une réponse virologique soutenue (RVS) Préoccupations du patient au sujet de la transmission Présence de manifestations extrahépatiques Progression de la maladie à un stade avancé Facteurs à considérer avant d’instaurer un traitement Espérance de vie du patient Nouvelle option de traitement accessible Tolérance prévue Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Qui devrait être traité? Recommandations de l’ACEF Tous les patients atteints d’une infection chronique par le VHC, surtout ceux avec une fibrose du foie, doivent être considérés comme candidats à un traitement antiviral. Les patients présentant des manifestations extrahépatiques du VHC doivent être considérés pour un traitement antiviral. Des taux d’ALT normaux et stables n’excluent pas une atteinte hépatique significative, ni le besoin d’un traitement antiviral. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Évaluation avant le traitement : Une biopsie du foie est-elle vraiment nécessaire? Une certaine évaluation de la fibrose est nécessaire Pronostic Nécessité du traitement Dépistage du CHC et des varices Le seuil F2 est devenu moins important depuis l’homologation de traitements améliorés La biopsie n’est pas une technique parfaite Erreurs d’échantillonnage; variabilité dans l’interprétation des données pathologiques De nombreuses options non invasives peuvent remplacer la biopsie Bedossa P et al. Hepatology 2003; 38(6):1449-57 Évaluation avant le traitement : Analyses non invasives de la fibrose Analyse (Référence) Composantes Seuil F2 à F4 p/r à F0 à F1 Sensibilité/spécificité F2 à F4 p/r à F0 à F1 FibroScan (Castera, 2005) Raideur du foie par élastographie transitoire ≥ 7,1 kPa 67 % / 89 % APRI (Shaheen, 2007) AST/LSN x 100 Plaquettes ≥ 0,5 ≥ 0,7 ≥ 1,5 81 % / 50 % 84 % / 70 % 35 % / 91 % ≥ 0,58 56 % / 83 % ≥ 0,36 77 % / 73 % α2M, AH, GGT, bilirubine ≥ 0,50 89 % / 63 % α2M, HA, AST, plaquettes, temps de prothrombine (TP), urée ≥ 0,50 75 % / 78 % FibroTest (Poynard, 2004) FibroSpect II (Patel, 2004) Hepascore (Adams, 2005) FibroMeter (Leroy, 2005) α-2-macroglobuline (α2M), haptoglobine, apolipoprotéine-A1 (apo-A1), gammaglutamyl transférase (GGT), bilirubine α2M, acide hyaluronique (AH), inhibiteur tissulaire de la métalloprotéinase-1 (TIMP-1) Évaluation avant le traitement : Recommandations de l’ACEF Évaluation de la gravité de la maladie Tous les patients infectés par le VHC doivent subir une évaluation de la gravité de la fibrose du foie. Les méthodes d’évaluation acceptables incluent la biopsie du foie, l’élastographie transitoire (FibroScan) et les panels de biomarqueurs sériques (comme APRI, FibroTest ou FibroMeter); ces méthodes peuvent être utilisées seules ou en association. Autrement, on peut diagnostiquer la cirrhose avec certitude chez des patients présentant des données cliniques ou radiographiques évidentes. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Évaluation avant le traitement : Recommandations de l’ACEF Analyse virologique L’analyse de l’ARN et du génotype du VHC est essentielle à la prise en charge des patients atteints d’hépatite C chronique. Le dépistage de l’ARN du VHC doit être effectué au moyen d’un essai quantitatif sensible (limite inférieure de détection ≤ 10 à 15 UI/mL) ayant une plage dynamique étendue. Les résultats normalisés doivent être exprimés en UI/mL et être disponibles dans un maximum de 7 jours afin de faciliter la prise de décisions concernant la prise en charge de la maladie. Bien que les taux de réponse au traitement soient plus élevés chez les patients infectés par le génotype 1b comparativement au génotype 1a, l’analyse du sous-type de VHC n’est pas recommandée Cette situation pourrait changer dans le futur, lorsque de nouveaux AAD seront offerts Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Interleukine-28B (IL28B) Associé à la clairance virale ~50 % de variations ethniques des taux de RVS Le facteur prédictif prétraitement le plus fiable de la RVS, mais la réponse au traitement est un facteur plus important 100 p = 1,06 x 10-25 80 RVS (%) Polymorphismes mononucléotidiques (SNP) sur le chromosome 19 Code pour l’IFN-λ3 p = 2,06 x 10-3 p = 4,39 x 10-3 p = 1,37 x 10-28 Les nombres sur les barres représentent n 60 40 20 102 433 336 0 70 T/T T/C C/C 91 30 T/C C/C Euroaméricains Afroaméricains 14 35 26 T/C C/C Hispanoaméricains 186 559 392 T/C C/C Total Site polymorphe rs12979860 RVS (%) Sans RVS (%) Ge. Nature 2009. Suppiah. Nat Genet 2009. Tanaka. Nat Genet 2009. Thomas. Nature 2009. Évaluation avant le traitement : Recommandations de l’ACEF Génotypage de l’IL28B Le génotype de l’IL28B peut fournir de l’information précieuse sur la probabilité qu’un patient infecté par le virus de génotype 1 et n’ayant jamais reçu de traitement obtienne une RVS et que ce patient soit un candidat à un traitement de plus courte durée. Le rôle du génotypage de l’IL28B est limité chez les patients ayant déjà été traités et chez ceux infectés par un virus de génotype autre que 1 ou 4. La présence d’un génotype de l’IL28B moins favorable n’élimine pas la nécessité d’un traitement antiviral. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Traitement antiviral contre le VHC de génotype 1 : Recommandations de l’ACEF La trithérapie comprenant le peg-interféron (PEG-IFN), la ribavirine (RBV) et un inhibiteur de la protéase (le télaprévir ou le bocéprévir) constitue le nouveau traitement de référence pour les patients n’ayant jamais été traités ou ayant subi un échec au traitement. Le bocéprévir (à 800 mg toutes les 8 heures avec de la nourriture) est administré après une période de traitement initiale de 4 semaines par le PEG-IFN et la ribavirine. La durée du traitement dépend des caractéristiques du patient et de la réponse obtenue au traitement. Le télaprévir (à 750 mg toutes les 8 heures pris avec des aliments riches en lipides) doit être instauré en concomitance avec le PEG-IFN et la ribavirine et donné pour les 12 premières semaines de traitement. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Traitement axé sur la réponse (TAR) : Recommandations de l’ACEF Le TAR, la personnalisation de la durée du traitement selon la cinétique virale précoce, peut être utilisé dans certains sous-groupes de patients. Bocéprévir : Résultats négatifs au dépistage de l’ARN du VHC de la semaine 8 à la semaine 24 Télaprévir : Résultats négatifs au dépistage de l’ARN du VHC de la semaine 4 à la semaine 12 On a signalé des taux de RVS d’environ 90 % après 24 à 28 semaines de traitement chez les patients candidats au TAR. Les répondeurs partiels traités par le télaprévir, les patients présentant une cirrhose et les patients avec une réponse antérieure nulle ne doivent pas recevoir un TAR. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Observance du traitement antiviral : Recommandations de l’ACEF L’observance du traitement et des règles de futilité, ainsi qu’une surveillance étroite des médicaments concomitants et des effets secondaires sont particulièrement importants lorsqu’il s’agit d’un traitement incluant un inhibiteur de la protéase (IP). La prise en charge optimale de cette population doit être assurée par un professionnel de la santé expérimenté et ayant reçu une formation adéquate. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Règles de futilité : Recommandations de l’ACEF L’observance étroite des règles de futilité est cruciale afin de limiter l’exposition des patients qui ne présenteront pas une RVS aux effets secondaires potentiels de ces traitements coûteux et de réduire le risque de résistance aux antiviraux. Il faut arrêter de prendre tous les médicaments, y compris le PEG-IFN et la ribavirine, si les critères des règles de futilité sont remplis : Bocéprévir : ARN du VHC ≥ 100 UI/mL à la semaine 12 ou détectable à la semaine 24 Télaprévir ARN du VHC > 1 000 UI/mL à la semaine 4 ou 12, ou détectable à la semaine 24 Les mêmes règles de futilité s’appliquent aux patients n’ayant jamais été traités et à ceux ayant déjà reçu un traitement. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Les règles de futilité révèlent un échec au traitement même si la charge virale est réduite ARN du VHC (UI/mL) 107 1 800 000 106 Réduction de 99,9 % : continuer? 105 104 103 102 10 1 1 230 475 Si les critères des règles de futilité sont remplis, le taux d’ARN augmente! Cessez le traitement! Sem. 0 Sem. 1 Sem. 2 Sem. 3 Sem. 4 Diapositive utilisée avec l’autorisation du Dr. J. Feld. Événements indésirables liés aux inhibiteurs de la protéase (IP) Les traitements par des IP sont associés à un nombre plus élevé d’événements indésirables que la bithérapie par le PEG-IFN et la ribavirine Aucune donnée n’appuie d’interchanger un IP pour un autre pour maîtriser les effets toxiques Les principaux effets indésirables signalés diffèrent selon l’IP Bocéprévir : anémie (~50 %), dysgueusie (~40 %) Télaprévir : anémie (~40 %), éruption cutanée (~40 %), symptômes anorectaux (~30 %) Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Événements indésirables liés aux inhibiteurs de la protéase (IP) : Recommandations de l’ACEF Un traitement par un IP doit être pris en charge par du personnel expérimenté et les effets indésirables doivent être surveillés étroitement. Une surveillance étroite des taux d’hémoglobine est essentielle pendant un traitement antiviral contre le VHC, surtout pendant l’administration d’un IP. La prise en charge de l’anémie peut comprendre les stratégies suivantes : réduction de la dose de la ribavirine (première intention), transfusion de culots globulaires et/ou administration d’érythropoïétine. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Interactions médicamenteuses Le bocéprévir et le télaprévir sont des substrats et des inhibiteurs du CYP 3A4* Le CYP 3A4 métabolise de nombreux médicaments couramment utilisés Augmentations potentielles de la concentration des médicaments administrés en concomitance avec un IP Les médicaments qui activent le CYP 3A4 peuvent contribuer à réduire la concentration de l’IP (et donc à réduire l’efficacité du traitement antiviral) Diverses interactions médicamenteuses possibles avec un traitement comprenant un IP Agents antiarythmiques, anticoagulants, anticonvulsivants, antihistaminiques, antibactériens, antirétroviraux, statines, produits à base de plantes, immunosuppresseurs, contraceptifs oraux, inhibiteurs de la phosphodiestérase et certains agents sédatifs/hypnotiques * Les voies métaboliques mineures comprennent celles de la glycoprotéine P et de l’aldocétoréductase. Interactions médicamenteuses : Recommandations de l’ACEF Avant d’instaurer un traitement par un IP, on doit tenir compte des interactions médicamenteuses potentielles, y compris les interactions avec des produits pharmaceutiques sur ordonnance ou en vente libre et les préparations à base de plantes. Passez en revue les monographies de produit et les ressources en ligne pertinentes pour identifier les interactions médicamenteuses potentielles avant d’instaurer un traitement. http://www.hep-druginteractions.org/ http://medicine.iupui.edu/clinpharm/ddis/ Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Résistance aux antiviraux Variation du taux d’ARN du VHC p/r au départ (log10 UI/mL) Tous les variants résistants existent déjà Ils ne sont pas causés par les IP; ils sont démasqués par la pression sélective Ils révèlent une réponse inadéquate au traitement par le PEG-IFN et la ribavirine (RBV) Ils sont la cause principale (80 à 90 %) de la suppression virale incomplète, des percées ou des rechutes Fréquence du génotype 1a > 1b 1 0 L’association PEG-IFNa/ribavirine produit peu ou pas d’effet -1 -2 Type de VHC résistant -3 VHC de type sauvage, sensible -4 -5 Durée de l’étude Pawlotsky JM. Hepatology mai 2011; 53(5):1742-51 Résistance aux antiviraux : Recommandations de l’ACEF Afin de limiter le développement de la résistance aux IP, les patients qui remplissent les critères des règles de futilité, indiquant une probabilité élevée d’échec au traitement, doivent immédiatement arrêter le traitement. La dose de bocéprévir ou de télaprévir ne doit pas être réduite dans le but de prendre en charge des effets secondaires liés au traitement. Pour empêcher le développement d’une résistance, les IP doivent être arrêtés si le PEG-IFN ou la ribavirine est abandonné. Il n’est pas pertinent de dépister les variants résistants avant d’instaurer un traitement. Myers RP et al. Can J Gastro 2012; 26(6):359-75 Résumé : Lignes directrices de l’ACEF en matière de prise en charge du VHC On doit augmenter au maximum les nombres de diagnostics, d’orientations et de prescriptions d’agents antiviraux afin de réduire le fardeau du VHC au Canada. On doit réduire au minimum les barrières au traitement (p. ex., la nécessité d’une biopsie). De nouveaux traitements (le bocéprévir et le télaprévir) permettent d’obtenir des taux de RVS nettement supérieurs chez des patients infectés par le virus de génotype 1 (qu’ils aient déjà été traités ou non), mais ces traitements sont complexes et occasionnent des effets secondaires additionnels. La Fondation canadienne du foie tient à remercier les professionnels de la santé participants pour leurs contributions à ce projet et pour leur engagement à l’égard de la santé du foie des Canadiens. La Fondation canadienne du foie (FCF) a été le premier organisme dans le monde à avoir pour mission de fournir du soutien pour la recherche et l’éducation sur les causes, les méthodes diagnostiques, la prévention et les traitements de toute maladie du foie. Par l’entremise de ses sections, la FCF a pour objectif de promouvoir la santé du foie, de sensibiliser la population aux maladies du foie, de faire connaître ces maladies, d’amasser des fonds en vue de la recherche et d’apporter du soutien aux personnes aux prises avec une maladie du foie. Pour obtenir plus d’information, visitez le www.liver.ca ou téléphonez au 1-800-563-5483. Ce projet a pu être réalisé grâce au soutien financier de Merck Canada Inc. Les points de vue, l’information et les opinions contenus dans les présentes sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue et les opinions de Merck Canada Inc.