Le refus de soin

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Situation juridique spécifique
dans un service d’urgence :
Le refus de soin
Aurélien LANDIE, Hôpital Jacques PUEL, CH RODEZ
Les refus de soins au quotidien aux urgences…
Suite à un accident de la circulation, un patient inconscient
est transporté aux urgences.
Il présente une très importante hémorragie
et il doit être transfuser d’urgence.
Toutefois, vous trouvez sur le patient un document mentionnant :
« En ma qualité de témoin de Jéhovah, je refuse
formellement toute transfusion sanguine, et ce, même si ce
refus peut avoir des conséquences mortelles »
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Un patient présentant une grave fracture déplacée des
deux os de l’avant-bras doit subir une réduction sous
anesthésie générale programmée pour le lendemain matin.
Ne souhaitant pas rester hospitalisé, il vous demande de
quitter l’établissement pour y revenir le lendemain, mais
refuse par ailleurs de signer une attestation de sortie contre
avis médical.
Les parents d’un mineur de 14 ans refusent
qu’il subisse une appendicectomie
que vous estimez indispensable et
urgente compte tenu du risque de péritonite.
Des obligations contradictoires :
Obligation de soin
Bienfaisance
Art.9 et 36
Code Déontologie Médicale
Notion d’assistance
Droit du patient
Autonomie
Charte patient hospitalisé
Loi du 4 Mars 2002
Loi 22 Avril 2005
Respecter de la volonté
du patient
Le refus de soin des patients :
Le DROIT des patients de dire NON
et
Le DEVOIR des soignants de rechercher POURQUOI
Le refus de soin :
un mode d’expression pour le soigné,
un choc pour les soignants !
Le rôle de chacun est bouleversé :
• le patient ne l’est plus,
• il exprime à travers le NON une « souffrance »,
• le soignant ne sait plus comment le rester.
Le refus de traitement est pourtant
le corollaire du consentement aux soins
et nous devons nous y préparer !
Le droit du patient en quelques mots…
Code de déontologie
médicale
(mise à jour du 8 mai 2012)
Loi 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
Droit de recevoir des soins
Art. L. 1110-5. - Toute personne a, compte tenu de son état de santé et
de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir
les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont
l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité
sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de
Prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des
connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés
par rapport au bénéfice escompté.
Loi 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
Droit d’être informé
Art. L. 1111-2. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état
de santé. Cette information porte sur les différentes investigations,
traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur
urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves
normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres
solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou
actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne
concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la
retrouver.
Loi 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
Droit d’être informé
« Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de
ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont
applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser ».
« Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel ».
« La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou
d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un
risque de transmission ».
Loi 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
Devoir de décider
« Art. L. 1111-4. - Toute personne prend, avec le professionnel de santé et
compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les
décisions concernant sa santé »
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée
des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou
d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre
en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables »
Loi 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
Devoir de décider
« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le
consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être
retiré à tout moment »
« Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune
intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou
impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou
la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté »
Loi 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
Devoir de décider
« Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être
systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer
à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire
de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences
graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre
les soins indispensables »
« L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique
requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet
enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter
les droits des malades énoncés au présent titre »
Mais le refus de soin est ce que du droit ?
Pourquoi le patient dit il non ?
Problèmes d’information
Mécanisme de défense ou de révolte face à la maladie
Peur des effets indésirables, inutilité des traitements
Peur de l’inconnu
Problèmes de vécus antérieurs
De provoquer un vrai dialogue, de réclamer de l’attention
D’affirmer son pouvoir de décision dans l’opposition
De se protéger et de conserver son intégrité
Parfois d’avoir du répit
Les soignants et le refus de soin…
Le soignant doit être préparé…
- A décoder le signal d’alarme
- A décrypter ce qui s’y cache
- A ne pas accepter ce refus trop facilement
- A ne pas abandonner le patient
Il faut anticiper !
Comment éviter le refus de soin…
Dès l’accueil du patient
Instaurer un « climat de confiance » dans
nos services d’urgences
Action conjointe : des agents administratifs, de l’infirmier
d’accueil et d’orientation (I.A.O), de l’infirmier en box, du
médecin.
Prendre le temps d’informer le patient : avoir un temps
d’accueil pour chaque patient.
L’accueil du patient
Avoir un ou des locaux dédiés à l’accueil :
- excentré de l’accueil.
- individualisé (box d’examen).
Isoler de manière spatiale et temporelle le patient.
Elaboration d’un message privilégié soignant/soigné.
L’accueil du patient
L’arrivée du patient est un moment important pour lui et
pour l’IAO.
A travers ces premiers moments il reçoit l’impression de la
qualité de relation que lui réserve les soignants.
Cette impression reçue dans les premiers moments est
ensuite difficile à modifier.
L’accueil du patient
C’est à ce moment que se créer le partenariat de soins
avec le patient mais aussi avec la famille, les
accompagnants…
Les soignants doivent se présenter (badge !) et situer la
personne par rapport aux lieux physiques, aux habitudes
du service.
L’infirmière doit aussi « rassurer » le patient en lui faisant
savoir que, si nécessaire, elle ou quelqu’un d’autre, sont à
proximité.
Le contact visuel, les sourires, si ils sont appropriés sont
des éléments importants de communication.
Il faut observer l’expression faciale, le comportement du
patient.
Il est important d’éviter les réponses abruptes, montrant
agacement ou lassitude. Danger de l’abus d’autorité !
Il faut recueillir (écouter) ses plaintes
La communication est partout !
En cas de refus de soin
Faire reformuler l’objet du refus et ses motifs.
Vérifier la compréhension de l’information reçue et
réexpliquer si besoin.
S’assurer de l’aptitude du patient à décider.
Rechercher en priorité les symptômes majeurs non
soulagés.
La douleur !
En cas de refus de soin
- Proposer renouvellement de l’équipe soignante
- Faire intervenir un « tiers »
Notion de personne de confiance
(avec l’accord de la personne soigné !)
Autres personnes ressource : famille, ami, personnel
soignant (médecin traitant, infirmier à domicile…).
But :
Garantir une information comprise, en adéquation avec le
souhait du patient.
S’assurer de l’absence d’une mauvaise information.
Comment concilier refus de soin, soignants
et droit…
Le consentement éclairé aux soins et l’urgence
Mineurs
Majeurs
Majeur conscient
Majeur inconscient
Obligation de recueillir
son consentement
éclairé sauf urgence
vitale absolue
Dispense du recueil de
son consentement
éclairé (consentement
présumé) sauf urgence
différée
Obligation de consulter
les proches ou la
personne de confiance
Article 16-3 du CC ; article L 1111-2 du CSP ;
articles 35, 36 et 41 du CDM ;
arrêt du Conseil d’État du 5 janvier 2000 (Consorts Telle)
Mineur
Recueil
du consentement
des parents
• Un seul parent en
cas de soins bénins
• Les deux parents en
cas de soins graves
Mineur
souhaitant garder confidentiel son
état de santé (art. L 1111-5 CSP)
Recueil de son
consentement
personnel, mais le
médecin doit inciter le
mineur à consulter ses
parents ou une
personne de confiance
• En cas d’urgence
absolue, possibilité
de donner les soins
et d’informer
ultérieurement les
parents
Articles L 1111-4, L 1111-5 et R 1112-5 du CSP,
articles 36 et 42 du CDM
En cas de refus de soins : patient majeur
Le principe :
– Le médecin doit respecter un refus de soins exprimé
par une personne majeure en pleine possession de
ses moyens (article L 1111-4 alinéa 2 du CSP ; article
36 du CDM). Il doit alors l’informer des conséquences
de son choix.
En cas de refus de soins : patient majeur
L’exception :
Le médecin peut passer outre un refus de soins lorsque
plusieurs conditions cumulatives sont remplies :
1. Le risque vital absolu.
2. La nécessité absolue de mettre en œuvre les
soins pour sauver la vie du patient.
3. L’absence d’alternative thérapeutique.
4. La proportionnalité des soins.
(La jurisprudence est désormais constante sur ce point : CAA Paris, 9
juin 1998, 2 espèces (Donyoh et Senanayake) ; CE, 26 octobre 2001
(Senanayake) ; TA Toulouse, 2 juillet 2002 ; TA Lyon, 9 août 2002 ;
CE, 16 août 2002)
Refus de soin et « formalités »…
2005 :
Enquête téléphonique de pratique sur 22 centres en Picardie.
Concerne les comportements médico-légaux en urgence.
N. Dahmani et al, 2005
Existence d’un imprimé de refus de soin et de transports
en SMUR :
N. Dahmani et al, 2005
Spécificité de l’imprimé de refus de soin et de transports
en SMUR :
N. Dahmani et al, 2005
Existence d’un imprimé spécifique de refus de soin
au SAU :
N. Dahmani et al, 2005
Items retrouvés dans l’imprimé de refus de soin
au SAU :
N. Dahmani et al, 2005
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41
Pour conclure :
Le respect des choix du patient est capital et incontournable.
Mais respecter son refus de soin sans décrypter ce qui l’a
amené à dire non, serait l’abandonner !
Le refus est un signal d’alarme qui pousse le soignant dans
ses propres limites.
Il nous permet de nous remettre en question
Quelle que soit la décision prise
par le patient,
nous nous devons d’assurer
la continuité de sa prise en charge
et du constant soucis que l’on a
de son devenir
dans le respect de ses choix.
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