Echelles d’observation Itinéraire micro-social Dominique DESJEUX Professeur d’anthropologie sociale et culturelle à la Sorbonne (Paris 5) www.argonautes.fr 2004, Les sciences sociales, Que-sais-je?, PUF Présentation Mon métier est de faire collectivement avec une équipe de chercheurs des enquêtes de terrain qualitatives • • • en organisation sur la consommation sur l’environnement En France, aux USA, en Chine, en Europe (Danemark, Grande Bretagne, Espagne, Belgique, Portugal, Pologne, Allemagne, Suisse, Roumanie, Turquie; Italie), en Afrique (Maroc, Algérie, Congo, Madagascar, Centre Afrique, Niger, Cameroun, Sénégal, Burkina Faso) Domaines d’enquête Changement et innovations dans les organisations (NTIC) La mobilité urbaine liée aux services et à la consommation Usages et pratiques des objets et des espaces du quotidien (consommation) Environnement, énergie et déchets Analyse des décisions Dimensions interculturelles des innovations • C’est un métier de généraliste qui traite la société comme une agrégation de systèmes d’action La société comme un ensemble de systèmes d’action Disribution Méthode Suivre un objet Production Consommation Environnement, déchets Techniques de recueil de l’information Entretiens semi-directifs en face à face Observation des pratiques (ou reconstitution sur les lieux d’usage) Photos Animations de groupe Introduction Objectif : montrer que traiter la réalité en terme d’échelle permet de comprendre autrement les décisions, les processus d’innovation et la dimension culturelle Partir des échelles • Est habituel dans les sciences de la nature et • • de la vie qui vont du micro-scope au macroscope De même en géographie ou en économie C’est moins habituel en sociologie, en histoire ou en anthropologie, même si la question est présente implicitement, surtout depuis le milieu des années 90 Relativisme méthodologique, déconstruction et accumulation La réflexion sur les échelles s’inscrit dans une double dynamique intellectuelle • • Comment construire un outil intellectuel qui libère la pensée des écoles dogmatiques et des croyances tout en garantissant la validité des résultat: c’est le « relativisme méthodologique » Comment rechercher le vrai (et non la vérité) à partir d’un exercice de la raison critique (mais à partir d’une approche compréhensive et non d’une sociologie critique ou dénonciatrice) et d’une mobilisation de l’intelligence sensible qui reconnais sa place aux émotions : c’est la déconstruction sans cesse renouvelée du réel et des modèles interprétatif acquis dans un objectif cumulatif I - Les échelles d’observation Ce que l’on voit à une échelle disparaît à une autre. On en peut dire que ce que l’on ne voit pas n’existe pas comme les appartenances sociales Un phénomène social peut s’analyser à plusieurs échelles. Ex: • La domination (Macro-social) • Les relations de pouvoir (Meso et micro social) • L’autorité (micro individuel) Enjeu des échelles: comprendre ce qui structure les comportements humains Il n’y a pas de cause première ni une échelle plus explicative des autres. On est sur une échelle et les autres servent de contexte L’intérêt est de changer d’échelle pour voir d’autres aspects de la réalité L’observation est un processus discontinu Les découpages de la réalité sociale A chaque échelle le chercheur applique un ou plusieurs découpages • • Théorique: stratégique, identitaire/symbolique, culture matérielle Pratique: les usages, le sens ou l’intérêt, les normes sociales (prescrit, permis ou interdit) La réalité est toujours ambivalente: deux choses sont souvent contradictoires et vraies en même temps (structure et dynamique) • Les acteurs sont à la fois unique et des produits collectifs, ce que montrent les échelles Trois niveaux d’analyse anthropologique de la réalité sociale Le symbolique, l’imaginaire et les croyances Le social Le matériel • Enchantement par le positif ou le négatif • Les rituels • Différenciations sociales et distinction • Inclusion/exclusion • Coopération/tension • Les contraintes et les potentialités de l’action Les échelles d’observation : organisation et décision (1) Echelle s AuteurSt s Marx, Le capital Weber, Le savant et le politique Burnham, L’ére des organisateurs Djilas, La nouvelle classe dirigeante Bourdieu, La noblesse d’Etat d’Iribarne, La logique de l’honneur Acteurs, Actions Macro-sociologique Stratification sociale (classes), cohorte (générations), sexes, cultures Raisonnement souvent en corrélation et quantitatif La décision n’est pas observable Crozier, Le phénomène bureaucratique Reynaud, La règle du jeu, Sainsaulieu, Sociologie de l’organisation et de l’entreprise Friedberd, Le pouvoir et la règle Alter, L’innovation ordinaire Boudon, L’art de se persuader des idées douteuses Cahuc, La nouvelle microéconomie Kapferer, Les chemins de la persuasion Changeux, L’homme neuronal Lorentz, L’agressivité ou l’histoire naturelle du mal Microsociologique Processus de décision La décision comme interaction La décision est observable comme une construction sociale entre acteurs concrets Microindividuel Biologique Le réel est continu La décision est analysée comme un arbitrage rationnel ou une motivation individuelle La décision est la résultante d’un déterminisme biologique L’observation est discontinue Échelles d’observation (2) Échelle macro sociale • • Pas d’acteur individuel Vue générale • Echelle meso sociale • Système d’action et organisation Échelle d’observation (3) Échelle micro sociale • Interactions entre acteurs Échelle micro individuelle • • • Individu unique Psychisme et personnalité Situation de pratique individuelle mais qui peut être dans un contexte collectif (Internet, courses) L’échelle macro-sociale Celle des régularités statistiques, Celle des grandes appartenances sociales des macrocycles de vie : • Strates, générations, genres, cultures Celle de la fluidité des phénomènes sociaux • cf. la courbe en S de l’innovation : pionniers, innovateurs, majorité précoce, retardataires Celle des grands imaginaires (dynamique des imaginaires; les tendances): • • techno messianisme techno apocalyptique La courbe épidémiologique Des innovateus aux retardataires Retardataires Majorité tardive 1943, la courbe de diffusion du mâïs hybrid, Ryan and Gross (E. Rogers, 1962) Majorité précoce Adopteurs précoces Innovateurs L’échelle meso-sociale Celles des relations entre le gouvernement/l’administration, les groupes de pression/lobby de consommateurs et les entreprises pour le contrôle de la qualité, des prix et tarifs, de la santé/ sécurité (alimentation, mobiles, codes barres/RFID,…) C’est l’échelle des rugosités sociales L’échelle micro-sociale Celle des interactions stratégiques (intérêts et rapports de pouvoir) et émotionnelles entre acteurs Celle des « rugosités », des mouvements itératifs, des « résistances » vis à vis d’un processus d’innovation et de décision Celle des réseaux sociaux ( les innovations suivent en partie les « courbes de niveau » de la vie sociale) A une échelle micro-sociale La méthode des itinéraires: un outil pour comprendre la vie quotidienne et les diiférences culturelles; une méthode comparative A la maison, processus de décision déchets, restes Déplacement vers le lieu d’acquisition courses vol Recevoir un cadeau Utilisation Pratiques alimentaires Rangement à la maison (caché, montré, exposé) Préparation à l’usage, cuisine Echelle micro individuelle Les arbitrages et les calculs Les émotions Les normes sociales incorporées • C’est ce qui est le plus développé dans les conseils en management et surtout dans le marketing 2 Quelques enjeux Individualisme, liberté ou marge de manoeuvre Individuation, Individualisme et jeu sous contrainte Les échelles nous amènent à bien distinguer • individuation des pratiques • et individualisme qui relève des valeurs plus que • des pratiques sociales Et donc la relativité de la liberté et des formes du pouvoir Liberté et échelle d’observation Echelle Observation Macro-social Déterminisme Micro-social Marge de manœuvre Microindividuel Biologique Maximum de liberté Déterminisme Echelles et évolution des théories La sociologie des organisations est passée d’une échelle très macro-sociale à une échelle de plus en plus micro-sociale et cognitive Mais une échelle n’est pas plus vraie qu’une autre, ni plus précise, elle dépend du problème posé et de la nature de l’information recherchée Aujourd’hui on va même vers la «nanosociologie» • La mondialisation est-elle plus globale ou plus vraie que le bilan de compétence? Conclusion Les liens entre échelles d’actions sont ponctuels le plus souvent Mondialisation Espace urbain/organisation espace domestique consommateur Les quatre règles de l’approche par les échelles L’observation de la réalité est discontinue Une variable indépendante devient dépendante en changeant d’échelle Il n’y a pas de cause première C’est une approche inductive