Pr. O. JONQUET - DESC Réanimation Médicale

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Neuroréanimation :
aspects éthiques
Olivier Jonquet
Réanimation Médicale-Assistance Respiratoire
CMC Gui de Chauliac
34295 Montpellier Cedex 5
La Réanimation
• La réanimation est l’ensemble des moyens humains et matériels
destinés à prendre en charge chez une personne la défaillance
que l’on espère transitoire d’un ou plusieurs organes
• Situations
- accident aigu sur sujet sain et restitutio ad integrum
- accident aigu sur sujet sain ou affecté d’une maladie chronique
et nécessité, au décours, d’une assistance respiratoire totale ou
partielle voire d’une dialyse chronique
- accident aigu et évolution vers l’impasse thérapeutique
- évolution terminale d’une maladie chronique : « on sait qu’il va
mourir mais on n’y croit plus », « faites tout ce qu’il faut, mais
surtout qu’il ne souffre pas et…pas d’acharnement ! »
- adressé pour mourir en Réanimation
De quoi s’agit-il ?
• Neurovasculaire
• Traumatologie crâne et/ou rachis
• Maladies neuromusculaires
-acquises : Guillain-Barré
myasthénie
neuropathies de réanimation
SLA
-génétiques
• Accident aigu chez un sujet jusque là stable
-dément, Alzheimer
-état végétatif persistant
-IMC enfant ou adulte
• ………
Hémorragie cérébrale
• Fréquence : 10 à 20 cas/100000
croit avec l’âge>55 ans
hommes>femmes
>japonais et noirs
• Mortalité : 23 à 58%
• Facteurs prédictifs : -CGS<9
(Broderick, Stroke 1993)
volume de l’hématome>60 ml
=mortalité 90%
-CGS>9
volume de l’hématome<30ml
=mortalité 17%
Sclérose latérale amyotrophique
•
•
•
•
Survie moyenne passe de 2,4 ans à 4,1 ans
Décès d’origine respiratoire 84% (Mulder1976;Boman 1967)
Trachéotomie augmente la survie moyenne de 5 ans(Bach 1993)
La qualité de vie augmente avec la VNI(Lyall 2001)
MAIS!!!
•
•
•
Morcellement de la prise en charge
Malades adressés en Réanimation au cours d’un épisode aigu
Période de crise : changement d’équipe
annonce des mauvaises nouvelles
manque d’expérience
suivi respiratoire aléatoire
Etat végétatif persistant
« Après deux ou trois semaines, ceux (des comateux) qui
survivent commencent à ouvrir les yeux au début
uniquement en réaction à des stimuli douloureux ; ensuite
en réaction à des stimuli plus légers. Peu après,
surviennent des périodes où les yeux restent ouverts en
l’absence de toute stimulation extérieure ; à d’autres
périodes les patients semblent dormir. (…)
Lorsque les yeux sont ouverts, ils ne montrent aucun
signe d’attention. Bien que des mouvements oculaires
laissent parfois penser que les yeux accompagnent des
mouvements d’objets extérieurs, l’observation méticuleuse
de ce phénomène ne confirme pas cette interprétation
optimiste; Il semble qu’il s’agisse d’un éveil sans
conscience. »
Jennett B, Plum F. Persistant vegetative state after brain damage : a syndrom in
search of a name; Lancet 1972 ; 734-7
Etat végétatif persistant
ne pas confondre avec :
conscience Cycle V/S motricité respiration souffrance EEG
•
Coma
non
non
•
Locked-in
syndrome
oui
oui
oculo
moteurs
•
Mutisme
akinétique
oui
oui
pauvres
•
Démence
oui
oui
variable
•
Mort
cérébrale
non
non
abolie
mét.cérébral
+/-
non
δ/θ
oui
oui
normal
oui
oui
ralenti
non spéc
?
oui
oui
ralenti
non spéc
diminué
variable
non
plat
absent
abolie
non
(refl.spinaux)
diminué
quasi normal
Arrêts de soins ou de thérapeutiques
actives
•
Karen Ann Quinlan (1976) Arrêt de la Court Suprême du New
Jersey : jeune femme en état végétatif persistant
dépendante d’une ventilation mécanique
Un patient a le droit de refuser la ventilation mécanique; en cas
d’incapacité (état végétatif persistant,EVP), ses parents
peuvent se substituer au patient
La ventilation mécanique a été arrêtée
•
Nancy Cruzan après un accident de voiture en 1983 est en EVP
avec une autonomie respiratoire, dépend d’une alimentation par
sonde gastrique. Ses parents demandent l’arrêt de l’alimentation
1ère instance accepte
Court Suprême du Missouri rejette la demande(1988)
Les parents font appel à la Court Suprême des USA(1990)
•
Robert Wendland l’affaire dure de 1993 à 2001
Histoire
Hippocrate(Serment) : « je ne remettrai à personne du
poison si on m’en demande ni ne prendrai l’initiative d’une
pareille suggestion »
Suétone (Histoire des douze Césars) : mort d’Auguste « sa
mort fut douce telle qu’il l’avait désirée »
Thomas More (Utopia) : « …que c’est agir sagement que de
mettre fin par la mort à ce qui a cessé d’être un bien
pour devenir un mal. Ceux que ce discours persuade se
laissent mourir de faim, ou bien sont endormis et se
trouvent délivrés sans même avoir senti qu’ils meurent »
Francis Bacon (De euthanasia exteriore ; De dignitate et
augmentis scientarum ) initiateur des soins palliatifs
Au XIXième siècle : Darwin, Galton
Au XXième siècle :-Vacher de Lapouge, Ch Richet, A Carrel
-HT Engelhardt, P Singer
Plan
•
•
•
•
Principes
Définitions
Situations concrètes prises en charge
Articulation avec les principes selon la
vertu de prudence : disposition pratique
accompagnée de règle vraie concernant
ce qui est bon et mauvais pour l’homme
(Aristote : Ethique à Nicomaque)
Premier principe:le respect de la
vie
• « Je ne remettrai à personne du poison,si on m’en
demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille
suggestion »
Hippocrate (Serment)
• Respect du corps certes…
• Mais la vie physique n’exprime pas à elle seule ce qu’est la
personne qui est aussi esprit
• Respect : regard
respect de la vie≠respect devant la vie
couple Je-Tu…
NB : à lire : Soi même comme un autre ; Paul Ricoeur
Totalité et infini ; Emmanuel Levinas
Le Je et le Tu ; Martin Buber
Principe thérapeutique ou de totalité
• Le but du soin est le bien du patient…
• L’homme a une unité, il est un tout. Une
partie, un organe n’existe que pour le
tout. Le bien de la partie est subordonné
au bien de l’ensemble
• L’acte médical quel qu’il soit est un
quotient entre un bénéfice attendu et un
(ou des) effet(s) secondaire(s)
Définitions : euthanasie
-littéralement « la bonne mort »
-cinq attitudes entretiennent la confusion des esprits:
1-antalgiques à fortes doses avec risque d’accélérer le décès
2-limitation et/ou abstention de thérapeutiques actives
3-arrêt de thérapeutiques actives(interruption de ventilation
artificielle ou d’une épuration extra- rénale)
4-aide au suicide ou suicide assisté (suicide médicalement
assisté)
5-injection de produit(s) mortel(s)
-le malade :
1-est d’accord(volontaire)
2-ne sait pas ce qu’on lui fait(involontaire)
3-ne le veut pas
Définitions
-les trois premières attitudes partent du fait
.que l’affection en cause est à court terme fatale ou
que les conditions de vie futures sont mauvaises
.que le rôle de la médecine n’est pas
- de fixer l’heure de la mort
-mais de prendre soin d’une vie qui s’en va
-en d’autres termes de « renaturer »la
situation mais en calmant la douleur, l’inconfort et/ou la
souffrance
-les deux dernières
.ont les mêmes attendus MAIS
.fixent l’échéance
.en acceptant de donner la mort par l’injection d’un
produit létal ( potassium, cocktail lytique, curares)
Fin et moyens
• La moralité d’un acte ou son caractère
éthique est caractérisé par l’adéquation
entre le but recherché et le moyen
utilisé :la fin ne justifie pas les moyens
• Exemple classique:cancéreux en fin de vie
euthanasie ou morphine ?
EUTHANASIE
-Volonté directe et précise de donner la mort pour abréger
les souffrances de quelqu’un frappé d’une maladie mortelle
-Trois éléments:
1-volonté directe de donner la mort
2-motif d’abréger les souffrances réelles ou supposées
3-celui à qui on donne la mort est atteint d’une maladie
mortelle à court terme, un handicap jugé insupportable
soit par le malade, soit par l’entourage, soit par l’équipe
soignante ou l’un(e) de ses membres
-La fin (le but) se confond avec le moyen
-Irréversible
Acte à double effet
• L’acte n’est pas mauvais en lui même
• L’effet indirect mauvais n’est pas voulu même
s’il est envisagé
• L’effet indirect mauvais n’est pas le moyen
d’atteindre l’effet bon
• Le bienfait de l’effet bon voulu l’emporte sur la
nocivité de l’effet mauvais non voulu
• Il n’existe aucun autre acte permettant
d’atteindre l’effet bon voulu
Double effet/Euthanasie
• Pour certains la différence n’est pas d’ordre
éthique,elle est d’ordre technique
• En fait deux actes matériellement semblables
peuvent être éthiquement différent (variation
de dose d’un calmant) si les objets (buts) qu’ils
visent sont distincts
• Ceci indépendamment de ce que ressent l’équipe
soignante
Limitation et arrêt des thérapeutiques
actives
La limitation de thérapeutique(s) active(s) est définie par la non
instauration ou la non optimisation d’une ou plusieurs
thérapeutique(s) curative(s) ou de suppléance des défaillances
d’organes, dont la conséquence peut être d’avancer le moment
de la mort
L’arrêt de thérapeutique(s) active(s) est défini par l’arrêt d’une ou
plusieurs thérapeutique(s) curative(s) ou de suppléance des
défaillances d’organes déjà instituées, dont la conséquence peut
être d’avancer le moment de la mort
Les soins palliatifs associent l’ensemble des mesures permettant de
lutter contre l’inconfort, qu’il soit physique, émotionnel, spirituel
ou social
SRLF 2002 (www.srlf.org)
Acharnement thérapeutique
-Désigne les tentatives vaines de réanimation dans les cas
de coma dépassé(mort cérébrale)
-Extension : utilisation systématique de tous les moyens
pour retarder l’heure de la mort
-Connotation péjorative
-« Obstination déraisonnable »
-« Dans leur réalité profonde, l’euthanasie et l’acharnement
thérapeutique sont les règles d’une même tendance : dans
les deux cas, il s’agit d’éviter la confrontation directe
avec l’heure de la mort » (Kebers)
-N.B : .à l’initiative de qui? : famille et/ou medecins ?
.certains progrès n’en sont-ils pas la conséquence ?
Situations concrètes en situation de
handicap
-Maladie
héréditaire ou congénitale : myopathies, maladies
neuromusculaires, séquelles de réanimation néonatale,
infirme moteur cérébral…
-Maladies acquises : insuffisance respiratoire chronique,
insuffisance rénale
-Handicap conséquence d’un accident aigu : accident
vasculaire cérébral, traumatisme rachidien entraînant une
paraplégie ou une tétraplégie
-Malade : conscience /compétence/ autonomie /dépendance
-Entourage social et familial
-Assurer « le service après vente »
Situations concrètes
-A l’état « stable »: la demande d’euthanasie peut émaner du
patient et/ou de la famille voire de l’équipe
.ne pas prendre de faux fuyants
.accepter l’affrontement
.décrypter le message
.la dépression existe aussi chez la personne handicapée
.notion de contrat de limitation et/ou d’arrêt de
thérapeutiques actives en cas d’aggravation brutale
.contrat renégociable à tout moment
-En cas d’aggravation : .soins palliatif « pallium »
.limitations et ou arrêt de thérapeutiques
actives (≠arrêt des soins)
.possibilité de retour en arrière
Articulation (1)
• Premier principe, première éthique : être
compétent
• Autonomie doit être respectée autant
que faire se peut
• Information loyale, complète, adaptée,
répétée,reformulée,progressive
Articulation (2)
Liaison dans l’équipe avec le malade et les
siens : cohérence du discours
Le lien avec l’entourage est important mais
on soigne d’abord le malade, pas la
famille
Assurer « le service après vente »avec le
patient et l’entourage lorsque une aide à
domicile est décidée : s’assurer des
conditions de prise en charge
Articulation (3)
Dans toute décision de limitation ou d’arrêt de
thérapeutique(s) actives (#arrêt des soins)
-ne pas se précipiter
-ne pas agir seul
-le soin au patient va au delà de la technique
-l’euthanasie n’est pas un acte médical
-en droit elle reste un meurtre, un homicide
volontaire, un crime
•Articulation(4)
Respecter la vie n’est pas la prolonger à tout prix :
- « Le devoir de prendre les soins nécessaires pour
conserver la vie et la santé… n’oblige habituellement qu’à
l’emploi des moyens ordinaires ». Pie XII (1957)
- « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer
de soulager les souffrances de son malade, l’assister
moarlement et éviter toute obstination déraisonnable dans
les investigations ou la thérapeutique » Code de
déontologie Art 37 (1995)
- « Le prolongement artificiel de l’existence des
incurables et des mourants par l’utilisation de moyens
médicaux hors de proportion avec l’état du malade fait
peser une menace sur les droits fondamentaux… ». Conseil
de l’Europe (1999)
Mais on n’a pas à fixer des échéances
Le respect de la vie est le respect de la personne, respect
devant le mystère du vivant
Les enjeux
•
•
•
•
•
L’euthanasie est interdite par la loi et doit continuer à l’être
Même « d’exception » on sait ce que deviennent les lois d’exception
Si la mort fait partie de la vie elle n’a pas à être directement et
délibérément provoquée
La médecine n’est pas la prestataire de service d’une société qui ne sait
pas regarder la réalité : «nous savons que nous allons mourir mais nous
n’y croyons pas »
La dépénalisation .mettrait à bas le travail fantastique des unités de
soins palliatifs
.ne supprimerait pas les euthanasies clandestines
.pervertirait la compassion
.transgresserait un tabou fondateur : « tu ne tueras
point »
.supprimerait définitivement la confiance en une
médecine qui aurait, dès lors, l’ambiguïté de l’Apollon mythologique
Les ambiguïtés
1- La situation éthique et juridique de l’euthanasie et de
ses dérivés, suicide assisté ou médicalement assisté est
claire
2-Il n’en est pas de même pour les limitations et/ou arrêt
des thérapeutiques actives qui, en droit, pourraient être
assimilées à :
-une non assistance à personne en danger
-voire à un homicide volontaire avec préméditation
3-La clarté sur les intentions est fondamentale et justifie,
au plan éthique le double effet, les limitations et arrêts de
thérapeutiques actives
4-Les modalités de réalisation ne doivent pas être
ambiguës et être,de fait,des euthanasies déguisées :
extubations réalisées sous sédation et/ou curares… ; une
variation de doses transformant la morphine en cocktail lytique…
Conclusion
Le moraliste est un amateur difficile. Il lui faut
des combats et même des chutes. Une morale
sans déchirements,sans périls,sans troubles,sans
remords,sans nausées,cela n’a pas de saveur.
Le désagréable, le tourment, le labeur, le vent
contraire, sont essentiels à la vie de cet art.
Le mérite importe, et non la conformité seule.
(…)
Rien n’est simple. Il y a cependant une certaine
pente marquée par les instincts et les
besoins…..
Paul Valéry (Tel Quel 1)
Conclusion
« Qu’importe le parfum, l’habit ou la toilette?
Qui fait le dégoûté montre qu’il se croit beau »
Charles Baudelaire. Les fleurs de mal
« C’est donc quand je ne suis plus rien, que je
deviens vraiment un homme »
Sophocle.Œdipe à Colone
« Qu’est ce que je veux faire ? Une espèce
d’éthique agissante, une po-éthique »
Boris Vian
ASPECTS ETHIQUES
Olivier JONQUET
Réanimation Médicale Assistance
Respiratoire
Montpellier
Liberté et responsabilité
• Malade et médecin sont deux êtres libres et
responsables
• Le malade est un sujet ,pas un objet,il est traité
comme une fin en soi
• Son consentement aux soins est nécessaire bien
que souvent implicite .Il ne peut subir un
traitement contre son gré
• Clause de conscience médicale
Solidarité/subsidiarité
• Valable d’un point de vue général d’homme
à homme
• L’état a de son côté le devoir d’assurer les
besoins essentiels des plus démunis
• L’état ne doit pas se substituer à la libre
initiative des citoyens ou des collectivités
(subsidiarité)
ANGLO-SAXONS
Bienfaisance
Autonomie
Justice
C’est une éthique de nature contractuelle
SITUATIONS
Accident aigu et retour à l’état antérieur
Accident aigu sur un état antérieurement sain ou une
maladie chronique avec récupération partielle
nécessitant une aide à domicile
Accident aigu et évolution vers une impasse
thérapeutique
Evolution terminale d’une maladie (cancer,SIDA,
I Resp chronique,SLA, Alzheimer)
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