Les Complétives

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Les Complétives
La phrase complexe
La subordination
Qu’est-ce qu’une complétive ?

Jusqu’à présent, en parlant de la sous-catégorisation, nous
n’avons étudié que des compléments réalisés sous forme de SN
ou de SP (éventuellement SA ou Sadv).

Or, un complément sélectionné peut aussi avoir une réalisation
phrastique :
Marc croit que le Père Noël existe
Le gouvernement prétend qu’il tiendra ses promesses
Pierre veut que son père lui offre une moto
Jean affirme que le soleil se lève à l’ouest
(Exemple)
Qu’est-ce qu’une complétive ?

Les complétives sont des sujets ou des compléments souscatégorisés ayant une réalisation phrastique.

Les complétives alternent généralement avec un SN ou un
SP.
1.
a. Anne souhaite que Jean parte
b. Anne souhaite le départ de Jean
2.
a. Je me souviens que Marie était présente
b. Je me souviens de la présence de Marie
Qu’est-ce qu’une complétive ?

Une complétive est donc une phrase, ayant la fonction sujet
ou complément, enchâssée dans une autre phrase : c’est une
phrase subordonnée.

Une phrase comportant une complétive est par conséquent
une phrase complexe.

Définition (approximative) de la phrase complexe : une phrase
complexe est une phrase contenant plus d’un verbe conjugué.

Nous reviendrons plus tard sur cette définition qui doit être
affinée à cause de l’existence des propositions dites
« infinitives » et « participiales ».
Les complétives
La Subordination

Les complétives apparaissent en position de complément de
verbe, de nom, d’adjectif, de préposition et d’adverbe.

En français, elles sont introduites par élément subordonnant,
traditionnellement appelé conjonction de subordination.

Nous nous nous intéresserons tout d’abord aux complétives
introduites par la conjonction que.

Les grammaires énumèrent généralement plusieurs « classes
de complétives ».
Les complétives
La classification des grammaires

1.
2.
3.

La Grammaire méthodique du français (Riegel, Rioul, Pelat) :
Les complétives introduites par que (dites « conjonctives »)
Marie ignore que Jean est parti
Les constructions infinitives
Marie voit Jean partir rapidement (Proposition infinitive)
Marie veut partir rapidement
Les constructions interrogatives (dites « interrogatives
indirectes »)
Marie se demande si Jean est parti (int. totale)
Marie se demande quand Jean est parti (Int. partielle)
En effet, dans tous ces cas, le complément d’objet du verbe
de la principale est réalisé non pas comme un SN , mais
comme une phrase ou une proposition infinitive.
Les complétives
La classification des grammaires
La classe (1) (i.e. conjonctives) se distingue de la classe (2) (i.e.
infinitives) par le fait que le verbe de la subordonnée est à un
temps fini (v. tensé) dans le premier cas, et à l’infinitif, dans le
second.
1. a. Marie promet à Jean qu’elle viendra rapidement
b. Marie promet à Jean de venir rapidement

2. a. Marie a demandé à Jean qu’il prépare une tarte
b. Marie a demandé à Jean de préparer une tarte

Les subordonnées infinitives seront abordées après les
complétives introduites par que. Nous verrons s’il est justifié de
les analyser comme des phrases et quelle représentation
syntaxique leur associer.
Les complétives
La classification des grammaires

La classe (3) (i.e. interrogatives indirectes) se distingue de la
classe (1) (i.e. les conjonctives) par le fait que la subordonnée,
si elle était indépendante, serait une phrase interrogative.

Le choix de l’élément introduisant la subordonnée est déterminé
par ce facteur : la conjonction que ne peut pas être utilisée.

Lorsque la subordonnée exprime une interrogation totale, elle
est introduite par si.
Est-elle partie ?
Je me demande si elle est partie
Les complétives
La classification des grammaires

Lorsque la subordonnée exprime une interrogation partielle,
aucune conjonction n’est utilisée :
1. a. Qui viendra
b. Je me demande qui viendra
2. a. A qui Marie a-t-elle raconté cette histoire ?
b. Je me demande à qui Marie a raconté cette histoire

Les interrogatives indirectes seront étudiées lors de l’étude des
phrases interrogatives.
I. Complétives introduites par QUE
Compléments et sujets de verbe

Les complétives compléments de verbe sont largement
évoquées dans les grammaires. Très souvent le terme
« complétive » désigne implicitement un complément de verbe :
Marie espère qu’il y aura de la neige à Noël

Il existe toutefois les complétives sujets :
Que Marie ne soit pas venue ennuie tout le monde
Que Jean soit si naïf déçoit Marie

Et certains verbes admettent des complétives en position sujet
et objet :
Que Marie ait parlé ainsi prouve qu’elle n’a pas changé
I. Complétives compléments de verbe
Le mode du verbe de la complétive

Lorsque la complétive est un complément de verbe, le mode du verbe
est généralement imposé par le verbe dont dépend la complétive (i.e.
le verbe de la principale).

Un verbe peut imposer le mode subjonctif ou indicatif au verbe de son
complément complétive :
a. Subjonctif
Je veux que Marie parte
* Je veux que Marie part
b. Indicatif
J’espère que Marie viendra
* J’espère que Marie vienne
Complétives compléments de verbe
Le mode du verbe de la complétive

Il arrive toutefois que le mode du verbe soit libre :
1.
a. Je ne crois pas que Marie viendra
b. Je ne crois pas que Marie vienne

Certains verbes imposent des modes différents au verbe de
leur complément complétive selon le sens envisagé :
2.
a. Je dis que Marie viendra
b. Je dis que Marie vienne
Complétives compléments de verbe
Le mode du verbe de la complétive

Un certain nombre de verbes normalement construits avec l’indicatif
admettent le subjonctif lorsqu’ils sont à la forme négative et vice
versa :
1.
a. Je crois qu’il viendra
b. Je ne crois pas qu’il vienne
2.
a. Je doute qu’il vienne
b. Je ne doute pas qu’il viendra
N.B. Les complétives sujets sont régulièrement au subjonctif :
Que Marie soit heureuse remplit Eve de joie
Qu’il vienne à l’heure l’étonnerait beaucoup
Complétives introduites par
à ce que / de ce que

Les complétives compléments du verbe peuvent être introduites
directement par que ou par une préposition suivie de ce suivi de
que :
Il tenait à ce que je vérifie l’identité de chacun
Les voisins de Jean se plaignent de ce qu’il fait trop de bruit

Les verbes tenir et plaindre se construisent avec un
complément prépositionnel :
Il tient à la vérification de l’identité de chacun
Les voisins de Jean se plaignent du bruit
Complétives introduites par
à ce que / de ce que

Or les prépositions à et de ne prennent pas comme
compléments phrastiques à verbe tensé (i.e. un verbe marqué
pour le temps ; l’infinitif et le participe ne sont pas tensés) :
* Luc tient à que Marie soit là
* Les voisins se plaignent de que Luc fait du bruit

Il y a donc conflit entre la préposition, qui exclut un
complément complétive, et le verbe qui sélectionne
sémantiquement un complément avec un contenu
propositionnel :
Luc fait du bruit.
Les voisins se plaignent de cela.
Le pronom démonstratif cela reprend la phrase (1).
1.
2.

Complétives introduites par
à ce que / de ce que

On peut d’ailleurs faire suivre cela d’une complétive introduite
par que :
Les voisins se plaignent de cela, que Luc fasse du bruit.
 Les voisins se plaignent de ce que Luc fasse du bruit.

L’insertion de ce, qui est une forme pronominale (donc
nominale) permet de résoudre le conflit : syntaxiquement, la
complétive est dépendant de ce, alors que sémantiquement,
elle est sélectionnée par le verbe.
Complétives compléments
de nom

Certains noms, appelés « noms opérateurs », admettent
également un complément complétive :
1.
2.
J’ai la certitude que Marie viendra
L’idée que Marie lui ment en permanence tourmente Jean
La nouvelle que l‘équipe française avait été battue a
démoralisé les supporters.
J’ai la preuve que l’accusé est innocent
3.
4.

Comme pour les verbes, la complétive est introduite par la
conjonction que.
Complétives
Compléments d’adjectif

De même, il existe des adjectifs qui se construisent avec une
complétive :
1.
Luc est certain que Pierre ment
Tout le monde est content que Jean soit parti
Marie est fière que sa fille ait réussie
Je suis triste que vous soyez dans cet état
2.
3.
4.
Complétives
Compléments de préposition

Enfin, certaines prépositions peuvent se construire avec un
complément complétive :
1. Max fait des efforts pour que les choses avancent
2. Marie partira avant que Jean arrive
3. Marie partira sans que Jean s’en rende compte
N.B. Cette analyse va à l’encontre de l’analyse grammaticale
traditionnelle, qui considèrent les séquences pour que et avant
que comme des locutions conjonctives. Nous verrons plus tard
quels sont les arguments pour l’analyse que nous proposons ici.
Représentation syntaxique des complétives
La position Complémenteur

Comme nous l’avons vu, toutes les complétives (conjonctives) à
verbe tensé sont introduite par la conjonction que.

La séquence qui suit le conjonction que a la structure d’une
phrase.

Il nous faut donc introduire un nouveau constituant, formé d’une
position remplie par le subordonnant, qu’on appellera
Complémenteur, suivie d’une phrase.

On pourrait penser que ce constituant est une projection de P
(Phrase), P’, et que la conjonction que se trouve en position de
Spécifieur.
Représentation syntaxique des complétives
La position Complémenteur

Cette analyse correspond à la règle de réécriture (a) et est
représentée par l’arbre (b) :
(a)
P’  Comp P
(b)
P’
Comp

P
Toutefois, telle quelle, elle ne satisfait pas aux exigences du
schéma X-barre. En outre, elle est difficilement justifiable.
Représentation syntaxique des complétives
La position Complémenteur

Dans l’analyse que nous venons de voir, la catégorie P (Phrase)
serait la tête du constituant P’ (et donc P’’).

P n’est pas une catégorie lexicale, c’est un syntagme. Or,
d’après le schéma X-barre, la tête d’un syntagme doit être une
catégorie lexicale.

Comp (Complémenteur), en revanche, est une catégorie
lexicale. Il est donc possible de supposer qu’il constitue la tête
du syntagme.

Il existe donc une autre possibilité d’analyse.
Représentation syntaxique des complétives
Un nouveau constituant : C’’

Nouvelle hypothèse d’analyse : le Complémenteur (C) est la
tête du syntagme et la phrase (P) est le complément du
complémenteur.

On obtiendra par conséquent le schéma suivant :
C’’
(c)
C’
?
C
P
Représentation syntaxique des complétives
Un nouveau constituant : C’’

Cette analyse est conforme au schéma X-barre (Reste à savoir
quel élément remplit la position Spéc, mais nous aborderons
cette question ultérieurement).

Mais sa conformité au schéma X-barre ne constitue pas une
raison suffisante pour adopter cette analyse. Il faut se demander
s’il existe des faits indépendants qui la justifieraient.

Il existe un argument important en faveur de cette analyse :
c’est le complémenteur qui détermine le « type » de la phrase
subordonnée.
Représentation syntaxique des complétives
Un nouveau constituant : C’’
1.
Comparez les deux phrases suivantes :
a. Marie ignore que Jean est parti
b. Marie ignore si Jean est parti

Ces deux phrases ne s’interprètent pas de la même façon.

Dans la première, le verbe ignorer est un « factuel » : le
contenu propositionnel de la complétive est présupposée :
P1 : Jean est parti
P2 : Marie ignore cela
 P2 = Marie ignore que P1
La subordonnée est à la baseune phrase assertive.


Représentation syntaxique des complétives
Un nouveau constituant : C’’

Dans la seconde phrase, en revanche, le contenu propositionnel
de la complétive n’est pas asserté :
Marie ignore si Jean est parti ou non

C’est pour cette raison que les grammaires analysent la
complétive dans la phrase (b) comme une interrogative
indirecte.Il serait en fait plus exact de dire qu’il s’agit d’une non
assertion.

Or, les phrases (a) et (b) se distinguent seulement par l’élément
qui introduit la subordonnée, que et si respectivement.

C’est donc le choix du Complémenteur qui détermine la
modalité énonciative associée à la complétive,
Représentation syntaxique des complétives
Un nouveau constituant : C’’

Il s’agit là d’un argument important en faveur de l’analyse du
Complémenteur comme une tête de constituant.

Cela implique que la phrase introduite par la conjonction de
subordination en est le complément.

Cela expliquerait l’agrammaticalité de la phrase suivante :
* Marie se demande que Jean est venu

A la différence d’ignorer, se demander sélectionne seulement
« une interrogative indirect », mais étant donné que c’est le
Complémenteur (i.e. conjonction) qui détermine cette valeur, on
peut dire que se demander sélectionne le Complémenteur (i.e.
conjonction) si et non que.
Représentation syntaxique des complétives
Récapitulation

L’analyse syntaxique des complétives nous a amenés à
introduire un nouveau constituant, le Syntagme Complémenteur
(noté C’’).

La tête de ce syntagme est le Complémenteur ; cette tête
sélectionne une phrase comme complément.

Pour le moment, nous ne savons pas quels sont les éléments
susceptibles d’apparaître en position Spec de ce syntagme.
Nous aborderons cette question lors de l’étude des
interrogatives indirectes partielles.
Représentation syntaxique des complétives
Exemples

(1)
L’analyse de la complétive :
Marie sait que Luc est parti
P
(2)
V’’
N’’
V’
C’’
V
C’
C
que
P
Luc est parti
Représentation syntaxique des complétives
Exemples
(2)
Que Marie soit absente déçoit ses amis
P
C’’
V’’
C’
V’
C
que
P
Marie soit absente
V
déçoit
N’’
ses amis
Représentation syntaxique des complétives
Exemples
(3) Les enfants sont contents que Pierre soit venu
P
V’’
N’’
V’
A’’
V
A’
A
Les enfants
C’’
sont contents que Pierre soit venu
Représentation syntaxique des complétives
Les interrogatives indirectes
Interrogation totale

On parle d’interrogation totale, lorsque la réponse à la question
est oui ou non.

Dans une phrase indépendante, l’interrogation totale est
marquée par :
- Une intonation montante sur le finale de la phrase.
- Eventuellement, l’inversion du sujet.
As-tu vu Marie ?
- Evnetuellement, l’apparition de la séquence est-ce que en tête
de phrase.
Est-ce que tu as vu Marie ?
Représentation syntaxique des complétives
Les interrogatives indirectes
Interrogation totale

Lorsqu’une interrogative totale se réalise comme un
complément complétive, aucune des trois caractéristiques que
non venons d’énumérer n’est préservée.

L’interprétation interrogative va être exprimée par la présence
de si dans la position de Complémenteur.

On peut donc adopter la même représentation que pour les
complétives introduites par que.

Nous aborderons les subordonnées interrogatives partielles
après avoir étudié les interrogatives partielles indépendantes.
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