COPYRIGHT Varicelle chez l’adulte 22 1. Introduction | Pathogenèse1-4 Epidémiologie ——Dans les régions tempérées, plus de 90 % de la population est infectée avant l’adolescence. L’incidence annuelle est d’environ 15 cas par 1000 habitants, avec des variations liées à des épidémies qui surgissent tous les 2 à 5 ans. ——Dans les régions tropicales, seuls 30 à 60 % des jeunes adultes ont des anticorps, rendant le risque de primo-infection plus grand à cet âge, en particulier lors de migrations dans des régions tempérées. ——La varicelle est très contagieuse : 90 % des personnes non immunisées et exposées vont développer la maladie. ——Les personnes ayant déjà eu la varicelle sont immunisées, mais l’infection, devenue latente, peut se réactiver des années plus tard sous la forme d’un zona. ——Une éruption varicelleuse chez une personne ayant déjà eu la varicelle est rare mais peut exister. Cette atteinte secondaire s’accompagne rarement de complications. ——Chez l’adulte, on estime le taux de décès à environ 1 sujet sur 1000 infectés (taux 24 à 40 fois supérieur à celui de l’enfant). Lors d’une grossesse, ce risque serait multiplié par 5. Maladies infectieuses 289 Pathogenèse ——L’infection se transmet par des gouttelettes respiratoires et par le contact direct avec les lésions vésiculaires cutanées pendant les 5 à 7 jours suivant leur apparition chez la personne source. Le patient devient contagieux 1 à 2 jours avant l’apparition des lésions cutanées. Les habits et les draps peuvent être hautement contagieux. La période de contagiosité se termine une fois que toutes les lésions sont devenues croûteuses. ——La contagiosité peut durer plusieurs semaines chez les sujets immunodéprimés. Séquence temporelle ——La séquence temporelle de l’infection est la suivante : Période d’incubation J0 J4 J6 contaenvahismination sement ganglionnaire Contagiosité J12 J14 apparition des lésions cutanées Latence J21 zona (incidence augmentée après 50 ans) 2. Définition | Classification1-2 Définition ——La varicelle est un syndrome clinique dû à une infection (le plus souvent une primo-infection) au virus varicella-zoster virus (VZV, ou encore virus varicelle-zona). ——Le zona est une réactivation de la forme latente du même virus. Présentation clinique de la varicelle ——La varicelle se caractérise par des symptômes généraux précédant de 24 heures une éruption cutanée prurigineuse centrifuge et une atteinte des muqueuses. 290 22. Varicelle chez l’adulte ——Les symptômes généraux sont : fièvre, malaise, léthargie, céphalées, baisse de l’appétit. ——Les caractéristiques des signes cutanés (cf. ci-dessous) sont : ‒‒un exanthème initialement maculeux devenant papulaire puis vésiculaire avant l’apparition des premières croûtes (déjà 24 à 48 h après le début de l’exanthème et jusqu’à 1 à 2 semaines après) ; ‒‒un rash polymorphe constitué de lésions d’âges différents, siégeant initialement sur la face (y compris le cuir chevelu) et le tronc, puis sur les membres ; ‒‒la présence fréquente de zones d’hypopigmentation à la disparition des croûtes, pouvant perdurer pendant plusieurs mois ; ‒‒la présence de lésions de grattage traduisant le prurit, pouvant laisser des cicatrices permanentes. Stade vésiculaire des lésions Distribution tronculaire Lésions polymorphes Petit Rouvé, CEMCAV-CHUV. 2004 Centers for Disease Control and Prevention Centers for Disease Control and Prevention ——Il existe parfois des lésions muqueuses : conjonctives, oro­pharynx, uro-génitales. ——Chez un enfant de mère ayant eu la varicelle durant les 28 premières semaines de grossesse, il y a un risque de syndrome congénital varicelleux : atteinte cutanée, oculaire, cérébrale et de développement des membres, associée à un retard mental. ——Durant la période de l’accouchement, c’est-à-dire depuis 7 jours avant la naissance et jusqu’à 7 jours après, il y a un risque élevé d’infection sévère chez le nouveau-né (60 %). Sans traitement, la possibilité de décès est élevée (environ 30 %). Maladies infectieuses 291 3. Drapeaux rouges1-2 Situations à risque ——Grossesse et accouchement ——Immunosuppression : ‒‒chimiothérapie ou radiothérapie dans les 6 mois ‒‒greffe de moelle osseuse dans les 12 mois ‒‒traitement immunomodulateur : azathioprine, cyclosporine, méthotrexate, etc. ‒‒corticothérapie systémique dans les 3 mois (40 mg/j > 1 sem) ‒‒séropositivité pour le VIH avec nombre de CD4 < 200 cellules/mm3 ——Maladie pulmonaire chronique en charge spécifique selon algorithme (p. 292). ÄPrise Ä Critères de gravité ——Amas important de vésicules ——Fièvre persistante > 6 jours avec apparition de nouvelles vésicules ——Symptômes respiratoires : dyspnée, tachypnée, toux ——Manifestations neurologiques : signes cérébelleux, encéphalopathie ——Rash hémorragique ——Saignement : hémoptysie, saignement gastro-intestinal ÄUne Ä hospitalisation est à envisager. 4. Diagnostic5 Diagnostic différentiel ——Zona généralisé ou zona surinfecté : chez la personne âgée, ou la personne immunosupprimée ——Eruption médicamenteuse : si prise de médicaments ——Infection par entérovirus : contexte épidémique ——Impétigo (peut commencer par des vésicules avant l’apparition de croûtes) : chez l’enfant ——Dermatite de contact : topographie particulière ——Réaction allergique, de type syndrome de Stevens-Johnson : atteinte sévère 292 22. Varicelle chez l’adulte ——Pityriasis rosé de Gibert : rechercher une « plaque primaire » ——Gale : chez l’enfant ou en cas de conditions d’hygiène précaires ——Molluscum contagiosum disséminé : chez l’enfant ——Erythème multiforme : exposition médicamenteuse ——Pityriasis lichenoïde et varioliforme aigu (PLEVA) : patient jeune, état fébrile, mauvais état général ——Psoriasis en goutte : aspect squameux N.B. Avant son éradication, la variole était souvent confondue avec la varicelle. Radiographie du thorax ——Chez les patients avec une clinique évocatrice de pneumonie : dyspnée et/ou toux. Laboratoire ——Lors de présentation atypique ou particulièrement grave chez un patient immunosupprimé, le diagnostic peut être confirmé par des prélèvements sérologiques : les IgM apparaissent 1 à 2 jours après l’éruption, les IgG peu après les IgM. N.B. Une thrombocytopénie et une atteinte hépatique (type cytolyse) sont parfois présentes et se résolvent avec la disparition de la maladie. Autres examens paracliniques ——Une oxymétrie peut être pratiquée dans le même but que la radiographie du thorax. 5. Prise en charge | Traitement 5-8 Vaccination ——La vaccination est proposée en cas d’anamnèse négative chez l’enfant à partir de 11 ans et chez l’adulte séronégatif de moins de 40 ans, en particulier la femme en âge de procréer. ——En cas d’anamnèse incertaine ou négative, une sérologie (IgG) peut être effectuée. Maladies infectieuses 293 ——Chez un patient asymptomatique avec sérologie négative en contact avec une personne contagieuse (cf. Exposition significative, p. 294), la vaccination doit être effectuée au plus vite, en principe dans les 24 heures. ——Administrer deux doses de ce vaccin vivant atténué à intervalle d’au moins quatre semaines : 78 % de séroconversions sont observées après la première dose, alors que, suite à la deuxième dose de vaccin, le taux de personnes répondant positivement au test ELISA (> 5 unités) est de 99 %. ——12 % des sujets vaccinés présentent une forme atténuée de la maladie dans les 10 ans suivant l’injection. ——Avant l’administration, il convient de laisser s’évaporer l’alcool utilisé pour désinfecter. ——Contre-indications : ‒‒réaction antérieure de type anaphylactique à un vaccin (p. ex. allergie à la néomycine) ; ‒‒immunodéficience : CD4 < 200 cellules/mm3 ; ‒‒traitement stéroïde (prednisone ≥ 0,2 mg/kg/j ou ≥ 20 mg/j) pendant plus de 14 jours, ou traitement immunosuppresseur : la vaccination est possible 1 mois après l’arrêt du traitement ; ‒‒traitement par immunoglobulines ou produits sanguins (transfusions) durant les 5 derniers mois ; ‒‒grossesse à l’anamnèse : en cas de doute attendre deux semaines jusqu’aux prochaines menstruations. Toute grossesse doit être évitée dans le mois suivant la vaccination. ——La vaccination peut se compliquer rarement par : de l’anaphylaxie, une ataxie, une encéphalite, un accident vasculaire cérébral, une thrombocytopénie, un purpura idiopathique, une pneumonie. Il existe également un très faible risque de développer un zona suite à une vaccination. Patient symptomatique : stratégie de prise en charge (voir ci-contre) 294 A oui oui oui Traitement symptomatique non Fièvre et récente lésion cutanée (< 24 h) ? non Situations à risque? non Critères d’urgence ? absente B présente non D C Hospitaliser Prise en charge spécifique Immunosuppression Grossesse, accouchement Traitement symptomatique + antiviral Recherche de complication oui Maladie pulmonaire chronique ? Varicelle symptomatique chez l’adulte 22. Varicelle chez l’adulte Maladies infectieuses 295 A Traitement symptomatique Analgésique paracétamol 500 mg à 1 g max. 3-4 g/j acide acétylsalicylique 500 mg à 1 g, max. 3 g/j N.B. Chez l’enfant de moins de 12 ans, l’acide acétylsalicylique est contre-indiqué en raison du risque de syndrome de Reye. Antihistaminiques oraux contre le prurit chlorhydrate d’hydroxyzine 25 mg 1 ×/j cétirizine 10 mg cp 1 ×/j Topique ——Hygiène de base et savon désinfectant à la chlorhexidine ——Badigeon désinfectant (efficacité non démontrée) N.B. Le talc augmenterait le risque de surinfection par dessèchement cutané. ——Antihistaminique (si prurit important) Traitement antiviral recommandé B pour les adultes et les enfants > 12 ans aciclovir 5 × 800 mg/j PO 7 jours ou valaciclovir 3 × 1 g/j PO 7 jours ou famciclovir 3 × 500 mg/j PO 7 jours N.B. En Suisse, le valaciclovir et famciclovir ne sont pas enregistrés pour le traitement de la varicelle. 296 22. Varicelle chez l’adulte Grossesse (cf. schéma Exposition à la varicelle C durant la grossesse) Prophylaxie passive ——L’immunisation passive par immunoglobulines spécifiques (VZIG) doit être proposée durant les 72 à 96 heures après l’exposition au virus : VZIG 0,2 ml/kg (5-25 UI) IV. La perfusion doit débuter à 0,1 ml/kg/h. Si la tolérance est satisfaisante au bout de 10 min, le débit de perfusion peut être augmenté lentement jusqu’au maximum de 1 ml/kg/h. Antiviraux ——En présence de symptômes : valaciclovir 10 mg/kg 3 ×/j IV 7 jours. L’obstétricien doit être informé pour suivre la grossesse. Exposition à la varicelle durant la grossesse Symptômes et/ou signes oui Antiviraux non Ig G pos. Sérologie varicelle Ig G nég. Patient immunisé Immunoglobulines dans les 96 heures Rassurer, pas d’immunoglobuline Informer l’obstétricien Maladies infectieuses 297 N.B. Exposition significative à la varicelle : ——Contact en vivant sous le même toit qu’un cas en phase contagieuse ——Contact dans un milieu fermé avec une personne contagieuse pendant > 1 heure. Un contact face à face peut être jugé significatif si la durée est > 15 minutes (p. ex. : compagnon de jeux). ——Contact hospitalier en présence d’un cas contagieux dans la même chambre ou sur la même unité de soins ——Contact direct avec les lésions actives de varicelle D Immunosuppression Prophylaxie ——Les patients VIH positifs avec un taux de CD4 < 200 cellules/ mm3 ainsi que les patients sous traitement immunosuppresseur doivent recevoir une prophylaxie par immunoglobulines suite à une exposition à la varicelle. ——Les patients non-immunodéprimés séronégatifs à la varicelle doivent recevoir une immunisation active par vaccination qui doit être administrée durant les 24 heures après l’exposition au virus. Traitement ——Considérer l’hospitalisation ou assurer une étroite surveillance. Le traitement antiviral per os (valaciclovir ou famciclovir) est primordial aussitôt que possible (dans les quatre jours après l’apparition des vésicules). En cas d’immunodéficience sévère, un traitement IV par aciclovir est recommandé. 298 22. Varicelle chez l’adulte 6. Suivi | Complications | Pronostic Complications Pneumonie varicelleuse ——Première cause de mortalité en cas de varicelle. ——Facteurs favorisants : maladie pulmonaire pré-existante, tabagisme actif, femme enceinte, immunosuppression. ——Epidémiologie : 5 à 14 % des adultes développent une atteinte pulmonaire. ——Clinique : symptômes chez seulement 30 % des personnes atteintes. Atteinte du système nerveux ——Clinique : les atteintes peuvent aller d’une ataxie cérébelleuse bénigne à des manifestations sérieuses telles qu’une méningoencéphalite, une méningite, une vasculite affectant petits et gros vaisseaux. ——Epidémiologie : la myélite et l’encéphalite concernent 1-2 cas sur 10 000 cas de varicelle. Surinfections bactériennes ——Etiologie : elles sont principalement causées par le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A ou le staphylocoque doré. ——Clinique : atteinte cutanée, des tissus mous, atteinte invasive : arthrite, ostéomyélite, fasciite nécrosante, sepsis. Une augmentation importante de la fièvre pendant 2 à 3 jours doit faire suspecter une surinfection bactérienne. Complications hémorragiques ——Hospitalisation : la présence de signes évoquant une hémorragie doit amener à des investigations en milieu hospitalier : hématome, lésion hémorragique cutanée, saignement gingival, hémoptysie, méléna, etc. ——Clinique : des saignements pulmonaires, gastro-intestinaux, intracérébraux et une coagulation intravasculaire. Cicatrices ——La surinfection ou le grattage peuvent entraîner des cicatrices. Maladies infectieuses 299 7. Message ›› La varicelle est une maladie fréquente, très contagieuse, et banale chez l’enfant. ›› Elle peut se compliquer d’infections sévères, principalement pulmonaires, en particulier chez l’adulte. ›› La varicelle est redoutée chez les femmes enceintes et chez les patients immunosupprimés. Dans ces cas, la vaccination ne peut pas se faire de manière habituelle compte tenu de la nature virale atténuée et potentiellement infectieuse du vaccin. 8. Références bibliographiques | Liens 1. Heininger U, Seward JF. Varicella. Lancet. 2006 ; 368 : 1365-76. 2. Tunbridge AJ, Breuer J, Jeffery KJ. Chickenpox in adults : clinical management. J Infect. 2008 ; 57 : 95-102. 3. De Vallière S, Cani N, Grossenbacher M, Puig F, Masserey E, Bodenmann P. Comparison of two strategies to prevent varicelle outbreaks in housing facilities for asylum seekers. International Journal of Infections Diseases 2011 ; 15 : e716-e721 4. Kjersem H, Jepen S. Varicelle among immigrants from the tropics, a health problem. Scand J Soc Med 1990 ; 18 : 171-4 5. Meylan P, Kempf W, Gerber S, Aebi C, Agosti R, Büchner S, et al. Recommandations suisses pour la prise en charge des infections dues au virus de la varicelle-zoster. Forum Med Suisse. 2007 ; 7 : 895-905. 6. Office fédéral de la santé publique. Vaccination contre la varicelle. Bull OFSP. 2004 ;(45) : 846-8. 7. Office fédéral de la santé publique. Plan de vaccination suisse 2012 [Internet]. Berne : Office fédéral de la santé publique ; 2012. [consulté le 17 juillet 2012]. Disponible sous : www.bag.admin.ch/ 8. Goldman GS. Universal varicella vaccination : efficacy trends and effect on herpes zoster. Int J Toxicol. 2005 ; 24 : 205-13. 300